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Netizen Report : Obstacles à Internet même dans des démocraties avancées

dimanche 23 mars 2014 à 16:22
Un soldat non identifié semble défendre un chat russophone, qui se moque de la situation. Image non attribuée

Un soldat non identifié semble défendre un chat russophone, qui se moque de la situation. Image non attribuée

Ellery Roberts Biddle, Lisa Ferguson, Weiping Li, Hae-in Lim, Bojan Perkov et Sarah Myers ont contribué à l'écriture de ce billet.

[Liens en anglais] Le Netizen Report de Global Voices Advocacy offre un aperçu international des difficulté, victoires et tendances émergentes en matière de droits de l'Internet dans le monde entier. Le rapport de cette semaine commence en Russie, où la pression sur les sites d'information indépendants étaient à son maximum la semaine dernière à cause des tensions rapidement croissantes autour de la Crimée.

En vertu d'un ordre du procureur général, trois nouveaux portails d'informations de l'opposition : Kasparov.ru, Grani.ru, et EJ.ru-ont été bloqués suite à des accusations selon lesquelles ils ont appelé à “une activité illégale et à la participation à des manifestations qui sont menées contre l'ordre établi” . Le site très populaire du blogueur et figure de proue de l'opposition Alexey Navalny, qui est actuellement en résidence surveillée dans le cadre d'une affaire de détournements de fonds publics, a également été bloqué. En outre, la rédactrice en chef de l'important site web d'information Lenta.ru a été licenciée sous la pression du Kremlin. Selon une lettre [russe] publiée sur le site par les employés de Lenta.ru, son licenciement viole les lois russes sur les médias.

Le journaliste russe Alexandre Erenko a également été renvoyé de son travail après avoirrepris un commentaire critique de Facebook invitant M. Poutine à “occuper” la région russe de Vologodsk, où l'infrastructure publique est en mauvais état et de nombreux habitants n'ont pas accès aux soins de santé.

Liberté d'expression : We (don't) Chat ? Comptes de médias sociaux d'écrivains désactivés en Chine

Les comptes de messagerie instantanée publics de plusieurs écrivains populaires sur la plate-forme de médias sociaux chinois WeChat ont été désactivés le 13 mars, dernier jour de la session du Congrès national du peuple. En 2013, la popularité de WeChat a augmenté de façon spectaculaire. Les experts des médias sociaux attribuent cela à la reconnaissance de la plate-forme comme une solution alternative populaire pour ceux qui souhaitent éviter la censure sur des plateformes telles que Sina Weibo. Selon le Centre d'information sur Internet en Chine, 37 % des utilisateurs qui ont quitté Weibo l'année dernière ont commencé à utiliser WeChat, qui est géré par le géant de l'Internet Tencent. Le gouvernement chinois a l'habitude de resserrer son contrôle sur la liberté d'expression dans les moments politiquement sensibles comme les réunions du Congrès National du Peuple.

La semaine dernière, au Venezuela, de nombreux utilisateurs de TunnelBear ont signalé qu'ils ne pouvaient pas accéder au service VPN. Cela se vérifie quelques semaines après que TunnelBear eut rendu l'accès à ses services gratuit pour les utilisateurs vénézuéliens, en [TB1] réponse aux informations selon lesquelles l'accès au web était bloqué depuis le début du mouvement de protestations en cours. Réagissant rapidement, la société canadienne a déjà créé une nouvelle page de téléchargement pour les Vénézuéliens pour contourner le blocage apparent.

Brutalité : Internet a beaucoup d'ennemis

Pour la première fois dans l'histoire du rapport, l'organisation non-gouvernementale Reporters sans frontières a étiqueté trois organismes gouvernementaux dans des pays démocratiques comme Ennemis d'Internet [fr] : l'Agence de sécurité nationale [NSA] des États-Unis, le Siège des communications du gouvernement du Royaume-Uni et le Centre indien pour le développement de la télématique. La liste inclut également les noms des “suspects habituels” tels que la Syrie, l'Iran, la Chine et le Vietnam, ainsi que les nouveaux arrivants Russie, Pakistan et Ethiopie. Jillian York relève que la Turquie, le Maroc et la Jordanie sont curieusement absentes de la liste -les  auteurs de Global Voices ont noté que l'Algérie [en/fr], le Bangladesh [en/fr] et le Venezuela [es/en] ainsi que plusieurs autres pays connus pour la censure en ligne et pour l'oppression des blogueurs ont également été omis.

La militante syrienne et auteure de Global Voices Marcell Shehwaro a été détenue pendant plusieurs heures le 17 mars à Alep, avec un ami et compagnon de lutte Mohammad Khalili. Les deux amis ensemble avec un groupe de militants cherchaient à accrocher sur une place publique des photos de victimes tuées lorsqu'ils ont été arrêtés. Shehwaro a raconté que les autorités l'ont mise en garde à vue pour ne pas avoir porté le voile. Les deux militants ont été libérés dans les heures suivant l'incident.

Le journaliste zambien Thomas Zgambo, qui est confronté actuellement à des accusations possession de matériel de pornographie, qui pourraient avoir été montées de toutes pièces, aurait été battu par Kazim Sata, fils du président zambien Michael Sata. La raison de l‘agression est inconnue, mais le Front patriotique de M. Sata a voulu accuser Zgambo de sédition l'année dernière quand il a été trouvé en possession d'informations sur le président Sata. Zgambo est également confronté à des allégations selon lesquelles il est affilié au site indépendant bloqué Zambian Watchdog, qui est devenu très critique de l'administration Sata.

Vie privée : Pas de Safe Harbor États-Unis

Le Parlement européen a voté en faveur de la proposition de réforme de la loi sur la protection des données de Viviane Reding, Commissaire à la justice, qui suspend les principes de l'accord “Safe Harbor” UE-États-Unis ainsi que le Programme de surveillance du financement du terrorisme. Les nouveaux règlements comprennent des amendes plus élevées pour les violations de la protection des données, des limitations aux droits des citoyens à exiger l'effacement de leurs données personnelles ainsi qu'à l'usage des données des citoyens de l'UE en dehors de l'UE.

Industrie : Encore sous le choc des retombées de l'après-Snowden, Facebook vante les valeurs de la vie privée

Le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, a publié une déclaration invitant le gouvernement américain à assurer une meilleure confidentialité et sécurité aux utilisateurs d'Internet. Selon Forbes, cette déclaration a été faite très probablement après les révélations de l'existence de programmes de la National Security Agency (NSA) permettant l'espionnage en masse des utilisateurs de Facebook, en particulier en dehors des États-Unis. Selon le site The Intercept, la NSA utilisait également des serveurs de faux Facebook pour infecter les ordinateurs avec des logiciels espions. A voir.

Insécurité d’Internet : les Ukrainiens piratent l'OTAN

Des hackers ukrainiens ont revendiqué la responsabilité d'une attaque contre les sites web de l'OTAN avant le référendum de sécession en Crimée. Les membres du groupe hacktiviste Cyber ​​Berkut entendaient protester contre la prétention des dirigeants occidentaux que le vote était “illégal” en faisant tomber le site principal de l'OTAN et celui de son centre de cyber-défense.

Gouvernance de l'Internet : retenant ses larmes, USG annonce sa décision de renoncer au contrôle de DNS

Le gouvernement américain serait prêt à abandonner le contrôle de l'Internet Domain Name System (DNS) (système de noms de domaine d'Internet), qui est géré par la Société pour l'attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet {fr], une entité américaine à but non lucratif qui coordonnait les activités de l'Internet Assigned Numbers Authority (IANA), le répertoire d'Internet, depuis 1998 en vertu d'un contrat avec le Département du commerce des États-Unis. Le contrat se termine en 2015 et, selon les informations disponibles jusqu'à la semaine dernière, il ne sera pas renouvelé. ICANN devra travailler avec d'autres intervenants au niveau mondial, tels que l'Internet Engineering Task Force (IETF), l'Internet Society (ISOC) et les registres Internet régionaux, pour élaborer des plans de transition. La première réunion internationale pour discuter de ces questions aura lieu à Singapour le 23 mars.

Cyber-activisme : Le Web fête ses 25 ans!

Le World Wide Web, à ne pas confondre avec l'Internet, a eu 25 ans la semaine dernière. Sir Tim Berners-Lee, inventeur du World Wide Web, a rappelé comment son invention a révolutionné la société, depuis qu'il l'a développée en 1989. Global Voices a marqué l'anniversaire du Web avec une vidéo-conférence spéciale GV Face [fr] en direct avec son directeur technique, Jeremy Clarke, et la campagne Web We Want (le Web que nous voulons) avec sa responsable Renata Avila, Josh Levy et Alan Emtage, créateur du premier moteur de recherche sur Internet.

Les militants et alliés se sont réunis à BerlinSan Francisco et dans d'autres villes à travers le monde pour honorer Bassel Khartabil [fr], un développeur Web syrien et dirigeant de Creative Commons qui a été arrêté et emprisonné il y a eu deux ans samedi dernier. L'écrivaine néerlandaise et spécialiste des médias Monique Doppert, qui a récemment consacré un livre à l'histoire de Khartabil, a décrit sa relation avec Bassel dans un billet pour Global Voices Advocacy la semaine dernière.

Publications et études

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Six femmes réduites en esclavage au Sud-Liban

samedi 22 mars 2014 à 21:20
One of the 6 enslaved women in South Lebanon

Une des 6 femmes réduites en esclavage au Sud-Liban

Le site de Côte d'Ivoire Based-Koaci.com a révélé l'existence a Nabatieh, au Sud-Liban, de six femmes maintenues à l'état d'esclaves. Akissi Kouamé, l'auteur de l'enquête, écrit :

Deux togolaise[s], deux burkinabé[e]s et deux ghanéennes sont séquestrées depuis plus d'une semaine et sont sévèrement battues dans la ville de Nabatieh (sud du Liban) apprend t'on suite aux témoignages de deux d’entre elles ayant réussi à joindre la rédaction ivoirienne de koaci.com

Tout est arrivé après qu'elles aient tenté de fuir leurs lieux d'exploitation après s'être rendues compte d'avoir été trompées par un réseau de recrutement qui œuvre depuis le continent africain en vue de livrer du personnel de maison à moindre cout dans un pays et une culture où les noirs sont encore considérés comme des humains de second rang comme constaté par ailleurs quotidiennement dans les pays d'Afrique où ces derniers sont implantés.

Il poursuit en citant deux des femmes :

“Je veux rentrer chez moi, on m'a amené en trois fois au bureau de la mafia pour être punie corporellement parce que j'ai jugé insupportable de continuer de vivre chez la dame” livre par téléphone ce samedi soir l'une d'entre elle, une togolaise , qui après avoir réussi a joindre koaci.com depuis un mobile se l'est vu retirer par sa “maitresse”. ” On m'a roué de gifles et d'autres punitions corporelles avant de m'amener dans une vielle maison avec d'autres filles également en otage qui ont simplement voulu arrêter, comme moi, de travailler chez leurs maitresses” livrera la togolaise âgée de 24 ans. “On nous a vendues dans ce pays” nous a t'elle indiqué en pleure ajoutant: ” On a des diplômes d'apprentissage et on nous dit que nous allions seulement venir travailler ici, et voila que nous sommes devenues des esclave “.

Avant de raccrocher, elle a pu dire le nom de l'esclavagiste.

A nos interrogations quant au réseau, la victime aura le temps de nous livrer un nom, un certain Safi Kamal qui serait selon elle, le tout puissant patron de la nébuleuse. Il répondrait au numéro suivant 00961 037 64 569. Joint, ce dernier, nous raccrochera rapidement au nez à l'abord du sujet.

Une heure plus tard, c'est la deuxième Togolaise qui appelait :

Une heure après la fin de la conversation avec l'otage, une autre, la seconde togolaise, sans nul doute motivé par sa compatriote koacinaute, tentera à son tour de nous joindre depuis ce numéro 00961 768 944 34. La conversation durera à peine 45 secondes quand, subitement, elle se coupera après avoir entendu des violents cris d'hommes et des “non ne me frappez pas” de la jeune femme sans nul doute surprise par ses geôliers libanais.

Et d'ajouter :

Là encore, impossible nous sera de rentrer en contact avec la seconde victime âgée de 25 ans et originaire de Lomé. Sa dernière phrase qui nous glacera sera : “pardon, faites quelque chose pour me permettre de rejoindre ma famille en Afrique”.

L'information est restée 10 jours sur Koaci, sans qu'aucune chaîne d'information libanaise ne la traite. Mais après la publication d'une traduction sur le blog de l'auteur de ce billet, Dalal Mawad de la Lebanese Broadcasting Corporation (LBC) a sitôt enquêté (arabe).

فما حقيقة هذه المعلومات التي تناقلها موقع إفريقي؟

Quelle est la vérité sur ces affirmations du site web africain ?

Voici en quelques mots ce qu'a révélé l'enquête : appelant le numéro donné par Koaci, Dalal Mawad a fait croire à Safi Kamal qu'elle souhaitait embaucher une bonne. Kamal l'assure que la bonne n'aura droit à aucune pause ou appel téléphonique. A la question de ce qui se passerait si la bonne embêtait sa propriétaire, Kamal rassure l'appelante qu'on pourra “s'en occuper”. Dans l'ignorance que LBC l'avait appelé, il a nié en bloc quand Dalal Mawad est venue à Nabatiyeh l'interviewer. Elle a aussi pu s'entretenir avec une autre femme qui dit avoir été battue deux fois et interdite de rentrer au pays.

Les autorités affirment avoir ouvert une enquête.

#FreeBassel : Dans les coulisses de la résistance syrienne

samedi 22 mars 2014 à 20:42
Bassel "Safadi" Khartabil. Photo de Joi Ito via Flickr (CC BY 2.0)

Bassel “Safadi” Khartabil. Photo de Joi Ito via Flickr (CC BY 2.0)

Ecrit par Monique Doppert

J'ai fait la connaissance de Bassel à la rencontre des blogueurs arabes de 2009 à Beyrouth. La première fois que je l'ai vu en action, il aidait un présentateur à traduire un article technique de l'anglais à l'arabe — dans l'improvisation car on avait sollicité son aide à la dernière minute. Durant une pause café il m'a parlé de son projet d'ouvrir un espace hacker à Damas. Je savais que c'était un type très spécial.

Après sa conférence historique nous nous sommes vus à quelques reprises à Beyrouth et Damas. Et bien entendu j'ai visité son espace hacker, Aikilab.

Personne ne s'attendait à ce que la révolution arabe prenne dès son entame une expansion si rapide. Depuis ses débuts en mars 2011, je suis resté en contact avec Bassel et quelques uns de ses amis d'Aikilab. Je lui ai parlé d'un projet de diffusion de récits que je voulais faire, celui-ci devant se focaliser sur un groupe d'amis de la région. Avec le temps, cette idée initiale se transforma en un récit journalistique centré sur un personnage principal – Bassel. Damas devenant de plus en plus dangereuse à visiter, nous avons maintenu le contact par mail, Skype et à travers ses billets de blog et tweets (qui sont nombreux).

Free Bassel art via @YallaSouriya

Free Bassel art via @YallaSouriya

Bassel est un web-entrepreneur épanoui. Avant son arrestation, il avait travaillé pour des entreprises internationales, gagnant confortablement sa vie, et il passait de bonnes soirées animées avec ses amis du milieu cinématographique et artistique syrien. Lorsqu'un journaliste de la BBC lui a demandé de faire des vidéos sur la révolution syrienne et de les diffuser en cachette en dehors du pays, sa vie changea radicalement. Il dirigea une équipe de volontaires seulement armés de leurs téléphones cellulaires pour filmer la révolution syrienne et diffuser ses nouvelles via les réseaux sociaux. Bassel appréciait secrètement ce travail de résistance. Il se fit des amis à vie et rencontra la femme de ses rêves. Mais le combat se durcit. Les amis fuirent, furent arrêtés ou tués. Durant une longue période, Bassel lui même demeura étonnement indemne. Ses amis commencèrent à se poser des questions: qui le protégeait ? Ensuite, le 15 mars 2012—coîncidant avec le premier anniversaire de la révolution syrienne —la chance de Bassel s'interrompit. Il fut arrêté et torturé. Il est toujours emprisonné à ce jour.

Après son arrestation, mes recherches devinrent plus systématiques. Bassel fit des choses extraordinaires durant la première année de la révolution – je suis certain que l'histoire que je décris, ci-dessus, ne révèle que la pointe de l'iceberg.

Ecrire une histoire en tant qu'acteur externe est difficile, mais cela comporte aussi beaucoup d'avantages. Il est facile de poser des questions idiotes et comme je ne parle pas arabe, je me suis retrouvée à observer et à regarder les expressions de visages, le langage du corps et d'autres détails avec plus d'attention. Bien que l'on manque sans aucun doute certains aspects de l'histoire, analyser une situation de loin aide à mieux la clarifier et à la mettre dans une perspective plus large.

J'ai consulté la famille, les amis et les experts sur les risques encourus à publier l'article. La majorité pensa que l'importance de publier cette histoire dépasse de loin les nombreux risques potentiels. C'est la petite histoire d'un groupe d'amis – jeunes citadins de la classe moyenne – une partie de l'histoire récente de la Syrie. En tous points de vue, leur façon de vivre et leurs rêves ressemblent beaucoup à ceux de leurs cadets citadins, encore que leurs vies changèrent complétement pendant la révolution et la guerre civile consécutive.

Je pense qu'il est important de faire ressortir les premières idées pacifiques de la révolution. J'espère sincèrement que quelque lumière d'espoir de cette époque éclairera la guerre civile actuelle, et survivra à la violence et à la destruction qui ruinent présentement le pays.

Tout ce que je peux faire maintenant c'est espérer que Bassel redevienne très vite un homme libre. Il pourra alors rejoindre son épouse, sa famille et ses amis. Et lire cette histoire sur son smartphone.


Monique Doppert est une chroniqueuse qui défend la liberté d'expression . Chargée de projet chez Hivos, elle vit aux Pays Bas.

Les étudiants macédoniens qui demandent de meilleures conditions de vie sont “antipatriotiques”

samedi 22 mars 2014 à 20:29
A collage by anonymous author spread via Facebook, combining photo of a dorm den with statues from Skopje 2014 project.

Collage d'un auteur anonyme diffusé sur Facebook, associant une photo de la salle commune d'un dortoir avec des statues provenant du projet Skopje 2014, d'une valeur estimée à 500 millions d'euros.

Début mars 2014, des étudiants demandant de meilleures conditions de vie dans les dortoirs de l'université publique ont lancé un blog intitulé “Operacija studentski” [mk, macédonien] (“Opération dortoir”) illustré de photos de conditions de vie déplorables dans les bâtiments. La campagne incitait d'autres à diffuser l'information, et a dès lors suscité beaucoup d'attention à la fois dans le pays et à l'étranger.

Alors que la grande majorité des gens soutiennent les étudiants, la campagne a été critiquée et ils ont été qualifiés d’ “anti-Macédoniens” et d'”antipatriotiques” par des éditorialistes macédoniens.

Les étudiants ont continué à réclamer de meilleures conditions [de vie] dans les dortoirs de l'université et l'Opération dortoir étudiant a récemment publié [mk] sur son blog qu'après à peine 20 jours de diffusion des images et descriptions de l'état de détérioration des dortoirs de l'université publique sur les réseaux sociaux, ils ont obtenu plus d'attention “qu'en parlant aux autorités au cours des 20 dernières années” :

Операција Студентски Дом се роди чекајќи заглавен лифт, додека другиот лежи струполен до него затоа што паднал пред неколку години, се роди во чекањето ред во менза во оној период кога треба да има храна ( не кажувам вкусна, здрава храна, велам оброк едвај топол), иницијативата се роди чекајќи ред за туширање и ред за одење во тоалет ( ти треба некој да чува стража-затоа што нема врата), се роди и кога излезени пред домот чекавме да се изгасне пожарот од дотраената инсталација, се роди кога тропкаме кај комшиите на спрат дали повторно нема интернет, дали има топла вода кај нив, заедно да одиме кај управниците или веќе биле.

L'initiative Opération dortoir étudiant est née suite à l'attente d'un ascenseur bloqué, tandis que le second était en bas de la cage – où il était tombé il y a plusieurs années. L'idée est venue suite à l'attente dans la file du hall d'entrée à l'heure où la nourriture devait se trouver à disposition (ne parlons pas de nourriture savoureuse ou consistante mais seulement un repas chaud), en attendant après les autres pour se laver ou aller aux toilettes (il faut que quelqu'un surveille la porte – parce qu'il n'y a pas de porte), pendant qu'on aurait pu mourir dehors à cause d'un incendie provoqué par une installation électrique vétuste, pendant qu'on demandait aux voisins s'ils avaient Internet ou de l'eau chaude, ou que ce soit pour aller ensemble le déclarer au gestionnaire…

Le magazine étudiant indépendant Izlez (Exit) a publié sur Twitter [mk] que l'accès à Facebook pour les résidents des dortoirs étudiants de “Goce Delchev”, l'un des dortoirs identifié dans les photos fournies par l'Opération dortoir, a été bloqué après la révélation de l'affaire :

Accès à #Facebook bloqué pour les résidents des dortoirs étudiants de “Goce Delchev”  à #Skopje ce soir. Diffusez !

Un jour plus tard, Macedonian Telecom (T-Home), le fournisseur d'accès Internet du dortoir, a écrit sur Twitter [mk] qu'ils n'étaient pas à l'origine du blocage mais que c'était leur client, le ministère macédonien de l'éducation et des sciences [mk] qui utilisait leur logiciel. Le marquage montre que le logiciel a été modifié par le ministère depuis cette révélation.

La réaction la plus vive a pris la forme d'une tribune [mk] sur un site pro-gouvernemental Puls 24 par G. Angeleski, une personne prétendant être un ancien résident du dortoir. Il reconnaissait que l'information concernant les conditions de vie était vraie mais que parler de cela était “antipatriotique” :

Како што во рамките на едно семејство, остануваат проблемите на тоа семејство, така и маките што си ги имаме во државичкава, треба да си останат меѓу нас. Ама проклет да е неартикулираниов сајбер простор на кој ова го пишувам во моментов. Поголема, посилна, поуверлива антимакедонска реклама од оваа не можеше да излезе. “Yes, this is a student dormitory, and yes, there are 1200+ students living in it as we speak”, е ова е насловот на, мислам американскиот портал imgur.com. Кликнете, кликнете на насловот и погледнете, ако случајно до сега на ви се појавило на почетна. Гледате колку сме познати. Е оти преку океанот мајтап си прават со нас, е за тоа душа ме боли. Па и под секоја слика си има опис, опис на место. Оти цел свет ќе знае, е за тоа душа ме боли. И додека живеев во тој дом душа ме болеше, ама сега повеќе ме боли.

Јасно дека многу од вас ве боли за ова, оти вие секако не мислите да останете во државава. Да, многу од вас така мислат, ама кога ќе отидете по тоа Америките да работите и кога ќе му кажете дека сте од Македонија, ќе им биде шубе да се дружат со вас, да не имате некоја болест, оти таква слика сме оставиле. Уживаме во антимакедонските реклами, е за тоа душа ме боли. Јас сум живеел во тој дом, а и многу други кои ги познавам сеуште живеат во него и се луѓе на место, ама сега светот ќе не стави во класата со средноафриканските земји. Епа и вас треба душа да ве боли!

De la même manière que les problèmes d'une famille doivent rester dans la famille, les problèmes de notre pays Etat doivent rester entre nous. Maudit soit ce cyber-espace indifférencié que j'utilise pour écrire ceci ! Cela doit être le plus important et fort, le message anti-macédonien le plus persuasif qui soit.

“Oui, c'est un dortoir étudiant, et oui, il y a plus de 1 200 étudiants qui y vivent au moment où nous parlons” est le titre paru, je crois, sur un portail américain imgur.com. Cliquez, cliquez sur le titre et regardez, si vous ne l'avez pas déjà vu sur la première page [de votre compte Facebook]. Voyez comme nous sommes célèbres. En fait, je me sens blessé parce que ces gens à l'autre bout de la mer se moquent de nous. Ils ajoutent même des descriptions sous chaque photo, de véritables descriptions. Je me sens blessé parce que le monde entier saura désormais. J'étais blessé quand je vivais là-bas mais cela blesse davantage.

Je sais que beaucoup d'entre vous s'en moquent parce que vous voulez quitter le pays. Mais quand vous allez travailler en Amérique et que vous dites que vous venez de Macédoine, les gens ne vont pas sympathiser avec vous. A cause de ces images, ils agiront comme si vous aviez une maladie. Je me sens blessé parce que nous participons aux publicités anti-Macédoine. J'ai vécu dans ce dortoir et je connais beaucoup de gens qui continuent d'y vivre, mais désormais le monde nous classifiera avec les pays en développement en Afrique. Vous devriez aussi vous sentir blessés par rapport à cela !

Au cours d'une discussion sur Twitter au sujet de l'article ci-dessus, l'acteur et professeur Sinolichka Trpkova écrivait [mk] en référence à une récente campagne publicitaire du gouvernement :

Sans commentaire. C'est pire que l'état du dortoir. Gardez vos saletés sous le tapis, Macédoine – Eternellement.

L'Opération dortoir étudiant continue de publier des vidéos filmées dans le dortoir étudiant de “Goce Delchev”, faisant partie de l’université Saints-Cyrille et Méthode de Skopje. Au même moment, des sites plus influents tels que Business Insider aux Etats-Unis et le britannique Independent ont relayé l'information et des photos choquantes, dont certaines sont montrées dans la vidéo suivante.

En novembre 2013, Alternadil, un blogueur en visite venant de Serbie, comparait [serbe] ce dortoir à “un ghetto”. Un étudiant macédonien ripostait par un commentaire suite à sa publication :

Nazalost, studentski dom “Goce Delcev” je jedan od oni malo pristojnijih domova u Skoplje. Treba da vidis kako izgleda studendski “Stiv Naumov” ili neki od srednoskolskih internatima. E to je prava mizerija! Kada ih uporedim, Goce izgleda kao hotel sa bar 3-4 zvezdicama. Jos pateticniji trenutak je to sto je pozeljno da imas neke veze da bi imao mesto u dom ili malo bolju sobu. I to je tako vec godinama… Apsolutna mizerija! Razumem da nam je standard takodje mizeran, al nije do tolko!

Malheureusement, le dortoir “Goce Delchev” est l'un des plus récents à Skopje. Vous devriez voir le dortoir “Stiv Naumov” ou quelques dortoirs pour les étudiants de grandes écoles. Et c'est là que vous verrez la véritable misère ! En comparaison, “Goce” est comme un hôtel trois ou quatre étoiles. Le plus pathétique c'est qu'il faut avoir des relations même pour avoir un lit dans les dortoirs, ou pour déménager dans une chambre légèrement mieux. C'est comme ça durant des années… La misère absolue ! Je sais que notre niveau de vie est misérable aussi, mais pas à ce point !

De quoi parle-t-on quand on parle d’ impérialisme ?

samedi 22 mars 2014 à 19:11

Dans le conflit en Crimée comme en Centrafrique,  les accusations d’ impérialisme fusent à profusion. Les occidentaux accusent la Russie d'impérialisme en Crimée, les Russes accusent les occidentaux d'impérialisme culturel. De même, de nombreux observateurs africains accusent la France d'impérialisme pour ses interventions au Mali et en Centrafrique. La multiplication de cette terminologie pose la question de la signification véritable du mot. Quand parle-t-on d'impérialisme ? Que met-on derrière ce terme ? Et son utilisation dans ces différents contextes est-elle justifié ?

Un historique de l'impérialisme

La définition du mot impérialisme ne prête pourtant pas vraiment à confusion. Le plus souvent, on parle d’impérialisme (culturel) quand un pays imposerait à d'autres avec des moyens divers et variés une idéologie ou un mode de vie. Sur Global Voices, le mot impérialisme est apparu 200 fois entre 2008 et 2014 et tous les continents ont traité au moins une fois le sujet. Les statistiques de Google Trends liés à l'impérialisme donnent les tableaux suivants :

Les pays cherchant le mot impérialisme le plus souvent

Les pays cherchant le mot impérialisme (en anglais) le plus souvent

 

Les mots associés le plus souvent à ce mot:

tops des mots associés à l'imperialisme sur Google

tops des mots associés à l'imperialisme sur Google

 

Dans le version française du mot, depuis 2007, les tendances affichés par Google sont plus tournées vers l’Europe avec comme titres ayant attiré le plus d'audience sur les questions d'impérialisme ces dernières années: la presse qui dénonce l'impérialisme germanique en 2012, les questions sur la fin de l'impérialisme américain et la lutte contre l'impérialisme en Afrique.
Il apparait aussi que parmi les villes francophones,  ceux sont les habitants de Dakar qui seraient le plus intrigués par la question de l'impérialisme :

Les villes ayant recherché le mot "impérialisme" le plus souvent - via Google Trends

Les villes ayant recherché le mot “impérialisme” le plus souvent – via Google Trends

Au regard de ces informations, Il n'existe donc pas un seul type d'impérialisme mais bien plusieurs versions, menés par différentes puissances. Ces questions continuent de faire parler dans le monde entier mais chaque pays semble accuser une puissance spécifique d'impérialisme sans vraiment définir ce qu'elle entend par ce mot.

L'impérialisme selon les régions

L'actualité est évidemment tournée vers les actions militaires Russes en Crimée. Les médias européens ont beaucoup parlé d'impérialisme russe suite au référendum sur l'autonomie de la Crimée. Quentin Boulanger, co-fondateur de l'association de promotion de la coopération territoriale et des jumelages “Nord-Europe”, alerte sur la nécessité pour la France et l'Europe de sortir du schéma trop simpliste des pro-europeens contre les pro-russes :

La révolution actuelle n’a pas été initiée par des questions de politiques étrangères mais bien par des motifs internes. Il s’agit d’une opposition entre un large spectre de la société et un gouvernement kleptocratique, corrompu et abusif. Ce n’est pas l’est contre l’ouest et Monsieur Ianoukovitch n’est pas coupable d’amitié avec le Kremlin mais bien d’abus de pouvoir.

Boulanger ajoute dans un billet ultérieur, quelques jours avant le référendum :

Aujourd’hui, ce n’est pas une question de pro-européens contre Russie qui agite l’Ukraine mais celle de l’exercice de ce droit par la Crimée. Ainsi, si Moscou viole sans aucun doute le principe de non-ingérence sa présence peut-être interprétée comme l’anticipation d’un référendum au résultat incertain que le gouvernement de Kiev refuserait de reconnaître ou même de voir organiser. Pour le Kremlin, la présence en des poids stratégiques comme les aéroports est donc une sécurité devant permettre à la Crimée d’exercer librement son choix.

D'autres blogueurs au Canada dénoncent même le jugement “deux poids, deux mesures” quand il s'agit de comparer l'impérialisme russe à celui des Etats-Unis.

Les actions de la Russie peuvent être taxées d'impérialisme mais la volonté de la Crimée de privilégier ses relations avec la Russie sont réelles et ne peuvent être négligées.

En Centrafrique, L'intervention militaire française, même si elle a pu ralentir l'escalade du conflit au début de ses opérations, semble s'enliser dans un contexte très compliqué et de plus en plus inquiétant. Jean Batou dans Contretemps explique pourquoi l’intervention militaire française en Afrique comporte de nombreux risques de dérives :

Rien ne serait plus trompeur que d’envisager l’impérialisme français en Afrique au seul prisme de ses « chasses gardées postcoloniales », même s’il est par ailleurs prématuré de pronostiquer l’extinction de la Françafrique. Les autorités hexagonales ont ainsi commandité pas moins de trois volumineux documents sur les perspectives stratégiques de la France en Afrique. Le plus récent des trois annonce clairement la couleur : « L’Etat français doit mettre au cœur de sa politique économique le soutien à la relation d’affaires du secteur privé et assumer pleinement l’existence de ses intérêts sur le continent africain »

L'intervention au Mali avait déjà soulevé de nombreuses questions, comme celle Mireille Fanon-Mendes-France, experte à l'ONU et présidente de la Fondation Frantz Fanon :

Il s’agit de profiter de la déliquescence d’Etats sous domination continue depuis les indépendances pour réintroduire directement une présence militaire camouflée derrière des armées locales dont nul n’ignore l’insigne faiblesse. Dans ce jeu géostratégique, le Mali devient otage d'une volonté des Etats impérialistes et de leurs soutiens.

La Malienne Aminata Traoré abondait dans son sens en rappellant que :

Aujourd’hui la militarisation pour le contrôle des ressources de l’Afrique fait parti de l’agenda. Ce qui se passe aujourd’hui au Mali est l’illustration d’une nouvelle étape de la politique de mainmise sur les ressources du continent, notamment les ressources énergétiques, sans lesquelles la sortie de crise, la croissance et la compétitivité ne sont pas envisageables par l’Occident.

La grille d'analyse de ses observateurs semble oublier un volet important de ses actions “impérialistes”, que ce soit en Crimée, en Centrafrique ou au Mali: la préférence des communautés qui ont bénéficié directement des interventions militaires menées dans ces régions. Il semblerait que l'analyse dépend du prisme choisi par l'observateur. La phrase bien connue de Gerald Seymour “one man's terrorist is another man's freedom fighter” (le terroriste de l'un est le combattant de la liberté d'un autre) pourrait donc désormais avoir son pendant dans la géopolitique actuelle: L'impérialiste de l'un serait bien alors le combattant de la liberté d'un autre.