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28 ans plus tard, les émeutes d’ “El Caracazo” toujours au centre du débat au Venezuela

samedi 4 mars 2017 à 15:52

Photo: Francisco Solórzano. Publiée par Bernardo Londoy sur Flickr sous licence générique d'attribution non commerciale 2.0 (CC BY-NC-SA 2.0).

Le 27 février 1989 et la semaine suivante sont des dates gravées dans la mémoire de nombreux Vénézuéliens et sont considérées comme un tournant majeur dans l'histoire moderne du Venezuela. Elles ont marqué le début d'une série d'émeutes, de pillages et de fusillades qui ont causé la mort de centaines de personnes, qui a été surnommée “El Caracazo” ou “El Sacudón”, que l'on peut traduire approximativement par “Le Grand coup de Caracas”.

Les émeutes sont nées de manifestations dans Caracas en réponse à des mesures du gouvernement qui auraient provoqué la flambée des prix de l'essence et des transports en commun.

Le 27 février 2017 a marqué le 28e anniversaire d'El Caracazo, événement qui a généré un tel débat qu'il est devenu l'un des sujets les plus discutés sur Twitter au Venezuela. Beaucoup ont partagé leurs souvenirs des émeutes, et les utilisateurs pro-gouvernement et pro-opposition se sont lancés piques sur piques, déclarant qu'El Caracazo a marqué le début des divisions politiques d'aujourd'hui ou alors qu'il a été le point de départ d'un mouvement populaire contre l'oppression :

28e anniversaire de l'explosion sociale du “Caracazo”, mouvement populaire né du rejet des mesures économiques qu'on voulait nous imposer !! #27FLevezVous

El Caracazo n'a rien d'une explosion sociale, c'était une opportunité manipulée pour que l'anarchie sème les graines du chavisme !

Le “spasme de chaos qui a changé le Venezuela à jamais”

Le contexte, les causes et les conséquences d'El Caracazo sont encore aujourd'hui largement discutés et analysés. Etant donné l'impact des émeutes sur l'histoire et la crise contemporaine du Venezuela, le collectif en ligne “Caracas Chronicles” [Les chroniques de Caracas] a consacré une série de publications au souvenir, à l'explication et à l'analyse de ce “spasme de chaos en 1989 qui a changé le Venezuela à jamais”.

Trois publications de cette série ont été consacrées à l'explication de ce qui s'est passé lors d'El Caracazo et de la place qu'il occupe dans le discours politique actuel. Rafael Osío Cabrices et Cynthia Rodriguez ont ainsi rassemblé des références et des témoignages et tentent de comprendre ce qui s'est passé avant, pendant et après les émeutes :

[Former Venezuelan president Carlos Andrés Pérez] ran on a promise to make Venezuela great again, after five years of economic decline and corruption scandals […] Those who voted for him expected another consumerist orgy like the one Venezuela enjoyed during his first administration in the 70s. It wasn’t to be. Though oil prices were about the same that in 1977, the national debt was twice the size of the international reserves, and there were many more people around.

[L'ancien président vénézuélien Carlos Andrés Pérez] avait axé sa campagne sur la promesse de rendre au Venezuela sa grandeur, après cinq années de déclin économique et de scandales de corruption […]. Ceux qui avaient voté pour lui espéraient vivre une nouvelle frénésie consumériste comme celle qui avait animé le Venezuela lors de son premier mandat dans les années 70. Il n'en fut rien. Bien que le prix du pétrole n'ait presque pas bougé depuis 1977, le montant de la dette nationale avait atteint le double de celui des réserves de change, et la population avait beaucoup augmenté.

De nombreuses mesures prises par l'ancien président étaient très controversées, mais celle qui a enflammé les rues a été la fin des subventions à l'essence. Comme mentionné plus haut, cette décision a entrainé la flambée des prix de l'essence et des transports en commun et provoqué des manifestations dans la capitale et ses environs :

We call it El Caracazo because the capital was the main theater and the main source of victims. However, starting at noon on Feb. 27 the contagion reached dense commercial areas in [cities surrounding the capital]. Police, [the National Guard] and DISIP [the National Directorate of Intelligence and Prevention Services] were unable to stop violence also there […] By the morning of Feb. 28, looters were at ease in western and central Caracas. Clearly outnumbered, the [Metropolitan Police] seemed paralyzed, thus the riots spread. No political leader was conducting the violence. Some streets and avenues in Central and Western Caracas were blocked by barricades or burning buses and trucks. It was a feast of rage and also joy, desperate poverty and pragmatic opportunism. Police and soldiers were there, but doing nothing; they were waiting for orders. Meanwhile, from the barrios in the slopes of the mountains surrounding the Caracas valley, the poor descended in masses. Finally, the prophets of disaster were right: “el día en que bajarán los cerros” [the day the slums will come down to the city] had come.

Nous l'appelons El Caracazo parce que la capitale a été le théâtre principal et l'endroit qui a compté le plus de victimes. Néanmoins, dès le 27 février à midi, la contestation s'est étendue à d'importantes zones commerciales dans [des villes autour de la capitale]. La police, [la garde nationale] et la DISERS [DIrection générale des Services de Renseignement et de Sécurité] n'ont pas réussi à contenir la violence dans ces zones. […] A partir du 28 février au matin, les pilleurs étaient présents en force à l'ouest et au centre de Caracas. Largement en infériorité numérique, la [police municipale] semblait paralysée, et donc les émeutes se sont propagées. Aucun responsable politique ne contrôlait cette violence. Certaines rues et avenues dans le centre et à l'est de Caracas étaient bloquées par des barricades ou des bus et des camions en flammes. Ce fut un déchaînement de rage mais aussi de joie, de pauvreté désespérée et d'opportunisme pragmatique. La police et l'armée étaient présentes, mais elles ne faisaient rien ; elles attendaient des ordres. Dans le même temps, les pauvres issus des quartiers sur les flancs des montagnes qui encerclent la vallée de Caracas sont descendus en masse. Les prophètes du désastre avaient raison : ““el día en que bajarán los cerros” [le jour où les collines descendront sur la ville] était arrivé.

La série présente également une analyse détaillée de l'un des rapports établis par PROVEA, une ONG vénézuélienne qui promeut les droits humains et documente les violences. Son travail auprès des victimes d'El Caracazo a révélé de nouvelles découvertes d'abus commis par la police et l'armée :

Most deaths during this period were caused by high caliber bullet wounds located from the waist up, occurring at night during the curfew. According to reports by victims’ relatives, the military tactic prevalent in popular areas of Caracas […] was indiscriminate fire against apartments and houses, many of which were completely destroyed, in response to a few snipers.

La plupart des morts de cette période ont été causées par des blessures par balles de gros calibre sur la partie supérieure du corps, de nuit et pendant le couvre-feu. D'après les récits des familles des victimes, la tactique militaire la plus répandue dans les zones populaires de Caracas […] consistait à faire feu au hasard sur des appartements et des maisons, entrainant la destruction de nombre d'entre eux, en réponse à quelques francs-tireurs.

A propos du nombre de morts, le rapport déclare :

The official figure of 276 fatalities was reported by the then Prosecutor General, although that institution hadn’t made an exhaustive investigation on the matter. Official secrecy, limitations imposed on the press and severe repression, prevented casualties from being appropriately counted and recorded.

On the other hand, we’re left to wonder if the final count has any relevance, considering the unacceptable death pattern, regardless of whether the pattern caused a thousand, ten or even only one victim. The Venezuelan Constitution doesn’t allow the suspension of guarantees that protect the right to Life and yet, there’s a persistent sensation that the suspension of some guarantees was taken by the various security forces as a licence to kill. A captain was recorded by a news outlet saying: “Soldiers have been killed here and when that happens, we intensify our work… [killing] isn’t hard, because we’re already indoctrinated, accustomed and psychologically prepared.”

Le chiffre officiel de 276 victimes a été établi par le procureur de la république de l'époque, malgré le fait que la justice n'avait pas mené d'enquête approfondie sur le sujet. Le mutisme politique, les restrictions imposées à la presse et une sévère répression ont empêché que les victimes soient correctement comptées et enregistrées.

D'un autre côté, nous nous interrogeons quant à la pertinence du bilan final étant donné le caractère inacceptable de la façon dont ces personnes ont été tuées, quand bien même il y aurait eu un millier, une dizaine ou même une seule victime. La Constitution vénézuélienne ne permet pas la levée des garanties qui protègent le droit à la vie, et persiste pourtant le sentiment que la levée de certaines de ces garanties a été considérée par les différents services de sécurité comme un permis de tuer. L'équipe d'un journal télévisé a interrogé un capitaine qui a déclaré : “des soldats ont été tués ici, et dans ce cas-là, nous travaillons plus dur… ce n'est pas difficile [de tuer] parce que c'est ancré en nous, nous avons l'habitude et nous sommes prêts psychologiquement.”

Les réactions de la population, les affrontements avec la police, les atteintes aux droits humains et les récits confus concernant El Caracazo sont toujours des sujets qui divisent le Venezuela d'aujourd'hui, particulièrement pour ceux qui pensent que la crise politique et économique actuelle est liée aux jours qui ont suivi ce 27 février.

Dans sa partie de la série intitulée “Confronting El Caracazo” (Face au Caracazo), Gianmarco Greci considère qu'il s'agit d'une période très douloureuse et confuse dans l'histoire du pays, qu'il faut essayer de comprendre ou alors à laquelle il ne faut pas penser du tout :

The responses break down into two overarching narratives: on the one hand the estallido social [a social explosion] narrative of a shortsighted people who did not understand much needed reforms and opted instead for savage chaos. On the other, the despertar de un pueblo [a people's awakening] narrative which politicizes the events as inchoate Chavismo, the awareness-creating moment of a massive political movement against imperialist neoliberalism. Two readings, two Venezuelas.

On peut ramener les différentes réactions à deux lectures principales : d'un côté, celle de l’estallido social [l'explosion sociale] de la part de personnes incapables de penser sur le long terme et qui n'ont pas compris l'importance réelle de ces réformes et se sont au contraire adonnées au chaos le plus sauvage. De l'autre, celle du despertar de un pueblo [le réveil de tout un peuple], une vision politisée qui voit en ces événements un chavisme embryonnaire, un instant-T de la prise de conscience générée par un immense mouvement politique opposé au néolibéralisme impérialiste. Deux lectures, deux Venezuela.

La ville de Granada en Colombie, emblème de la guerre et de la paix

vendredi 3 mars 2017 à 17:40
Granada (Antioquia). Marcha de los granadinos el 9 de diciembre de 2000. Movilización incentivada por el Comité Interinstitucional en contra de la incursión paramilitar el 3 de noviembre y la toma armada de las FARC el 6 y 7 de diciembre del mismo año. Fuente: Archivo local de ASOVIDA. Fotografía: © Jesús Abad Colorado.

Granada (Antioquia). Marche des Granadins le 9 décembre 2000. Mobilisation lancée par le Comité Inter-institutionnel contre l'incursion paramilitaire du 3 novembre et la prise armée des FARC le 6 et 7 décembre de la même année. Source: archive locale de ASOVIDA. Photographie: © Jesús Abad Colorado.

La ville colombienne de Granada, située à 370 km de la capitale, 10.000 habitants, a souffert des horreurs de la guerre pendant 25 ans. Malgré tout, ses habitants ont réussi à construire des espaces de paix et de réconciliation, qui sont mentionnés dans le livre “Granada, mémoire de guerre, résistance et destruction”, publié par le Centre de Mémoire Historique – institution créée par le gouvernement colombien afin de documenter la guerre et ses victimes des 50 dernières années. On peut y lire:

La population civile s'est servie de la force de ces arguments et de l'identité collective, et a développé un répertoire d'actions collectives et individuelles qui leur a permis de survivre, résister et reconstruire les ruines laissées par la confrontation armée, avec la ferme intention de faire de Granada un ‘Territoire de paix’.

La guerre

Grâce à sa situation géographique privilégiée dans une zone montagneuse, proche de l'autoroute reliant Medellín à Bogota, Granada était devenu un objectif de la guérilla, des paramilitaires et de l'armée, depuis le milieu des années 80. Elle a subi menaces, massacres, voitures piégées, déplacements de population, occupation militaire, séquestrations et exécutions arbitraires.

La vidéo suivante résume sa tragédie et reconstruction depuis 1982. Comme le narre par un habitant : “La douleur nous a unis et la solidarité nous a fait avancer”. C'est grâce aux mobilisations populaires, aux comités d'actions communales, aux coopératives, aux associations de promotion de projets sociaux, aux assemblées communautaires et à l'intervention de l'Eglise catholique, que les effets de la guerre n'ont pas dévasté la communauté et ses valeurs.

Lors de ces moments de violence, Granada est restée unie autour d'un projet commun. Il n'y avait aucune différences de couleur, de parti, biologique ou autre. Ils regardaient tous dans la même direction, unis et ensemble, se tenant par la main.

La survie

Malgré la fracture de son tissu social, la créativité et la persistance ont réussi à pallier ces effets.

Dans le quartier où nous vivions, nous avions les clés d'une maison qui était un sous-sol. Ici les maisons se construisent en dessous et au dessus de la terre, et c'est pour ça que beaucoup de maisons se sont effondrées… et on savait bien que la guérilla et les paramilitaires allaient rentrer et on courrait tous avec nos matelas, des thermos de aguapanela, et des paquets de biscuits Saltinas et on rentrait tous se réfugier dans le premier lieu que nous trouvions… comme les ghettos pendant la Seconde Guerre Mondiale. (CNMH, Groupe Focal d'Educateurs, femme, 26 septembre 2014).

Pendant l'occupation paramilitaire (2002 – 2004) le couvre-feu nocturne a obligé la population à créer des lieux de rassemblements fermés.

Du point de vue de la vie sociale nous faisions des choses qui sont aujourd'hui communes à voir, mais qui ne l'étaient pas à l'époque, appellées “lunadas”, et qui consistaient à se rassembler dans une maison à plusieurs et parler ou regarder un film, ce que l'on appelle aujourd'hui soirées pyjamas. Avec les psychologues on faisait parfois des travaux de groupe, et on finissait au petit matin tous ensemble en regardant un film ou en faisant des activités. (CNMH, homme, ex-fonctionnaire de la mairie, entretien du 19 septembre 2014)

Entre 2004 et 2010, d'après le livre “Granada: Mémoires de guerre, résistance et destructions”, le premier vendredi de chaque mois les Granadins allumaient des bougies devant les portes et les balcons de leurs maison en mémoire des victimes.

Par la suite l'initiative pris davantage d'ampleur et les gens commençaient à vaincre leur peur et à se diriger munis de leur lampes en direction du parvis de l'église, convertissant cela en un acte de résistance.”

L’initiative “Ouverture de chemins pour la vie”, qui consistait à ce que les habitants parcourent les chemins où étaient passés les assassins avec leur victimes, fut créée au même moment, afin de donner un nouveau sens à la vie. Ils ont également construit un chemin de croix avec des pierres de couleurs peintes avec le nom des 128 disparus de la région et construisirent par la suite le “Parc de la vie” où ils reposent aujourd'hui de manière permanente.

Le Salon du “Plus Jamais”

Le Salon du “Plus Jamais” est un espace permanent dans la Maison de la Culture de Granada où sont exposés 254 photographies, vidéos et textes des victimes de la guerre et de leur famille.

Salón del Nunca Más. Autor: Asociación de víctimas de Granada (Asovida), 2007.

Salon du Plus Jamais. Auteur: Associación de víctimas de Granada (Asovida), 2007.

Dans cette vidéo, les habitants de Granada expliquent la raison d'être du Salon : “Nous voulons sensibiliser la communauté, regrouper l'histoire de la commune et ne pas oublier ce qu'il s'est passé”

A côté des photographies, on trouve des histoires écrites par les familles des victimes.

Devant les photographies des victimes on retrouve des journaux de bord que les familles des défunts se chargent de compléter chaque jour. Dans ces pages ils décrivent des nuits de douleurs, de tristesses insoutenables liées à l'absence de leurs êtres chers. Ces journaux sont la preuve du pouvoir que les mots ont sur les souvenirs..

Dans le Salon des expositions sont programmées, dont notamment “Traditions et fantômes de la vérité quotidienne”, qui explorent les mythes populaires associés à la tragédie vécue, telles que les chimères comme La Patasola, la Madre Monte, la Llorona, el Mohán, el Costalón, toutes reliées aux mines terrestres, aux disparus, aux veuves et au recrutement forcé.

La page internet du Salón décrit :

“C'est un lieu que tout Colombien devrait connaître afin que les atrocités que ce pays a commises sur des innocents qui n'avaient rien à voir avec cette guerre restent dans les mémoires de chacun”.

Construire la paix en Colombie prendra beaucoup de temps, mais les leçons de vie comme celle de Granada faciliteront le chemin vers celle-ci.

A Obama, au Japon, le printemps se fête avec de l'eau et du feu

vendredi 3 mars 2017 à 15:34
Omizu Okuri festival in Obama

Feu de joie au festival Omizu Okuri d'Obama, Préfecture de Fukui. Photographie de Nevin Thompson.

Chaque année depuis au moins mille deux cent cinquante ans, pendant une nuit bien particulière, la foule se rassemble dans un temple solitaire dans les collines au-dessus d'Obama, une petite ville de pêcheurs de la mer du Japon, pour préparer l'arrivée du printemps avec du feu et de l'eau. Le temple Jinguji [en] accueille le Omizu Okuri [en] (“l'envoi de l'eau”), quand l'eau sacrée est envoyée d'Obama à l'ancienne capitale impériale Nara, quatre-vingt-dix kilomètres au sud.

Cette année, le festival a lieu le 2 mars. L'eau est sensée voyager vers Nara pendant dix jours. La cérémonie incorpore des rituels bouddhiste et shinto ainsi que ceux du Shugendo, une ancienne forme de vénération de la montagne longtemps pratiquée dans la région d'Obama. Le festival fait grand usage du feu et produit des photographies superbes :

La capitale impériale du Japon fut Nara pendant presque tout le huitième siècle. La cité était le centre administratif et religieux, et de nombreux temples satellites durent construits dans les provinces japonaises. Jinguji, à Obama, marque le site de l'un de ces temples, et “envoie” de l'eau au grand temple Todaiji de Nara chaque mois de mars depuis au moins un millénaire. D'après Wikipédia :

The water [at Jinguji, in Obama] is actually drawn into two pots, one pot containing water from the previous year, and another that contains the water from all previous ceremonies. From the pot of water that holds the water of the current year, a very small amount of the water is poured into the pot which holds the mixture of water from all of the previous ceremonies. The resulting water mixture is preserved each year, and this process has taken place for over 1,200 years.

L'eau [à Jinguji, à Obama] est en fait transférée dans deux pots : l'un contient l'eau de l'année précédente, et l'autre contient celle de toutes les autres cérémonies passées. Du pot qui contient l'eau de l'année en cours, une toute petite quantité est versée dans le pot qui contient le mélange des eaux de toutes les cérémonies passées. Le mélange qui en résulte est préservé chaque année, et ce processus a lieu tous les ans depuis plus de mille deux cent ans.

Dans le cadre de la cérémonie, un feu de joie est allumé sur le terrain de Junguji avant qu'une procession de porteurs de torches et de l'eau elle-même se mette en chemin dans les collines, vers la source de la rivière Onyu, où la cérémonie Omizu Okuri sera complétée en versant l'eau dans le ruisseau.

omizu okuri obama

Festival Omizu Okuri d'Obama, Préfecture de Fukui. Photographie de Nevin Thompson.

De facon générale, le feu est destiné à purifer l'eau et les participants du festival pour les aider à prendre un nouveau départ avec le printemps.

Omizu Okuri festival in Obama

Festival Omizu Okuri d'Obama, Préfecture de Fukui. Photographie de Nevin Thompson.

En conséquence, le festival dans les collines d'Obama attire chaque année des centaines de spectateurs.

Omizu Okuri festival in Obama

Festival Omizu Okuri d'Obama, Préfecture de Fukui. Photographie de Nevin Thompson.

La plupart des participants à la cérémonie sont des villageois locaux et sont vêtus de costumes blancs traditionnels typiques des pratiquants du Shugendo [en].

Omizu Okuri festival in Obama

Festival Omizu Okuri d'Obama, Préfecture de Fukui. Photographie de Nevin Thompson.

Les membres de la procession vers la source de la rivière Onyu doivent porter des masques et des capuchons pour se protéger des étincelles produites par les énormes torches.

Omizu Okuri festival in Obama, Fukui Prefecture. Photo by Nevin Thompson

Festival Omizu Okuri d'Obama, Préfecture de Fukui. Photographie de Nevin Thompson.

Omizu Okuri festival in Obama

Festival Omizu Okuri d'Obama, Préfecture de Fukui. Photographie de Nevin Thompson.

Omizu Okuri festival in Obama

Festival Omizu Okuri d'Obama, Préfecture de Fukui. Photographie de Nevin Thompson.

Quant à savoir si l'eau voyage vraiment d'Obama à Nara, c'est une autre histoire. Il y a plusieurs chaînes de montagnes sur le chemin ainsi que le plus grand lac du Japon, le lac Biwa. Le festival Omizu Okuri est davantage une célébration symbolique de l'arrivée du printemps.

Le Kirghizistan, havre de paix pour les journalistes d'Asie centrale

jeudi 2 mars 2017 à 23:00

Carte politique de l'Asie centrale. Sous licence Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported.

Cet article a été originellement publié par notre site partenaire EurasiaNet.org. Il a été rédigé par Zukhra Iakupbaeva, qui écrit également pour Global Voices. Article reproduit avec permission.

Dans une région du monde où la vie de journaliste est loin d'être aisée, le Kirghizistan se présente comme un refuge relativement sûr. Depuis plusieurs années, des journalistes venus de différentes régions d'Asie centrale s'y sont installés, souvent pour leur sécurité et leur carrière, et parfois pour des raisons plus personnelles.

Le classement mondial de la liberté de la presse établi en 2016 par Reporters sans frontières est sans équivoque : l'Asie centrale n'est pas une région bienveillante envers la libre circulation de l'information et le journalisme indépendant. Des nations telles que le Turkménistan et l'Ouzbékistan stagnent tout en bas de la liste aux côtés de pays tels que la Corée du Nord ou l’Éthiopie. Par ailleurs, les organes de presse au Tadjikistan souffrent depuis longtemps, mais la répression s'est intensifiée depuis fin 2015 et a entraîné la fuite de dizaines de journalistes.

Les récits de trois journalistes venus des quatre coins d'Asie centrale témoignent de la façon dont Bichkek s'est imposée comme une destination phare pour les personnes en quête de liberté créative et intellectuelle.

Pour Diana Rakhmanova, journaliste de 27 ans du Tadjikistan, un séjour au Kirghizistan en 2010, à l'occasion d'une formation de trois mois organisée par le service de diffusion international allemand Deutsche Well, a complètement révolutionné sa conception du journalisme.

“Le plus surprenant pour moi lors de mon séjour à Bichkek aura été de rencontrer des gens normaux, éduqués, qui s'intéressent à la politique et à qui les hauts fonctionnaires permettent l'accès à l'information. Ce sont les hauts fonctionnaires qui craignent les journalistes, et l'usage des réseaux sociaux est très répandu” a-t-elle déclaré à EurasiaNet.org autour d'un café dans l'un des nombreux bars de Bichkek.

Par chance, Rakhmanova a a pu rencontrer un journaliste local qui lui a proposé de travailler à Bichkek, ce qu'elle a fait un an après sa formation. Elle explique que l'acclimatation n'a pas été facile : “impossible de me rappeler des noms de familles kirghizes, et je ne savais absolument rien des différents groupes parlementaires.”

Avoir grandi au sein d'une famille tatare l'a aidé à s'habituer à certains aspects de la langue. “Quand je pose une question en russe et que l'on me répond en kirghize, je comprends. C'est parce que connais très bien le tatare, que les membres de ma famille parlent couramment au Tadjikistan.”

Des tensions dans la région créent parfois des problèmes administratifs. Elle raconte qu'un jour, “on m'a interdit d'entrer au Kirghizistan depuis le Kazakhstan à cause d'un échange de coups de feu sur une partie contestée de la frontière entre le Kirghizistan et le Tadjikistan.” Elle ajoute : “j'ai également la nationalité russe, et cette fois-là mon passeport russe m'a permis de traverser la frontière.”

Rakhmanova dit ne pas envisager de retourner au Tadjikistan.

“Je ne veux pas retourner au Tadjikistan parce que je ne pourrais pas m'habituer à l'absence de liberté d'expression” explique-t-elle. “Et j'ai une famille ici, un mari et un fils qui a un an.”

Pour d'autres journalistes, les liens familiaux et affectifs prennent le dessus sur les ambitions professionnelles.

Elyor Nematov, photojournaliste de 28 ans venu de la ville de Boukhara en Ouzbékistan, raconte que ses amis ne s'attendaient pas à ce qu'il décide de déménager à Bichkek, la capitale du Kirghizistan. Il explique qu'il voulait se rapprocher de sa fiancée qui vivait à Bichkek, et que ce n'est que plus tard qu'il a eu l'opportunité de parfaire ses compétences en photographie documentaire.

Pour Nematov, ce n'était pas son travail qui posait problème en Ouzbékistan, mais sa foi baha'ie.

Il raconte : “quand j'étais étudiant, la police me soupçonnait d'être un extrémiste parce que je suis bahaï. A Tachkent, j'ai été détenu pendant 15 jours en raison de ma prétendue hostilité lors d'une opération spéciale de police contre l'extrémisme. En fait, ils m'enregistraient, et je leur ai demandé de me montrer leurs plaques et de m'expliquer pourquoi j'étais en état d'arrestation.”

Nematov n'accorde pas beaucoup d'importance à l'endroit où il vit. “Pour moi, les frontières n'existent pas ; je suis basé au Kirghizistan mais mes reportages couvrent l'ensemble de l'Asie centrale.”

Tout comme Rakhmanova, Nematov n'envisage pas de quitter le Kirghizistan. Au contraire, son rêve est à présent de mettre en place un centre de photographie documentaire à Bichkek dans le but d'aider ses collègues dans toute l'Asie centrale.

Le pays d'Asie centrale le plus impitoyable envers les journalistes et les chercheurs indépendants est le Turkménistan. Là-bas, les conséquences sont lourdes pour les très rares personnes qui osent s'adonner au journalisme indépendant : intimidation, arrestations et passages à tabac.

Olga, 33 ans, vit à Bichkek après avoir quitté le Turkménistan en 2001. Elle travaille aujourd'hui comme analyste politique dans un institut d'éducation et signe à l'occasion des billets d'humeur à propos de la situation au Turkménistan concernant les droits humains, l'éducation, et les problèmes liés au pétrole et au gaz naturel.

Olga est venue au Kirghizistan pour la première fois quand elle était étudiante. “J'ai passé quasiment toute ma première année à la bibliothèque de l'Université américaine d'Asie centrale à Bichkek. Je dévorais tout, c'était un réel plaisir” a-t-elle expliqué dans un entretien à EurasiaNet.org, sous un pseudonyme à sa demande.

Le milieu des années 2000 a été une période sombre pour la connaissance au Turkménistan. En février 2005, le défunt président Saparmurat Niyazov a décrété que les bibliothèques de province étaient inutiles puisque la plupart des villageois ne savaient de toute façon pas lire. Suite à quoi, Niyazov a ordonné la fermeture de quasiment toutes les bibliothèques du pays, à l'exception de quelques unes parmi les plus grandes et des bibliothèques pour étudiants.

Avec cette décision parmi d'autres destinées à garantir l'isolement total du Turkménistan, Olga a compris que ses options seraient limitées dans son pays. Elle raconte : “je suis restée au Kirghizistan parce que c'était difficile de trouver du travail [en rapport avec ma formation] au Turkménistan”, ajoutant que le fait de ne pas savoir parler turkmène était problématique. “Les entreprises liées au pétrole et au gaz naturel, en plein essor à l'époque, auraient été le choix le plus logique, mais je cherchais plutôt quelque chose dans le social.”

Concernant un éventuel retour au Turkménistan, Olga dit qu'elle préfère ne pas y penser et se concentre plutôt sur la poursuite de ses études et son fils de six ans. Le choc serait rude entre le sentiment de liberté qu'elle a découvert en vivant au Kirghizistan et la répression généralisée au Turkménistan.

Pour illustrer à quel point la vie est difficile au pays, Olga évoque le souvenir de la révolution kirghize en 2005 ; alors étudiante à l'Université américaine d'Asie centrale, ses parents ont reçu un appel des services de renseignement. Elle explique que “[les agents] voulaient savoir si j'étais impliquée dans la révolution.”

“Les degrés de l’enfer”, un reportage sur la crise des prisons mexicaines

jeudi 2 mars 2017 à 22:47
Captura de pantalla del reportaje intitulado "Graduaciones Del Infierno" que expone la ruina del sistema penitenciario en México.

Capturae d'écran du reportage “Les degrés de l'enfer”.

Après avoir lancé en septembre 2016 la question : « Et qui en parle, des prisons mexicaines ? », quelques mois plus tard, il semblerait opportun de revenir sur la question en considérant la série de reportages diffusée sur la nouvelle chaîne télévisée en clair du pays : Imagen Televisión. On y constate la faible ou inexistante attention que les moyens de communication prêtent à la crise du système pénitentiaire du pays.

«  Que ce soit à travers l’appel d’une prétendue personne proche qui est en danger ou qui est prise en otage, des SMS qui alertent d’un « tirage au sort » auquel vous avez gagné, des menaces d’un supposé groupe criminel ou de l’alerte concernant la suspension temporaire de votre ligne téléphonique pour cause de problème dans le service, le racket est un délit grave que vous devez dénoncer.

Certains criminels utilisent cette méthode pour obtenir un profit économique, choisissent des numéros de téléphone au hasard pour passer des appels à des fins d’extorsion et réussissent à mettre la main sur leurs victimes, principalement à travers la violence psychologique.

Imagen Televisión a commencé à diffuser son signal fin 2016 comme solution au duopole télévisé de fait détenu par les compagnies prédominantes, Televisa et TV Azteca.

Dans le journal télévisé du soir de ladite chaîne, présenté par le journaliste vétéran Ciro Gómez Leyva, un travail d'investigation révèle comment les gardiens et techniciens pénitentiaires des centres de détention de la capitale mexicaine se trouvent impliqués dans des pratiques de corruption. On retrouve notamment parmi ces pratiques la vente ou la location de téléphones portables ouvertement utilisés par les détenus pour commettre des extorsions.

L'extorsion par téléphone est l’un des délits les plus rentables au Mexique ainsi décrit par l'administration :

Ya sea a través de la llamada de una supuesta persona familiar que está en apuros o secuestrada, del mensaje de texto que te avisa de un “sorteo” que ganaste, de las amenazas de un supuesto grupo delictivo o del aviso de la suspensión temporal de tu línea telefónica por fallas en el servicio, la extorsión es un delito grave que debes denunciar.

Algunos delincuentes, emplean este método para obtener un beneficio económico; eligen números telefónicos al azar para hacer llamadas extorsivas y consiguen enganchar a sus víctimas a través de la violencia psicológica, principalmente.

Que ce soit à travers l’appel d’une prétendue personne proche en danger ou prise en otage, des SMS qui annoncent un « tirage au sort » dont vous êtes le gagnant, des menaces d’un supposé groupe criminel ou de l’alerte concernant la suspension temporaire de votre ligne téléphonique pour cause de problème dans le service, le racket est un délit grave que vous devez dénoncer.
Certains criminels utilisent cette méthode pour obtenir un profit économique, choisissent des numéros de téléphones au hasard pour passer des appels à des fins d’extorsion et réussissent à accrocher leurs victimes, principalement à travers la violence psychologique.

Selon le journal Excélsior (qui fait partie du groupe Imagen auquel appartient la chaîne de télévision), au moins un des fonctionnaires exposés dans le travail journalistique a été appréhendé et fait l'objet d'un procès.

D’autres moyens de communication de masse, incluant les autres chaînes de télévision en clair du pays, se sont abstenus de relayer le reportage de la chaîne émergente, peut-être la considèrent-ils comme un concurrent direct. Cependant, les réseaux sociaux comme Twitter ont permis aux utilisateurs de communiquer le contenu et de commenter à ce sujet via le hashtag #GraduacionesDelInfierno (degrés de l’enfer) qui est le nom de la série de reportages :

L’épisode #GraduacionesDelinfierno de @ImagenTVMex est juste extraordinaire. Grande enquête sur la corruption dans les prisons

#GraduacionesDelinfierno, une infime partie de toute la corruption présente dans notre système pénitentiaire pourri.

L’utilisatrice Madame Déficit a mentionné le maire de la capitale Miguel Ángel Mancera, en l’invitant à expliquer la raison de l’inaction de son administration sur le sujet :

« Leçon à tirer du reportage #GraduacionesDelinfierno Si les politiciens mexicains ne le voient pas à la télévision, ils ne se mettent pas au travail ; n’est-ce-pas @ManceraMiguelMX ? »

Leçon à tirer du reportage #GraduacionesDelinfierno Si les politiciens mexicains ne le voient pas à la télévision, ils ne se mettent pas au travail ; n’est-ce pas @ManceraMiguelMX ?

À l’occasion du travail d’investigation de la chaîne Imagen Televisión, la faillite du système pénitentiaire mexicain fait l’objet d’intérêt et de commentaires. À présent, les questions sont : Pour combien de temps ? et Comment seront punis les responsables si nombre d’entre eux se trouvent déjà en prison ?