PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Brésil : Football et bananes, comment éradiquer le racisme primaire ?

samedi 3 mai 2014 à 13:43

A la 30è minutes de la deuxième mi-temps d'un match difficile pour le club de Barcelone, alors que le joueur brésilien Daniel Alves se préparait à tirer un corner, un supporter de l'équipe adverse, le Vilarreal FC, a lancé une banane sur le terrain. Rapidement, Daniel se baisse, ramasse le fruit et le mange aussitôt sur place. Dans la même nuit, l'un de ses équipiers, Neymar Jr., s'est alors servi de son compte Twitter pour s'exprimer sur le sujet,  lançant ainsi la campagne #somostodosmacacos [#noussommestousdessinges]. Aussitôt, des athlètes, des célébrités, le président de la FIFA Joseph Blatter et la présidente du Brésil, Dilma Roussef, ont rejoint le mouvement de soutien au joueur.

A reação do jogador que viralizou na rede. Foto: 9gag

La réaction du joueur qui s'est répandue comme une trainée de poudre sur le web.  Photo: 9gag

L'ancien joueur devenu député fédéral, Romário, a loué l'attitude de Daniel, sur sa page Facebook:

Ontem o Daniel Alves lavou a alma de todos nós brasileiros, em um gesto simples, natural, comeu a banana que lhe foi lançada com um intuito de ofensa e virou o jogo. O racismo sumiu? Não. Mas foi derrotado. Daniel Alves se agigantou.

(…)

O racismo é uma ferida que nunca foi curada, comum em toda Europa, com graves incidências no Brasil. Infelizmente, está infestado no futebol. Eles atacam principalmente os melhores jogadores, com a finalidade de abatê-los, torná-los fracos. Há caso de atleta que sai chorando de campo, quem se lembra dessa reação do Paulão, zagueiro do Betis, que depois de ser expulso sofreu racismo da torcida? Por isso, a resposta do Daniel foi tão simbólica.

Hier Daniel Alves a lavé notre honneur à tous, brésiliens, en un geste simple, naturel, il a mangé la banane qui lui avait été lancée pour l'offenser, retournant ainsi le geste contre son auteur. Le racisme a-t-il disparu ? Non. Mais il a perdu une bataille. Daniel Alves en est sorti grandi.

(…)

Le racisme est une blessure qui n'a jamais été soignée, partout présent en Europe, et très fréquent au Brésil. Il infeste malheureusement le football. Ils [NdT: les racistes] s'en prennent principalement aux meilleurs joueurs, dans le but de les rabaisser, de les fragiliser. Il y a même des cas où l'athlète sort du terrain en pleurant ; qui se souvient de cette réaction de ce défenseur du Betis Séville, qui suite à son expulsion avait été victime du racisme de ses propres supporters ? C'est pout ça que la réponse de Daniel a été si symbolique.

L'acte de racisme dirigé contre Daniel Alves, n'est en aucun cas une nouveauté. L’année dernière, lorsque des supporters du Real de Madrid lui avait lancé des cris de singes, le joueur était allé jusqu'à porter plainte. Jouant en Espagne depuis douze ans, Daniel a confessé dans une interview qu'il était habitué à ces discriminations, et a reconnu qu'il considéraient le pays comme une “guerre perdue”, qu'il “fallait accepter avec une certaine dose d'humour”. Il y a un peu moins d'un mois, son co-équipier Neymar avait été traité de macaque par des supporters de l'Espanyol [NdT: un autre club de foot espagnol].  Pourtant, même si les cas sont de plus en plus  fréquents, les punitions prévues pour ce genre d'actes racistes – le plus souvent des amendes qui varient de mille à deux milles euros – ne sont pas suffisantes pour combattre le problème.

Bras ouverts, portes fermées

Un autre brésilien, le défenseur Tinga du club du Cruzeiro, au Brésil, qui avait aussi été traité de singe par les supporters d'une équipe adverse, en février dernier, a rappelé lors d'une interview au magazine TRIP le poids culturel que le football ajoute au problème:

E olha que, pro cara que conquistou o sucesso, a vida é mais fácil. Acredito que existe um preconceito mais forte que o racismo que é o preconceito social. Negro ou branco, se você é bem-sucedido, acaba sendo aceito. Isso mostra um preconceito social muito forte.

Acredito que o racismo nos estádios de futebol também é um reflexo da educação. Algumas pessoas, quando vão para o estádio, acham que tudo o que elas falam lá fica por lá. Essas pessoas às vezes estão com seus filhos, e ainda assim estão xingando a gente. Estão ensinando isso aos filhos. Quando você é bem-educado, não existe essa divisão entre o que acontece dentro e fora do estádio.

Encore que, pour le mec qui a réussi, la vie est plus facile. Je pense qu'il y a un préjugé encore plus fort que celui du racisme, c'est celui du préjugé social. Noir ou blanc, si tu as réussi, tu finis par être accepté. Cela montre bien que le préjugé social très important.

Je pense que le racisme dans les stades de foot est aussi un reflet de l'éducation. Certaines personnes pensent que lorsqu'on est dans un stade, ce qu'on peut bien y dire reste à l'intérieur. Parfois, ces gens-là sont accompagnés de leurs enfants, et même comme ça, ils continuent à nous insulter. Ils sont en train d'apprendre tout ça à leurs enfants. Quand vous êtes bien élevé, cette différence entre ce qui se passe en dedans et en dehors du stade n'existe pas.

Le Brésil est un pays au racisme masqué, préexistant dans le subconscient collectif dans tout ce qui concerne le quotidien. Dans un documentaire sur la situation des immigrants africains dans les favelas de Rio de Janeiro réalisé l'année dernière, la chaine de télévision Al Jazeera, disait que ce pays était celui des “bras ouverts et des portes fermées”. C'est pour cette raison, que le buzz de la campagne  #somostodosmacacos [#noussommestousdessinges], a subi tant de critiques, il exposait l'autre face du problème.

Certains groupes en lien avec des mouvements antiracistes ont commencé à remettre en question l'action en cours sous les mots-clics #nãosoumacaco [#jenesuispasunsinge] et #soucontraoracismo [#jesuiscontreleracisme], attirant l'attention sur le fait que “légitimer un discours sur les préjugés, ne le fait en aucune façon disparaitre”. Comme l'a dit le blogueur Douglas Belchior:

A comparação entre negros e macacos é racista em sua essência. No entanto muitos não compreendem a gravidade da utilização da figura do macaco como uma ofensa, um insulto aos negros.

Le parallèle entre les noirs et les singes est raciste par essence. Pourtant, beaucoup ne comprennent pas la gravité de l'utilisation de l'image du singe comme une offense, une insulte envers les noirs.

Foto: Feminismo Brasileiro e Latino-Americano

“Je suis noir, je suis noire et non, #jenesuispasunsinge” Photo: Féminisme Brésilien et Latino-Americain / Facebook

 

Le débat a pris une toute autre couleur quand l'agence de publicité Loducca, qui gère la marque de Neymar, a revendiqué la paternité de la campagne. Selon eux, l'idée était déjà dans les tuyaux, prête à être lancée, et ils ont saisi l'opportunité de ce qui s'est passé dimanche. Quelques heures après, la marque de vêtement du présentateur Luciano Huck a mis sur le marché un tee-shirt soutenant l'idée au prix de 69 reais [NdT: un peu plus de 22 euros]. 

Comme d'habitude, “imagine na Copa

[NdT: On trouve sur notre site, en suivant ce lien, une très belle explication en français de cette expression devenue culte, pour ceux qui subissent au Brésil les effets néfastes de cette Coupe du Monde] Ignorant la controverse née de cette histoire avec Daniel Alves, l'arbitre a tout de même noté le fait dans son compte-rendu de match, ce qui n'est pas fréquent. De plus, une réunion sur le sujet devait avoir lieu mardi 29 avril. 

Le club de Barcelone a bien entendu condamné l'incident et celui de Vilarreal est allé encore plus loin que l'amende. Après avoir identifié le supporter responsable, le club a annoncé dans un  communiqué officiel que celui-ci serait interdit de stade de façon permanente. On ne peut pourtant pas voir cette affaire comme un acte isolé. Dilma Roussef tout comme Joseph Blatter se sont exprimés par rapport au Mondial, mais pas sur des changements à long-terme. Dans la semaine précédant l'incident avec Daniel Alves, la Confédération Brésilienne de Football (CBF) avait déjà annoncé le lancement de la campagne “Somos iguais” ou “Nous Sommes Égaux” ainsi que d'une application qui permettra aux utilisateurs de dénoncer des actes de racisme, même à l'intérieur des stades. Mais, tandis que nous discutons pour savoir si nous sommes des singes ou pas, au royaume du football, nous ne verrons les changements que lorsque la saison des bananes sera passée. 

COMMUNIQUÉ : Global Voices demande la libération de neuf journalistes en Éthiopie

samedi 3 mai 2014 à 13:17
Zone 9 bloggers in Addis Ababa. Photo by Endalk, used with permission.

Les blogueurs de Zone 9 à Addis-Abeba, tous arrêtés le 25 avril. Photo d'Endalk, publiée avec autorisation.

La communauté de Global Voices demande la libération de neuf journalistes arrêtés en Éthiopie.

Befeqadu Hailu, Abel Wabela, Atnaf Berahane, Mahlet Fantahun, Zelalem Kibret et Natnael Feleke (membres du collectif de blogueurs Zone 9) et les journalistes Asmamaw Hailegeorgis, Tesfalem Waldyes et Edom Kassaye ont été arrêtés les 25 et 26 avril 2014 à Addis-Abeba. Nous sommes profondément attristés d’annoncer que quatre d'entre eux – Hailu, Wabela, Kassaye et Kibret – sont traducteurs pour Global Voices.

Depuis 2012, le collectif Zone 9 œuvre pour encourager l’engagement civique et la critique concernant les questions sociales et politiques en Éthiopie. Malgré un contexte peu favorable, ils ont mis à profit leur droit à la liberté d’expression afin de promouvoir un dialogue et des débats pacifiques.

Global Voices est une communauté qui rassemble des blogueurs, des militants, des rédacteurs et des traducteurs de 137 pays. Le droit à la liberté d’expression est un des fondements de notre mission : partager des histoires du monde entier généralement passées sous silence et défendre le droit de tout individu à s’exprimer librement et sans peur. Nous sommes profondément indignés par cette violation manifeste du droit à la liberté d'expression de nos amis et extrêmement inquiets pour leur sécurité. Nous ne pouvons rester silencieux.

Bloguer n’est pas un crime. En ce 3 mai, Journée mondiale de la liberté de la presse, l’ensemble de notre communauté demande aux autorités éthiopiennes de libérer nos collègues et amis et tous les autres journalistes détenus en Éthiopie.

Si vous souhaitez associer votre nom ou votre organisation à ce communiqué, veuillez cliquer ici et l’ajouter à notre liste, que nous mettrons régulièrement à jour.

 

Amis et associés qui soutiennent ce communiqué :

PEN American Center, États-Unis

Internet Sans Frontières, Afrique

Electronic Frontier Foundation, États-Unis

Ushahidi, Kenya

Bloggers Association of Kenya

KenyaUnlimited

AfricanHadithi, Afrique

EngageMedia, Asie-Pacifique

Digital Media Law Project, États-Unis

MIT Center for Civic Media, États-Unis

Article 19, international

Visualizing Impact, Liban

 

Le fédéralisme, solution à la crise identitaire du sud-est de l'Ukraine ?

samedi 3 mai 2014 à 00:25
"Is Donbass Ukraine?" mixed by Valentina Lukin.

“Le Donbass est-il l'Ukraine ?” image de Valentina Lukin.

Les récents sondages réalisés par l'Institut International de Sociologie de Kiev révèlent que la majorité en Ukraine du Sud-Est ne souhaite pas s'intégrer à la Russie. Mais si un référendum a lieu sur la sécession d'avec l'Ukraine, ses résultats pourraient être différents.

La semaine dernière, la république populaire auto-proclamée de Donetsk a utilisé le compte Facebook de son “Gouverneur du peuple” Pavel Goubarev pour annoncer la formation d'une Fédération Novorossiya de Donetsk et autres régions du Donbass en Ukraine orientale. M. Goubarev est détenu par la police ukrainienne depuis un mois. Le post, largement liké et partagé, invitait à voter à un référendum du 11 mai pour la sécession d'avec l'Ukraine et l'unification avec la Russie et la Biélorussie.

La région du Donbass (Donetsk, Louhansk et des parties de Dniepropetrovsk) a toujours connu des tendances séparatistes, déjà avant le tout récent changement de régime à Kiev. Le bassin charbonnier et énergétique est l'une des régions les plus densément peuplées et les plus économiquement développées de l'Ukraine. Beaucoup y ont le sentiment de nourrir le reste de l'Ukraine, encouragés dans cet état d'esprit par les séparatistes.

Jusqu'à présent, les séparatistes sont gagnants. Dans la deuxième semaine d'avril, la mairie de Donetsk a été occupée, et une république indépendante de Louhansk a été instaurée peu après. Pour le moment Dniepropetrovsk est le seul centre régional dont l'administration a réussi à défier les séparatistes. Boris Filatov, qui travaille dans le bureau du gouverneur de Dniepropetrovsk, est suivi par 30.000 personnes sur Facebook, et utilise son compte comme plate-forme de presse. Il s'est rendu récemment dans la partie orientale de la région de Dniepropetrovsk pour y rencontrer des mineurs et l'encadrement. M. Filatov affirme que l'essentiel est de “préserver l'intégrité de [son] pays, sa souveraineté et son indépendance. Peu importe le reste.”

Du fait de l'incapacité des responsables de Donetsk à contrôler les séparatistes, des Ukrainiens s'y tournent vers Dniepropetrovsk en quête de direction. Ironie de l'histoire, les militants pro-Ukraine répandent des tracts à Donetsk exhortant la population à réclamer un référendum pour rejoindre la Région de Dniepropetrovsk. 

Selon l’étude citée au début de cet article, plus de 80 % de la population de Dniepropetrovsk est opposée à la sécession d'avec l'Ukraine et à l'unification avec la Russie. Seulement 27.5 % de Donetsk et 30.3 % de Louhansk sont favorables à la sécession. Certains blogueurs ont toutefois relevé que dans l'étude les questions de la sécession d'avec l'Ukraine et de l'intégration à la Russie n'en faisaient qu'une. Et il n'y avait pas de question sur la fédéralisation de l'Ukraine. Elena Balabanova, qui travaille au Centre municipal pour la Jeunesse de Donetsk, voit la population du Donbass divisée en quatre catégories : pro-”Ukraine unifiée,” pro-”Ukraine fédéralisée,” pro-Russie, et pro-indépendance. ”A cause de la formulation incorrecte des questions”, dit-elle, “certaines catégories sont absentes de l'étude, comme les “fédéralistes”"

Les fédéralistes ukrainiens proposent une république fédérale, avec deux langues d'Etat, le russe et l'ukrainien, une question apparemment essentielle pour de nombreux séparatistes dans la Région du Donbass. Un de ces militants du fédéralisme, Da Dzi, insiste qu'une Ukraine unitaire, telle qu'elle existait ces vingt dernières années, n'est plus possible. Il y a un seul moyen d'éviter de verser le sang et de maintenir une certaine forme d'Ukraine : “La réforme constitutionnelle, la formation d'une Fédération ukrainienne, et la transformation du Sud-Est en république fédérative de Novorossia.”

Un site web biélorusse propose un questionnaire qui paraît réaliser une meilleure distinction entre groupes d'opinion. L'étude est conduite en ligne dans huit régions du Sud-Est ukrainiens. Ses auteurs affirment vérifier chaque adresse IP avant d'autoriser les participants à choisir entre une Ukraine unitaire, la Russie, une république indépendante, et une fédéralisation de l'Ukraine. Le questionnaire attire moins d'habitants de Dniepropetrovsk et des cinq autres régions de la Novorossiya (une dizaine de milliers de votes dans chacune), mais a beaucoup de succès à Donetsk (environ 70.000 votes) et Louhansk (environ 30.000). Il pourrait cependant y avoir un biais de sélection dans ce sondage : la pluralité des votants en ligne a choisi d'intégrer la Russie. La fédéralisation est troisième, loin derrière.

Inde : Une campagne contre la défécation en plein air

vendredi 2 mai 2014 à 16:53
A village school in Moradabad district, Uttar Pradesh, India with toilet facilities for both boys and girls. Image by author.

Une école de village de l’ Uttar Pradesh, en Inde, avec des toilettes pour les garçons et pour les filles. Les enfants sont ainsi encouragés (par des instructions visuelles et écrites) à se laver les mains avec du savon avant les repas et après avoir utilisé les toilettes. Image par l'auteur du post, Aparna Ray. 

Tous les liens de ce post renvoient à des pages en anglais.

Par des programmes innovants de sensibilisation, la campagne “Emmène tes Crottes aux Toilettes” (Take the Poo to the Loo) par UNICEF Inde veut appeler les Indiens à cesser de faire leurs besoins en plein air ainsi que d'utiliser les toilettes sèches, qui sont lavées par des personnes récupérant les déjections manuellement. 

Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF) [pdf], environ 620 millions de personnes en Inde font toujours leurs besoins en plein air – ce qui représente 50% de la population. Même le dernier recensement du gouvernement indien a révélé un chiffre aux alentours de 50%. Alors que le gouvernement indien conduit un grand nombre de programmes d'assainissement et d'hygiène publiques, les dernières données du recensement montrent que les ménages indiens possèdent plus de téléphones/portables que d'installations sanitaires.

Plus qu'une simple absence de toilettes

Les responsables du gouvernement conduisant ces projets d'assainissement ont compris que pour arrêter ces  habitudes ancestrales de faire ses besoins en plein air, le peuple doit d'abord comprendre la nécessité de posséder et d'utiliser des installations sanitaires – une tâche ardue, spécialement dans les communautés rurales où traditionnellement, il n'existe pas la même pudeur sociale d'aller dans les champs, les bois, etc. pour faire ses besoins naturels. Il s'agit seulement de quelque chose que “tout le monde fait”. En réalité, la population est réticente à posséder des toilettes dans l'enceinte de leur habitation, à la fois pour des raisons religieuses que “hygiéniques”. En effet, leur argument est que les toilettes étant des pièces “sales”, elles ne pourraient co-exister dans la même enceinte que celle contenant la cuisine ou la pièce de culte. 

Screenshot from the "Take the poo to the Loo" campaign website

Capture d'écran du site web de la campagne “Emmène tes Crottes aux Toilettes” 

Malathy M, une jeune professionnelle travaillant pour la “Maharashtra State Rural Livelihoods Mission”, a réagi sur la question après avoir aperçu des personnes utilisant les abords des autoroutes comme des toilettes de plein air. Elle a tweeté : 

La défécation en plein air est une réalité en Inde et il n'existe pas de solution simple… Ce n'est pas simplement un manque de toilettes

La disponibilité de toilettes est elle-même une question en soi… Quelle en est l'importance pour une famille rurale tenant compte du contexte culturel et social?

Les enfants sont les principaux victimes de cette pratique

Les enfants sont les êtres les plus vulnérables lorsqu'il s'agit de risques pour la santé résultant de faibles installations sanitaires et d'une pauvre hygiène, associées à la défécation en plein air. Selon ce rapport [pdf] publié par la London School of Hygiene and Tropical Medicine, 

Les maladies diarrhéiques causées par des installations sanitaires insuffisantes et par une absence de conditions hygiéniques mettent les enfants face à des risques multiples conduisant à des déficiences en vitamines et en minéraux, une morbidité élevée, la malnutrition, un arrêt de la croissance et la mort.  

En Inde, ces problèmes peuvent être sévères car 

Moins de 12% des enfants ruraux #Inde utilisent des #toilettes ; le taux des enfants urbains est meilleur, mais reste inférieur à la moitié (47%)

28 millions d'enfants n'ont pas accès à des toilettes correctes. Cela ne correspond qu'à 5 millions de moins que tous les utilisateurs de Twitter réunis dans le monde entier.

Réalisant la gravité de la situation, le gouvernement indien s'est doté de la collaboration de l'UNICEF Inde comme un partenaire de choix dans sa lutte contre la pratique de la défécation en plein air. L'UNICEF s'est associé à cette initiative à différents niveaux. La campagne actuelle #poo2loo (#CrottesAuxToilettes) vise ainsi la population urbaine en cherchant à éveiller sa conscience sur la défection en plein air et n'a pas seulement lieu dans les zones rurales mais aussi dans les régions urbaines (notamment les bidonvilles).

UNICEF Inde utilise des méthodes innovantes pour engager les citoyens et éveiller la conscience sur la défécation en plein air.

Dans les deux prochains posts de cette série, nous verrons a) comment les toilettes sèches et les mauvais préjugés associés à la récupération manuelle des déjections continuent à persister obstinément dans certaines régions de l'Inde et b) comment de courageux “Toilet Warriors” (Guerriers des Toilettes) appellent au changement dans leurs communautés et créent la demande pour des toilettes hygiéniques et pour de meilleures installations sanitaires – permettant l'espoir que la défécation en plein air et la récupération manuelle des déjections pourront lentement, mais sûrement, appartenir au passé.

Nous adorons parler, mais nous exprimons-nous vraiment ?

vendredi 2 mai 2014 à 16:44

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en anglais]

J'étais une adolescente idéaliste lorsque j'ai pour la première fois payé le prix de mes opinions. La toile de fond était un cours de religion au sein d'une prestigieuse école catholique réservée aux filles, j'imagine que j'aurais donc pu m'y attendre. Pour faire court, je me faisais l'avocat du diable sur des sujets tels que le divorce, l'avortement et les relations sexuelles avant le mariage. Le professeur ne comprenait pas. Mes camarades de classe, si, mais en général elles me le disaient seulement une fois que le professeur se trouvait à bonne distance.

Très vite, je me suis aperçue que mes notes chutaient dans une autre matière enseignée par ce même professeur. Je refusais de croire que j'étais bel et bien victime de sanctions, alors, pendant un moment, je me suis mise à douter et j'ai accepté de suivre des cours supplémentaires, également connus sous le nom de ‘tentative de conversion', car le professeur pensait que ça pourrait m'aider. Ce qui m'a aidé, c'est ma décision de me rendre dans le bureau du proviseur armée de tests comparatifs prouvant que je payais le prix de mon franc-parler en cours de religion, ailleurs. La décision du principal de retirer le professeur du cours de religion a rétabli ma foi en la justice, la valeur de la pensée indépendante et l'importance de s'exprimer.

Faisons un bond de quelques années en avant. Nous avons Internet [fr]. Et les réseaux sociaux [fr]. Et les services de microblog [fr]. Ces outils sont censés faciliter l'activisme ; le propulser dans un espace en ligne sans limites, mais à Trinité-et-Tobago, ils ont largement contribué à amplifier ce dont les gens discutent dans leur salon. Du coup, on sait tout ce que les familles mangent pour le dîner et à quoi ressemblaient leurs costumes de Carnaval, mais les discussions sérieuses sont plus difficiles à trouver, et même lorsque les Trinitéens partagent leurs points de vue sur des sujets importants, ils ont tendance à le faire dans l'apparente sécurité du monde virtuel : généralement sur le profil Facebook “privé” de quelqu'un.

Les Trinitéens sont souvent décrits comme “des gens de Carnaval”, mais en réalité, nous sommes des badauds. Des spectateurs. Très peu d'entre nous quittent les gradins pour participer activement, et ceux qui le font terminent dans une bacchanale [en], généralement accompagnée de médisance, pour être allé à l'encontre du status quo. Dans les années 60, Gene Miles fut propulsée vers la notoriété en dénonçant la corruption généralisée connue par la suite comme “le trafic de la station-service“. Elle perdit son emploi, sa réputation et finit par mourir, seule et trahie. Plus récemment, le docteur Wayne Kublalsingh, qui a mené une grève de la faim pour protester contre un projet de construction d'autoroute à 1 million de dollars dans le sud-est de Trinité, qui menaçait les communautés rurales et l'environnement avoisinant, s'est vu ridiculisé publiquement par les politiciens.

Désormais, alors que Trinité-et-Tobago se heurte à toujours plus de cas éhontés de corruption, l'histoire de Miles est relatée, fidèlement, cette fois, au théâtre et au sein du Carnaval. Le Docteur Kublalsingh et le mouvement Highway Re-Route ont remporté la bataille à travers les actions de la société civile et les rouages du système juridique. Alors je me demande, dans une ère où les médias participatifs ont démontrés leur utilité pour remettre les rênes du pouvoir entre les mains des vrais citoyens, pourquoi les Trinitéens sont toujours aussi réticents à prendre position ?

Je pense que ça commence par la manière dont nous sommes éduqués. Au lieu d'encourager la pensée personnelle, les écoles renforcent la notion obsolète selon laquelle les enfants sont des réceptacles vides en attente d'être remplis et pire encore, qu'ils doivent se conformer aux règles établies. Nous subissons un examen d'entrée aux établissements d'enseignement secondaire qui s'est dégradé au fil des années (même le ministre de l'Éducation le qualifie “d'épouvantable”), et malgré cela les parents continuent d'accepter une approche archaïque de l'enseignement, d'incessants contrôles des connaissances standardisés et des “méthodes d'apprentissage” qui s'apparentent davantage à de la régurgitation qu'à une satisfaction de la curiosité ou une stimulation de l'intérêt.

Et si jamais les étudiants osent afficher leur différence (ou même s'ils sont ordinaires, comme dans ce cas où plusieurs jeunes se sont vus refuser l'accès à leur établissement car ils arboraient [horreur !] une barbe), ils s'exposent à des sanctions de la part des représentants de l'autorité. Évidemment la vraie histoire, et celle qui devrait être mise en avant dans ce récit, c'est l'extraordinaire démonstration de solidarité dont a fait preuve un étudiant rasé de près, en se dessinant une barbe au marqueur indélébile pour indiquer que la décision était coercitive et que le corps étudiant n'était pas prêt de l'accepter.

C'est tout à son honneur. Comme l'a déclaré Activized, “s'ils (les jeunes) ne sont pas les premiers à défendre leur propre identité dans les communautés où ils jouent un rôle actif, alors comment pourraient-ils prendre la défense de qui que ce soit d'autre ? Il ne s'agit peut-être pas d'une marche ou d'une grève de la faim, et il ne s'agit peut-être pas non plus de protester contre des taux de criminalité en hausse ou une structure capitaliste diabolique, mais selon moi c'est tout aussi important. Il s'agit de personnes qui s'approprient leur identité et se sentent partie intégrante de leur communauté. C'est un exemple de solidarité, d'unité et de volonté dans un milieu où il semblait jusqu'alors normal de s'asseoir et se taire. Et c'est là que la véritable révolution commence.”

Cette affirmation me laisse espérer que les jeunes voix, les voix raisonnables, les voix mesurées, les voix intelligentes vont commencer à couvrir la cacophonie de ceux qui semblent accaparer la parole, qui s'attirent toute l'attention des médias et qui se comportent comme s'ils s'exprimaient au nom de la majorité.

En réponse à l'artiste visuel trinitéen LeRoy Clarke, qui établit un lien absurde et infondé entre l'homosexualité et tout ce qui affecte la société de Trinité-et-Tobago, Activized dénonce l'ignorance du dialogue, et déclare : “Nous autorisons certains leaders d'opinions à faire des déclarations sans tenir compte de leur exactitude. C'est ce que les électeurs veulent entendre. La politique de l'aile droite de la nation est celle de l'ignorance socialement acceptable : dire des choses qui vont à l'encontre de la raison et de l'information, dans le but de conserver un groupe de fidèles. C'est une manière de freiner le développement de la société pour s'assurer que les gens ne consacrent pas trop de temps à analyser la situation et ne parviennent pas à la vérité.”

Selon moi, voilà ce que nous offre le fait de nous exprimer, l'opportunité d'accéder à la vérité. Et je me demande quand est-ce que les Trinitéens prendront conscience, comme Dorothée dans le magicien d'Oz [fr], que nous avons toujours détenu le pouvoir, mais que nous le rejetons par peur et par ignorance. Je claque trois fois des talons.