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Loi anti-avortement en Pologne : les députés avancent, sourds aux craintes de futur “enfer sur terre”

lundi 26 septembre 2016 à 19:49
Polish #BlackProtest poster. Photo used with permission of author Kasia Babis.

Affiche polonaise de #BlackProtest. Photo utilisée avec l'autorisation de son auteur Kasia Babis.

Face au mouvement de la “ManifNoire” qui a saisi l'internet polonais et plusieurs places publiques de villes du pays, le parlement polonais a voté la poursuite de la procédure d'adoption de la loi qui veut interdire les avortements en quasiment toutes circonstances, et instaurer des peines de prison tant pour les femmes le subissant que pour les médecins le pratiquant. La décision des législateurs a déjà renforcé la protestation.

Ce vendredi, les députés se sont prononcés pour la mise en oeuvre du projet de loi controversé en votant sa transmission à une commission parlementaire pour examen et amendements. Ils ont aussi voté le rejet d'un autre texte qui aurait entraîné les droits reproductifs polonais dans la direction opposée, avec une libéralisation des lois existantes.

Le parlement polonais est actuellement dominé par le parti conservateur Droit et Justice, qui bénéficie du soutien de l'Eglise catholique romaine.

Les opposants à une restriction encore plus poussée du droit à l'avortement disent que la nouvelle loi sera  “un enfer pour les femmes”, référence à un célèbre recueil d'essais de l'écrivain et médecin polonais Tadeusz Boy-Żelenski, qui décrivit en 1930 les souffrances endurées par les femmes à l'époque à cause de l'absence de choix en matière reproductive.

A l'appui de leur refus de l'interdiction proposée de l'avortement, une énumération des scénarios-cauchemars qui résulteraient de la loi une fois votée, comme d'obliger les femmes violées à accoucher des enfants ainsi conçus, et même de jeter un soupçon de crime sur les mères qui font des fausses couches, avec des suppositions policières que la fausse couche ait été délibérée. L'unique étroite exception préservée par la loi pour autoriser un avortement—les cas où la vie de la mère est mise en danger—placera les médecins dans la position embarrassante d'avoir à décider quand la menace représentée par une grossesse pour la vie de la mère est “suffisamment directe”. Prendre la “mauvaise” décisions en tel cas pourrait vraisemblablement envoyer un praticien en prison lui aussi.

Je dis NON à la prison pour avortement, je dis NON à une Pologne ou une fausse couche est un crime.

Depuis jeudi, le mouvement “Manif Noire” de Pologne paraît prendre de l'ampleur, avec une participation sur le net qui ne cesse de croître.

Et le refus de la législation polonaise controversée ne s'arrête plus aux frontières du pays. Des internautes de toute l'Europe et des Etats-Unis ont rejoint le mouvement de protestation en mettant en ligne des photos et des messages de solidarité avec les manifestations des pro-choix de Pologne.

La graphiste polonaise Kasia Babis, a publié une affiche en anglais appelant à rejoindre la “Manifestation en noir” par la description de quelques conséquences probables de la législation. Elle a été partagée plus de 3.000 fois sur Facebook, entre autres par le libertaire notoire et fondateur de Wikipedia Jimmy Wales.

Après le vote au parlement de ce week-end, le parti de gauche RAZEM a annoncé une série de manifestations “Manif Noire” contre le projet de loi dans les neuf principales villes de Pologne le dimanche 25 septembre.

Demain, nous ne resterons pas à la maison ! #ManifNoire

Pendant ce temps, de nombreux rassemblements spontanés de solidarité ont eu lieu ou sont prévus dans d'autres pays, comme à Londres, New York, Vienne et Berlin.

Photo de famille à la fin de #repoussele8e #manifnoire à l'ambassade polonaise au Royaume Uni

La manifestation de solidarité contre l'interdiction de l'avortement en Pologne et en Irlande aura lieu le 28/9 àVienne

Les hashtags #czarnyprotest (“#ManifNoire” trouvé ici sur Facebook et Twitter) et #manifennoir (Facebook, Twitter) continuent à servir de cri de ralliement pour la propagation de l'information sur le mouvement de contestation.

Le livre de cuisine du prisonnier politique russe

dimanche 25 septembre 2016 à 11:56
Instagram: Russidit

Instagram: Russidit

Vous perdez beaucoup de choses quand vous êtes incarcéré, mais une chose que vous gagnez, c'est du temps en abondance pour réfléchir à ce qui vous intéresse et perfectionner vos talents. Les prisonniers politiques russes le savent bien, et Oleg Navalny- frère du célèbre activiste anti-corruption- ne fait pas exception.

Fin 2014, Oleg a été condamné à 3 ans et demi de prison pour détournement de fonds dans une affaire largement considérée comme une attaque politique du gouvernement contre son frère AlexeÏ, qui s'en tira avec une condamnation avec sursis. Oleg a occupé son temps derrière les barreaux en étudiant les langues étrangères et en dessinant des autocollants  pour l”appli de messagerie instantanée Telegram.

Andreï Barabanov est un autre prisonnier politique, incarcéré pour sa participation à la “Marche du Million” qui se termina dans les violences à Moscou, le 6 mai 2012. Barabanov faisait partie de la vingtaine de suspects dans une vaste enquête policière qui mit fin de façon effective aux protestations anti-régime généralisées dans la capitale durant les mois précédents. En prison, il développa ses talents culinaires.

Barabanov passa plus de trois ans et demi en prison et fut finalement libéré en décembre 2015. Le mois dernier, l'homme agé de 26 ans ouvrit un compte sur Instagram intitulé “Russidit” (ou “les mensonges de la Rus en prison”), où il partage les diverses recettes que ses co-détenus et lui ont apprises en prison. Le compte sur Instagram fait partie d'une campagne d'un mois menée dans le cadre d'un projet caritatif destiné à aider les détenus et leur famille. Barabanov espère rappeler aux médias d'information l’ “affaire Bolotnoe”, nom donné en Russie à l'enquête sur le rassemblement de mai 2012.

Dans le livre de cuisine en ligne, on découvre que la première étape pour réaliser la tarte festive de la prison  est “d'établir un lien de confiance avec ses co-détenus”. La dernière étape est de ne pas oublier de partager la tarte avec ses amis.

Les ingrédients pour la recette de Barabanov: une pâte à tarte, du lait condensé, des pêches en boîte, des fraises en boîte. des cacahuètes, du lait et une barre chocolatée- sont tous en vente à la coopérative de la prison, les quelques jours de l'année où les détenus sont autorisés à faire des achats..

A photo posted by Фонд “Русь Сидящая” (@russidit) on

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Le projet du livre de cuisine de Barabanov contient aussi les instructions pour réaliser des hors-d'œuvres sur des allumettes. Il écrit : “J'ai fêté le réveillon du nouvel an 2014 à la prison de la Boutyrka. Avec les autres gars, on avait commencé les préparatifs plusieurs semaines à l'avance, en demandant à nos proches de nous apporter les ingrédients plus difficiles à trouver. On avait aussi fait des achats à un kiosque et mis de côté les pommes de terre dans les plats de la cantine pour faire une salade russe plus tard.

Barabanov ajoute que les détenus voulaient, comme tout le monde, prendre part aux réjouissances du nouvel an et se sentir en fête, de faςon à oublier, même brièvement, la réalité qui les entoure.

A photo posted by Фонд “Русь Сидящая” (@russidit) on

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Les recettes proposées par Barabanov sont toutes végétariennes : nouilles instantanées à la mayonnaise, soupe au fromage, salade de haricots. et bien d'autres choses encore. Le projet sur Instagram montre aussi comment fabriquer du ‘moonshine’ dans les conditions de la prison (“un sous-produit d'alcool de la campagne” que l'on doit à Ilya Gouchine, qui a passé  plus de 2 ans et demi en prison) et une pâte à tartiner à la noisette similaire au Nutella (créée par Alexandre Margoline, qui a passé 3 ans derrière les barreaux).

Comme Barabanov, Gouchine et Margoline furent aussi incarcérés suite à l'affaire Bolotnoe. Désormais, grâce à cette malheureuse coïncidence, les hommes ont aussi un livre de cuisine sur Instagram en commun.

Les réfugiés peuvent être une solution et non un problème : exemple en Bulgarie

samedi 24 septembre 2016 à 20:36
Refugee children resettled in Bulgaria after the Balkan Wars. Photo: Wikipedia, Public Domain.

Des réfugiés des Guerres Balkaniques venus de Gréce réinstallés en Bulgarie en 1913. De nombreux Bulgares d'aujourd'hui sont des descendants directs des vagues de réfugiés intégrés avec succès dans la société bulgare au long des deux derniers siècles. Photo: Wikipedia, Domaine Public.

Les réfugiés chassés par la guerre et les persécutions en Syrie, Irak, Afghanistan et ailleurs continuent à remonter ce qu'on appelle la Route des Balkans depuis la Turquie jusqu'à la Hongrie en quête d'une vie meilleure en Europe occidentale, et des gouvernements européens continuent à les recevoir avec hostilité. Les politiciens de droite utilisent leur présence pour faire peur à leurs électeurs, et il y a des pays où la crise des réfugiés sert de prétexte à des activités paramilitaires.

Au cas où vous croiriez que ceci est la mauvaise méthode, voici un argument de plus à ajouter à votre arsenal.

Un récent reportage du Réseau balkanique des journalistes d'investigation (Balkan Investigative Reporters Network, BIRN) sur la Bulgarie raconte l'histoire d'un homme qui illustre comment les réfugiés peuvent apporter des solutions à des problèmes existants, dans le cas présenté, en amenant des talents à des secteurs connaissant une pénurie de main d'oeuvre qualifiée.

“Il manque 50.000 personnes au secteur bulgare du traitement d'affaires. La première condition pour le personnel est de parler une langue supplémentaire outre sa langue maternelle, parce que les entreprises opérant depuis la Bulgarie fournissent des services au monde entier”, a expliqué à BIRN Vassil Velitchkov, propriétaire de la société Sensika basée à Sofia.

Les réfugiés instruits comme le journaliste syrien et professeur de littérature Elias Sulaiman, 33 ans, contribuent à combler cette lacune. Il est arrivé en Bulgarie en 2013 cherchant à se rendre en Allemagne ou Suède, mais en passant du temps dans le pays à aider en tant que bénévole les autres réfugiés, il a pris connaissance des opportunités d'emplois dans l'industrie de l'informatique en pleine croissance en Bulgarie, et est maintenant salarié d'une société de sous-traitance. Il a aussi fondé une famille avec une femme du coin. Une des clés de sa réussite a été sa connaissance de l'arabe et de l'espagnol.

Pour sa part, le patronat bulgare a réussi à convaincre le gouvernement “de faciliter la procédure pour l'obtention par les spécialistes non-européens d'une carte de séjour européenne leur donnant le droit de travailler”. Malgré tout, le cas de Sulaiman est relativement exceptionnel, du fait des manques de contacts de l'administration avec la masse des réfugiés.

Refugee family arriving in Europe. Photo: International Federation of Red Cross and Red Crescent Societies, CC BY-NC-ND.

Une famille de réfugiés irakiens à son arrivée en Europe. Photo: Fédération Internationale des sociétés de Croix-Rouge et de Croissant-Rouge, CC BY-NC-ND.

Les pénuries de main d'oeuvre ne sont pas propres à la seule Bulgarie — ou du moins elles le seront de moins en moins avec le temps. La plupart des pays Européens, y compris ceux qui ne sont pas dans l'Union Européenne, ont des populations vieilissantes, et si rien ne change, il leur faudra beaucoup de travailleurs de toutes sortes de domaines dans un futur proche.

La Bulgarie a elle aussi vu dans son histoire récente partir ses propres ressortissants en grand nombre. Quelques années après l'adhésion de la Bulgarie à l'Union Européenne, beaucoup de travailleurs partirent pour les pâturages plus verts qui s'ouvraient soudain à eux dans les pays plus riches de l'UE. C'est ainsi par exemple que beaucoup de Bulgares s'en allèrent au Royaume-Uni ramasser les fraises et les pommes de terre, ou en Grèce travailler comme femmes de chambre dans les hôtels. Un visiteur de l'époque en Bulgarie entendait fréquemment les gens du pays se plaindre que les jeunes et les femmes s'étaient ‘envolés’.

‘Ne pas investir dans les réfugiés, une immense opportunité manquée’

Pourtant, les réfugiés qui viennent en Europe sont loin d'être toujours traités comme de potentiels contributeurs à la société.

La Déclaration de Bratislava, adoptée le 16 septembre par les chefs d'Etat des 27 pays membres toujours dans l'UE (sans le Royaume-Uni), use d'un langage plus guerrier qu'humanitaire. Elle parle par exemple d'un “engagement aujourd'hui d'un certain nombre d'Etats membres à offrir une assistance immédiate pour renforcer la protection de la frontière de la Bulgarie avec la Turquie, et de solidarité permanente avec les autres “Etats de la ligne de front” (c'est nous qui soulignons).

Les réfugiés et autres migrants demeurent vulnérables à la maltraitance. Politico.com a relevé que les organisations de défense des droits humains en Hongrie s'inquiètent de ce que la communauté internationale reste aveugle aux divers sévices des autorités à la frontière hongroise.

La Hongrie “crée un enfer pour ces gens avant de les renvoyer en Serbie”

L'Europe a eu sa part de crises de réfugiés dans les cent dernières années. Souvent, les Etats ont manqué d'empathie, faisant fi des impératifs moraux. Beaucoup de pays de l'actuelle Route des Balkans ont été directement affectés, à la fois comme sources d'exilés et comme destinations de réfugiés après les Guerres Balkaniques, la Première Guerre mondiale, la Shoah, l’insurrection hongroise de 1956, et les campagnes de ‘nettoyage ethnique’ des années 1990 dans l'ex-Yougoslavie.

[Vous cacheriez un Juif des Nazis ?] “…à la fin l'histoire donne raison à ceux qui aident les réfugiés, pas à ceux qui les vilipendent”.

L'histoire montre aussi que dans de nombreux cas, les errements de la bureaucratie peuvent causer autant de souffrances humaines que le racisme et l'intolérance caractérisés. Souvent, les auteurs de violences lors des événements historiques mentionnés plus haut ont par la suite prétendu avoir seulement obéi aveuglément aux ordres et suivi le ‘règlement’.

Le centre d'assistance juridique “Voix en Bulgarie” a publié dans un rapport les résultats de son enquête sur les aspects juridiques et humanitaires de la détention de plus de 30.000 migrants et demandeurs d'asile en 2015 et plus de 5.000 pendant les cinq premiers mois de 2016. La majorité des personnes appréhendées étaient originaires de Syrie, Afghanistan et Irak.

Détention de migrants en Bulgarie : téléchargez le rapport complet : https://t.co/OFrmsp49rJ
Vous pouvez aussi visiter le site web : https://t.co/XWUMP8AUXe

Le rapport confirmait l'existence de “pratiques routinières de détention, fondées dans la plupart des cas davantage sur des politiques de ‘traitement’ des flux accrus de migration que sur des appréciations individuelles de cas particuliers, et la nécessité d'imposer ce type de mesure à seule fin d'atteindre l'objectif final de faire sortir ces personnes du pays”.

Le rapport relevait également des attitudes préoccupantes à l'égard des mineurs non accompagnés et de pratiques de corruption pendant  les arrestations.

Sortir de cet état d'esprit inhospitalier peut être bénéfique autant pour les pays hôtes que pour les réfugiés.

En 2014, Melissa Fleming de l’ agence des Nations Unies pour les réfugiés donnait une conférence TED [anglais] sur la nécessité d'aider les réfugiés à recontruire leurs vies, au lieu de leur permettre de seulement survivre.

Ne pas investir dans les réfugiés, c'est une immense opportunité manquée. Les abandonner à leur sort les condamne à l'exploitation et aux violences, les laisse sans qualification et sans éducation, et retarde pour des années le retour à la paix et à la prospérité dans leurs pays […] Les victimes de la guerre peuvent détenir les clés d'une paix durable, et ce sont les réfugiés qui peuvent mettre fin au cycle de la violence.

Biblioburros, la bibliothèque à dos d'âne qui apporte la littérature aux enfants de Colombie

samedi 24 septembre 2016 à 19:57
Biblioburro, biblioteca itinerante en Colombia. Acción Visual/Diana Arias - Wikipedia (CC BY-SA 3.0)

Biblioburro, une bibliothèque itinérante en Colombie. Acción Visual/Diana Arias – Wikipedia (CC BY-SA 3.0).

Que serait le monde sans l'ingéniosité et l'inventivité de ces personnes qui en voyant ce qu'il se passe, se demandent alors ce qu'elles peuvent faire pour améliorer les choses.

Que serait le monde sans ces professeurs pour lesquels la soif d'enseigner prime par-dessus tout ?

Luis Soriano est un professeur d'école primaire colombien, né à Nueva Granada, mais qui a grandi dans une municipalité de la commune de La Gloria, dans le département de Cesar. Luis Soriano a obtenu son diplôme de littérature espagnole grâce à un professeur qui visitait le village deux fois par mois. En tant que professeur des écoles conscient du pouvoir que la lecture pouvait exercer sur ses élèves, il a eu l'idée de Biblioburros [littéralement, “Biblio-ânes”] : une bibliothèque ambulante qui distribue des livres dans le nord de la Colombie sur le dos de deux ânes appelés Alpha et Bêta, les ânes les plus savants du monde, d'après le blog Periodismo Narrativo en Latinoamérica.

En 1997 [Soriano] tuvo una idea que para muchos fue maravillosa, pero para otros constituyó una verdadera locura: por su propia cuenta decidió cargar en el lomo de dos burros 70 libros de matemáticas, literatura geografía e historia. ¿Su objetivo? Llevarlos a diferentes niños sin recursos ubicados en apartadas zonas de su municipio.

En 1997, Luis Soriano eut une idée qui pour beaucoup fut merveilleuse, mais qui pour d'autres était une vraie folie : de son propre chef, il décida de charger sur deux ânes 70 livres de mathématique, littérature, géographie et histoire. Son objectif ? Les amener à des enfants sans ressources qui vivent dans des zones éloignées de sa commune.

Luis Soriano est amateur de lecture depuis l'enfance, quand il découvrit un poème de Ruben Dario grâce à sa tante :

Sin duda Soriano es un quijote colombiano, que enloqueció como el Caballero de la Triste Figura con los libros. Cuando su tía le leyó Margarita está linda la mar, no pudo dormir en ocho días. Tenía cuatro años y si no lo adivinaba entonces, al menos intuía que su vida estaría íntimamente ligada con la literatura.

Sans aucun doute, Soriano est un Don Quichotte colombien fou de livres comme le Chevalier à la Triste Figure. Quand sa tante lui lut “Margarita está linda la mar”, il ne put dormir durant une semaine entière. Il avait 4 ans et sans le savoir à ce moment là, il devinait déjà que sa vie serait liée intimement à la littérature.

Soriano lui-même raconte sur la section Héros du site web CNN.com les raisons qui motivèrent son projet Biblioburros :

En regiones [rurales], un niño debe caminar o montar un burro por hasta 40 minutos para llegar a las escuelas más cercanas. […] Los niños tienen muy pocas oportunidades de ir a la secundaria. Hay [pocos] maestros a los que les gusta enseñar en el campo.

En régions rurales, un enfant doit marcher ou aller à dos d'âne jusqu'à 40 minutes pour arriver à l’école la plus proche. Les enfants ont très peu de chances de continuer dans le secondaire. Il y a peu de maîtres qui aiment enseigner à la campagne.

Sa soif de répandre le goût pour la lecture ne se limite pas qu’à l’espagnol. Il est prêt à partager son peu de livres en anglais avec ses petits lecteurs :

En su cruzada contra el analfabetismo en una tierra cansada de la guerra, Soriano es un entusiasta de expandir su exigua colección de libros en inglés. Entiende la importancia del bilingüismo en un país que está cada vez más conectado con el exterior a través de [medios] digitales y escritos; le apasiona que los niños rurales tengan mayor acceso a palabras escritas en el idioma más ampliamente hablando del mundo.

Dans sa croisade contre l’analphabétisme sur une terre fatiguée de la guerre, Soriano est enthousiaste à l’idée d’étendre sa collection exigüe de livres en anglais. Il comprend l’importance du bilinguisme dans un pays qui se veut de plus en plus connecté avec l’extérieur à travers les médias digitaux et traditionnels ; cela le passionne que les enfants des campagnes aient un meilleur accès à des mots écrits en la langue la plus largement parlée au monde.

Cette vidéo nous montre Luis Soriano en action. L'introduction explique que l'accès aux livres n'est pas toujours aisé, ce qui a donné à ce professeur l'idée de son Biblioburros :

Tengo 3480 libros guardados en cajas, metidos en anaqueles, en burriquetes, en cajas, cajitas. En donde mis amigos tengo también porque no habría espacio para mí ni para los libros. […]

Alfa es la que prácticamente lleva toda la biblioteca, 120 títulos cargamos en esta biblioteca para el goce y el disfrute de los niños del campo. Tenemos recorridos de 3, 4, 5, hasta de 11 horas. Son 8 horas montado en burro.

Este es mi compromiso de vida. Sentirme útil a la sociedad a la que pertenezco.

J'ai 3.480 livres gardés dans des boîtes, rangés sur des étagères, mis dans des caisses et des caissettes. J'en ai aussi chez mes amis, sinon je n'aurais plus de place ni pour moi ni pour les livres. […]
C'est Alpha qui porte pratiquement toute la bibliothèque, nous chargeons 120 titres dans cette bibloithèque pour l'utilisation et le plaisir des enfants de la campagne. Nous faisons des parcours de 3, 4, 5 et jusqu'à 11 heures. C'est 8 heures à dos d'âne.
Ceci est l'engagement de ma vie. Me sentir utile à la société à laquelle j'appartiens.

Dans un article du site web d'information Quartz, Biblioburros est présenté comme l’une des huit bibliothèques que tout amoureux des livres se doit de visiter. L'article a aussi éveillé l'enthousiasme des utilisateurs de langue anglaise de Twitter.

De Bilbioburros à Walmart… un choix de bibliothèques exotiques.

C'est le Biblioburros mon préféré je pense.

Sa merveilleuse idée s'est convertie, à son tour, en un livre pour enfants écrit par Jeanette Winter :

Fêtez la Journée nationale des bibliothèques avec le livre de Jeanette Winter “Biblioburro”.

El maestro Luis un día decide cargar sus dos burros, Alfa y Beto, con libros, para llevarlos a los niños que, por vivir en alejadas zonas rurales, no tienen acceso a ellos. Desde entonces, recorre el país con su biblioteca ambulante.

Le maître Louis décida un jour de charger ses deux ânes, Alpha et Beta, de livres, pour les apporter aux enfants qui, habitant des campagnes isolées, en sont privés. Depuis, il parcourt le pays avec sa bibliothèque ambulante.

Être un candidat pro-Chine aux législatives de Hong Kong ne vous protégera pas des menaces de Pékin

samedi 24 septembre 2016 à 11:45
Chow was forced to quit the Legislative election by Beijing secret department even though he and his party has always been pro-China. Photo from Chow's Facebook.

Ken Chow a été contraint de se retirer de la course aux législatives par les membres d'un mystérieux département lié à Pékin, bien que lui et son parti aient toujours été en faveur de la Chine. Photo publiée sur la page Facebook de Chow.

Cet article résume une série de textes publiés sur le site de Hong Kong Free Press entre le 31 août et le 8 septembre 2016. Il est reproduit sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.  

Le départ soudain d'un candidat pro-Chine de la course des élections législatives qui se sont tenues le 4 septembre dernier à Hong Kong est l'un des derniers exemples en date de l'influence considérable que peut exercer Pékin sur la politique de cette « région administrative spéciale ».

Le 25 août 2016, à l'occasion d'un débat électoral télévisé, le candidat du parti Libéral Ken Chow Wing Kan a annoncé à la surprise générale qu'il se retirait de la course. Après être descendu de l'estrade, il a éclaté en pleurs devant les caméras, en disant qu'il ne voulait pas mettre en danger sa famille et ses amis, sans en révéler davantage — si ce n'est que les pressions dont il faisait l'objet provenaient d'autorités bien plus puissantes que le Bureau de Liaison (la représentation du gouvernement central chinois à Hong Kong), ou que toute mafia locale.

Chow a quitté Hong Kong le lendemain avant de réapparaître le 6 septembre, une fois les élections terminées, et d'exposer en détails à l'agence anti-corruption locale, la Commission indépendante de lutte contre la corruption, ainsi qu'aux médias les menaces politiques l'ayant contraint à retirer sa candidature.

Selon lui, un « département secret » dirigé depuis Pékin a exercé des pressions à son égard pour qu'il abandonne la course. Après sa déposition à la police, il a expliqué à la presse qu'un ami l'avait fait venir à Shenzhen – une ville chinoise à la frontière de Hong Kong – sous de faux prétextes et lui avait présenté trois personnes venant de Chine continentale qui lui ont demandé de mettre un terme à sa campagne électorale. Le trio l'aurait ensuite menacé en lui révélant des détails personnels des membres de sa famille et de ses amis proches :

I don’t know how they knew, including people very close to my family circle, important friends who support me, their backgrounds, income sources, habits – they read them out one by one, I started to feel afraid.

You realise this information is beyond the reach of all private investigators. Then they said if you don’t follow our orders, they will take action immediately, that those who support me will pay a heavy price.

Je ne sais pas comment ils ont eu accès à toutes ces informations, sur mes proches, mon cercle familial, les amis qui me soutiennent, leur passé, leurs sources de revenus, leurs habitudes — ils les ont énumérées une par une, et j'ai pris peur.

J'ai réalisé que même les détectives privés ne pouvaient avoir accès à ces informations. Ils ont ensuite dit que si je ne suivais pas leurs ordres, ils prendraient des mesures immédiates et que ceux qui me soutiennent paieraient le prix fort.

On lui ensuite intimé de cesser d'assister aux débats électoraux, de suspendre sa campagne et de quitter Hong Kong jusqu'à ce que le décompte des voix ait été clos.

Avant ces menaces, différents représentants du pouvoir l’avaient déjà incité à ne pas candidater. Deux rencontres avaient eu lieu au Bureau de liaison, lors desquelles deux Chinois continentaux lui avaient dit qu'il ne bénéficierait pas de leur soutien — bien qu'il soit politiquement en faveur de la Chine — et lui avaient suggéré de quitter la course en échange d'une place au sein du gouvernement de Hong Kong.

La seconde fois, l'une de ses connaissances entretenant des liens avec Pékin et des dirigeants ruraux locaux lui avait offert la somme de 5 millions de dollars hongkongais (environ 570 000 euros) pour se retirer de la course, soit le double des dépenses engagées dans sa campagne électorale.

Chow estime qu'il a été écarté de force afin de laisser la place libre à un autre candidat pro-Pékin, Junius Ho Kwan Yiu, partisan notoire du dirigeant actuel de Hong Kong, le chef de l'Exécutif Leung Chun Ying.

En effet, bien que Chow soit en faveur de la Chine, il s'est montré très critique envers Leung, l’accusant notamment d'avoir brisé l'harmonie qui existait dans les Nouveaux Territoires, la région la plus vaste de Hong Kong :

Since he took office, the harmony between rural and urban areas in the New Territories in the past has gone; The values of fairness and justice, the principles that Hong Kong people treasure, have been replaced by special privileges; The business sector was about ability in the past – but now it is about relationships.

Depuis qu'il est en fonction, l'harmonie qui prévalait par le passé entre les zones rurales et les zones urbaines des Nouveaux Territoires a disparu. Les valeurs d'équité et de justice, les principes que chérissent les Hongkongais, ont été remplacés par un système de privilèges. Le secteur des affaires, qui reposait autrefois sur les qualités d'une personne, n'est désormais plus qu'une histoire de relations.

Lors des débats qui ont opposé les candidats, Chow a également accusé Junius Ho d'avoir menti aux communautés indigènes sur son statut d'autochtone, le village de Ho n'ayant été intégré à Hong Kong qu'après 1898, soit après la cession des Nouveaux territoires à la Couronne britannique.

Le statut d’ « autochtone des Nouveaux Territoires » est un terme juridique inventé par le gouvernement colonial britannique dans les années 1970. Il fait référence aux descendants en ligne patrilinéaire d’une personne résidant dans un village des Nouveaux Territoires avant 1898. Ces familles jouissent de droits spéciaux, comme celui de pouvoir réclamer auprès du gouvernement une parcelle de terre sur laquelle construire une petite habitation à moindre frais. Constituant un véritable groupe d'intérêt, les communautés autochtones ne votent que pour les candidats bénéficiant de ce statut.

Chow, qui avait jusqu'ici refusé toute tentative de corruption, a été contraint d'abandonner face aux menaces ciblant ses amis et sa famille. Ho a finalement remporté le siège de la circonscription de l'Ouest des Nouveaux Territoires avec 35 657 voix, soit moins de 6% du total des votes du district électoral.

Selon Ken Chow, il y a peu d'espoir que les autorités locales mènent une enquête approfondie sur ces menaces, ces dernières ne provenant pas de Hong Kong même. Ce qui n'est pas sans rappeler l'affaire des libraires disparus.