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Promenade musicale dans les rues de Lima

vendredi 26 septembre 2014 à 19:27
TrompetistaLima

Photo de l'auteur Juan Arellano, utilisée avec permission.

Cet article de Juan Arellano a été initialement publié en espagnol sur son blog Globalizado. Traduction en français à partir de la version anglaise de Victoria Robertson.

Dans les grandes villes on trouve toutes sortes de gens qui travaillent dehors, sur les places, dans les parcs, les avenues et les ruelles. Parmi les hôtes de ces jungles urbaines, les musiciens des rues occupent une place privilégiée : on ne se contente pas de les tolérer, souvent on les adopte ouvertement pour la joie qu'ils apportent à des espaces publics impersonnels.

Un phénomène que l'on retrouve à Lima, la capitale du Pérou. Si les artistes de rue se font parfois déloger par la police des espaces commerciaux ou de certaines parties du centre historique de la ville, la plupart des musiciens de rue jouissent d'une bonne dose de liberté pour exercer leur activité et gagner quelques pièces. Ils sont même acceptés dans de nombreux restaurants et dans les transports en commun, les minibus appelés selon leur taille micros ou combis.

Mais la musique des rues est-elle vraiment appréciée, rien n'est moins sûr. J'ai lu naguère un article là-dessus sur le blog Lima es Linda (Lima est belle), qui expliquait : “Les Limeños n'apprécient pas le spectacle de rue parce qu'ils y voient une forme de mendicité plutôt qu'une contribution à la société.” En même temps, l'article affirmait : “la musique de rue remonte le moral, inspire et motive (les habitants comme les touristes), et notre ville a vraiment besoin de cela.”

Quant à moi, jusqu'à ces dernières années je n'y ai jamais beaucoup fait attention—peut-être parce que je n'étais qu'un de ces urbains pressant le pas dans les rues, oublieux de la réalité qui m'entoure. Mais depuis quelque temps, lorsque je croise un musicien de rue et ai un appareil photo sur moi, je l'enregistre.

Voici quelques-uns des gens talentueux que jai rencontrés dans les rues de Lima.

Les Asháninka sont le groupe indien le plus nombreux de l'Amazonie péruvienne, et ont été les victimes d'une migration forcée pendant la période de terrorisme des années 1980 et 1990. Des survivants d'une active extermination, beaucoup se sont installés dans le quartier Ate de Lima, où un petit groupe vit toujours avec des membres d'autres communautés indigènes provenant des régions forestières du Pérou. Ensemble ils conservent des liens étroits avec leurs terres et leur culture.

Traversant un jour à pied  le Marché Central de Lima, je suis tombé sur un petit rassemblement d'Asháninkas présentant un numéro musical typique, avec en cette occasion un danseur agile interprétant des rythmes amazoniens. Le spectacle était insolite dans le climat généralement frais de Lima, mais en cette journée estivale les musiciens ont joué comme ils l'auraient fait dans la chaude atmosphère tropicale de leur forêt natale. Je n'ai hélas pu capter qu'une bribe :

La musique Asháninka est très variée, comme le montre cette chanson de Yéssica Sánchez Comanti que j'ai enregistrée lors d'un récital de poèmes et de contes amazoniens.

Si la valse péruvienne, dérivée de la valse européenne, était une forme cultivée originellement à Lima et dans les villes côtières à la fin du 19ème siècle, elle a ensuite fait son chemin dans l'intérieur du pays. La Contamanina, qui se réfère à la ville de Contamana sur le fleuve Ucayali dans la région de Loreto au Nord, aurait été composée à Iquitos, la plus grande agglomération de l'Amazonie péruvienne—du moins c'est ce que prétend le blogueur Manuel Acosta Ojeda :

“On dit qu'à l'origine la valse était sans paroles, que la magnifique mélodie avait été créée par un violoniste italien venu d'Equateur à Iquitos au début du 20ème semaine pour faire fortune pendant le boom du caoutchouc, et que son titre d'origine était Leonor. Don Alejandro Mera del Águila a ajouté les paroles pour raconter la passion inspirée au voyageur italien par la jeune et belle Leonor Olórtegui Reyes. Ses sentiments étaient partagés, mais l'amour du couple n'a pas eu la bénédiction de la famille de Leonor, et la jeune femme a été chassée de la ville”.

Il existe plusieurs versions des paroles, mais une des plus connues est celle chantée par le Dúo Loreto. Dans mes exporation urbaines, j'ai enregistré une version instrumentale qui, conformément aux heureux hasards de mes rencontres, était jouée par un saxophoniste aveugle dans une rue du coeur de Lima précisément appelée Ucayali.

Je ne connaissais pas la scie musicale avant de rencontrer Miguel Ángel, mais d'après ce que j'ai glané sur YouTube, c'est un instrument répandu dans de nombreuses parties du globe.

Ici Miguel Ángel joue Love Hurts, la ballade rock des années 70 qui était un tube du groupe écossais Nazareth, en réalité composée par Boudleaux Bryant et enregistrée pour la première fois dans les années 60 par les Everly Brothers.

Dans la vidéo suivante, Miguel explique rapidement et avec humour ce qu'est la scie musicale et comment on en joue. D'autres billets de blog donnent des explications et des enregistrements de cet instrument qui a ses lettres de noblesse.

Quand j'ai écouté pour la première fois Miles Davis jouer de sa trompette avec une sourdine, j'ai été fasciné par le son qui en résultait. Je n'imaginais pas rencontrer un jour quelqu'un jouant de la trompette bouchée dans les rues de ma capitale, mais cette année mon nouvel ami m'a permis de capter cette interprétation. Il était l'un des quelques artistes rencontrés qui ont dit avoir parfois des problèmes avec des agents de la ville qui les expulsent de certains espaces publics.

Il y a beaucoup d'autres styles de musiques de rue jouées pour les passants à Lima, y compris des interprétations populaires grâce aux orchestres militaires de la Marine péruvienne et du Palais du Gouvernement. La Ville de Lima elle-même organise également toutes sortes d'animations de rue avec des groupes de rock.

Concert officiel ou spectacle impromptu par un musicien de rue, la capitale du Pérou est animée par les sons bienvenus des voix et des instruments. Bonne écoute !

Haut-Karabagh : comment suggérer la voie du pragmatisme ?

vendredi 26 septembre 2014 à 16:51
Paysage du Haut-Karabagh par Bouarf CC-BY-2.0

Paysage du Haut-Karabagh par Bouarf CC-BY-2.0

Depuis l’état d’armistice signé en 1994, le dossier de la région du Haut-Karabagh n’avance guère. Malgré les efforts déployés par les États-Unis, la France et la Russie pour acheminer les deux parties sur la voie du compromis, rien n’y fait. Bien au contraire, il semblerait même que les positions se radicalisent, en particulier du coté arménien. La faute aux médiateurs, trop envahissants ? Changer la manière de suggérer les solutions pourrait, si ce n’est mettre miraculeusement fin aux discordes, amener les deux pays sur un terrain d’entente.

Il est de ces conflits dont on sait quand ils ont commencé, mais dont on se demande vraiment s’ils finiront jamais. Le conflit israélo-palestinien en est l’édifiant exemple, étant sans doute le plus médiatisé. Mais d’autres sont superbement ignorés des journalistes, tandis que communauté internationale intervient, mais non sans maladresse.

C’est le cas de la région du Haut-Karabagh, enclave ethnique située en Azerbaïdjan dans le sud-est du Caucase mineur et attribuée par Moscou à la République fédérée turcophone d’Azerbaïdjan du temps de sa soviétisation. Bien que reconnue Région autonome par le pouvoir soviétique, les ethnies arméniennes qui y vivent n’ont jamais cessé de réclamer leur rattachement à la République d’Arménie. En 1988, le nationalisme cristallisé sous l’ère Gorbatchev pousse les Arméniens du Haut-Karabagh à élever le ton des revendications. C’est d’ailleurs alors que débute la chute des dominos qui conduira à l’implosion du bloc soviétique.

Un état d’armistice tout théorique

De 1991, date à laquelle les ethnies arméniennes du Karabagh ont expriment leurs premières velléités d’indépendance et jusqu’à 1994, trois guerres ont opposé les montagnards arméniens, jaloux de conquérir une terre qui ne leur a jamais été donnée, aux « Tatars» des vallées, appelés désormais Azéris. En 1994, un état d’armistice est signé qui n’a encore abouti à aucun traité de paix, et ce en dépit de la négociation au long cours à laquelle participe le groupe de Minsk, co-présidé par les États-Unis, la Russie et la France depuis lors. Le conflit semble figé, aucune solution politique n’étant venue sanctionner les motifs de la belligérance.

Les médiateurs de Minsk continue d’œuvrer pour ce qui pourrait consister un compromis acceptable et pragmatique pour les deux parties : la restitution des territoires occupés et le droit au retour, en échange de l’autonomie locale pour les Arméniens, accompagnée d’une garantie de sécurité comprenant une opération de maintien de la paix et un corridor de liaison vers l’Arménie. Mais ce n’est pas pour convenir à l’Arménie, de moins en moins encline à accepter de faire des concessions des territoires qu’elle est la seule, au regard du droit international, à considérer siens.

« Malgré nos différences dans d’autres parties du monde, nous voulons coordonner notre diplomatie concernant le Karabagh », a réaffirmé Erevan James Warlick, coprésident américain du Groupe de Minsk de l’OSCE, afin de montrer que les États-Unis et la Russie poursuivaient leurs efforts afin de trouver une solution à ce conflit qui a déjà trop duré, semant au gré des ans plusieurs milliers de morts et des centaines de milliers de réfugiés de part et d’autre.

En outre, afin d’approfondir sa connaissance de la société et des institutions karabaghiotes, la France a envoyé une délégation de quatre parlementaires français du 8 au 12 septembre pour réaliser un voyage d’études au Haut-Karabagh, ce sans doute dans l’idée d’être en mesure d’intervenir dans les négociations sans dogmatisme. Car ce serait l’impression de se voir dicter la voie de la paix par la communauté internationale qui radicaliserait la position de chacun.

Pour une intercession moins dogmatique ?

Quoi de plus normal ? Il est compréhensible que deux adversaires se braquent quand s’invite au cœur des hostilités un tiers drapé dans son habit d’arbitre, quand bien même ce dernier serait pourvue des meilleures intentions.

L’analyse du politologue russe Andreï Arechev  va dans ce sens :

Les négociateurs auront eux-mêmes à essayer des voies de règlement du problème et des approches de nature à apaiser la situation, tandis que les médiateurs, à l’adresse desquels des reproches retentissent, ne doivent pas dicter leur volonté aux parties.

C’est selon lui cette ingérence qui constitue la pierre d’achoppement des négociations :

C’est là que réside la cause majeure de l’incompréhension en Arménie et en Azerbaïdjan. Souvent le médiateur imposait sa volonté, et cela ne profitait pas aux parties prenantes du conflit. Aussi la tâche de Moscou et d’autres intermédiaires consiste-t-elle à assurer le processus des pourparlers, ainsi que de prévenir une reprise des hostilités et de détendre la situation dans la zone de conflit.

C’est sans doute dans cette optique d’intercession sans ingérence que le Secrétaire d’État américain John Kerry a réuni début septembre et pendant près de deux heures en marge d’un sommet de l’OTAN les présidents de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan ainsi que des diplomates américains. Gageons que ces tentatives toujours plus poussées pour intercéder sans interférer parviennent à décrisper les deux régions pour faire émerger les premiers signes de détente.

Guinée: Des mesures pour évaluer le travail des ONG dans la lutte contre Ebola

vendredi 26 septembre 2014 à 15:35

Pendant que la fièvre hémorragique virale à Ebola continue de progresser dans toute la Guinée, des ONG locales, sous le prétexte de contribuer à la lutte contre le fléau,  se font financer par la Coordination Nationale de Riposte contre Ebola, sans pouvoir garantir des résultats probants. De nouvelles mesures que chaque ONG doit remplir ont été introduites. Le site VisionGuinee.Info a publié un billet de Ciré BALDE qui présente ces nouvelles mesures:

Le malheur des uns fait le bonheur des autres, dit-on. Alors que l’épidémie d’Ebola a coûté la vie à 630 patients sur 970 cas confirmés selon le bilan fourni le weekend  dernier par le Comité interministériel de riposte, des “Organisations non gouvernementales’’  se bousculent à la porte de la Coordination nationale de riposte contre Ebola pour obtenir un financement pour faire de l’épidémie un business florissant.

De par le passé, des ONG ont obtenu des financements sans pourtant autant répondre aux attentes du Comité interministériel de riposte contre Ebola. Ce qui contraint les responsables de la coordination à fixer de nouvelles règles de jeu. 

Désormais, pour rafler un montant, les ONG et associations soumissionnaires doivent avoir un agrément en cours de validité délivré par le ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation, avoir une expérience avérée dans le domaine de la sensibilisation prouvée par un rapport d’activités certifié par le bailleur. Ce n’est pas tout. Elles doivent avoir un compte bancaire approvisionné à hauteur de 5 millions au minimum et surtout présenter un projet dont le montant n’excède pas 10 millions pour la ville de Conakry , et 30 millions pour l’intérieur du pays.

 

Près de 70% des jeunes Iraniens utilisent des outils pour contourner la censure Internet

vendredi 26 septembre 2014 à 15:02
"God is with us. Are you filtering him too?" Photo by Cyrus Farivar via Flickr (CC BY-ND-SA 2.0)

“Dieu est avec nous. Vous allez le filtrer aussi ?” Photo de Cyrus Farivar via Flickr (CC BY-ND-SA 2.0)

Dans un rapport commandé par le ministère de la Jeunesse et des Sports iranien, le gouvernement iranien a annoncé que des 23,5 millions de jeunes se servant d'Internet, 69,3 pourcents d'entre eux utilisent des moyens techniques pour contourner la censure, tels que des proxies ou des VPNs — les Réseaux Privés Virtuels (de l'anglais Virtual Private Networks), qui permettent un accès à l'intégralité d'Internet.

Actuellement, lorsqu'ils essayent d'accéder à des sites visiblement hostiles au gouvernement ou aux idéaux de la nation islamique, les Iraniens se trouvent souvent face à une page d'erreur ou bloquée. Le rapport ne fait pas état de la légalité ou non des outils de contournement. Cependant, d'après la législation iranienne sur les Cyber délits et crimes, la diffusion de moyens techniques de contournement de la censure ainsi que les instructions permettant d'utiliser ce genre d'outils sont toutes deux illégales. Contrevenir à ces lois est puni de sévères sanctions.

La politique Internet de l'Iran reste un problème bien souvent incohérent et facteur de tensions. La semaine dernière, le Président Hassan Rouhani a déclaré que des filtres ne pourraient jamais s'avérer efficaces dans un pays comme l'Iran, or quelques jours plus tard, le ministre de la Culture et de l'Orientation Islamique a commencé à bloquer des sites d'informations ne possédant pas une licence de presse officielle. De la même manière, Rouhani et d'autres membres clés de son cabinet font partie des utilisateurs les plus connus sur Twitter et Facebook dans leur pays, alors que les deux réseaux sociaux restent inaccessibles pour les utilisateurs iraniens ordinaires.

Alors que certains soutiennent que la politique Internet de Rouhani est l'un des rares domaines où le discours et les faits coïncident, citant les récentes améliorations de l'infrastructure Internet à de l'accès au mobile et  au fixe, des comptes-rendus comme celui-ci maintiennent un sentiment d'incertitude globale dans le pays chez de nombreux utilisateurs et défenseurs d'un Internet à accès libre et intégral.

Mexique : comment décrire la douleur quand on n'a pas les mêmes mots ?

vendredi 26 septembre 2014 à 15:01
Mexico

Image publiée sur flickr par l'utilisateur Buen Rumbo ((CC BY-NC-SA 2.0)

Sans professionnels de la santé maîtrisant les langues autochtones, ni de services de traduction et d'interprétariat efficaces dans les hôpitaux, on court le risque que les patients soient dans l'incapacité de décrire parfaitement les maux dont ils souffrent, explique Yásnaya Aguilar dans son blog pour EstePaís. Dans sa rubrique, elle donne de nombreux exemples où la langue mixe [langue amérindienne] lui a permis de décrire de manière plus précise une douleur à une infirmière ou à un médecin parlant cette même langue, et comment une traduction en espagnol pouvait parfois s'avérer limitée. De ses propres mots :

En mixe por ejemplo tengo un conjunto de palabras distinto para nombrar el dolor físico: pëjkp, jäjp, pä’mp, we’tsp… Apenas hallo equivalentes para alguna en español. Las diferencias todavía son más grandes y hay momentos en los que sólo puedo describir un dolor en español o sólo alcanzo a nombrarlo en mixe. Hablar ambas lenguas me permite tener a mi servicio un inventario más nutrido de palabras para describir mi dolor, aunque en general, cuando algo me duele mucho, el mixe toma el control de mis pensamientos.

En langue mixe, par exemple, j'ai tout un éventail de mots différents pour nommer la douleur physique : pëjkp, jäjp, pä’mp, we’tsp. Je peux à peine trouver leurs équivalents en espagnol. Les différences sont si importantes que parfois, il ne m'est possible de décrire la douleur qu'en espagnol et d'autres fois, qu'en langue mixe. Être capable de maîtriser ces deux langues me permet aussi d'avoir à ma disposition un riche répertoire de mots pour expliquer une douleur, bien qu'en général, quand il y a quelque chose qui me fait vraiment souffrir, c'est la langue mixe qui prend le contrôle de mes pensées.

Le droit universel aux soins de santé ne peut être garanti quand la majorité des hôpitaux n'ont pas à leur disposition des praticiens qui puissent à la fois parler en langues autochtones et passer d'un système de compréhension du corps humain à un autre complètement différent. En outre, elle ajoute que cela peut être la cause d'erreurs de diagnostic et que sans ces services en langues autochtones, “il n'y a aucun moyen de tendre des ponts d'empathie et de mieux comprendre que votre “ça fait mal” pourrait être aussi le même que le mien”.