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Game Over au Pakistan : Les jeunes riches iront aux urnes

lundi 6 mai 2013 à 14:52
From the game developers Facebook page Jay Toons

Par le créateur de “C'est l'heure des élections au Pakistan : Vas-y jeune richard, vas-y !” Jahanzaib Haque, tiré de sa page Facebook Jay Toons, le 24 avril 2013.

[Les liens mènent à des pages en anglais, sauf mention contraire.]

Un jeu vidéo en ligne et sur mobile qui tape avec cocasserie sur les électeurs pakistanais jeunes et riches, dont certains disent qu'ils esquiveront bravement les bombes pour aller voter la semaine prochaine, tombe à pic et a été joué par des milliers de personnes.

Le journaliste basé à Karachi Jahanzaib Haque a créé le jeu “C'est l'heure des élections au Pakistan : Vas-y jeune richard, vas-y !” il y a une dizaine de jours, le 21 avril 2013.

Les mois précédant les élections de 2013 ont été entachés de violences [fr], des douzaines de personnes ont été tuées par des bombes ciblant les campagnes électorales, rassemblements et lieux très fréquentés. Le mois dernier, les talibans pakistanais ont mis en garde les électeurs et promis une escalade des attaques contre les politiciens laïques.

Environ la moitié des 84 millions de Pakistanais enregistrés sur les listes électorales ont moins de 30 ans et iront aux les urnes pour la première fois. De plus en plus de jeunes Pakistanais éduqués montrent un intérêt pour la politique en participant à des rassemblements politiques et en exprimant leurs opinions sur Facebook et Twitter. Sarah Munir, un jeune blogueur pakistanais basé à Karachi écrit :

Ces quatre derniers mois, quelque chose a changé. La conversation est passée de ce que d'autres ont fait à ce que nous allons faire. Nous avons commencé à écouter, à parler, à échanger des points de vue, à discuter de plans et le plus dangereux de tout, à y croire. Nous avons commencé à parler de celui pour lequel nous allons voter et pourquoi.

Mais la génération Facebook est souvent considérée comme coupée de la vraie jeunesse pakistanaise, qui en majorité n'a pas accès à internet. Sur son blog personnel Haque explique sa motivation à créer son jeu vidéo :

Quand l'idée m'est venue d'écrire une aventure basée sur les élections au Pakistan, je n'imaginais pas que le jeu irait au-delà de mon petit cercle d'amis, et encore moins les milliers de parties jouées, ce qui a mené à une version application mobile, d'où encore plus de parties.

Hébergée sur un site web de fiction interactive [fr], la page d'accueil du jeu explique :

Vous êtes riche, vous êtes privilégié et enivré de démocratie dans une société ultra-pauvre et ultra-conservatrice !  Êtes-vous prêts à voter dans les friches urbaines de notre bon vieux Pakistan ? Niquez les terroristes, et au diable la chaleur estivale - il est temps d'exprimer votre vote.

Au début du jeu, Haque détaille le scénario de l'aventure à venir : “C'est jour d'élection ! Vous vous réveillez le matin, excité à l'idée d'aller voter parce que tous vos amis sur Facebook disent qu'ils vont y aller aussi !”. (Facebook est le site web le plus fréquemment visité dans le pays.)

Ensuite vous devez décider si vous voulez y aller avec un ami, une copine ou votre garde du corps [note : la plupart des ménages à haut revenu emploient des gardes de sécurité privés au Pakistan]. Si vous choisissez de prendre avec vous votre ami ou “meilleur pote Omar (metal head et branché)”, votre premier obstacle s'avère être un parent :

Votre maman vous bloque le passage. Elle semble assez agitée, saisissant un exemplaire du journal du jour avec à la une :  Les Talibans projettent de bombarder tous les bureaux de vote, en particulier dans les zones urbaines huppées.

“En aucun cas je laisserai mon fils se rendre à une mission suicide et se faire tuer en votant pour une bande de vautours dans une élection qui ne changera pas quoi que ce soit pour le Pakistan !” dit votre maman fermement.

Que dis-tu ? [cliquez sur l'une des trois options pour passer au prochain niveau]

(Mensonge) Je sors avec des amis

Tu as raison. Ça ne sert à rien de voter maman.

Je vais voter !

Dans une critique du site, le cinéaste et blogueur Karachi Khatmal écrit :

Difficile de décider ce qui est le meilleur dans ce jeu – une description largement exacte de la confusion de l'élite face aux mécanismes sociaux et bureaucratiques du Pakistan, ou le fait qu'il est franchement vachement drôle.

Haque gère aussi une page Facebook populaire intitulée Jay Toons, où satire politique et caricatures se rejoignent. Un autre critique écrit :

L'humour était parfois un peu trop noir à mon goût (tuer des enfants) [sic], mais l'histoire semblait “réelle” et en même temps complètement dingue. J'ai appris quelque chose sur le Pakistan, aussi, et apprendre en s'amusant avec un jeu est le meilleur moyen d'apprendre.

Le British Council au Pakistan a récemment rendu un rapport sur les jeunes électeurs dans le pays, dont le journal Express Tribune dit qu'il illustre le fait que “c'est une génération qui a été terrifiée par le terrorisme, l'inflation et l'instabilité, et pourtant ses membres prévoient toujours de voter”.

Les élections au Pakistan [fr], la première transition démocratique du pouvoir dans l'histoire politique du pays, sont prévues pour le 11 mai 2013.

A l'occasion du 1er mai, l'absurde descend dans la rue en Russie

lundi 6 mai 2013 à 00:05

La fête du travail dans la Russie du XXIe siècle ne se compare pas à ce qu'elle était en Union Soviétique, mais n'en reste pas moins une journée de rassemblements et de cortèges. Ce 1er mai, à côté des photos de pancartes politiques Libérez Navalny ! [en russe, comme tous les liens sauf mention contraire] et de récits d'arrestations aux manifestations politiques, l'Internet russe a été inondé d'articles d'un autre genre. Les photos tranchent sur une mer de drapeaux rouges (communistes) ou bleus (Russie Unie) : un slogan farfelu par ci, un masque de carnaval par là. Ce sont les participants de “Monstrations” (le mot vient de “démonstration” [synonyme de "manifestation"] sans le ”dé-”, et non de “monstre”), une célébration décalée de l'absurde, qui nous vient de Sibérie.

Самые крутые монстранты  #монстрация

C'était cette année le dixième anniversaire de Monstration. Fondé à Novossibirsk par l'artiste Artiom Loskoutkov, et toujours tenu le 1er mai, l'événement a rapidement pris dans d'autres villes de Russie, ainsi qu'en Ukraine. L'idée est simple : une performance artistique publique sous forme de cortège politique, avec des banderoles et déguisements absurdes au choix des participants. Selon la description d'un blogueur d'Omsk racontant l'événement :

Монстрация — это пародия на традиционную демонстрацию с абсурдными требованиями и плакатами, где каждый участник заявляет то, о чём хочет.

Une Monstration est une parodie de manifestation traditionnelle, avec des revendications et des slogans absurdes, où chaque participant déclare ce qui lui chante.

Юрец - молодец! @mutantcornholio #монстрация

Si elle a été adoptée par d'autres villes, la Monstration reste une entreprise surtout sibérienne, plus particulièrement de Novossibirsk. Il y en a eu cette année à Omsk, Tioumen, Khabarovsk et Novossibirsk (toutes des villes de Sibérie), ainsi qu'à Krasnoïarsk, Ekaterinburg, Yaroslavl, et cinq villes en Ukraine et Moldavie. La participation est révélatrice : plus de 2.000 personnes à Novossibirsk cette année (comme c'est le cas depuis quatre ans), et seulement une quarantaine à Krasnoïarsk, tandis que Omsk n'a pas dépassé les quelques dizaines. Même le rassemblement de Moscou en 2011 n'a compté que 200 participants. Curieusement, le coup d'essai de Ekaterinbourg en Monstration cette année a été un grand succès : le portail de journalisme citoyen Ridus rapporte qu'il y a eu plus de 1.000 marcheurs.

#1мая #монстрация #шествие

Russia without Agutin is a slogan many people could probably get behind.

Leonid Agoutine en concert en 2003. “La Russie sans Agoutine” est un slogan probablement unificateur. Photo Wikimedia Commons.

Une Monstration, ce n'est rien d'autre que des slogans amusants, et ils le sont vraiment. Celui ci-dessus est “Россия без Агутина” (“La Russie sans Agoutine”) qui se réfère au ringard chanteur pop des années 90 Leonid Agoutine, et joue sur la consonance de son nom avec Poutine. Si ce slogan peut avoir une interprétation politique à la marge, ce n'est pas le cas général : par exemple, les “monstrateurs” à  Krasnoïarsk ont scandé “Хей, хей, хей, к нам едет Саша Грей” (“Hey, hey, hey, qui vient chez nous c'est Sasha Grey”), citant la célèbre porno-star retraitée, qui pour d'obscures raisons est immensément populaire en Russie. (L'engouement pour la visite prochaine de Sasha Grey en Russie a amené le poète et journaliste Ivan Davidov à plaisanter sur son blog :

Национальная идея начинает постепенно вырисовываться: всей страной влезть в желтую Ладу-Калину, и овладеть решительно Сашей Грей. Как Америкой, ненавидимой и вожделенной. Желательно – на фоне ковра.

Une idée nationale se dessine peu à peu : tout le pays veut monter dans une Lada Kalina jaune, et empoigner fermement Sasha Grey. Comme l'Amérique, haïe et convoitée. De préférence, sur fond de tapis mural.)

Quelques autres exemples de slogans cette année :

Вперёд в тёмное прошлое!

En avant vers le sombre passé ! [évoquant le vieux bobard de l' "avenir radieux".]

Виктор Цой предупреждает — автобусы убивают!

Victor Tsoi prévient — les bus tuent ! [Le célèbre rocker s'est tué dans la collision de sa voiture avec un bus]

Хватит выкладывать еду в Инстаграм

Arrêtez de déposer de la nourriture sur Instagram

et

Я живу с циничным сусликом

Je vis avec un rat à poche cynique

"Back to the dark past!" YouTube screenshot, May 2, 2013.

“En avant vers le sombre passé !” Capture d'écran deTube, 2 mai 2013.

Même s'il n'est pas à proprement parler une “flashmob,” le phénomène Monstration n'existerait sans doute pas sans l'Internet. Les événements des différentes villes ont été organisés à l'aide du blog monstration.ru, qui a publié les heures et lieux des rendez-vous, de même que les pages propres à chaque ville sur le réseau social VKontakte. Ces pages précisaient aussi si l'événement était coordonné avec les municipalités respectives. Internet joue un rôle aussi dans les slogans et banderoles. Il y a plusieurs référentiels en ligne de slogans de Monstrations passées, et le plus vaste d'entre eux les liste par année et ville, probablement à l'intention des gens trop paresseux pour inventer les leurs. Où l'on découvre que “la Russie sans Agoutine” était déjà apparu une première fois à Novossibirsk, en 2011.

Монстрация в Новосибирске #монстрация #новосибирск #миртрудмай #holiday #fiesta #novosibirsk #instaphoto

Comme les Monstrations se veulent apolitiques, les tentatives de récupération par les mouvements politiques rencontrent généralement l'hostilité. Ainsi, après que des membres de l'opposition eurent essayé de s'associer à la Monstration de Moscou en 2012, Loskoutkov aurait désavoué par avance toutes les Monstrations à venir à Moscou. Certes, que ces événements aient lieu en un jour éminemment politique, ne fait qu'ajouter à l'absurde, et justifie quelques opinions ironiques, comme cette récrimination d'un participant de Monstration :

Не понравилось, что коммунисты вышли с коммунистическими плакатами. Извините, что это, блядь, такое? [...] Зачем вы вечно лезете даже туда, где вам нет места?

Ça ne m'a pas plu que les communistes s'amènent avec des banderoles communistes. Excusez-moi, mais qu'est que c'est que cette foutaise ? [...] Pourquoi vous vous faufilez toujours là où il n'y a pas de place pour vous ?

Ecouter les couleurs

dimanche 5 mai 2013 à 15:49

Cet article a d'abord été publié dans le journal électronique catalan VilaWeb [catalan, ca] et fait partie de l'accord de collaboration établi avec Global Voices.

(Billet d'origine publié sur Global Voices en anglais le 12 février 2013) Lors de la dernière édition du Festival de Cinéma Indépendant de Sundance qui s'est déroulé du 17 au 27 janvier 2013 dans les montagnes de l'Utah, le réalisateur catalan Rafael Duran [en, anglais] a eu une surprise inespérée en voyant que son documentaire avait gagné le concours des réalisateurs Focus Forward. “Cyborg Foundation” [en] raconte l'histoire de Neil Harbisson [en], l'un des premiers membres de la fondation, qui est également officiellement reconnu par le gouvernement britannique comme le premier cyborg.

Neil Harbisson est né avec une infirmité visuelle appelée achromatopsie qui l'empêche de distinguer les couleurs autres que le noir et le blanc. Ce compositeur et artiste visuel a inventé l‘Eyeborg [en] avec l'aide d'un ingénieur en électronique. L'Eyeborg ressemble à une antenne et sert à recevoir les fréquences émises par les couleurs pour ensuite les transformer en impulsions audibles pouvant être perçues à travers les osselets des oreilles.

Mariana Viada i Neil Harbisson, de la Cyborg Foundation.

Mariana Viada et Neil Harbisson de la Cyborg Foundation.

La deuxième surprise est le fait que Neil soit un tiers cyborg, un tiers irlandais/britannique et un tiers catalan. Il a vécu a Mataró pendant dix ans et y a créé la Cyborg Foundation [en] en 2010. La fondation a maintenant une nouvelle maison à Barcelone et est la première à promouvoir l'utilisation de dispositifs cybernétiques et technologiques pour améliorer nos sens. Ici, nous dialoguons avec Neil Harbisson, qui a pris la parole lors d'événements prestigieux comme les conférences TED (vidéo [en, ca]), et également avec Mariana Viada qui appartient elle aussi à la fondation.

- Voir un extrait de l'interview [ca].

- Écouter le programme en mp3 [ca].

- Ou bien encore sur des radios locales et en ligne [ca]

- Vous pouvez également télécharger le podcast de l'Internauta sur VilaWeb ou iTunes [ca]

L’Internauta [ca] est diffusé sur VilaWeb tous les vendredis après-midi.

Pérou : le film ¡Asu Mare! bat tous les records d'entrées au cinéma

dimanche 5 mai 2013 à 12:59

[Tous les liens renvoient vers des pages en espagnol.]

Le film péruvien “¡Asu Mare!” est sur le point de battre un record d'audience. A l'affiche depuis moins de trois semaines, le film a déjà été vu par plus de deux millions de spectateurs, ce qui représente un record historique pour les salles du pays.

Sorti en salle le jeudi 11 avril 2013 dans les cinémas péruviens, ce film de 95 minutes s'appuie sur le spectacle [comique] du célèbre acteur et comédien péruvien Carlos Alcántara, l'homme qui fait le succès du film. Sur les écrans, Alcántara rend hommage à sa mère qui a élevé seule ses enfants dans un quartier populaire de Lima et raconte comment celle-ci a réussi à se sortir de situations difficiles, vues par l'oeil un peu espiègle d'Alcántara. Car si cette mère singulière se sacrifie et se consacre entièrement à ses enfants, elle a une façon bien à elle de les élever.

Carlos Alcántara à l'avant-première de "Asu Mare". Photo issue de Wikimedia Commons, sous licence Creative Commons CC BY-SA 3.0.

Carlos Alcántara à l'avant-première de “Asu Mare”. Photo issue de Wikimedia Commons, sous licence Creative Commons CC BY-SA 3.0.

Si “¡Asu Mare!” est une expression facilement comprise par n'importe quel Péruvien, elle exige une certaine explication pour les étrangers. “¡Asu Mare!” est la forme abrégée de “¡para su madre!” [littéralement "pour sa mère", expression familière signalant l'étonnement, équivalent approximativement en français à "Oh, la vache !"], utilisée ici pour rendre compte de l'admiration. Il ne s'agit pas de la comprendre dans un sens péjoratif ou désobligeant.

Lors des trois semaines de projection dans les salles péruviennes, le film a reçu autant d'éloges que de critiques.

Le blogueur Pachini, du blog The Markethink, nous fait partager son expérience de spectateur de “¡Asu Mare!” :

[...] Alors que j'attendais dans la file, je me demandais à quand pouvait bien remonter la dernière fois que j'avais déboursé 19 soles [5,5 euros] pour un ticket de cinéma pour voir un film péruvien. Ça ne m'était jamais arrivé. Goguenard, j'entrais ainsi dans le cinéma, sans pouvoir étouffer mes envies de rire.
[...]
Lorsque je me suis assis dans la salle d'une contenance de 450 places, j'ai cru qu'elle ne se remplirait tout au plus qu'à la moitié.
Et bien au contraire, une cohue s'y est engouffrée et l'a aussitôt remplie. Le film comporte en lui-même tous les ingrédients du succès, dans la mesure où son histoire peut être celle tout Péruvien entreprenant. L'action du film est en plus parfaitement située dans les années 1980 avec une réalisation et une direction artistique parmi les meilleures qui m'ont été données de voir au Pérou.

Le blogueur ajoute une recommendation [à l'adresse des cinéastes] :

La salle n'arrêtait pas de rire. Chers scénaristes et réalisateurs, si vous voulez tourner un film à grand succès, le parfait ingrédient est l'humour. Si vous voulez gagner un Oscar ou une récompense à l'étranger, il vous faudra réaliser plusieurs films (sans disposer de budget conséquent) avant de taper dans le mille. Comprenez bien que nous en avons marre de voir de l'alcool, du sexe, des drogues et du sang ; nous voyons tout ça du lundi au vendredi dans le journal télévisé, matin, midi et soir. L'acte de se rendre au cinéma est fait pour se détendre. Le film [¡Asu Mare!] est court, mais comprend des tensions et des résolutions qui s'articulent bien et nous apprennent beaucoup. Le public en est sorti en riant et en commentant ainsi, ce que je confirme à mon tour : UNE REUSSITE..

Le blog MarcaFreak [Les bizarreries des marques], spécialisé dans les marques commerciales, a relevé cinq anomalies [anachronismes, incohérences de l'intrigue] dans ce film à succès et conclut son billet en précisant :

Il convient de mentionner qu'aucun des détails mentionnés plus haut ne portent ombrage au succès du film et aux résultats obtenus dans les cinémas péruviens. Mais comme notre blog s'appelle MarcaFreak, nous nous ne pouvions cependant pas les laisser de côté.

Quant au blog Sumidero, il livre une analyse approfondie du caractère péruvien ou péruvianité [peruanidad] et de sa mise en évidence tout au long du film :

En l'occurence, ce que j'entends par péruvianité [peruanidad] consiste dans le fait de se sentir vraiment péruvien. [...] Quoi qu'il en soit, ce qui est important ici est la péruvianité, du moins telle que je l'entends, c'est-à-dire que l'histoire actuelle est aussi l'histoire de toute une vie, celle d'un Péruvien d'aujourd'hui et du millénaire dernier. Je parle de “¡Asu Mare!” et du plaisir éprouvé à voir un film péruvien au cinéma. Il s'agit en plus du premier film péruvien auquel j'assiste dans une salle de cinéma.

En revanche, le site Cero Contenido consacre une sévère critique au film :

L'histoire passe de l'enfant Machín [personnage interprété par Alcántara] à Machín cherchant des filles à Machín fumant de la coca sur une table de billard à Machín effectuant son service militaire. Aucune de ces scènes n'a de rapport avec les autres et le développement de l'intrigue est affreusement arbitraire. La seule motivation réelle plus ou moins présente dans le film est la velléité de Machín de devenir acteur, à quoi il parvient au bout du compte (mais de manière totalement spontanée, sans fournir d'explication ni consacrer d'effort particulier). Il entre juste dans une école de clowns et apparaît, la scène suivante, à la télévision. Voilà, tout rentre dans l'ordre.

Bref, que les opininions soient favorables ou non, on peut en tout cas affirmer que le film ¡Asu Mare! est devenu un film à grand succès dans un pays où la piraterie est pour ainsi dire la norme.

Russie – Asie Centrale : Un politicien d'extrême-droite attise les haines

samedi 4 mai 2013 à 21:28

Bien que première destination des travailleurs migrants d'Asie Centrale, la Russie est célèbre pour son intolérance ordinaire envers les ‘non-Russes’ résidant à l'intérieur de ses frontières. Les crimes haineux à motif racial et ethnique ne sont pas rares dans cette fédération multinationale, et les migrants d'Asie Centrale et du Caucase sont les victimes habituelles [russe] du racisme. Conscients de l'intensification des sentiments anti-migrants, beaucoup de politiciens moscovites cherchent à faire fructifier leur capital électoral en prônant des mesures droitières. Mais parmi eux il en est toujours un qui va un peu plus loin que ses confrères.

Vladimir Jirinovski, le chef du parti Libéral Démocrate de Russie, est un député irascible connu pour ses propos ni libéraux ni démocrates. Abonné depuis longtemps aux rôles de clown dans les affaires intérieures, la prestation d'avril de Jirinovski semblait calibrée pour plonger l'Asie Centrale entière dans un tollé qui n'avait rien de drôle.

Vladimir Zhirinovsky, image from the LDPR's website, used with permission.

Vladimir Jirinovski, photo du site internet du parti Libéral-Démocrate, utilisée avec permission.

Son assaut contre les peuples de la région a commencé par une proposition à la Douma de débarrasser [russe] le Kirghizistan de l’Yssyk-Koul, un lac pittoresque enchâssé dans les grandioses montagnes du Tian Shan, afin de solder la lourde dette de cette ancienne république soviétique envers Moscou. Il y revenait une semaine publique, avec une diatribe [russe] contre les migrants d'Asie Centrale lors d'une émission politique télévisée.

Si le ministère kirghize des Affaires Etrangères a écarté d'un haussement d'épaules [russe] le marché lac contre dette, les internautes kirghizes n'y ont pas vu de quoi rire.

Sous une vidéo YouTube du discours parlementaire de Jirinovski, bekturel a commenté [russe] :

Иссык – Куль он захотел. Ни одной кыргызской лужи не получите! Долг мы вернем, только не водой, и не землей, а бумажками.

Il a voulu l'Yssyk-Koul. Ce n'est même pas une flaque kirghize que vous aurez ! Nous rembourserons notre dette, pas avec de l'eau ou de la terre, avec des billets.

‘Ils sont comme des esclaves…’

Le parlement russe a ignoré la proposition de “l'histrion de la politique russe“ et a ratifié une annulation des 500 millions de dollars de la dette kirghize sans confiscation de trésors nationaux. Mais Jirinovski ne s'est découragé pour si peu, et quelques jours plus tard, il donnait un nouveau spectacle haut en couleurs lors d'une émission politique sur Rossiya, une télévision d'Etat. Il y a parlé de la nécessité d'instaurer des visas obligatoires pour les ressortissants des pays d'Asie Centrale, qui actuellement n'en ont pas besoin pour se rendre en Russie. Il s'est aussi permis [russe] des descriptions éloquentes des travailleurs migrants d'Asie Centrale :

Им не надо жилья, страховок. Oни как рабы крепостные, спят в подвалах, едят любую гадость.

Ils n'ont pas besoin de logements, d'assurances. Ils sont comme des esclaves ou des serfs, dorment dans des sous-sols, mangent n'importe quelle saleté.

Zhirinovsky Banner

Affiche du PLD, le parti de Jirinovski, avec pour slogan “Le PLD pour les Russes !” Photo Ilya Radnets, utilisée avec permission.

La majorité des commentaires sous la vidéo YouTube du débat approuvaient. Un usager au pseudonyme ‘nekto1rublik' a écrit [russe] :

давно пора уже ввести самый жесткий режим для их въезда вы посмотрите на улицы наших городов скоро на нас уже будут смотреть как будто мы не у себя дома кругом одна чернота сколько можно то уже….а те которые уже приехали нужно в вагоны и желательно грузовые и в Таджикистан!!!!!!

Il est grand temps d'instaurer le régime le plus strict pour l'entrée [des migrants d'Asie Centrale]. Regardez les rues de nos villes. Bientôt on nous regardera comme si nous n'étions pas chez nous, il n'y a que du noir partout. Combien de temps ça sera encore possible ?… Ceux qui sont déjà arrivés il faut les mettre dans des trains et de préférence de marchandises, et envoyés au Tadjikistan !!!

Le commentaire élu préféré est venu [russe] d'un utilisateur ‘CSKA Ultra', un nom qui se réfère aux casseurs d'extrême droite supporters du club de football CSKA Moscou :

ЗА визовый режим с чуркостанами.

Pour un régime de visas avec les Tchourkostans ['Tchourki' est un mot d'argot injurieux pour les gens d'Asie Centrale].

Dans la suite du même débat, Jirinovski a défendu que les talibans pouvaient bien “piétiner le Tadjikistan” et “pendre [le président tadjik Emomali Rahmon] en plein centre de Douchanbé”. Un propos qui a provoqué des réactions diverses, gagnant à l'homme politique un répit de la part des internautes du Tadjikistan opposants au régime de leur pays. Mais qui a amené le parlement tadjik à transmettre une protestation [russe] à l'ambassadeurde Russie.

‘Vous avez tous 15 enfants…’

Jirinovski a conclu [russe] une de ses diatribes anti-Asie Centrale de cette émission par des clichés accablants :

Все бывшие советские республики живут лучше нас. То есть Россия через 20 лет снова всех кормит. Они все откормленные, все одетые и едут сюда погулять, бандитизмом заниматься, понасиловать. Естественно там у них работы не хватает, но эта причина ваша, это ваша релишия, у вас по 15 детей. Если  у вас как у русских будет один ребёнок, вы вообще не будете думать о России. Пускай все Таджикские семьи имеют два ребёнка в семье и проблемы никакой у вас не будет! Тоже самое узбекистан и весь исламский мир

Toutes les anciennes républiques soviétiques vivent mieux que nous. Vingt ans après [l'éclatement de l'Union Soviétique], la Russie nourrit de nouveau tout le monde. Ils sont tous engraissés, vêtus et viennent ici se promener, pratiquer le banditisme et le viol. Naturellement il n'y a pas assez de travail chez eux, mais c'est de votre faute, c'est votre religion, vous avez une quinzaine d'enfants. Si vous aviez comme chez les Russes un seul enfant, vous ne penseriez même pas à la Russie. Que toutes les familles tadjikes n'aient que deux enfants et vous n'aurez plus aucun problème ! La même chose pour l'Ouzbékistan et tout le monde musulman !

Pendant sa longue carrière politique, Jirinovski s'est gagné [anglais] une réputation de politicien excentrique, populiste et nationaliste. Né au Kazakhstan, fils d'un avocat juif, il garde des amitiés en Asie Centrale et reste un vivant paradoxe. Seul 6% de l'électorat russe a voté pour lui à la présidentielle de 2012 qui a consacré la réélection de Vladimir Poutine à la tête de l'Etat.

Avec de telles contradictions, il a été souvent supposé que Jirinovski est une sorte de diversion pour le parti de Poutine Russie Unie : un moyen d'absorber le vote nationaliste sans offrir d’alternative crédible [anglais] à l'élite au pouvoir. Un refrain repris [russe] par MrFury1984 sous une vidéo YouTube de Jirinovski dans une autre émission télévisée, où on lui demandait de changer de métier :

Да жирик не хочет быть у руля ))) это много ответственности , он часть пирога имеет от бюджета.. и радуется )))

[Jirinovski] ne veut pas être au volant ))) c'est beaucoup de responsabilité, il a une part du gâteau budgétaire.. il est content )))

Cela vaut mieux pour les migrants d'Asie Centrale en Russie, mais le simple fait que Jirinovski ait le soutien de milliers de gens est motif à s'inquiéter. L'usager de YouTube ‘Anonim Anonimov' écrit [russe] sous la vidéo du talk-show avec Zhirinovsky :

А были ли фальсификации на недавних выборах если Жириновский из передачи в передачу побеждает адекватность с подобным перевесом? Может у нас и вправду с народом просто что-то не то?

Y a-t-il eu des falsifications aux dernières élections si Jirinovski d'émission en émission gagne avec une marge aussi confortable ? Peut-être qu'il y a vraiment quelque chose qui ne va pas avec notre peuple ?