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Stella Nyanzi ‘transforme-t-elle le vagin en arme’ ? La féministe ougandaise jugée dans une procès de liberté d'expression

samedi 11 mai 2019 à 15:48

“Son seul délit, avoir dit ce que chacun a vu”

La Dr. Stella Nyanzi. Photo via Flickr / Chapter Four Uganda / Human Rights Convention, 2018 (CC BY-NC-ND 2.0)

La professeure était de retour devant les juges le 9 mai 9, pour un procès dans lequel le gouvernement ougandais prétend que le mot vagin est obscène et offensant.

[A fond pour #TransformerLeVaginEnArme ! De retour devant le tribunal demain – confrontation de Stella Nyanzi avec le témoin principal de l'accusation dans le procès où l'Etat affirme que le mot vagin est obscène et offensif. Jeudi 9 mai 2019 à 9h]

On n'oubliera pas ! Violence d’État contre Stella ! Libérez Stella Nyanzi ! Défendons Stella Nyanzi !

Mme Nyanzi, 43 ans, a été arrêtée en novembre 2018 après avoir écrit un poème critiquant le président ougandais Yoweri Museveni et qu'elle a publié sur sa page Facebook. Le poème affirmait que l'Ouganda se porterait mieux si Museveni avait été mort-né, et comportait plusieurs descriptions vulgaires du vagin et du clitoris de la défunte mère de Museveni. La page Facebbok de Nyanzi compte actuellement 207.895 abonné.e.s.

L'Etat affirme que Mme Nyanzi a intentionnellement harcelé et humilié le président avec son poème et l'a inculpée d’infraction aux dispositions de la Loi sur l'utilisation abusive de l'informatique applicables au cyberharcèlement et à la production de contenu “obscène, attentatoire à la pudeur, lubrique ou indécent”. Bien que la loi ougandaise ne comporte pas de dispositions particulières relatives à la critique du président, la doctrine internationale sur la liberté d'expression recommande des protections accrues pour les propos critiques visant les gouvernants.

Nyanzi est détenue depuis plus de 180 jours à la prison de Luzira à Kampala, la capitale. On lui a proposé une libération sous caution, qu'elle a refusée en déclarant que sa liberté ne serait qu'une illusion dans l'attente de son procès. Elle encourt une peine d'un an de prison si elle est reconnue coupable.

L’ “affaire du vagin” traîne depuis des mois car le tribunal a reporté plusieurs audiences. Celle du 9 mai est consacrée à une confrontation avec le Superintendant adjoint de la police Bill Ndyamuhaki, le témoin principal de l'affaire, qui a également témoigné dans une audience du 20 mars 2019 :

[Le témoin de l'accusation Bill Ndyamuhaki énumère (et lit à haute voix) 7 extraits du post Facebook de Stela Nyanzi qu'il a décrétés attentatoires à la pudeur, indécents, obscènes et vulgaires]

M. Ndyamuhaki dit qu'il trouve les lignes qu'il vient de lire à haute voix offensantes par nature et attentatoires à la pudeur. Il dit qu'il trouve le contenu offensant parce que sexuel. Il le dit sexuel parce qu'il se réfère aux parties sexuelles ce qui est offensant pour tout membre raisonnable de la société.

Dans la salle d'audience bondée, le juge a proposé un siège à Mme Nyanzi, offre assortie d'un commentaire qu'il serait trop dur pour elle en tant que femme de rester debout. Sur quoi elle décida de “rester debout pour les femmes” comme le raconte ce tweet :

Le magistrat Kamasanyu offre un siège à Stella, disant qu'en tant que femme ce pouvait être trop dur de rester debout. Stella s'apprête à s'asseoir, puis refuse après avoir entendu le propos qu'elle est une femme. Elle annonce qu'elle restera debout pour les femmes.

L'entière chronologie du comportement en ligne de Nyanzi a été projeté sur écran géant au tribunal pour examiner chacun des posts en question, dont le poème “du vagin”. L'auteur et juriste Bwesigye bwa Mwesigire a tweeté le récit de la procédure :

[Q: Avez-vous enquêté lorsque vous avez vu le post avec les photos de lettres pour vous assurer que la détenue l'avait fait elle-même ?
R: Non.
Q: Avez-vous enquêté sur les autres posts de la même timeline pour vous assurer que la détenue les a faits ?
R: Quels posts ? #DéfendreStellaNyanzi
Il n'y a toutefois pas eu de conclusion et l'affaire a été ajournée à nouveau au 13 mai.]

La timeline de Stella Nyanzi est projetée sur les écrans géants du tribunal de sorte que le Superintendant adjoint de police Bill Dickson Ndyamuhaki puisse identifier les posts qu'il a examinés et certifiés faits par la détenue. #DéfendreStellaNyanzi #LibérezStellaNyanzi #AbandonnerLesCharges

[Q: Avez-vous vu la détenue poster le poème contesté sur sa timeline ?
R: Non.
Q: Existe-t-il une possibilité que quelqu'un d'autre ait fait le post contesté ?
R: Oui, la possibilité existe. #DéfendreStellaNyanzi #LibérezStellaNyanzi #AbandonnerLesCharges]

Derrick Bazekuketta conclut sa part de la confrontation. L'affaire est ajournée au 13 mai 2019, quand Isaac Ssemakadde fera le contre-interrogatoire du témoin N°1 : le Superintendant adjoint de police Bill Dickson Ndyamuhaki.

‘Grossièreté radicale’

Stella Nyanzi a été professeur d'anthropogie médicale à l'Institut Makerere de recherche sociale, avec une spécialisation dans le genre et la sexualité. Poète et universitaire queer, elle utilise des métaphores et un langage musclé dans ses messages sur les droits humains, la liberté d'expression et le féminisme queer.

Connue pour sa “grossièreté radicale” et son penchant à défier le pouvoir par l'insulte, Nyanzi a été arrêtée à d'autres occasions, également pour avoir insulté le président. Une tactique qui suit une longue tradition de militantisme social en Ouganda remontant aux années 1940 sous la colonisation britannique. Les activistes ougandais critiquaient intentionnellement l'ordre colonial avec une grossièreté délibérée, anarchique et odieuse, leur manière d'attaquer et faire dysfonctionner les normes sociales britanniques.

En 2017, Nyanzi a affronté des accusations similaires dans ce qu'on a appelé l'affaire de “la paire de fesses”, quand elle a traité le président de ce nom et a aussi visé sa femme qu'elle a dite “écervelée”.

That is what buttocks do. They shake, jiggle, shit and fart. Museveni is just another pair of buttocks … Ugandans should be shocked that we allowed these buttocks to continue leading our country.

C'est ce que font les fesses. Elles ballottent, tremblotent, chient et pètent. Museveni n'est qu'une autre paire de fesses… Les Ougandais devraient être choqués qu'on permette à ces fesses de continuer à diriger notre pays.

Museveni, qui dirige l'Ouganda depuis 1986, n'a pas tenu une promesse de campagne de fournir des protections hygiéniques à toutes les écolières d'ici les élections de 2016. C'est ce que Nyanzi a critiqué dans sa rhétorique virale sur les médias sociaux, ainsi que d'autres échecs de développement sous le pouvoir de Museveni.

Nyanzi fut promptement arrêtée pour son propos sur la “paire de fesses” et passa un mois derrière les barreaux, d'où l'origine du mot-clic #LibérezStellaNyanzi, qui est toujours tendance sur Twitter, en même temps que #DéfendreStellaNyanzi. L'affaire avait été ajournée au 24 avril 2019, dans l'attente de l'examen d'une question de constitutionnalité.

Selon The Guardian :

Nyanzi describes herself as ‘a lyricist, poetess, creative writer and analyst’ on a quest for good governance. She’s unflinching in her criticism of government and is unafraid to tackle taboos around sex and gender and stand up for LGBT rights.

Nyanzi se décrit comme une ‘parolière, poétesse, écrivaine et analyste’ en quête de bonne gouvernance. Elle est inflexible dans sa critique du gouvernement et ne craint pas de s'attaquer aux tabous autour de la sexualité et du genre et de se battre pour les droits des LGBT.

Les mots-clics comme #weaponizethevagina (Faire du vagin une arme) et le soutien massif des militants des droits humains et de la liberté d'expression font que Nyanzi reste positive, militante et résolue, mais sa santé a souffert et elle a perdu son poste à l'Université Makerere en raison de son activisme. La grossièreté radicale peut faire des dégâts même sur la plus acharnée des activistes dans le combat contre la pauvreté et l'oppression.

Un internaute ougandais le dit avec ses mots :

Stella Nyanzi n'a commis aucun délit, son seul délit est d'avoir dit ce que tous les autres voient. Maintenant les tribunaux servent à l'opprimer. Les juges magistrats n'ont plus de conscience.

La police de Budapest s'invite à une réunion de levée de fonds au centre socio-culturel Aurora

vendredi 10 mai 2019 à 17:31

Pour les présents, un air de “retour dans les années 1980″

Les policiers hongrois lors de leur visite à Auróra, Budapest. Photo : Atlatszo, CC BY-NC-SA 2.5.

Cet article a été publié en hongrois et en anglais par l'association hongroise de journalisme d'investigation Atlatszo. Cette version adaptée paraît ici dans le cadre d'un partenariat avec Global Voices.

Atlatszo est une organisation de média et de transparence de Budapest locataire de bureaux dans la Maison de quartier Auróra, un espace qui héberge des mouvements de bénévoles et des organisations travaillant sur une base communautaire et à des pratiques militantes à composante artistique. Le texte ci-dessous est le récit d'une récente soirée organisée à Aurora par du personnel d'Atlatszo.

Dans l'après-midi du 27 avril, nous avons organisé un événement public à Aurora, où nous avons présenté notre travail et répondu aux questions de nos lecteurs présents. Nous avons diffusé l'événement en direct sur Facebook. Après une séance du questions-réponses, il y a eu une projection de documentaire, suivie d'un petit concert au sous-sol.

A 22h, la police a fait son entrée. Un des invités a publié sur Instagram une photo de leur arrivée.

Depuis que le Premier ministre Viktor Orbán est arrivé au pouvoir en 2010, son parti populiste de droite Fidesz est accusé d'éroder les libertés démocratiques en contrôlant les médias et la justice, ainsi que de restreindre les libertés académiques.

L'espace d'activités des organisations de la société civile, des médias indépendants et des institutions académiques comme Aurora ne cesse de se rétrécir sous le gouvernement de plus en plus autoritaire d'Orbán.

Le centre Aurora est situé dans le 8ème arrondissement de Budapest, qui est administré par un maire issu du parti au pouvoir Fidesz. Le conseil local est également dominé par le Fidesz.

La municipalité essaie depuis des années de fermer Auróra. Il y a deux ans, le motif était que de petites quantités de cannabis avaient été trouvées sur des personnes présentes. L'an dernier, c'était à cause d'une discordance de dates figurant sur deux documents officiels (le bail et les statuts).

La municipalité d'arrondissement a même contacté le propriétaire de l'immeuble et lui a offert de l'acheter, dans une autre tentative de fermer le centre.

Prétextant des plaintes de voisinage, le secrétaire d'arrondissement a ordonné au bar d'Aurora, appelé Kioszk, de fermer chaque soir à 22 heures. La police et le secrétaire ont vérifié depuis à multiples reprises la fermeture réelle du bar à 22h. La dernière vérification en date a eu lieu pendant la soirée de levée de fonds d'Atlatszo samedi.

Zsuzsa Mekler, une gestionnaire d'Auróra, a relevé :

Az önkormányzattól jöttek ellenőrizni, a rendőrség csak kísérte őket. Azt ellenőrzik, hogy bezárt-e a kioszk, felvesznek egy jegyzőkönyvet arról, hogy mit látnak a házban. Számos alkalommal volt már ilyen, eddig egyszer sem találtak semmilyen szabálytalanságot, ami miatt eljárást lehetett volna indítani.

La municipalité a envoyé des gens pour nous contrôler, la police les a seulement accompagnés. Ils vérifient si le bar est fermé et ils écrivent un rapport sur ce qu'ils voient dans la maison. Ils ont déjà fait ça plusieurs fois mais n'ont jamais rien trouvé qui ait pu leur faire entamer une procédure officielle.

Certains parmi l'assistance se sont plaints de se sentir “de retour dans les années 1980″, quand le parti au pouvoir se servait de la police pour harceler les gens dans les manifestations “d'aspect inopportun”.

Pour en savoir plus sur Aurora et les attaques dont le centre fait l'objet, lire ce reportage de CNN [en].

Les autochtones brésiliens actionnaires d'une compagnie de chemin de fer pour en dénoncer le non-respect des obligations environnementales

vendredi 10 mai 2019 à 09:58

Les populations autochtones affirment que le chemin de fer nouvellement allongé a nui à la faune de la région et menace leur sécurité. Image : Pedro Biava. Reproduction autorisée.

Le 24 avril, quelques visages inattendus sont apparus à l'assemblée des actionnaires de Rumo Logística, un consortium ferroviaire brésilien. Il s'agit un groupe de cinq autochtones des ethnies Guarani et Tupi ayant récemment acheté six actions de la société.

Ils représentent chacun l'une des cinq Terres autochtones officiellement désignées dans le sud-est de l'État de São Paulo, où un chemin de fer pour le fret, vieux de 90 ans et exploité par Rumo a commencé son extension en 2014. Afin de compenser les répercussions causées par le développement du chemin de fer, l’État oblige contractuellement l'entreprise à « construire de nouvelles maisons, des lieux de prière, un pont, des jardins communautaires et à acquérir des microtracteurs » pour les communautés. Environ 5000 personnes vivent sur les cinq terres autochtones affectées par l'expansion du chemin de fer.

Mais selon un article du journal brésilien Folha de São Paulo (lien en portugais), les représentants autochtones affirment que l'entreprise n'a pas respecté ses obligations contractuelles. Le Parquet fédéral le confirme (lien en portugais) : 63 des 97 travaux de rénovation prévus dans le contrat de concession sont gelés. Le 19 avril, les procureurs ont recommandé à Ibama, l'agence nationale brésilienne de l'environnement, de suspendre immédiatement la construction du nouveau chemin de fer ainsi que la licence d'exploitation de Rumo.Ils ont également recommandé à l'agence d'infliger à Rumo une amende de 10 millions de réaux brésiliens (2,25 millions d'euros).

Dans une lettre lue devant l'assemblée le 24 avril, les cinq actionnaires autochtones ont expliqué leur situation désespérée. Ils ont décrit comment les trains ont affecté la faune de la région, et limité la circulation de la population. En outre, ils ont signalé leur difficulté à dialoguer avec le Rumo. Ils ont aussi remis en cause le dernier rapport annuel de la société sur le développement durable, qui affirme que le Rumo « remplit parfaitement ses obligations, de manière participative et inclusive, avec les communautés autochtones affectées ».

En parlant avec le journaliste Pedro Biava du journal Brasil de Fato, Adriano Karai, de l’ethnie Guarani, a déclaré que le but des actionnaires autochtones était simplement de faire entendre leur voix auprès des investisseurs de la société plutôt que de tirer profit des actions (qu'ils ont acheté pour 17 réaux brésiliens chacun, environ 3,84 euros).

Karai a également décrit quel impact le chemin de fer nouvellement allongé a eu sur sa communauté de Tenondé, située dans la ville de Paralheiros :

Tem o barulho do trem, que é a noite toda. Os animais não frequentam mais os locais de caça. A gente não tem mais uma noite calma. Eles também transportam muitos grãos que acabam se espalhando pelo território, e a gente sabe que aquele alimento não é de qualidade, é transgênico. (…) E a gente acaba convivendo com o perigo: o trem passa pelos nossos territórios, onde costumamos visitar as aldeias, nas trilhas. A gente corre o perigo de ser atropelado pelo trem, porque agora o trem passa a cada dez minutos.

Il y a le bruit du train, toute la nuit. Les animaux ne fréquentent plus les lieux de chasse. Nous n'avons pas une seule nuit tranquille. Ils transportent aussi beaucoup de céréales qui finissent par se répandre sur la terre, et nous savons que cette nourriture n'est pas de bonne qualité, qu'elle est transgénique. (…) Nos vies sont aussi en danger : le train traverse nos territoires, où nous nous visitons les communautés en marchant sur les sentiers. Nous risquons constamment d'être heurtés par un train, car il y en a un toutes les dix minutes.

Selon l'article de Folha, les communautés autochtones ont d'abord proposé à Rumo de confier les travaux de rénovation à un comité local géré par les communautés elles-mêmes. Selon le Bureau du Procureur, la société avait initialement donné son accord. Mais peu après l'élection en octobre 2018 du Président Jair Bolsonaro, qui s'est présenté sur une plate-forme explicitement anti-autochtone, la société a changé d'attitude. Le 20 novembre, Rumo a soudainement annulé sa participation à une réunion avec les communautés, et depuis, elle ne s'est plus présentée à aucune autre réunion.

Lors d'un entretien avec Folha, l'entreprise a déclaré qu'elle n'avait jamais signé d'accord avec les communautés autochtones pour sous-traiter les travaux de rénovation à leur comité.

L'assemblée des actionnaires du 24 avril s'est terminée sans aucun accord formel. Toutefois les représentants de Rumo ont affirmé que les revendications autochtones seront discutées lors d'une réunion interne en mai.

Les travaux d'extension ont débuté en 2014. Environ 5000 autochtones vivent dans la région. Image : Pedro Biava. Reproduction autorisée.

L'activisme actionnarial

Les Guarani et les Tupi ne sont pas les seuls à s'engager dans ce qu'on appelle « l'activisme actionnarial », une pratique qui n'est guère courante au Brésil.

En 2010, le groupe Coordination des victimes de la Vale (Articulação dos Atingidos e Atingidas pela Vale) a acheté les actions de la société afin de participer à ces assemblées.

Vale, est l'une des plus grandes sociétés minières du monde, et l'exploitant du barrage qui s'est rompu dans la ville de Brumadinho en janvier 2019, tuant 236 personnes (34 sont toujours portées disparues).

Le journal O Globo (lien en portugais) rapporte que le 30 avril, jour de l'assemblée des actionnaires, les membres de la Coordination ont épinglé des affiches avec les noms des personnes décédées sur les murs du siège social de Vale .

En exprimant leurs préoccupations lors de ces réunions, les entreprises sont obligées d'inscrire les revendications des militants dans leurs procès-verbaux. Une des membres de la Coordination, Carolina de Moura, elle-même actionnaire de Vale, l'a dit à O Globo :

Não vamos nos calar. A empresa tem que investir tudo o que ganha na melhoria dos rios e se preocupar com vidas humanas.

Nous allons continuer à parler. L'entreprise doit investir tout ce qu'elle produit dans l'amélioration de la qualité de nos rivières et se soucier des vies humaines.

En Birmanie, les deux journalistes de Reuters ont été libérés, mais la liberté d'expression reste sous pression

jeudi 9 mai 2019 à 12:09

Les deux journalistes de Reuters Wa Lone et Kyaw Soe Oo sortent libres de la prison d'Insein à Yangon. Photo et légende de Myo Min Soe / The Irrawaddy est un partenaire de contenus de Global Voices.

Du côté des médias comme de celui des défenseurs des droits humains, on se réjouit de la remise en liberté des journalistes de Reuters Wa Lone et Kyaw Soe Oo qui ont passé plus de 500 jours en détention après avoir enquêté sur un massacre de Rohingyas dans le nord du Myanmar (Birmanie). Toutefois, leur libération ne doit pas faire oublier que la situation de la liberté d'expression dans le pays reste érodée par le maintien en détention d'artistes, de journalistes et de militants. Voir les cas suivants :

Le procès en diffamation contre The Irrawaddy

Une plainte en diffamation a été introduite par le Commandement militaire régional de Yangon à l'encontre du rédacteur-en-chef de The Irrawaddy en langue birmane, U Ye Ni, à propos de la couverture supposée biaisée par le site d'information des affrontements armés entre les forces gouvernementales et les insurgés de l'Armée de l'Arakan dans l’État Rakhine. The Irrawaddy a dit s'être borné à rapporter l'escalade des affrontements armés dans la région depuis le début 2019. Voici la réponse de U Ye Ni dans le procès intenté par l'armée :

I feel sorry about the military’s misunderstanding of us. Journalism dictates that we reveal the suffering of people in a conflict area. Our intention behind the coverage is to push those concerned to solve the problems by understanding the sufferings of the people.

Je suis désolé du malentendu de l'armée à notre égard. Le journalisme impose de révéler les souffrances de la population dans une zone de conflit. Notre intention dans notre couverture est de pousser les personnes concernées à résoudre les problèmes par la compréhension des souffrances des gens.

The Irrawaddy est un partenaire de contenu de Global Voices.

Emprisonnés pour satire

Dans le même temps, cinq membres de la troupe Peacock Generation Thangyat ont été envoyés dans la prison d'Insein pour y attendre leur procès pour leur spectacle satirique moquant l'armée. Le Thangyat est une forme de spectacle évoquant le slam, qui met en scène de la poésie populaire sur des notes de musique traditionnelle, et combinant chant, danse et déclamation. Le collectif a été accusé de contrevenir à l'article 505(a) du code pénal qui criminalise la propagation de propos, rumeurs ou informations dans l'intention de provoquer tout militaire à négliger ou manquer à ses devoirs.

Zeyar Lwin, un des accusés, a expliqué :

All of our cases are political issues so that they need to resolve them as political issues. And also, I’d like to say all of us need to join the work for amending the 2008 constitution being done in parliament. In my opinion all of these issues can be resolved if we can do the primary work of amending the constitution.

Tous nos procès sont des questions politiques, ils doivent donc les résoudre comme des questions politiques. Et je voudrais aussi dire que tous, nous devons participer au travail pour que la constitution de 2008 soit révisée par le parlement. Selon moi ces questions peuvent toutes être résolues si nous pouvons accomplir la tâche première de réviser la constitution.

Zeyar Lwin se réfère à la constitution de 2018 qui, selon de nombreux analystes, a été pensée pour consolider les pouvoirs de l'armée même après la restauration du régime civil.

Un cinéaste malade en détention

Le cas du réalisateur Min Htin Ko Ko Gyi reflète également les restrictions imposées aux artistes critiques. Une plainte déposée par un officier de l'armée contre les posts Facebook ‘diffamatoires’ du cinéaste a conduit à l'arrestation de celui-ci. Min Htin Ko Ko Gyi est le fondateur du Festival du film de la dignité humaine des droits de l'Homme du Myanmar et un critique connu de l'implication de l'armée en politique. Ses sympathisants réclament sa remise en liberté pour raisons humanitaires, car suite au cancer il n'a plus que la moitié de son foie et il souffre de problèmes cardiaques et rénaux. Le Réseau des Films de droits humains, un partenariat de 40 festivals de films de droits humains autour du monde, a adressé cette lettre au gouvernement :

As a concerned international human rights community, we seek reassurance from the Myanmar government to ensure that Section66(d), which was meant to enhance progress of telecommunications, will not be used to silence the voice of Myanmarese civilians seeking to voice their opinions and take part in the democratic process in Myanmar.

Dans notre inquiétude de communauté internationale des droits humains, nous cherchons la confirmation du gouvernement du Myanmar que la Section66(d), visant à favoriser le progrès des télécommunications, ne sera pas utilisée pour faire taire la voix des civils du Myanmar désireux d'exprimer leurs opinions et de participer au processus démocratique au Myanmar.

La lettre fait référence à la controversée Section 66(d) de la loi sur la diffamation utilisée par les autorités pour poursuivre les critiques, activistes et journalistes.

La demande de liberté sous caution de Min Htin Ko Ko Gyi a été rejetée par un tribunal local. Sa prochaine audition est fixée au 9 mai 2019.

“Pour commencer ils n'auraient jamais dû être mis en prison.”

Wa Lone et Kyaw Soe Oo avaient été condamnés à sept ans de prison pour violation d'un texte de l'ère coloniale, la loi sur les Secrets officiels. Le Tribunal suprême a rendu définitive l'incrimination en avril dernier, mais ils ont été libérés de prison après avoir bénéficié d'une grâce présidentielle à l'occasion du Nouvel an birman traditionnel.

Des organismes comme l'Alliance de la presse d'Asie du Sud-est ont salué la remise en liberté de Wa Lone et Kyaw Soe Oo, mais tout en insistant sur l'injustice subie par les deux reporters :

They should never have been jailed in the first place, because they committed no crime.

While we welcome this positive development, the case of Wa Lone and Kyaw Soe Oo is proof that journalists are in constant risk of political reprisal for keeping power in check.

Pour commencer ils n'auraient jamais dû être mis en prison, puisqu'ils n'ont commis aucun crime.

Nous saluons ce développement positif, mais l'affaire de Wa Lone et Kyaw Soe Oo est la preuve que les journalistes risquent en permanence les représailles politiques en raison de leur volonté de contrôle sur le pouvoir.

@ActLenguas : Elias Ajata, et son combat pour l'aymara sur internet, du 6 au 12 mai

mercredi 8 mai 2019 à 20:56

Photo fournie par Elias Ajata

En 2019, nous avons décidé d'inviter différents hôtes à piloter le compte Twitter @ActLenguas (activisme linguistique) et à partager leur expérience sur la revitalisation et la promotion de leur langue natale. Cette semaine, nous nous sommes entretenus avec Elias Ajata (@ELIASREYNALDO).

Rising Voices (RV): Pouvez-vous nous parler de vous ?

Soy Elias Ajata, aymara nacido en el altiplano de La Paz. Actualmente trabajo en el fortalecimiento del aymara, idioma que es mi primera lengua. Uno de mis objetivos es hacer que tenga presencia en internet con material abundante y diverso. Para lograr aquello, me introduje en diversos espacios en línea (redes sociales, blog, plataformas de audio, páginas de animación, etc.) y vengo diseñando memes, videos y audio que sirva para el aprendizaje de personas que no hablan por un lado y por otro, que personas que no escriben lo puedan hacer.

Je m'appelle Elias Ajata, je suis un Aymara né sur l'altiplano de La Paz. Actuellement, je participe à la revitalisation de l'aymara qui est ma langue maternelle. Un de mes objectifs est de faire en sorte qu'elle soit présente sur internet avec un contenu abondant et diversifié. Pour y parvenir, je me suis fait connaître sur plusieurs sites en ligne (réseaux sociaux, blogs, plateformes audio, pages d'animation, etc.) où je crée des mèmes, des vidéos et des bandes audio qui servent à apprendre la langue à des personnes qui ne la parlent pas, même à ceux qui ne savent pas écrire.

RV : Quel est l'état actuel de votre langue sur et en dehors d'Internet ?

En internet hay un marcado avance del aymara y en los últimos años ha incrementado notablemente las personas interesadas en aprender. Hace unos años, cuando iniciamos con la difusión de materiales en redes sociales, había pocas páginas, pero ahora se puede encontrar muchas y por ese hecho, el público ha empezado a ser más selectivo, es decir, no pone “me gusta” solo por el hecho de que haya una publicación en aymara como sucedía antes, sino que ahora busca calidad. Además de ello, se puede señalar que exige que haya nuevas aplicaciones, nuevos formatos de publicar, nuevas técnicas y nuevos recursos, lo que hace que sea necesario que el administrador de algún espacio de internet tenga una perspectiva innovadora y creativa. La tendencia es que en los años venideros haya una repercusión más positiva aún.

Al aymara fuera de línea muestra un decrecimiento del número de hablantes, pero no es alarmante como sucede con otros idiomas. La percepción de los que no son aymaras ha cambiado si consideramos lo que pasaba hace unos cinco años. En aquel tiempo, predominaba el discurso discriminatorio, por ciertas circunstancias políticas y sociales ahora el discurso predominante es el uso del aymara en esferas políticas. Con la nuevas tecnologías la juventud ve como algo atractivo aprender aymara, entretanto los mayores siguen teniendo un concepto fatalista, o sea, piensa que el aymara tiende a desaparecer, lo cual no es real.

Sur internet, l'aymara est en nette progression et le nombre de gens qui souhaitent l'apprendre a bien augmenté ces dernières années. Il y a quelques années, quand nous avons commencé à diffuser du contenu sur les réseaux sociaux, il y avait peu de pages, mais maintenant on en trouve plein, et de ce fait, le public a commencé à se montrer plus sélectif. C'est-à-dire qu'il ne “like” plus seulement parce qu'une publication est en aymara comme il le faisait avant, à présent il recherche la qualité. En plus, on remarque qu'il réclame de nouvelles applications, de nouveaux formats de publication, de nouvelles techniques et de nouvelles ressources, ce qui oblige les administrateurs des différents sites à adopter une perspective innovante et créative. Et la tendance montre que, dans les années à venir, les répercussions seront encore plus positives. Quant à l'aymara en dehors d'internet, le nombre de locuteurs a baissé, mais de façon moins sensible que pour d'autres langues. Le regard de ceux qui ne sont pas Aymaras a changé si l'on compare avec ce qui se passait il y a cinq ans. Les propos discriminatoires prévalaient en ce temps-là, alors que maintenant, pour différentes raisons politiques et sociales, on prône ouvertement l'usage de l'aymara dans les hautes sphères politiques. Grâce aux nouvelles technologies, la jeunesse est séduite par cette forme d'apprentissage de l'aymara, alors que les personnes âgées sont fatalistes et pensent que l'aymara est voué à disparaître, ce qui n'est pas vrai.

RV : Sur quels sujets allez-vous communiquer sur @ActLenguas ?

Es necesario hablar de algunos hechos internos y externos que afectan nuestras lenguas (discursos, acciones, teorías y comportamientos). Por otro lado, hablaré también de qué es lo que se está haciendo para hacer del aymara un idioma de internet.

Il faut parler des facteurs internes et externes qui affectent nos langues (discours, actions, théories et comportements). Par ailleurs, je vais parler de ce qui est fait pour que l'aymara devienne une langue d'internet.

RV : Qu'est-ce qui motive votre militantisme linguistique pour l'aymara ? Qu'espérez-vous pour votre langue ?

Principalmente, hacer que el aymara ocupe todos los espacios posibles como vehículo de comunicación, que sus hablantes se incrementen y que las nuevas generaciones lo adquieran. Nuestros idiomas no solo están para ser usados en casa, pueden ser herramientas de transmisión de cualquier tipo de conocimiento y sueño que el idioma que hablo tenga esa condición.

Essentiellement, faire en sorte que l'aymara occupe le plus de place possible comme moyen de communication, que le nombre de gens qui le parlent augmente et que les nouvelles générations l'apprennent. Nos langues ne doivent pas servir qu'à la maison, elles sont des outils de transmission de toutes sortes de savoirs et je rêve que la langue que je parle acquiert ce statut.