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La très controversée loi anti-conspiration japonaise adoptée par le parlement

lundi 19 juin 2017 à 19:42
Taro Yamamoto

Le député d'opposition Yamamoto Taro déclare son mécontentement du projet de loi anti-conspiration du gouvernement avant de procéder au vote. Légende: « La loi sur la conspiration est approuvée et adoptée à la Chambre haute du Japon ». Capture d'écran de la chaîne officielle YouTube d'ANN News.

Le 15 juin, le parlement japonais a adopté une loi anti-conspiration controversée. Malgré les inquiétudes des hommes politiques de l'opposition, des gens ordinaires et même des commentateurs des Nations Unies, sur la façon dont la formulation vague du texte affectera les citoyens japonais ordinaires sans liens avec le crime organisé, la coalition au pouvoir du Premier ministre Shinzo Abe a utilisé tous les stratagèmes possibles pour entraver le débat et passer en force à travers le système bicaméral japonais avant les vacances parlementaires débutant le 18 juin.
Le flou de la nouvelle loi, qui couvre près de 300 infractions criminelles, n'érode les libertés personnelles au Japon en fournissant aux autorités de vastes pouvoirs de surveillance, en laissant ouverte à l'interprétation la question de savoir qui peut être surveilé.

La coalition au pouvoir au Japon, dirigée par le Premier ministre Shinzo Abe, a soutenu que la nouvelle loi était nécessaire en prévision des Jeux olympiques de Tokyo en 2020, au moment où les menaces à la sécurité nationale sont perçues comme croissantes.

Cependant, cet argument ne tient pas compte du fait que son Parti libéral démocrate a essayé pendant des années de réviser la loi existante sur la répression du crime organisé et le contrôle de la criminalité du Japon. L'objectif, selon le gouvernement japonais, est de rejoindre la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

Le gouvernement japonais a également laissé entendre que la principale motivation de la nouvelle loi était de se conformer aux conventions de l'ONU. Mais Colin Jones, un professeur de droit qui enseigne à l'Université de Kyoto, a noté dans un article pour le Japan Times que deux représentants de l'ONU ont explicitement critiqué la nouvelle loi :

 Depuis la période Meiji (1868-1912), les traités et les autres pays ont été utilisés pour justifier des lois dont les Japonais ne veulent pas et n'ont pas besoin, donc il n'y a rien de nouveau ici. Cependant, dans ce cas-ci, il n'y a pas eu d'efforts sérieux pour faire ressortir des lacunes concrètes dans les lois existantes – comme les méchants qui en réchappent grâce à elles – qui seraient résolues par les nouveaux textes. En fait, je n'ai trouvé nulle part dans la convention l'exigence d'une obligation de criminaliser la conspiration, sauf en ce qui concerne le blanchiment d'argent.

Le fait qu'un traité de l'ONU soit essentiel à la justification de la nouvelle loi pourrait expliquer pourquoi le gouvernement semble particulièrement agacé par les préoccupations exprimées par un seul des experts de l'ONU en ce qui concerne le potentiel d'arbitraire et de violation des libertés civiles.

Les deux experts de l'ONU sont Joseph Cannataci, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit au respect de la vie privée, et David Kaye, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression. Dans un rapport publié en mai 2017, Kaye a critiqué la loi japonaise sur le secret d'État, mise en œuvre à la fin de 2014, qui a eu un effet dissuasif sur le journalisme et la liberté d'expression.

Dans une lettre distincte envoyée au gouvernement japonais (qui peut être lue intégralement ici), également envoyée en mai, Cannataci a critiqué le nouveau projet de loi anti-conspiration, qui était à l'époque débattu en comission avant d'être adopté. Dans sa lettre, Cannataci s'inquiète de ce que la large portée de la loi « entraîne des restrictions indues aux droits à la vie privée et à la liberté d'expression » au Japon.

Plus précisément, Cannataci dit dans sa lettre que la loi, qui est apparemment destinée à la criminalité organisée au Japon, ne définit pas précisément ce que c'est un « groupe criminel organisé », alors qu'elle inclut 277 types de crimes susceptibles d'être couverts par la loi. Un effet éventuel de la mise en œuvre de la loi, dit Cannataci dans sa lettre, serait de légitimer et faciliter la surveillance gouvernementale des ONG perçues comme agissant contre l'intérêt du gouvernement.

Cannataci a également noté que la loi anti-conspiration couvre des crimes « qui semblent sans aucun rapport avec la portée du crime organisé et du terrorisme » tels que le vol de produits forestiers et la destruction de biens culturels.

Le gouvernement japonais a répondu à la lettre de Cannataci en disant que la présentation par celui-ci de la législation anti-conspiration était « extrêmement déséquilibrée » et ajoutant que son attitude n'était « guère celle d'un expert objectif ».

Cependant, des voix japonaises font les mêmes remarques que Cannataci. Après l'adoption du projet de loi jeudi, Osaka Seiji, un homme politique de l'opposition siégeant à la commission parlementaire des affaires judiciaires qui a examiné les premières ébauches du projet de loi, a déclaré :

Je me suis complètement opposé à la justification par le gouvernement de la loi anti-conspiration depuis que la législation a été proposée à la Diète. Il est possible que la loi, destinée à faire face aux groupes du crime organisé, se développe pour affecter les citoyens ordinaires. La loi ne définit pas concrètement ce qui, quand et où signifie « planifier » un crime. La cible de la loi est à l'opposé (de ceux sur qui elle aura une incidence). Pourquoi avons-nous seulement pris la peine de débattre du projet de loi à la diète ? Cette loi n'aurait jamais dû être votée.

Yamamoto Taro, un politicien populiste très connu, a déclaré que la nouvelle loi affecterait les gens ordinaires :

Yamamoto Taro : « Est-ce que la nouvelle loi traite tous ceux qui vivent dans ce pays comme des criminels potentiels? »

Les citoyens ordinaires eux-mêmes sont allés manifester contre la nouvelle loi.

J'ai téléchargé une photo d'une manifestation devant la diète nationale pendant que la loi anti-conspiration était ratifiée dans la soirée du 15 juin. […]

Traduction révisée par Suzanne Lehn

Après une campagne pour la liberté d'Internet, le ministre iranien des TIC se vante de sa censure

lundi 19 juin 2017 à 18:57
Le ministre des TIC du gouvernement Rouhani, M. Vaezi, a déclaré au Parlement, 18 jours après que Rouhani ait fait campagne et a gagné en faveur de la liberté de l'Internet, que son gouvernement avait bloqué 7 millions de sites Web au cours de son premier mandat. Image de Tasnim destinée à la publication

Le ministre des TIC du gouvernement Rohani, M. Vaezi, a déclaré au Parlement, 18 jours après la campagne et la victoire de Rohani en faveur de la liberté de l'Internet, que son gouvernement avait bloqué 7 millions de sites Web au cours de son premier mandat. Image de Tasnim destinée à la publication

Après une campagne électorale couronnée de succès, le Président Hassan Rohani s'est vanté de ses résultats pour protéger l'accès aux plateformes de médias sociaux en Iran. Bien que les plates-formes majeures, y compris Facebook et Twitter, restent bloquées en Iran, M. Rohani utilise un ton plus modéré dans la réglementation des plateformes de médias sociaux les plus récentes telles que Instagram et Telegram, par rapport aux leaders plus anciens.

Mais la semaine dernière, peu de temps seulement après sa victoire, l'administration de M. Rohani a introduit de nouvelles réformes qui pourraient restreindre l'accès à Internet.

Le Président Rohani a tiré : n'eût été ce gouvernement, Internet serait tellement limité que même mes adversaires n'auraient pu s'en servir pour faire campagne.

Rohani : Sans l'action de ce gouvernement dans ce domaine, aucun réseau social ne vivrait plus aujourd'hui, ils les auraient déjà sacrifiés.

Le vice-président actuel, Eshaq Jahangiri, candidat “remplaçant” de la majorité lors de la campagne électorale et “colistier (on a soupçonné qu'il abandonnerait et soutiendrait M. Rohani à la dernière minute, chose qu'il a faite), a même fait tout son possible pour défendre les engagements du gouvernement Rohani en faveur d'un Internet libre. Il convient de noter qu'une bonne partie de la base électorale de M. Jahangiri était composée des réformistes progressistes du pays, exprimant souvent les valeurs de la liberté d'expression et d'accès à l'information.

Le réformiste Jahangiri compte les réalisations du gouv Rohani: défense de la liberté d'Internet et de la presse, l'autorisation de fonctionnr pour 8.000 ONG

Le 6 juin, cependant, 18 jours après la réélection de M. Rohani, le ministre de la Communication et des technologies de l'Information, Mahmoud Vaezi, a annoncé devant le parlement que le gouvernement avait effectivement amélioré les méthodes de contrôle d'Internet et fermé quelques plates-formes.

Le ministre a qualifié ces efforts de moyens de défense de la sécurité nationale de l'Iran :

در ۴ سال گذشته تلاش شده به نوعی فرصت ها را افزایش و امنیت فضای مجازی را ارتقاء دهیم و تهدیدات را کاهش دهیم.

Au cours des quatre dernières années, nous avons essayé d'accroître les opportunités et d'améliorer la cybersécurité pour réduire les menaces …

Il a poursuivi, décrivant comment les fonctionnaires iraniens travaillent sur l'application de messagerie Telegram pour créer un espace plus sûr en luttant contre les abus sexuels, les abus à l'égard des enfants, la “violence”, le “terrorisme” et les “contenus anti-religieux”. Il convient de noter que Telegram a déjà refusé de coopérer avec le gouvernement iranien, sauf pour bloquer les contenus pornographiques jugés inappropriés par les distributeurs tels que l'App Store de la marque Apple.

وزارت ارتباطات به جای مسدود کردن تلگرام به عنوان یک شبکه اجتماعی خارجی که باعث مهاجرت کاربران آن به شبکه اجتماعی دیگر می شود با مدیران آن تفاهم کرده که پنج مصداق مفاهیم جنسی، کودک آزاری، ترویج خشونت، تروریسم و محتوای ضد دین در این نرم‌افزار مسدود شود و تاکنون ۱۷۳ هزار از این مصادیق بسته شده است تا جایی که در ابتدای فعالیت تلگرام ۱۰ درصد مشکل در این زمینه وجود داشت که اکنون به دو درصد کاهش یافته است.

Au lieu de bloquer Telegram en tant que plate-forme de médias sociaux étrangère et de faire migrer ses utilisateurs sur une autre plate-forme, nous avons travaillé avec leurs administrateurs et nous sommes arrivés à un accord pour que cinq sujets, soit les abus sexuels, la violence faite aux enfants, la violence, le terrorisme et les contenus anti-religieux soient bloqués sur ce logiciel, et jusqu'à présent, 173 000 occurences de ces thèmes ont été désactivées. L'activité de Telegram comptait 10% de ces contenus, ils sont tombés maintenant à 2%

Le ministre n'a pas expliqué pourquoi une vaste censure est en vigueur en Iran et il n'a pas non plus indiqué quelles plates-formes étaient destinées à ce qu'il a qualifié de “raffinage intelligent”. Le ministre avait précédemment mentionné un processus probablement similaire au “filtrage intelligent” qu'on savait déployé que sur Instagram.

موضوعاتی که در سوال آقای حاجی در جلسه کمیسیون صنایع مطرح شد با آنچه که امروز ایشان عنوان می کنند متفاوت است. ایشان در کمیسیون درباره یک سایت سوال کرد و من پاسخ دادم اما اکنون مطالبی را در خصوص فضای مجازی ایران و جهان تحت عنوان یک مقاله مطرح کردند. من آمار کشورهای مختلف را قبول دارم اما در مورد ایران آمارها درست نبود. این آمار یا در وزارت ارتباطات و یا در وزارت اطلاعات است و در خیابان و روزنامه نیست. اینکه می‌گویید ۹۰ درصد استفاده مردم از اینترنت بین الملل است و یا اینکه ۶۰ درصد مراجعه مردم به سایت‌های جنسی است اصلا درست نیست؛ بنابراین نمایندگان و مردم توجه داشته باشند این آمارها درست نیست لذا آن را نقل قول نکنند.

Nous avons également lancé le projet de raffinage intelligent et avons bloqué environ 400 millions de vidéos grâce à cette méthode. Si auparavant 8 % des sites Web étaient problématiques, nous les avons réduits maintenant à 1,5 %. En outre, en trois ans nous avons fermé 7 millions d'adresses qui nous ont été notifiées par les autorités compétentes et bloqué 121 logiciels correspondants ainsi que des outils de contournement.

A Singapour, le slogan “Soutenir la liberté d'aimer'” officiellement déconseillé pour la prochaine Gay Pride

dimanche 18 juin 2017 à 23:16

Le thème des festivités Pink Dot de cette année est “Soutenir la liberté d'aimer”. Source: Facebook

La prochaine Gay Pride annuelle de Singapour, connue sous le nom de Pink Dot, est prévue pour le 1er juillet, avec le thème « Soutenir la liberté d'aimer ».

Plus de cent sponsors ont déjà promis de soutenir l'événement, lequel devrait rassembler des milliers de participants à Hong Lim Park, le seul endroit à Singapour où les citoyens peuvent organiser des manifestations et se rassembler avec une supervision minimale par la police.

Comme on pouvait s'y attendre, divers groupes conservateurs se sont publiquement opposés à Pink Dot avec l'argument que l'événement promeut des valeurs qui ne sont pas partagées par tout le monde à Singapour. Certaines personnes se sont plaintes de la présence de panneaux publicitaires Pink Dot dans les centres commerciaux, les cinémas, et autres endroits fréquentés par des enfants.

En fait, une plainte officielle a probablement été déposée à propos d'un panneau publicitaire Pink Dot placé dans un cinéma appartenant à la société Cathay, ce qui incita le Bureau de la vérification de la publicité de Singapour (ASAS ) à examiner la publicité. Cathay est un ancien sponsor de Pink Dot.

A la suite de quoi, l'ASAS conseilla vivement à la société Cathay de supprimer le slogan de Pink Dot dans un de ses cinémas :

Le conseil de l'ASAS est d'avis que les publicités dans les endroits publics doivent être préparées de manière responsable en fonction de l'opinion publique. Ainsi, les publicitaires devraient éviter toute déclaration qui pourrait contribuer à la sensibilité accrue du public. C'est donc sur cette base qu'ASAS a demandé à Cathay et à Pink Dot de supprimer leur slogan « Soutenir la liberté d'aimer ».

Ci-dessous, une photo du panneau publicitaire qui a été publiée sur une page Facebook s'opposant à Pink Dot. Cathay avait justifié le placement de la publicité avant la recommandation de l'ASAS de supprimer le slogan.

Publicité Pink Dot : Cathay déclare qu'ils croient en une société ‘tout compris’

L'ASAS, un conseil consultatif reconnu par le gouvernement, a expliqué que bien que le panneau publicitaire n'enfreigne pas les standards de publicité du pays sur le respect des valeurs familiales, le slogan pourrait attiser « les sensibilités du public ». Le panneau publicitaire annonçant l'événement peut rester mais l'ASAS a déclaré que Cathay devrait reconsidérer l'utilisation du slogan.

Cathay a pris note de la recommandation de l'ASAS mais a également réitéré le fait qu'ils ne peuvent pas simplement supprimer le slogan car celui-ci appartient à Pink Dot. Un porte-parole de Cathay a ajouté que le slogan de Pink Dot reflète l'objectif de l'organisation :

Ce slogan cadre et a toujours cadré avec notre objectif d'unir les gens. Nous espérons encourager les gens à adopter les valeurs de l'égalité où tout un chacun peut vivre et aimer librement.

De leur côté, les organisateurs de Pink Dot peinent à saisir le raisonnement de l'ASAS :

Nous ne comprenons pas comment un slogan mettant en avant les idées d'inclusion et d'amour peut être considéré comme discréditant le concept familial ou manquant de respect envers les individus.

Nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si la requête du Conseil n'émanerait pas de plaintes déposées par un petit groupe de personnes opposées à Pink Dot et soutenant vigoureusement la discrimination de la communauté LGBT de Singapour. Nous sommes certains que les Singapouriens sont capables de faire la différence entre notre message d'inclusion, de diversité et d'amour et un message qui cherche à nous diviser en raison de nos différences.

Le spécialiste des médias Cherian George a conseillé à l'ASAS de se concentrer sur d'autres problèmes plus urgents tels que l'augmentation de la violence dans les programmes télévisés :

Si le Bureau de la vérification de la publicité estime recevables des plaintes aussi futiles, alors il peut assurément traiter des questions d'éthique publicitaire bien plus pressantes du point de vue des droits du consommateur.

Compte tenu de ce que des années de recherches nous ont appris sur l'impact sur les jeunes de scènes de violence irresponsables, pensez-vous sincèrement que l'ASAS en ait fait suffisamment pour réguler la façon dont la violence à l'écran est glorifiée dans nos espaces publics ?

La décision de l'ASAS n'est pas la seule polémique à laquelle Pink Dot se heurte cette année. Le mois dernier, la police a rappelé aux organisateurs la réforme récente de la loi interdisant la participation des étrangers aux événements politiques tels que Pink Dot. De plus, la police a insisté sur le fait que le parc doit être entouré de barrières pour protéger les participants. Pink Dot n'a pas non plus le droit de recevoir des dons venant d'autres pays.

Malgré la force croissante de la communauté LGBT, Singapour continue de pénaliser les actes sexuels entre hommes.

L'événement du 1er juillet sera la neuvième édition de Pink Dot à Singapour. En 2015, l'événement avait rassemblé plus de 28 000 participants.

Des années après leur mariage, des femmes indiennes osent prononcer les prénoms de leurs maris pour la première fois

dimanche 18 juin 2017 à 13:49

Des femmes dans le petit village indien de Gumla Jam Gayi dans le Jharkhand. Photo sur Flickr de Chris Freeman. CC BY-NC 2.0

Cet article écrit par Kayonaaz Kalyanwala est originellement paru sur Video Volunteers, une organisation internationale primée de médias communautaires basée en Inde. Une version adaptée est publiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Dans de nombreuses régions de l'Inde, une femme peut aller très loin pour éviter de dire le prénom de son mari et même celui des aînés de la famille. Au lieu de cela, elle utilisera un pronom ou « le père de mon enfant ». Du Chhattisgarh au Maharashtra et à l'Uttar Pradesh, les femmes disent que cette pratique est maintenue en vie par la pression sociale pour le respect du mari et la peur des conséquences si l'on ne suit pas la norme. L'année dernière, une parodie de tribunal a condamné Malati Mahatoto de l'État indien d'Odisha à être ostracisée par sa famille et tout le village parce qu'elle s'était adressée à une personne de sa belle-famille par son prénom.

Bien que beaucoup d'hommes retournent également la tradition en n'appelant pas leurs épouses par leur prénom, ils encourent une réprobation bien moindre, le cas échéant, lorsqu'ils ne suivent pas la coutume.

Dans un petit village appelé Walhe, dans le district de Pune, au Maharashtra, neuf femmes, des professionnelles de la santé et des femmes au foyer, sont devenues membres d'un club unique vite au centre des conversations de la localité : un espace qui leur est propre pour discuter et débattre des nuances du patriarcat. Le club est l'un des 56 fonctionnant dans 13 États de l'Inde, et fait partie de #KhelBadal, une campagne visant à démanteler le patriarcat sous la direction de Video Volunteers. Rohini Pawar qui, depuis sept ans, utilise sa caméra vidéo pour exposer des pratiques allant des mariages d'enfants à l'ostracisation des personnes vivant avec le VIH/SIDA, dirige ces clubs. Elle raconte comment ces clubs ont créé un espace sécurisé pour ces femmes et les ont transformées aussi en agents de changement.

La première vidéo que Rohini a décidé de visionner dans son club de discussion était sur la pratique des femmes qui ne s'adressaient pas à leurs maris par leur prénom. Elle l'a choisie parce qu'elle voulait ouvrir la conversation sur le patriarcat avec un problème dans lequel les femmes pourraient facilement s'investir. Ne pas pouvoir appeler leurs maris par leur prénom est une pratique qu'elles ont toutes soigneusement respectée, et pas une seule fois questionnée. Selon Rohini :

Cette coutume indique qu'une femme respecte son mari et veut qu'il vive une longue vie. Une femme qui ne la suit pas sera considérée comme rusée, une femme sans morale. La tradition est tellement enracinée qu'elle ne nous était pas même venue à l'idée avant ce club de discussion.

Pour commencer, Rohini voulait tâter le terrain dans sa maison, où elle n'avait jamais appelé son mari par son prénom. Elle a montré la vidéo du club de discussion à son mari et à sa belle-mère. Rohini raconte :

Ma belle-mère et mon mari sont restés longtemps silencieux après la fin de la vidéo. Prakash, mon mari, s'est retourné et m'a dit de l'appeler par son prénom à partir de cet instant.

Armée de cette confiance, Rohini a commencé son premier club de discussion. Beaucoup de femmes n'avaient jamais entendu le mot « patriarcat » ; certaines ont estimé que c'était une bonne chose parce que cela signifiait que les membres les plus jeunes d'une famille, en particulier les filles et les femmes, restaient protégées. La session a débuté la vidéo choisie par Rohini, sur la situation en Uttar Pradesh. Après avoir regardé la vidéo, les femmes ont fait un exercice pour introduire la discussion. Rohini a demandé à chaque participante de dire le prénom de son mari dans une variété d'émotions – heureux, en colère, triste, amoureux, etc. Elle leur a demandé à toutes : « Si nous ne pouvons pas dire le prénom de nos maris, et ils peuvent nous appeler ce qu'ils veulent, cela signifie-t-il qu'ils ne nous respectent pas ? Ne devrait-ce pas être à égalité ? »

« Certaines de ces femmes étaient mariées depuis 30 ans et c'était le premier jour qu'elles prononçaient le prénom de leurs maris », déclare Rohini Pawar, du village de Walhe, Maharashtra, à propos de la rupture d'une coutume séculaire où les femmes mariées ne sont jamais censées de dire le prénom de leur mari. Rohini raconte :

Au cours de l'activité, une femme était si timide qu'elle se contentait de rire pendant la durée de l'exercice ; une autre a décidé de libérer toute sa frustration accumulée contre lui et sa famille en le maudissant. Les regards sur les visages étaient extatiques. Je ne pense pas que je les oublierai jamais.

Toujours sous la poussée d'adrénaline d'avoir mis en morceaux une coutume séculaire, les femmes ont décidé qu'elles essayeraient réellement de dire le prénom de leur mari quand elles seraient rentrées chez elles. Et ils ont tenu parole. Les jours suivants, Rohini a eu une variété de mises à jour.

Un mari a appelé Rohini pour demander quelles idées elle mettait dans la tête des femmes : sa femme ne cesserait de l'appeler par son prénom. Une autre membre du club a décidé de le faire à l'heure du dîner devant toute sa famille. Quand sa belle-mère l'a regardée, elle a eu peur et a dit que c'était une erreur. Une autre femme a déclaré : « Rohini m'a dit de le faire.» Le mari d'un participant était moins compréhensif et la situation s'est terminée par des coups.

Rohini raconte la façon dont les femmes ont tenté de mettre fin à d'autres pratiques comme le vermillon sur leur front :

Pourquoi seules les femmes doivent-elles montrer que nous sommes mariées ? J'ai dit à mon mari que s'il portait du vermillon, je le ferais aussi. Il a simplement rigolé, et j'ai cessé d'en porter.

Les autres femmes n'ont pas complètement arrêté, mais elles s'estiment mieux placées pour choisir de ne pas le porter certains jours.

Pour beaucoup de femmes, ce club de discussion est un espace sûr où partager leurs opinions et leurs aspirations. « Chaque club de discussion fait une excursion. Nous emballons le déjeuner et de l'eau et nous allons au champ. Je ne veux pas que les femmes s'inquiètent qu'on puisse les entendre », dit-elle. Au cours des derniers mois, pour la première fois de leur vie elles ont fêté des anniversaires avec des gâteaux ; elles ont dansé et chanté, et parlé de choses auxquelles elles n'avaien jamais réfléchi.

Rohini dit:

Je travaille sur ces questions depuis tant d'années et même si je n'ai pas parlé de certaines de ces choses, comme la façon dont nos identités sont liées à nos maris, c'est en toute honnêteté. Ça fait tellement de bien de pouvoir dire certaines choses à haute voix, même si elles paraissent de peu d'importance.

Dans un des clubs de discussion, nous parlions du concept d'honneur et de sa relation avec les vêtements. Beaucoup de femmes dans le groupe n'ont porté que des saris depuis leur mariage. La plupart n'ont pas de problème avec ça, mais certaines voudraient porter un salwar-kurta ; elles n'osaient pas.

Après beaucoup de débats et de discussions sur le mérite de choisir ses vêtements, la moralité liée aux saris et ainsi de suite, Rohini a apporté discrètement son propre assortiment de kurtas (des chemises amples) à un club de discussion afin que les femmes puissent les porter. Les femmes ont décidé à présent d'organiser un voyage à Goa pour pouvoir se mettre en jeans, et Rohini est certaine qu'elle y arrivera.

Interrogée sur le fait que les choses ont changé dans les cinq mois qui ont suivi le premier club de discussion, Rohini explique comment la roue commence à tourner :

Nous avons fait de petits pas. Beaucoup de femmes l'ont tenté quelques fois, puis ont cessé de dire le prénom de leur mari. Certaines, y compris moi-même, le font, mais seulement quand elles sont seules [avec lui] et qu'aucun autre membre de la famille n'est là. Seulement une ou deux continuent à dire le prénom de leur maris ; maintenant, seules une ou deux femmes portent du vermillon sur leur front tout le temps.

Les femmes du club de discussion savent que les changements qu'elles veulent créer dans leur propre vie, le marchandage pour plus de liberté de mouvement ou de choix de vêtements ne seront pas un long fleuve tranquille. Se donnant mutuellement confiance, elles se savent solidaires. Comme l'explique Rohini :

Chacune de nous est victime du patriarcat. Moi aussi. Mais ce club donne à chacune de nous la confiance que le changement viendra. Et je sais que ce ne s'arrêtera pas à seulement trente familles, il y aura une réaction en chaîne lorsque chaque femme du club va à la maison et partage ce dont nous parlons et faisons. Nous sommes solidaires.

Les correspondants de la communauté Video Volunteers proviennent de communautés marginalisées en Inde et produisent des vidéos sur des histoires dont les médias ne parlent pas. « L'information par ceux et celles qui la vivent », offrent un contexte hyperlocal à la couverture des défis mondiaux en matière de droits de l'homme et de développement.

L'art du conte, pour préserver la diversité linguistique urbaine

dimanche 18 juin 2017 à 10:24

Narration, par Daniele Rossi sur Flickr, sous licence CC BY-NC-ND 2.0.

Peut-on entrer en contact, immédiatement, en dépit d'une barrière de langue ? Pour Steven Bird et Robyn Perry, fondateurs de l'initiative Treasure Language Storytelling (TLS ; Narration en langue trésor), la narration en langues originelles est une réponse possible.

Global Voices a récemment relaté une autre initiative menée par Steven Bird, le blog Intraduisible. Mais ici, au centre de TLS il y a l'expression parlée et non pas écrite, et un effort pour préserver et célébrer la diversité linguistique des grandes villes. Certes, dans des zones urbaines comme Melbourne et Darwin en Australie, ou Oakland aux Etats-Unis, où TLS organise des événements depuis 2015, les langues petites ou pas si petites sont souvent exposées à ne pas être transmises aux enfants qui y naissent. Pour les créateurs de ce projet :

L'extinction de masse des langues du monde peut être évitée si l'on crée des villes qui adoptent la diversité : des espaces protégés où les habitants n'ont pas besoin d'oublier qui ils sont pour trouver leur place.

Si “écouter est souvent associé à comprendre”, ces événements visent au contraire à “écouter pour apprécier, ressentir, se relier”. Dans ce format, les conteurs racontent leurs histoire dans leur propre langue, avant de la traduire ou de l'expliquer en anglais. Bien que les participants ne soient pas des conteurs professionnels, leur engagement et leur gestuelle impliquent l'auditoire et provoquent rire et émotion, comme si la langue n'était plus une barrière.

Ainsi, la vidéo ci-après est un conte traditionnel du Burkina Faso raconté dans la langue dafing. Pendant la séance de questions, la conteuse, Rassidatou Konate, a aussi l'occasion d'expliquer les codes de narration de son pays.

Lors d'un autre évenement, John Nyamusara raconte la fable du lièvre et du babouin en langue shona du Zimbabwe :

Après qu'il a expliqué le sens de son récit, quelqu'un demande à John Nyamusara “à quoi ça ressemble de parler à un auditoire qui ne comprend pas votre langue ?” Avec un grand sourire, il décrit son sentiment d'intégration :

“Ils écoutaient ! Ils étaient attentifs… Ils étaient avec moi !”

On peut écouter des contes en tagalog, chochenyo, ewe, et beaucoup d'autres langues sur les chaînes Vimeo et YouTube du projet parent Aikuma.

Si les événements de Treasure Language Storytelling se sont tenus jusqu'à présent dans trois villes, les organisateurs comptent bien les étendre à d'autres, et toute personne inspirée par le projet est invitée à contacter TLS pour organiser son propre spectacle de contes.