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Au Kirghizstan, des moutons sacrifiés pour juguler les accidents mortels de la circulation

dimanche 19 novembre 2017 à 23:35

Un agneau, image : pexels.com (CC0).

Cet article publié originellement sur EurasiaNet.org a été écrit par Nurjamal Djanibekova. Il est republié par Global Voices dans le cadre d'un accord de partenariat.

Des fonctionnaires locaux et des responsables religieux dans le sud du Kirghizstan ont procédé cette semaine au sacrifice rituel d'un mouton dans l'espoir de juguler le fléau persistent des accidents d'autos sur les grandes routes du pays.

La cérémonie n'a été que partiellement symbolique. Un imam de la petite ville de Toktogul, dans le sud du pays, a indiqué que tout en distribuant de la viande aux conducteurs circulant en provenance de la capitale Bichkek en direction d'Osh, des fonctionnaires de l'administration locale les engageaient à conduire plus prudemment.

“Nous avons donné de la viande à toutes les voitures qui passaient, en expliquant que cette nourriture venait de Dieu. Nous avons prié pour que tout aille bien pour ces automobilistes, et les avons exhortés à faire attention sur la route et à respecter les règles”, a dit l'imam, Alipbai Boroshbayev,à EurasiaNet.org.

Boroshbayev a indiqué que le coût de l'opération était couvert par les chefs des collectivités et les clercs de la région.

Le directeur de la police routière du district de Jalalabad Nurlan Sarkarov, a dit que ses services soutenaient l'initiative.

“Les habitants et les autorités ont décidé de tenir cette cérémonie en conformité avec le rites islamiques, l'idée était entièrement la leur. Ils l'ont fait sur une route qui relève de notre responsabilité, la police les a donc aidés à distribuer la nourriture à ceux qui se sont arrêtés, et ont aussi contribué à donner des conseils”, a expliqué Sarkarov.

De nombreux conducteurs au Kirghizstan ont coutume de jouer au chat et à la souris avec la police routière, roulant à des vitesses excessives chaque fois qu'il n'y a pas de contrôles. Les automobilistes qui se croisent s'avertissent régulièrement de la proximité de patrouilles pour éviter de se faire arrêter. La combinaison des excès de vitesse, des routes en mauvais état et des virages serrés, notamment sur l'autoroute principale nord-sud, s'avère pourtant souvent fatale.

Sarkarov a expliqué que la police routière est souvent impuissante.

“Il y a des endroits où il est simplement impossible de stationner une patrouille, comme là où il n'y a pas de visibilité. Le code de la route dit bien qu'on ne doit pas dépasser la limitation de vitesse à ces endroits. Les automobilistes n'en tiennent pas compte, et parfois la nuit ils s'endorment même au volant” ajoute-t-il.

La police routière indique que 695 personnes sont mortes dans des accidents de la circulation au Kirghizstan dans les 10 premiers mois de l'année. Ce qui représente une baisse par rapport à la même période de 2016, où 771 personnes ont été tuées sur les routes. Parlant des chiffres de cette année, la police a indiqué que plus des deux tiers des victimes l'étaient des excès de vitesse.

A la Jamaïque, les femmes réclament le droit aux ‘bras nus’ dans les services publics

samedi 18 novembre 2017 à 16:17

Cette femme aux bras nus sera-t-elle autorisée à entrer dans un bâtiment public en Jamaïque ? Si le code vestimentaire actuel ne bouge pas, sans doute que non. Photo sur flickr de AntonSLarsson, CC BY-NC-ND 2.0.

La Jamaïque est un pays chaud, et l'est de plus en plus avec le changement climatique. Le 3 août 2017, les sevices météorologiques y ont enregistré un record historique de 36,9 degrés Celsius à Kingston, la capitale.

Pourquoi alors, avec cette chaleur, les femmes jamaïcaines (et les hommes aussi) doivent-elles couvrir leurs bras (et leurs jambes, et leurs pieds) quand elles se rendent dans un bureau ou une institution de l'administration ? A cause d'une série de codes vestimentaires — une question récemment soulevée sur Twitter, et un débat dont se sont rapidement saisis à leur tout les médias traditionnels.

La discussion n'a rien de nouveau. En 2010, le journal The Gleaner rapportait que le code vestimentaire se rapportant aux entités administratives ne se relâchait pas même dans les situations d'urgence. Il y a eu un cas où cela provoqua la mort d'une femme, “tuées quelques minutes après s'être fait, dit-on, interdire l'accès au bureau de police parce qu'un policier lui avait ordonné de ‘s'habiller de façon convenable’ avant d'entrer.”

Il y a quelques années, on trouvait des plaintes répétées dans les média, dont cette lettre de 2014 au journal The Gleaner, dont l'auteur concluait : “La Jamaïque serait peut-être aujourd'hui un pays développé si nous cessions d'être les spécialistes des futilités”.

Le chroniqueur Garth Rattray a aussi relevé :

Même les parents et familles accablés de chagrin sont refoulés dans les hôpitaux publics s'ils sont considérés comme n'ayant pas une tenue correcte. La plupart du temps, les vêtements sont bien la dernière chose qu'on a en tête quand un proche est gravement malade. C'est cruel de refouler quelqu'un parce qu'il porte les mêmes vêtements que dans n'importe quelle grande ville.

Les codes vestimentaires pour les institutions publiques sont grotesques, hypocrites, injustes, sectaires, archaïques, une stupidité fanatique. Il est temps de s'en débarrasser. Sauf si on expose ses parties intimes, je ne peux imaginer comment sa tenue vestimentaire peut influer sur la façon dont les affaires sont menées dans les locaux de l'administration.

Dans les faits, il n'existe pas de loi jamaïcaine interdisant les vêtements sans manches pour les hommes et les femmes ; mais quasiment tous les services publics ont un avis sur la porte indiquant que le code vestimentaire exclut (mais de façon non limitative) : les hauts sans bretelles, hauts sans manches, débardeurs, hauts décolletés,  mini-jupes courtes, bustiers, shorts (pour les femmes) ; et les shorts, pantoufles, pantalons surbaissés, maillots de corps (pour les hommes). La liste des vêtements prohibés est d'ordinaire plus longue pour les femmes.

La discussion a été ranimée par un billet sur Facebook de Verene Shepherd, professeure à l'Université des Indes Occidentales, qui a écrit sur Twitter :

[Question du jour : quelle est l'origine de la règle du “sans manches” dans les administrations publiques en Jamaïque ? Je suis allée hier dans un lycée à St Thomas, et un garde de sécurité a jeté un coup d'œil dans la voiture et demandé si quelqu'un dans la voiture portait un haut sans manches] Est-ce qu'on peut avoir un débat sur cette idiote mentalité coloniale dans un pays indépendant ?

A suivi une marée d'anecdotes personnelles de Jamaïcains qui se sont rendues dans des services publics et se sont fait refouler :

Suis allée me faire vacciner contre la fièvre jaune, et après 20 minutes d'attentes pour être inscrite, me suis entendu dire que je ne pouvais pas recevoir la piqûre par ce que mon haut était sans manches

Un amis a été refoulé d'une administration parce qu'il était en pantoufles à cause d'une affection au pied, ce malgré un certificat médical.

Même des journalistes de télévision qui visitaient une serre de plein air publique n'y ont pas échappé :

TVJallangles est allé à RADA acheter des plants… On ne nous a pas laissé entrer parce que l'une de nous portait une robe sans manches…

Cette même télévison a consacré son programme hebdomadaire d'affaires courantes à ce thème :

Il y a des Jamaïcains à qui on refuse les services auxquels ils ont droit à cause de ces codes vestimentaires, dit @garveygirl. Oui, c'est une question sérieuse dont il faut s'occuper.

La présentatrice de l'émission a saisi l'occasion pour faire une “proclamation vestimentaire” dans le studio :

#SansManchesAuStudio

Certains ont relevé le deux poids, deux mesures dans l'adhésion des Jamaïcains aux règles — ou leur refus de les prendre en compte — La présentatrice et pédagogue Fae Ellington a tweeté :

Étonnant comme de nombreux Jamaïcains sont prompts à énoncer que “les règles sont les règles” quand la discussion porte sur les tenues féminines, mais souvent enfreignent les règles de vie et de mort. Par exemple le code de la route.

Un tweet se référait à uh humoriste britannique, qui incarne un rappeur emmitouflé :

Dans les bureaux et les administrations de la Jamaïque, les femmes sont supposées s'habiller comme BigShaq 😂Non monsieur ! Nous méritons le droit aux bras nus

Mais tous les Jamaïcains ne réprouvent pas le code vestimentaire. Un des arguments pour la politique de “pas de bras nus” est l'hygiène :

Bonjour à tous, sauf à ceux qui font tout un foin d'avoir à s'habiller correctement pour aller dans les bureaux des gens… Ayez des égards pour les employés qui n'ont pas envie d'interagir avec vos aisselles…

L'argument de la transpiration ne convainc pas certains :

Sans manches ne peut pas être plus hygiénique qu'avec manches. La chaleur quand on est habillé crée plus de sueur, et c'est le meilleur environnement pour la multiplication des bactéries.

De nombreux Jamaïcains sont pourtant très satisfaits de suivre les règles, comme l'a relevé une téléspectatrice /

C'est frappant qu'il y ait autant de gens dans la vox populi à dire “Les règles sont les règles”.

Y aura-t-il une pétition en ligne ? On n'en est pas là, semble-t-il, même si une présentatrice de télévision a mentionné un projet d'en déposer une sur le portail de pétition Jamaica House des services du Premier Ministre :

Donna Scott-Mottley dit qu'ele a une volontaire qui va organiser une pétition en ligne aux services du Premier Ministre sur la règle du sans-manches.

La plupart des pétitions actuelles s'étiolent, avec très peu de signatures. A ce jour, il n’ en a aucune sur la question du code vestimentaire.

Néanmoins, le sondage informel d'un média en ligne a montré que 72 % des lecteurs étaient en faveur d'un relâchement de la règle du sans-manches.

Embrayant sur la discussion dans les médias sociaux, le Jamaica Observer a consulté un avocat connu des droits humains, Bert Samuels, qui a estimé que le refus d'accorder l'entrée dans les bâtiments publics parce que les gens sont vêtus de tenues sans manches “est susceptible de porter atteinte à leurs droits constitutionnels de liberté individuelle, de liberté d'association et de liberté de mouvement”. Il a ajouté que la législation qui traite de l'habillement est la loi sur l'exhibitionnisme, qui a de fait pour objet d'interdire l'exhibition des parties génitales.

Son collègue avocat Hilaire Sobers a commenté sur Facebook :

Time for my legal profession to challenge this nonsense in the courts.

Il est temps que ma corporation juridique attaque cette idiotie devant les tribunaux.

The newspaper featured the contentious issue on its front page:

On ne s'étonnera pas qu'il y ait toujours des entrepreneurs jamaïcains (que certains appelleront des “maquignons”) prêts à profiter de la situation, en louant des tenues correctes devant certains bureaux de l'administration.

Si l'ex-Première Dame des Etats-Unis Michelle Obama était connue et admirée pour ses élégantes tenues sans manches, la formatrice d'outre-mer Grace Virtue a assimilé le code vestimentaire à un “trumpisme” :

Trumpisme : quand on vit dans un pays tropical (96° F à l'ombre…) et que les tailleurs épais à manches longues doublés de polyester sont acceptés comme le code vestimentaire correct et qu'un chemisier sans manches est une infraction. Trump est une métaphore – de l'ignorance et de l'absurdié totale ! Je n'ai aucune idée de la légalité mais suis sûre de la stupidité !

A noter que le phénomène ne se limite pas à la Jamaïque : selon de nombreuses sources en ligne, dont ce billet de la Barbade, il est répandu ailleurs dans la Caraïbe anglophone.

Il y a eu très peu de réaction de services publics ou institutions administratives depuis le dernier tintamarre sur le code. A part l'indignation sur les réseaux sociaux, presque rien non plus en termes d'action, autrement dit la question restera sans solution pour les deux ou trois prochaines années.

Liberté d'expression ou “représentation obscène” ? Le cas du caricaturiste indien Bala G

jeudi 16 novembre 2017 à 22:37

Le dessin attiré l'attention nationale sur l'auto-immolation d'une famille surendettée

Le dessinateur Bala G, du Tamil Nadu en Inde. Arrêt sur image d'une vidéo sur YouTube.

Le caricaturiste indépendant Bala G a été arrêté le 5 novembre 2017, accusé d'avoir diffamé le Premier ministre de l'État du Tamil Nadu [fr], dans le sud de l'Inde.

L'affaire a suscité de nouveaux débats sur les limites de la liberté de parole et la réduction au silence des critiques.

Dans la matinée du 5 novembre, G Balakrishnan (Bala), un caricaturiste indépendant vivant à Tirunelveli [fr] a été arrêté par la section locale de la police de l’État de Tamil Nadu à cause d'un dessin humoristique sur l'administration du district et le ministre en chef Edappadi K Palaniswami.

Il est accusé de “représentation obscène” ainsi que de diffamation et il a été mis en examen en vertu des articles 67 des lois sur la technologie de l'information et 501 du Code pénal indien.

Bala arrêté pour la caricature d'un enfant en flammes allongé au sol alors que le chef de la police, le receveur, le Premier ministre, couvrent leur nudité avec des billets de banque

Après avoir travaillé pendant douze ans comme journaliste pour l'hebdomadaire tamoul Kumudam, Bala est devenu le rédacteur en chef de la plateforme de médias numériques LinesMedia. Avec plus de 42 000 abonnés sur Facebook, il est très suivi principalement en raison de ses caricatures politiques, qui ont joué un rôle clé dans les débats sur les médias sociaux au Tamil Nadu.

Dans la caricature controversée, le ministre en chef de cet État, le commissaire de police et le receveur de district de la ville de Tirunelveli sont présentés nus, couvrant leurs organes génitaux avec des paquets d'argent. Ils sont immobiles, observant le corps d'un enfant brûler au premier plan.

Avec cette caricature, Bala a cherché à critiquer les autorités pour ne pas avoir empêché la mort par auto-immolation d'une famille qui a succombé à la pression des usuriers qui avaient relevé les taux d'intérêts à des niveaux insupportables, presque le double du taux initialement convenu.

La famille avait déposé une plainte auprès du responsable administratif du district, mais la police n'avait pris aucune mesure contre l'usurier. En désespoir de cause, le père emmena sa femme et ses deux jeunes filles au bureau du district. À l'extérieur du bureau, il a versé du kérosène sur sa famille et sur lui-même, puis a mis le feu. Malgré les efforts déployés par les passants pour les secourir, son épouse et ses filles ont succombé a leurs graves brûlures. L'homme reste dans un état critique.

Après l'incident, la commission nationale indienne des droits de l'homme a adressé une note au secrétaire général, au directeur général de la police du Tamil Nadu, au collecteur de district et au commissaire de police de Tirunelveli, exigeant un rapport sur l'incident dans les quatre semaines.

Le ministre en chef Palaniswami a défendu sa position, soutenant que l'État a déjà une législation interdisant aux prêteurs de réclamer des taux d'intérêt exorbitants. Il dit qu'il a demandé aux autorités concernées d'agir rapidement sur les plaintes.

Si l'incident a attiré l'attention des médias locaux, la caricature de Bala a mis en lumière à l'échelle nationale l'incident et les pratiques prédatrices des prêteurs privés en Inde.

Avant son audition, Bala a déclaré à la presse :

L'incident m'a fait imaginer que c'étaient mes enfants qui brûlaient. Je n'avais pas de mots pour exprimer mon chagrin, alors j'ai réalisé la caricature en proie à la rage. Cela ne visait personne.

Le lundi 6 novembre 2017, le tribunal du district de Tirunelveli a accordé une libération sous caution à Bala.

Ce soir à 8h: le dessinateur Bala en liberté sous caution après son arrestation pour avoir caricaturé le TN CM. Est-ce que l'humour et la dissidence deviennent plus difficiles?

L'arrestation de Bala a provoqué beaucoup de colère et généré des discussions dans les médias sociaux et le hashtag #standwithCartoonistBala a commencé à faire tendance. Beaucoup de journalistes et de gens ordinaires ont protesté dans différentes parties de l'État :

Pas d'espace pour la satire? La liberté d'expression, une blague ?
Aussi, qu'en est-il de l'application régulière de la loi ?

Les journalistes ont érigé de grandes bannières avec la caricature de Bala au club de la presse

Agitation condamnant l'arrestation de Bala

De nombreux utilisateurs des réseaux sociaux ont défendu le style de représentation de Bala :

Quand les comportements des dirigeants sont de mauvais goût, comment réagir ? Nos dirigeants sont vraiment nus dans la corruption et incompétents. Nous devons appeler le nu, nu. Le caricature de Bala est exactement ce que j'aurais fait si j'étais dessinateur. Nous ne pouvons pas traiter nos politiciens comme des enfants

#IndiaWithBala (l'Inde avec Bala) toutes les libertés ont des limites sauf la corruption des politiciens, des bureaucrates, etc., ils ont une liberté illimitée pour la corruption, la criminalité

Par contre, d'autres utilisateurs ont remis en question la pertinence du dessin satirique :

Quelles sont les limites de la liberté d'expression ? Tout est soumis à des règles. C'est courageux et audacieux mais inapproprié en même temps

Le problème avec la défense de la caricature du dessinateur Bala est qu'on devrait être prêt à défendre les caricatures de Mahomet aussi.

D'autres ont qualifié la caricature carrément d'obscène et diffamatoire :

Arrêtez ce non-sens
L'obscénité n'est pas de la critique
Cong accepterait-il les caricatures de Sonia & Rahul NUS ?
La liberté d'expression implique des devoirs aussi

Maya Kavi a écrit sur Facebook :

As a cartoonist Bala has right to criticise the matter but definitely, this is something vulgar. Unfortunately, as usual, the matter has deviated from the facts and Bala became a hero!

He described that he did in an extreme anger! Being a journalist how could he say that irresponsibly!

Comme humoriste, Bala a le droit de critiquer, mais ça, c'est vraiment vulgaire. Malheureusement, comme d'habitude, l'affaire a dévié des faits et Bala est devenu un héros !

Il a écrit qu'il l'a fait en un moment de colère extrême ! En tant que journaliste, comment peut-il dire cela, de façon irresponsable !

Un article sur le site indépendant d'informations et de commentaires The Logical Indian a relevé qu'au cours des dernières semaines, au moins cinq citoyens ont été arrêtés à travers l'Inde pour avoir exprimé des opinions contradictoires sur les médias sociaux.

Bien que la liberté d'expression soit garantie par la constitution en Inde, elle n'est pas absolue. Pratyush Raj de la Symbiosis Law School écrit dans un article que :

La liberté d'expression garantie par l'article 19 (1) (a) peut être soumise à une restriction raisonnable de l'État dans l'intérêt de la décence ou de la moralité. L'obscénité en Inde est définie comme «offensante pour la pudeur ou la décence ; lubrique, sale et repoussante. Le critère de l'obscénité consiste à savoir si la publication, lue dans son ensemble, a tendance à dépraver et à corrompre ceux dont les esprits sont ouverts à de telles influences immorales, et par conséquent chaque œuvre doit être examinée dans son ensemble.

L'article 67 de la loi indienne sur les technologies de l'information traite de l'obscénité dans les publications en ligne. L'Inde a une loi datant de l'ère coloniale britannique qui définit et criminalise l'obscénité. Dans le passé, divers écrivains, artistes et poètes ont été accusés d'obscénité en vertu de cette loi.

Dans un post récent sur Facebook, Bala a remercié les internautes pour leur soutien et a promis de continuer son travail :

Mon ordinateur et mes téléphones portables sont encore aux mains de la police. Bientôt, je vous retrouverai tous à travers mes dessins.

L'affaire contre Bala G sera une affaire importante à surveiller car elle peut modifier la façon dont les tribunaux définissent l'obscénité et la liberté d'expression – et comment le pouvoir et la politique influencent le processus.

Rapport Netizen : les mèmes et les messages “obscènes” sur la sellette en Indonésie

jeudi 16 novembre 2017 à 15:27

“Le Ppouvoir de Setya Novanto.” Dessin de Bajims, partagé sur Instagram.

Le rapport Netizen de Global Voices Advocacy présente un aperçu international des défis, victoires, et tendances émergentes des droits de l'Internet à travers le monde.

Le Ministère de la Communication et de l'Information indonésien veut renforcer le contrôle du contenu “obscène” en ligne.

Le pays s'efforce déjà de censurer la pornographie en ligne, les sites de rencontre en ligne, les sites qui informent sur le sexe et la sexualité et tout le contenu jugé insultant envers l'Islam.

Le directeur général Semuel Pangerapan a annoncé que l'administration allait convoquer des responsables de Google, Twitter et WhatsApp (qui appartient à Facebook) pour obliger ces entreprises à filtrer sur leurs applications les contenus jugés obscènes par les autorités.

L'annonce concernait plus spécifiquement des GIFS animés “obscènes” et les animations en boucle (qui se veulent amusantes) qui forment la majorité du trafic de WhatsApp. Le ministère a menacé de bloquer WhatsApp si l'entreprise refusait de retirer ces GIFS dans les 48 heures. Depuis que l'application Telegram a été bloquée par les autorités en juillet 2017 pour suspicion d'activités terroristes, l'entreprise ne voit pas cela comme des menaces en l'air.

Techniquement, il est impossible pour WhatsApp d'identifier du contenu “obscène” dans un message spécifique et de le retirer ensuite : WhatsApp est crypté, ce qui signifie que l'entreprise ne peut pas voir le contenu des messages que les utilisateurs s'envoient. Les utilisateurs sont libres de partager le contenu qu'ils trouvent en ligne avec leurs contacts. Mais l'entreprise offre également des lots de GIFS provenant de distributeurs tiers. Peu de temps après cette annonce, le créateur tiers bien connu Tenor Inc a bloqué l'accès à ses icônes. Les autorités semblent avoir considéré que le problème était réglé, au moins de manière temporaire.

Parallèlement à ces tentatives pour juguler le contenu obscène en ligne, le porte-parole du Congrès Setya Novanto a déclenché une séries de menaces juridiques contre les utilisateurs de réseaux sociaux qui se moquent de lui sur les réseaux.

Novanto est très influent au Congrès et il a esquivé des accusations pour corruption à de nombreuses reprises. C'est souvent sur ce point que portent les commentaires sur le Web concernant le politicien.

La police a brièvement placé en détention l'Instagrammeur Dyann Kemala Arrizqi parce qu'il diffusait des mèmes qui ridiculisent le porte-parole Novanto. Il pourrait risquer jusqu'à six ans de prison selon la législation indonésienne sur le cyberespace.

La police a annoncé que neuf autres individus seraient poursuivis pour violation des dispositions de la loi sur l'Informatique et la Technologie (ITE) pour avoir partagé la photo et des mèmes associés sur les réseaux sociaux.

L'expert juridique Henri Subiakto dit que les mèmes sont les équivalents d'une satire et qu'ils ne devraient pas être objets de poursuites, comme le sont la diffamation ou la propagation de fausses informations.

Pakistan : les condamnations pour blasphème mènent à la prison à vie, voire pire

Un tribunal du Rahim Yar Khan au Pakistan a condamné un homme à la prison à vie, pour un prétendu blasphème commis sur les réseaux sociaux. Ce genre d'affaires semble en augmentation. Plus tôt dans l'année, un procès conduit par un tribunal antiterroriste pakistanais a condamné un homme à mort pour avoir partagé du contenu soi-disant blasphématoire envers l'Islam sur Facebook.

Un photographe vénézuélien disparaît après un article critique sur le gouvernement

D'après le Comité de Protection des Journalistes, le photographe et journaliste Medina Ezaine a disparu depuis le 4 novembre. Il a écrit sur Twitterported qu'il avait commencé à recevoir des menaces juste après avoir publié un article à propos d'une des prisons les plus violentes et surpeuplées du Venezuela. L'article a été publié sur Dólar Today, un site d'actualités en ligne enregistré aux États-Unis qui couvre les actualités avec une ligne éditoriale critique envers le gouvernement vénézuélien et le parti au pouvoir, et qui publie également des informations sur les taux pratiqués sur le marché noir.

Un blogueur algérien termine sa grève de la faim dans un état critique

Le blogueur algérien incarcéré Merzoug Touati a terminé une grève de la faim qu'il a commencée le 13 septembre pour protester contre les conditions d'emprisonnement. Touati est en prison depuis janvier 2017. Il est accusé “d'échanges avec des agents du renseignement d'un gouvernement étranger qui pourraient nuire au statut diplomatique ou militaire de l'Algérie, ou à ses intérêts économiques essentiels” . Les chefs d'accusation ont été déposés après qu'il avait interviewé un haut fonctionnaire israélien et posté son interview sur YouTube et sur son blog. Il risque 20 ans de prison. Son dossier a été déposé au tribunal pénal algérien et il est actuellement en attente de verdict.

Des groupes de défense des droits de l'homme contre la surveillance devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme

Cette semaine, une alliance de groupes de défense des droits de l'homme a entamé des poursuites devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Cette dernière a accepté d'entendre leurs réclamations contre le gouvernement du Royaume Uni, concernant de la surveillance illégale. La plainte se concentre sur les échanges d'informations entre les services de renseignements du Royaume Uni et ceux des États-Unis. C'est une coalition entre Privacy International (Royaume-Uni), l'Union Américaine pour les Droits Civiques, Amnesty International, Bytes for All (Pakistan), l'Association Canadienne des Droits Civiques, L'Initiative Égyptienne pour les Droits Individuels et l'Union Hongroise pour les Droits Civils.

Le streaming de musique reprend en Iran

Les sites de diffusion en continu de musique Soundcloud et Spotify sont à nouveau accessibles en ligne en Iran. Cependant, les règles internes de Spotify interdisent toujours de manière explicite aux Iraniens l'utilisation de leurs services pour des raisons qui n'ont jamais été rendues publiques par l'entreprise. D'après Mahsa Alimardani (Global Voices) la raison pour laquelle ces plate-formes de diffusion de musique sont soudain accessibles demeure inconnue. Certains cybercitoyens Iraniens pensent qu'il s'agit d'une erreur, alors que d'autres y voient un pas vers un assouplissement des restrictions sur les contenus en ligne.

Activisme cybercitoyen

Le groupe d'activistes espagnoles #AkelarreCiberfeminista a conçu un kit d'autodéfense féministe pour lutter contre le harcèlement en ligne.

Les capsules temporelles qui décrivent une Russie moderne bien loin des espoirs placés en elle en 1967

jeudi 16 novembre 2017 à 09:16

Ouvriers soviétiques enterrant une capsule temporelle dans les fondations d'une usine en 1967. Crédit : Seryogin100, Wikicommons.

Pour l'Union Soviétique, 1967 fut une année marquante : le cinquantième anniversaire de la Grande révolution d'octobre, comme elle est encore appelée en Russie et dans les pays de l'ex-URSS, qui a changé le cours de l'histoire sur la planète entière. Des milliers de rues, d'usines et d'unités militaires du plus grand pays du monde avaient alors été rebaptisés pour commémorer le jubilé.

Parmi les festivités qui ont eu lieu à l'époque, des étudiants, des collectifs de travail et des citoyens soviétiques ont enterré des centaines de capsules temporelles dans toute l'URSS avec pour instructions de les ouvrir exactement cinquante ans plus tard, pour le centenaire de la révolution.

De nombreuses villes russes et ex-soviétiques se sont prêtées au jeu en fanfare.

Le jour du centenaire de la Révolution d'octobre, la ville de Penza a ouvert les capsules temporelles enterrées en 1967 et en 1977 et contenant des “messages aux générations futures”.

Finalement, leurs contenus se sont avérés quelque peu décourageants pour les Russes de 2017.

Les messages de 1967 donnent une impression de naïveté, ils sont pleins d'espoir et d'optimisme. Leurs auteurs étaient convaincus qu'en 2017 la plupart des maladies seraient éliminées, les guerres ne seraient plus qu'un vague souvenir et les communistes du futur aurait depuis longtemps colonisé le système solaire. L'un de ces messages, déterré à Mourmansk, dans le nord de la Russie, est ainsi rédigé :

Мы сделали лишь первый шаг в космос, а вы, наверное, будете летать на другие планеты. Вы раскроете много новых тайн природы, которые еще не известны нам, обуздаете ядерную энергию, подчините своей воле стихийные силы природы, переделаете климат, разведете в Заполярье сад… Помните же о нас, ваших предках, о тех, кто строил ваш город и чья жизнь была отдана борьбе за создание коммунизма..

Nous n'avons fait que le premier pas dans le cosmos, mais vous, vous volerez probablement vers d'autres planètes. Vous aurez découvert de nombreux mystères de la nature qui nous sont encore inconnus, dompté l'énergie nucléaire, soumis les forces des éléments à votre volonté, changé le climat et transformé les régions polaires en jardins… Souvenez-vous de nous, vos ancêtres, qui avons posé les fondations de votre cité et qui avons donné notre vie pour l’avènement du communisme…

Un autre, à Sérov, affirmait :

“Nous vous envions, jeune génération des communistes de demain” : une école de la ville de Sérov ouvre une capsule temporelle.

Le message le plus futuriste est peut-être celui-ci, de Novossibirsk en 1967 :

Мы верим, что вы превосходно оборудовали нашу прекрасную голубую планету Земля, освоили Луну и высадились на Марсе, что вы продолжаете штурм космоса, который начали люди первого пятидесятилетия, и ваши корабли давно уже бороздят Галактику.
Что вы ведете переговоры о научном и культурном сотрудничестве с представителями других, иноземных цивилизаций. Мы верим, что дело, которое начали 50 лет тому назад наши отцы и деды и которое продолжаем мы, вы доведете до победного конца. Счастья вам, дорогие товарищи потомки!»

Nous croyons que vous avez pris grand soin de notre belle planète Terre, colonisé la Lune et atterri sur Mars ; que vous poursuivez la courageuse exploration spatiale que les gens de la première moitie du siècle ont commencée et que vos vaisseaux sillonnent la galaxie.

Nous croyons aussi que vous êtes déjà en train de négocier les termes d'une coopération scientifique et culturelle avec des délégués d'autres civilisations extra-terrestres. Nous pensons que vous allez vous battre pour terminer victorieusement ce que nos pères et nos grands-pères ont commencé il y a cinquante ans et que nous avons poursuivi depuis. Soyez heureux, nos chers descendants !

Tous les messages n'étaient pas aussi charismatiques et certains étaient plutôt ternes et formels, informant les communistes du futur dans les moindres détails des millions d’œufs produits par leurs fermes en 1967 ou des mégawatts générés par leur centrale. Sur les médias sociaux, les réactions ne se firent pas attendre pour ridiculiser la nostalgie envers l'époque soviétique :

Penzainform [un site d'informations local de Penza, au sud-est de Moscou] a publié les contenus d'une capsule temporelle de 67 sur les rendements laitiers et les kilowatts-heures, je me marre en lisant les commentaires : “On a perdu un si grand pays”.

Aujourd'hui j'ai été à la cérémonie d'ouverture des capsules temporelles avec un message aux futures générations, quand ils ont lu le message mélodramatique, les jeunes ont ricané, un vieillard était en pleurs et je me suis senti honteux.

La trahison des espoirs de leurs grands-parents semble provoquer sur les médias sociaux russes un sentiment de profond embarras. Parmi les tweets représentatifs, on peut lire les commentaires suivants :

J'aurais préféré qu'ils n'ouvrent pas ces capsules. Quelle honte.

Les mêmes membres du Komsomol [organisation de la jeunesse communiste] qui ont écrit ces lettres aux générations futures sont ceux qui les ouvrent et les lisent. Croyez-vous qu'ils réalisent que ce sont eux qui ont tout foutu en l'air ?

Tout ceci explique probablement pourquoi certaines villes ne sont pas pressées d'ouvrir les capsules. Ainsi que le twitte un journal local de Shakhty, dans le sud de la Russie :

Tout le monde ne veut pas du message de Shakhty aux générations futures : personne ne prévoit d'ouvrir la capsule temporelle [SONDAGE]

L'article auquel le tweet se réfère explique que les journalistes ont approché les autorités locales mais que leurs requêtes d'ouvrir la capsule ont été rejetées. Cependant, le sondage mené par le quotidien montre que l'écrasante majorité de son lectorat (85 % à la rédaction de cet article) soutenaient l'ouverture de la capsule : “C'est notre histoire”.