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Ce que les peuples autochtones colombiens reprochent à leur président, Ivan Duque

dimanche 19 mai 2019 à 19:49

Les peuples autochtones organisent un mouvement contestataire en Colombie

Capture d'écran de la vidéo partagée par le conseil régional autochtone du Cauca. La vidéo présente des images des manifestations qui ont eu lieu dans le sud-ouest du pays au mois d'avril.

Les communautés autochtones, afro-colombiennes et paysannes organisent à travers la Colombie des manifestations massives contre le plan de développement national du président Ivan Duque. Elles s'opposent à un ensemble de directives qui devraient encourager les investissements étrangers dans les industrie minières et agroalimentaires, et donc susceptibles de menacer les territoires autochtones.

En mars 2019, les communautés autochtones ont bloqué une grande route dans la région du Cauca pendant 25 jours. Le 25 avril, ils ont été rejoints par d'autres mouvements sociaux pour mener une grève nationale. Outre les menaces contre les droits des autochtones, les grévistes ont protesté contre les coupes budgétaires dans l'éducation et la lenteur de la mise en œuvre des accords de paix de 2016 – dont Ivan Duque, élu il y a moins d'un an, est un farouche opposant.

Les peuples autochtones ont qualifié les manifestations de “mingas”, terme quechua signifiant “travail collectif”, largement utilisé dans les mouvements de protestation en Amérique du Sud.

#GrèveNationale | Les communautés autochtones, les agriculteurs et les Afros de Tado se mobilisent dès les premières heures de la matinée tout au long de la route reliant Pereira à Quibdo dans le cadre de la grève nationale #CaVautLaPeineDeManifester

Le plan de développement national prévoit des réformes dans différents secteurs, tels que l'éducation, l'énergie et l'agriculture. Alors que Duque prétend que ses réformes sortiront 3,4 millions de Colombiens de la pauvreté, ceux qui s'y opposent affirment que ce plan profitera principalement aux entreprises privées. Les dirigeants autochtones de la minga sont particulièrement préoccupés par les aspects du plan susceptibles de remettre en cause leur droit à une consultation préalable sur les projets de développement menés sur leurs territoires.

Bien que le gouvernement ait accepté de négocier ce plan avec les dirigeants autochtones, un accord final n'a pas encore été trouvé. Selon le journal El Espectador, les terres que le gouvernement est disposé à protéger au nom des peuples autochtones sont bien en dessous de ce que les communautés exigent.

La diferencia entre lo que ofrece el gobierno de Iván Duque y lo que piden las comunidades indígenas para despejar la vía Panamericana es abismal. El Ejecutivo habla de 1 500 hectáreas para resolver las necesidades de todas las organizaciones que integran la minga, mientras que el requerimiento de los organizadores de la protesta es de 40 000 hectáreas

La différence entre ce que propose le gouvernement d'Iván Duque et ce que demandent les communautés indigènes pour ouvrir l'autoroute panaméricaine est abyssale. Le président parle de 1 500 hectares pour répondre aux besoins de toutes les organisations qui composent la minga, alors que les exigences des organisations protestataires sont de 40 000 hectares.

Accords de paix

Signés entre l'ancien président Juan Manuel Santos et les dirigeants des Forces armées révolutionnaires de Colombie, le plus important groupe de guérilla du pays, les accords de paix de 2016 ont mis fin à cinquante années de guerre civile, en proclamant un cessez-le-feu définitif en échange de la participation d'anciens membres des FARC aux institutions politiques.

Les accords de paix ont également créé des garanties pour empêcher l'accaparement de terres par des individus et des sociétés étrangères dans les zones rurales. De plus, ces accords donnent la priorité à la redistribution des terres et ont désigné quelques zones réservées aux communautés autochtones, afro-colombiennes et agricoles gravement touchées au cours du conflit. L’inégalité de la propriété foncière dans les zones rurales était l’une des principales raisons pour lesquelles les FARC ont pris les armes dans les années 1960.

Cependant, la mise en œuvre intégrale de l'accord a été écartée, car de nombreux secteurs conservateurs en Colombie étaient fermement opposés à ces conditions. Pendant ce temps, des petits groupes armés sont restés actifs dans les campagnes, où ils ont mené des raids meurtriers pour le contrôle des anciens territoires des FARC. En conséquence, le nombre de leaders sociaux tués dans les zones rurales a explosé depuis la signature des accords. Alors que les chiffres varient en fonction de la définition du «leader social», le bureau du Médiateur colombien a déclaré que 460 leaders sociaux avaient été tués entre 2016 et le 31 mars 2019.

Duque, avec son principal allié, l'ancien président Álvaro Uribe, fait partie des détracteurs les plus virulents de l'accord de paix. Au cours des derniers mois, il a tenté d'affaiblir l'autorité de la juridiction spéciale pour la paix (JEP), un organe judiciaire créé par les Accords pour juger les acteurs de la guérilla et des gouvernements soupçonnés de crimes de guerre. De nombreux groupes sont scandalisés par ces mesures, qui pourraient selon eux affaiblir les chances d'une véritable réconciliation.

Les gens ont partagé leurs raisons de se joindre à la grève du 25 avril avec le hashtag #VamosAlParoPor (Nous allons à la grève Parce que) et #MingaNacionalPorLaVida (Minga nationale pour la Vie).

Nous allons faire la grève pour les minga indigènes, parce que nous demandons la protection des leaders sociaux et des anciens combattants, et que nous sommes en faveur du PEC et de la mise en œuvre des accords de paix. Nous voulons de meilleures conditions de travail pour les enseignants et les centrales ouvrières.

La Pulla, chaîne YouTube commentant l’actualité politique, a exacerbé les tensions avec une vidéo intitulée “Voici ce qu’il se passe lorsqu'un gouvernement ignore son peuple”, où elle examine le mépris du gouvernement pour les campagnes, en particulier dans les départements de Cauca, Nariño, La Guajira et Catatumbo. Le journaliste déclare :

La minga nos recuerda que eso no es el único lugar donde viven incumpliendo la gente y le hacen pistola cada vez que pueda. Vemos cuatro regiones del país que el estado ignora por completa.

La minga nous rappelle que ce n'est pas le seul endroit où les gens vivent avec des promesses non tenues, le gouvernement les rejetant chaque fois qu'il le peut. Nous voyons quatre régions du pays que l’État ignore complètement.

A l'heure actuelle, aucune réponse définitive n'a été donnée aux revendications des mingas et des grévistes, de sorte que les manifestations vont probablement se poursuivre dans les mois à venir.

Les ‘Voix pour le changement climatique’ de la Jamaïque diffusent leur message en musique

dimanche 19 mai 2019 à 12:17

Lorsqu'il s'agit de changement climatique, la musique est le message

Arrêt sur image de la vidéo YouTube “Voix pour le changement climatique Education – Campagne 2019″, publiée par Panos Caribbean. L'organisation a lancé une campagne de sensibilisation locale de huit mois dans quatre localités à travers la Jamaïque : Rocky Point et Lionel Town dans la paroisse  de Clarendon, Ridge Red Bank à St. Elizabeth et White River à St Ann.

Depuis le reggae et la musique de dancing jusqu'aux jingles vantant les vertus de tout et n'importe quoi, détergents à lessive ou fast-food, le chemin le plus court vers le cœur du Jamaïcain lambda passe par les chansons — ce qui a amené Panos Caribbean, une organisation non gouvernementale à l'aise avec les média, à utiliser une démarche musicale pour diffuser son message environnemental. L'organisation mène a bien le partage d'informations primordiales avec le public grâce à son opération Voices for Climate Change (Voix pour le changement climatique).

Des voix qui ont sonné haut et clair pendant l'historique Conférence des Nations Unies de Paris (COP21) en 2015. Le chanteur et auteur-comositeur jamaïcain Aaron Silk a uni ses forces à celles d'autres musiciens — parmi lesquels l'artiste du Bélize Adrian Martinez — pour plaider la cause d'une limitation à 1,5° du réchauffement planétaire.

Le message musical, qui appuyait la position des petits États insulaires en développement, a été considérable, et a influé sur les aspirations reflétées dans le document final de la COP21.

Des années plus tard, le message “1,5” continue à résonner dans la Caraïbe orientale, où les chanteurs ont entrelacé les mots du poète de Ste Lucie Kendel Hippolyte avec leurs propres paroles pour s'assurer que le message arrive à destination.

L'artiste local Sammy Junior, de Rocky Point, Clarendon (une localité affectée par la montée du niveau de la mer et l'érosion côtière) à un atelier sur les Messages du changement climatique en Jamaïque le 14 mars 2019. Photo : Emma Lewis, utilisée avec son autorisation.

La crise du changement climatique est encore plus pressante en 2019 qu'il y a quatre ans, et en Jamaïque, les habitants des campagnes, qu'ils soient paysans ou pêcheurs, sont attentifs au coup de semonce. Artistes, scolaires et membres de communautés se sont rassemblés en différents lieux de la Jamaïque — Kingston, Lionel Town, Ridge Red Bank et White River — pour quatre journées d'ateliers pendant les mois de mars et avril. Ils y ont affûté leurs compétences et étudié les impacts du changement climatique. Des paroles de chanson puissantes ont émergé, les idées ont débordé et des sorties éducatives ont apporté une compréhension de terrain :

Mama Earth she a bawl
Deep inna di forest weh di trees dem a fall
Look pan di reef, see di fish dem small,
Give dem little time, mek dem grow big and tall.

La Terre-Mère chiale
Au fond des bois où les arbres tombent
Regardez le récif, voyez les poissons si petits,
Donnez-leur un peu de temps, faites les pousser gros et grands

Des artistes de Kingston, Clarendon et Spanish Town travaillent ensemble à des paroles à l'atelier de Messages sur le changement climatique. Photo : Emma Lewis, utilisée avec son autorisation.

Avec le lancement par Panos d'une nouvelle chanson à thème caribéenne pour la Journée de la Terre, le groupe jamaïcain joue à guichets fermés dans les concerts d'écoles et de communautés, tout comme l'initiative Read Across Jamaica (Lecture en Jamaïque) et les sessions de plantation d'arbres. Les paroles comme celles-ci, prononcées sur un rythme de reggae authentique et infusées de vibrations dansantes, mettent en plein dans le mille :

Mother Nature yearns for life
The more the factories burn, she cries.
When will we learn, and be wise?
The more the ice caps melt, the sea rise.

Mère Nature désire ardemment la vie
Plus les usines consument, plus elle pleure.
Quand allons-nous apprendre, et devenir sages ?
Plus les calottes glaciaires fondent, [plus] les mers montent.

Chère Commission européenne : Ne laissez pas les partis manipuler les élections avec nos données personnelles

samedi 18 mai 2019 à 13:13

Les partis politiques peuvent exploiter les lacunes du RGPD

“Propaganda” par Pawel Kuczynski. Illustration reproduite avec l'autorisation de l'artiste.

Cet article d'opinion a été écrit par Valentina Pavel, Mozilla fellow à Privacy International et membre de l'Association pour la technologie et Internet, basée en Roumanie. Les articles d'opinion ne reflètent pas les opinions de Global Voices. Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Quand on a appris que Cambridge Analytica [fr] avait récolté les données personnelles de millions d'utilisateurs de Facebook (et ensuite utilisé ces informations pour influencer les élections), les retombées ont été immédiates. L'entreprise britannique d'extraction des données a fermé, Facebook s'est retrouvé soumis à un examen minutieux, et les citoyens du monde ont appris à quel point les élections démocratiques pouvaient être facilement piratées en abusant des données personnelles des électeurs.

Depuis que ce scandale a éclaté, on pourrait croire que les démocraties européennes ont utilisé tous les outils à leur disposition, dont le Règlement général sur la protection des données (RGPD) [fr], pour prévenir de méfaits similaires dans le futur.

Mais le Règlement offre quelques “flexibilités” dans la façon dont il est intégré dans les lois nationales et permet aux États membres d'introduire quelques règles qui leur sont propres. Dans certains cas, plutôt que de protéger les droits des citoyens, ces exceptions limitent la liberté d'expression, érodent la confidentialité et encouragent la dissémination de la désinformation. Ce manque d’uniformité dans l'application des règles du RGPD pourrait mener à des différences dans le niveau de protection des données personnelles entre les États membres, y compris dans un contexte électoral.

Le RGPD, entré en vigueur en mai 2018, établit un ensemble de règles européennes concernant la collection, le traitement et le stockage des données personnelles des citoyens.

Entre autres, les règles requièrent généralement que les entreprises privées et les organisations obtiennent le consentement des individus avant de collecter leurs données personnelles (telles que leur nom, adresse e-mail, numéro de téléphone et d'autres informations personnelles et moyens de contact). Le RGPD améliore aussi les droits individuels, permettant aux citoyens de demander une copie de leurs données.

Bien que le RGPD soit un règlement européen [fr], les gouvernements nationaux ont le droit de légiférer leurs propres provisions, ouvrant ainsi la voie à certaines dispenses pour les partis politiques décrites dans cet article.

Par exemple en Roumanie, les législateurs ont introduit une dispense qui permet aux partis politiques et aux organisations de traiter les données personnelles sans consentement et sans mesure de protection contre de potentiels abus, créant une sorte de “Far West” des données personnelles. Ainsi, la Poste roumaine, un organisme public, a commencé à offrir aux partis politiques [ro] des informations sur les personnes âgées, permettant aux partis de les cibler avec des informations personnalisées pendant la campagne électorale.

Les législateurs roumains ont aussi introduit des limites excessives sur l'utilisation des données personnelles à des fins journalistiques, une mesure qui pourrait interférer avec le journalisme d'investigation et empêcher de révéler des histoires d’intérêt public. Les effets de cette dispense problématique restent à voir.

Cependant, des tentatives d'utiliser le RGPD comme un outil pour faire taire la presse libre ont été signalées au projet RISE : l’Autorité roumaine de protection des données s'est adressée à des journalistes enquêtant sur les possibles liens d'un politicien avec une entreprise frauduleuse, leur demandant des informations sur leurs sources et les menaçant d'importantes amendes.

Ces exceptions problématiques ont conduit au dépôt d'une plainte auprès de la Commission européenne, mais aucune mesure n'a été prise.

Des régulations similaires dans d'autres pays européens

La Roumanie n'est pas le seul pays européen où moins de restrictions s'appliquent aux partis politiques sur le traitement des données personnelles. En Espagne, la loi autorise les partis politiques à collecter des informations personnelles depuis des sources publiques comme des sites internet et des médias sociaux. Cette dispense a été évoquée auprès de la Commission européenne dès novembre 2018, mais l'institution n'a pris aucune action concrète en six mois.

Des élections locales ont ainsi eu lieu en Espagne à la fin du mois d'avril 2019, et les électeurs se rendront à nouveau aux urnes fin mai 2019 pour les élections européennes. Des recherches de Privacy International ont démontré que des doutes existent sur la conformité de l'utilisation des données personnelles par les partis politiques avec les critères [es] définis par l’Autorité espagnole de protection des données.

Au Royaume-Uni, la loi permet encore aux partis de traiter des données personnelles révélant des opinions politiques sans obtenir le consentement des utilisateurs. Nous savons déjà combien ceci est sensible : bien avant Cambridge Analytica, il y eut Emma's Diary, un blog de puériculture qui a vendu les données personnelles de plus d'un million de particuliers aux partis politiques. C'est la raison pour laquelle, malgré la provision faite dans la loi britannique, les partis ont été poussés à promettre de ne pas utiliser la dispense prévue dans la loi pour cibler les électeurs

Que signifient ces dispenses pour les citoyens ?

L'histoire des abus d'usage des données personnelles indiquent que ces dispenses pourraient aboutir aux issues suivantes :

Plus de manipulation des électeurs. Dans les faits, la dispense roumaine rend les pratiques de Cambridge Analytica légales. En résultat, les partis politiques peuvent émettre des annonces fallacieuses s'attaquant aux anxiétés personnelles des électeurs, et les inciter ainsi à voter pour (ou contre) certains candidats. Ces dernières années, nous avons constaté le rôle surdimensionné que la désinformation en ligne a joué dans des élections du monde entier. Ces erreurs du passé devraient fournir aux législateurs une justification pour intervenir et empêcher d'autres abus de se reproduire, mais rien n'a encore été fait dans ce sens.

Des menaces envers la vie privée et la sécurité des particuliers. Si un parti politique ou un publicitaire qui possède vos données se fait pirater, vous vous faites pirater aussi. En permettant à ces groupes de collecter et de stocker d'importantes quantités de données personnelles sans garde-fou, des millions d’Européens deviennent vulnérables à des fuites de données et des incidents sécuritaires.

Un accès à l'information réduit. Dans un monde où le suivi est largement répandu et où des messages personnalisés peuvent cibler les électeurs, se faire une opinion vraiment bien informée peut être difficile. Comment pouvez-vous réfléchir de façon critique quand vous n'apprenez que des morceaux de l'histoire, ici et là, et ne recevez que des messages conçus spécialement pour vous ? Comment un dialogue libre et informé peut-il encore exister ?

La mise en place de garde-fous pour nos données n'a jamais été aussi importante : la désinformation a atteint de nouveaux sommets et les élections parlementaires européennes ont bientôt lieu. Il est crucial de réparer ces dispenses nocives avant les élections et avant que le mal soit fait.

Le 26 mai 2019, les électeurs de l'UE devraient accentuer la pression sur leurs candidates pour que ceux-ci fassent de la vie privée une priorité et préservent ainsi le processus démocratique. Après l’élection, quand la nouvelle Commission européenne entrera en fonction, les électeurs devront réclamer une application ferme du RGPD et de mesures de protection de la vie privée.

Des provisions vagues sur le traitement des données par les partis politiques peuvent affaiblir nos démocraties. La Commission européenne doit faire son travail et s'assurer que les règles du RGPD sont cohérentes dans toute l'Europe et que les données de tous sont protégées.

Apprenez comment arrêter de recevoir des publicités ciblées sur Twitter, YouTube, Facebook et Instagram, avec ces guides créés par Privacy International.

Les attaques contre les musulmans attisent les tensions et les peurs parmi les Sri-Lankais en deuil

samedi 18 mai 2019 à 11:27

Selon les autorités, la situation est sous contrôle

Des musulmans prient au Sri Lanka. Photo : IHH Humanitarian Relief Foundation. CC BY-NC-ND 2.0

Le 12 mai, des violences anti-musulmans auraient été allumées par un billet Facebook d'un commerçant musulman de la ville côtière de Chilaw à 80 km de Colombo, la capitale du Sri Lanka. En quelques heures, la populace s'est mise à attaquer de nombreux immeubles et maisons appartenant à des musulmans dans d'autres villes de la province du Nord-ouest. Le lendemain 13 mai, quelque 500 maisons, boutiques, mosquées et autres centres religieux étaient endommagés, une personne a été tuée, et dix autres gravement blessées. Les autorités ont imposé un couvre-feu dans tout le pays jusqu'au matin du 14 mai, alors que s'étendait la peur des attaques.

Les autorités ont également coupé temporairement un certain nombre de réseaux de médias sociaux et d'applications de messagerie, dont Facebook et WhatsApp, en vue de contrôler la situation.

L'ampleur des violences anti-musulmans au Sri Lanka ces derniers jours est juste incroyable. De même que les précédents épisodes dans le pays, rien de ceci n'est une émeute simplement “spontanée”.

Ceci se produit dans le sillage des attentats à la bombe du 21 avril 2019 contre des églises et des hôtels pendant les fêtes de Pâques, qui ont tué 258 personnes et secoué le pays. Alors qu’émergeaient les détails des événements de Pâques, des groupes islamistes radicaux locaux étaient identifiés comme les perpétrateurs des attentats, et beaucoup des auteurs sont morts dans les attentats-suicide. Beaucoup craignaient que la communauté musulmane sri-lankaise soit ciblée comme bouc émissaire pour les attentats sur fond d'un siècle de violences entre la majorité cinghalaise et les minorités tamoule, musulmane et chrétienne.

Les heurts auraient été déclenchés par un billet Facebook

Tisaranee Gunasekara relate le déclenchement récent des violences dans un billet de blog pour Groundviews :

The outburst of anti-Muslim violence began on 12th Sunday in Chilaw (the inciting incident seemingly was a Facebook post by a Muslim trader with deficient English and a cavalier attitude towards punctuation; it was translated into Sinhala by a Sinhalese whose knowledge of English was even poorer). Within hours, the violence spread to other parts of the North Western Province and to Gampaha district. Undeterred by the curfew or the presence of the security forces, the mobs attacked and burnt, as they did in Digana in 2018, Aluthgama in 2014 and nationally during Black July.

As of now, the worse of the violence seems over. Even so, this is only a reprieve. If the perpetrators of this week’s riots are not brought before the law, fast, a new outburst is bound to follow.

La flambée de violence anti-musulmans a commencé dimanche le 12 à Chilaw (l'incident déclencheur étant apparemment le billet Facebook d'un commerçant musulman à l'anglais déficient et à la ponctuation cavalière ; traduit en cinghalais par un Cinghalais aux connaissances en anglais encore plus médiocres). En quelques heures, la violence s'est propagée dans d'autres parties de la province du Nord-ouest et au district de Gampaha. Ne se laissant pas dissuader par le couvre-feu ni par la présence des forces de l'ordre, la populace a attaqué et incendié, comme elle l'avait fait à Digana en 2018, à Aluthgama en 2014, et dans tout le pays pendant le Juillet Noir.

Pour le moment, le pire de la violence semble passé. Néanmoins, ce n'est qu'un répit. Si les auteurs des émeutes de cette semaine ne sont pas rappelés à la loi, et vite, une nouvelle flambée ne pourra que suivre.

Le billet Facebook citait le commerçant musulman disant “Fini de rire, un jour vous pleurerez”, ce qui aurait fait croire aux gens qu'il s'agissait de l'avertissement d'un attentat imminent.

Images et vidéos des destructions causées par la contre-attaque des émeutiers ont été postées sur les réseaux sociaux :

Petit aperçu de ce que les musulmans du Sri Lanka découvrent en ce moment même. Plusieurs maisons, mosquées et commerces détruits.

Une populace bouddhiste extrémiste a attaqué un supermarché à propriétaire musulman hier soir au Sri Lanka

Il faut une vie de dur labeur pour construire et quelques instants pour tout réduire en cendres.

La plus grande fabrique de pâtes alimentaires du Sri Lanka incendiée par des émeutiers. L'usine était opérationnelle depuis quelques mois seulement. Plus de 70 % du personnel est cinghalais. Les témoins disent qu'une bande d'au moins 500 émeutiers a détruit l'usine.

Appels à la solidarité

Il existe des indices de l'implication de groupes bouddhistes extrémistes dans ces attaques anti-musulmans. La police a arrêté 78 suspects dans les violences et les troubles, notamment à Kurunegala, Kuliyapitiya, Nikaweratiya et Chilaw. Selon les autorités, la situation est maintenant sous contrôle.

La police examine les images des caméras de surveillance pour identifier plus de suspects dans les situations de tension des derniers jours. Déjà 78 arrestations et libérations sous caution – Porte-parole de la police

Chez Groundviews, Gitendra E Chitty appelle les Sri-Lankais à la paix et à la solidarité en ces temps difficiles :

Sri Lanka must bring its communities together, no matter what race or creed. Because these attacks were not against Christians or tourists. These mobs were not against Muslims. They were against each and every one of us, and their damage to our mindsets and our morals and our sense of belonging is real – for Sinhalese, and Tamil, and Muslim, and Burgher, and every other ethnic and religious group.

Le Sri Lanka doit rapprocher ses communautés, quelle que soient la race ou la croyance. Parce que ces attentats n'étaient pas contre les chrétiens ou les touristes. Ces émeutiers n'étaient pas contre les musulmans. Ils étaient contre tous et chacun de nous, et leurs ravages sur nos états d'esprits, notre moral et notre sens de l'appartenance sont réels, pour les Cinghalais, les Tamils, les Musulmans, les Burghers, et tous les autres groupes ethniques et religieux sans exception.

La journaliste Chathuri Dissanayake a twitté :

Les flammes de la haine ne sont d'aucune religion, elles détruisent tout sur leur passage. Minuwangoda, Sri Lanka, 14 mai 2019

Le spécialiste de technologies de l'information Afzal écrit :

Notre drapeau national et notre hymne national nous rassemblent sous un seul nom Sri Lanka, pendant que nos communautés s'entre-déchirent en oubliant qu'elles détruisent chacun comme un tout. Réveillez-vous et voyez ce que c'est que d’être un !

« Pas de route, pas de vote » : Un mouvement de désobéissance civile dans certaines régions de l'Inde

vendredi 17 mai 2019 à 17:23

Les électeurs boycottent le vote pour voir traiter leurs problèmes

Screenshot from YouTube video by VideoVolunteers.

Arrêt sur image de la vidéo YouTube de VideoVolunteers.

Le présent article écrit par Grace Jolliffe est initialement paru sur Video Volunteers, une organisation internationale primée de médias communautaires basée en Inde. Une version très légèrement adaptée est publiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Alors que l'Inde est en train de vivre des élections législatives de grande ampleur organisées en sept phases, du 11 avril au 19 mai 2019, afin d'élire son 17e Parlement (Lok Sabha), des électeurs indiens ont décidé, contre toute attente, de boycotter le processus électoral.

À Goa, État du sud-ouest de l'Inde, les habitants du hameau tribal de Marlem, dans le bloc (sous-district) de Canacona, ont refusé de voter le 23 avril lors de la troisième phase des élections, accusant le gouvernement d'avoir ignoré les problèmes de leur village. Ils lui reprochent principalement de ne pas leur fournir des infrastructures de base telles que des routes et un réseau de distribution d'eau adéquats.

Devidas Gaonkar, correspondant local et membre de la tribu pastorale aborigène de Goa appelée Velip, a recueilli dans une vidéo les témoignages des villageois mécontents.

Tirwal to Marlem is a 3 km road stretch, which is incomplete. Till date, no action has been taken by the authorities. They only make false promises, but no implementation. For this reason, we haven’t cast our votes.

Le tronçon de route entre Tirwal et Marlem fait trois kilomètres et n'a jamais été terminé. À ce jour, les autorités n'ont rien entrepris. On ne nous fait que de fausses promesses, et rien n'est mis en œuvre. C'est pourquoi nous n'avons pas voté.

Les habitants de Marlem vivent dans ce village depuis plus de 20 ans. En 1968, le service des Forêts indien a déclaré que le village faisait partie d'une réserve naturelle. La construction de routes, ou la réalisation d'autres travaux d'aménagement, est ainsi plutôt complexifiée. Selon des articles de presse, un projet de câbles souterrains pour approvisionner la région en électricité avait été initialement adopté, mais à peine les travaux étaient-ils commencés, qu'il a vite fallu tout arrêter suite aux objections du service des Forêts de l’État.

L'absence de routes adéquates est une autre source de frustration pour la population locale. Il faut parcourir depuis la route principale 2,8 kilomètres de route endommagée et non empierrée pour atteindre la première maison de Marlem. Pour finir, l'approvisionnement en électricité et en eau potable demeure un défi de taille pour les villageois.

Après avoir fait part, publiquement et à maintes reprises, de leur mécontentement, et n'ayant obtenu aucune réponse, les habitants de Marlem et de deux autres villages ont décidé de ne pas voter aux élections pour attirer l'attention des autorités sur leurs problèmes. « Les responsables des bureaux de vote sont venus nous parler, mais nous sommes toujours décidés à ne pas voter », a ajouté Pandurang.

Isidore Fernandes, un député d'opposition (Congrès national indien) de l'assemblée législative de Canacona, est également parti à la rencontre de la population locale. Après avoir écouté leurs griefs, il a promis de soutenir leur mouvement de contestation. « Il est important qu'un gouvernement construise des routes, des réseaux de distribution d'eau et d'électricité pour ses citoyens. Jusqu'à présent, tous les représentants du gouvernement ont fait l'impasse sur ces infrastructures dans le village de Marlem », a déclaré Fernandes.

Le boycottage d'élections devient désormais un moyen de protestation, bien que le vote ne soit pas obligatoire en Inde. En plus de Goa, des villages dans les États du Madhya Pradesh dans le centre de l'Inde, du Maharashtra dans l'ouest et de l’Odisha dans l'est utilisent cette méthode pour que les autorités compétentes s'occupent des questions urgentes.

Il semblerait que, jusqu'ici, aucun de ces boycottages n'ait conduit le gouvernement à prendre des mesures. En fin de compte, les électeurs ont recours à cette stratégie pour exprimer leur frustration à l'égard des fonctionnaires et des politiciens, qui, bien souvent, ne prennent contact avec les communautés négligées qu'avant les élections pour obtenir des voix, et qui, une fois les élections passées, ne tiennent pas leurs promesses.

Finalement, si le boycottage d'élections n'entraîne aucun changement dans la société, que peuvent donc faire les membres des communautés négligées pour attirer l'attention de ceux qui sont censés les écouter et agir en conséquence ?