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A Hong-Kong, l'offre d'une femme de partager l'addition tourne au pugilat

vendredi 28 avril 2017 à 15:07

“La femme : Partageons l'addition. L'homme : Tu me crois incapable de payer le dîner ?!” Vignette de la planche “Is But Brother.” Celle-ci est reproduite dans son intégralité ci-dessous et avec autorisation.

A Hong Kong, une nouvelle est devenue virale le 24 avril, lorsqu'un homme et une femme furent arrêtés par la police. Ils en étaient venus aux mains dans un restaurant à cause de l'addition, d'un montant de 2 200 dollars (hongkongais, approximativement 270 euros).

Sur Internet, les reportages suggérèrent que la dispute fut déclenchée par le refus de la femme de partager l'addition. De nombreux commentateurs l'ont rapidement accusée d'avoir voulu profiter de son sexe et pousser l'homme à payer.

Quelques heures plus tard cependant, le propriétaire du restaurant a éclairci la situation et expliqué que cette bagarre fut en fait déclenchée par l'insistence de la femme à partager l'addition. L'homme aurait refusé, déchiré l'argent et en serait venu aux mains.

Bien que la vérité se révéla complètement différente de ce qu'ils avaient imaginé, certains internautes ont continué de présenter un scénario incriminant la femme.

Certaines réactions typiques, issues du site populaire Golden Forum, sont reproduites ci-dessous :

條女睇個樣應該都係死港女,覺得男人比埋應份.
分分鐘係個男既諗住比但條港女食7咁食本來300一個變左一千一個,條佬帶得700蚊出街點比?

D'après ce que je vois, cette femme a l'air d'être la fichue nana de Hong Kong typique qui croit que le gars devrait toujours payer l'addition. Le type était probablement prêt à payer mais la nana a commandé tellement de choses qu'un repas à 300 dollars par personne s'est transformé en un dîner à 1 100 dollars par tête. Mais le type n'avait que 700 dollars sur lui, comment pouvait-il payer ?

Un autre exprime son opinion, selon laquelle la femme est en tort, en termes “mathématiques” :

99% = 女既要人請,男人要AA
0.9% = 女既要AA,男人堅持要請
0.1% = 女既要AA,男既要人請

99 % = la femme veut que quelqu'un d'autre [qu'elle] paie l'addition et l'homme veut partager.
0.9 % = la femme veut partager et l'homme insiste pour payer l'addition.
0.1 % = la femme veut partager et l'homme veut que quelqu'un d'autre [que lui] paie l'addition.

Certains ont même suggéré que cette femme était une “petite amie à mi-temps”, c'est-à-dire une call-girl, qui aurait séduit l'homme pour se faire inviter à dîner mais aurait ensuite refusé d'avoir des rapports sexuels avec lui.

Même après que le propriétaire du restaurant a expliqué la situation aux journalistes, beaucoup ont malgré tout persisté et jugé la femme responsable :

當男方示意俾曬
女方不能提出 AA 制
因為十分不尊重男方,女方只能提出回請對方食甜品、睇戲之類

Si le type dit qu'il veut payer l'addition,
la femme ne devrait pas suggérer de partager.
Cette suggestion est irrespectueuse pour l'homme. La femme devrait offrir de rendre la pareille, par exemple en payant le dessert ou le cinéma.

男人自動提出比錢,條女唔肯,即係唔受溝,好明顯

Si le type dit qu'il veut payer l'addition et que la nana refuse, ça veut dire qu'elle ne veut pas avoir de relation avec lui. C'est clair.

L'artiste Ar Chu a illustré dans une planche les trois scénarios possibles selon lesquels peu importe le choix de la femme quant à l'addition, c'est toujours elle que l'on blâme : le stéréotype de la hongkongaise, la “Gong Nui,” veut que ce soit une femme narcissique, arrogante, fière et superficielle. Le terme gong nui est largement employé sur les forums depuis 2005 pour définir et critiquer le comportement féminin.

Dessins issus de la page Facebook de “Is But Brother”. Reproduits sur Global Voices avec autorisation.

Scénario un : La femme : Laisse-moi t'inviter. L'homme : Me méprises-tu donc ?!
Scénario deux : La femme : D'accord, je te laisser régler l'addition. L'homme : Pourquoi devrais-je t'inviter ?!
Scénario trois : La femme : Partageons l'addition. L'homme : Tu me crois incapable de payer le dîner ?!

“Russie Ouverte” veut poursuivre ses activités, passant outre à l'interdiction fédérale

vendredi 28 avril 2017 à 10:22

Maria Baronova (à gauche), Mikhaïl Khodorkovski (en bas à droite), et l'équipe de Russie Ouverte. Photo : Maria Baronova / Instagram

Malgré sa mise hors-la-loi par le Procureur Général le 26 avril, le mouvement d'opposition “Russie Ouverte” indique qu'il poursuit toutes ses activités, y compris ses projets de manifestations anti-Poutine nationales pour ce samedi. Mikhaïl Khodorkovski, le fondateur du mouvement, a écrit sur Twitter qu'il est “fier” de voir sa créature dans le collimateur du pouvoir.

En réalité, les autorités n'ont pas seulement interdit Russie Ouverte, mais l'ont mise sur liste noire en tant que “organisation indésirable”, probablement la façon la plus rigoureuse dont le Kremlin peut proscrire un collectif, à moins de le classer parmi les factions terroristes ou extrémistes. Citant la promotion par Russie Ouverte des manifestations politiques, le Procureur Général a motivé en disant que l'organisation menaçait les “fondations constitutionnelles” de la Russie et “la sécurité de l’État”.

Khodorkovski et plusieurs représentants de Russie Ouverte disent que la décision du Procureur Général ne s'applique qu'aux entités de l'organisation enregistrées en Grande Bretagne, et non au “mouvement social en ligne Russie Ouverte”, qui organise actions contestataires et événements, et gère un organe de médias.

“[Le mouvement] n'a aucune relation d'aucune sorte avec les entités juridiques nommées dans cette décision”, a déclaré Alexandre Soloviov, coordinateur du nouveau projet de Russie Ouverte, au site d'informations Meduza. “Un mouvement en ligne opère en Russie en conformité avec la loi fédérale 82 ‘sur les Organisations Publiques’, qui stipule qu'un mouvement n'est pas requis de s'enregistrer comme entité juridique”.

La carte de membre de Russie Ouverte de Maria Baronova. Photo: Instagram

Maria Baronova, autre coordinatrice de Russie Ouverte (et peut-être la plus visible des membres du mouvement, après Khodorkovski), a souligné auprès de Meduza que les activités du groupe restent légales malgré la nouvelle d'avant-hier.

“Nous sommes un mouvement dépourvu de toute personnalité juridique, un rassemblement d'individus d'accord sur leur volonté de faire l’État russe plus européen et démocratique. Et maintenant le Procureur Général essaie de me dire que moi, citoyenne de la Fédération de Russie, je suis indésirable”, a déclaré Baronova.

Dans une déclaration publique publiée en ligne, Russie Ouverte s'est dite distincte de l'équipe sur le sol britannique prohibée par le Procureur Général. “Russie Ouverte, que vous lisez en ce moment, est une organisation purement russe et ne peut donc pas être étiquetée indésirable”, affirme la déclaration.

Russie Ouverte met ses espoirs dans le fait que la loi contre les “organisations indésirables” ne concerne que les “ONG étrangères et internationales”. Ce qui pourrait toutefois ne pas suffire à protéger le mouvement, puisque le texte s'étend à toutes les filiales russes [desdites ONG].

Les choses se corsent quand l'argent entre en jeu. Russie Ouverte a du personnel salarié (dont Soloviov et Baronova), et la source de financement du mouvement reste vraisemblablement Mikhaïl Khodorkovski, qui a émigré de Russie dès sa sortie de prison sur une grâce présidentielle en 2013. Après plus d'une décennie derrière les barreaux, Khodorkovski pèse toujours, selon les estimations, un demi-milliard de dollars.

Si Russie Ouverte est une “organisation purement russe”, comment transfère-t-elle l'argent de Khodorkovski au personnel du mouvement ? Si le moindre partie de cet argent provient d'en-dehors de la Russie, le mouvement perd vraisemblablement sa prétention à la pureté russe. Si des fonds transitent par des entités juridiques sur liste noire du Procureur Général, le personnel de Russie Ouverte pourrait être accusé de coopération avec une “organisation indésirable” et encourir jusqu'à six années d'emprisonnement.

Les banques et institutions financières russes ont également interdiction de faire affaire avec les “indésirables”. Autrement dit, Russie Ouverte, quels que soient ses arguments en défense devant la presse, pourrait se trouver bientôt dans l'impossibilité de payer son personnel, de louer des espaces de réunions, d'imprimer des tracts…

Baronova a refusé de dire à Meduza comment Russie Ouverte finance effectivement ses opérations. “Ce n'est pas à un État autoritaire que nous allons révéler ce genre d'information”, a-t-elle expliqué, soulignant que le personnel du mouvement n'avait rien à craindre.

Ce samedi 29 avril, Russie Ouverte prévoit de tenir des manifestations à travers le pays contre un possible quatrième mandat présidentiel de Vladimir Poutine, qui de l'avis général sera candidat à sa réélection en mars prochain. Le collectif a réussi à obtenir des autorisations de manifester dans onze grandes villes, mais neuf (dont Moscou et Saint-Pétersbourg) ont menacé de riposte policière si Russie Ouverte persiste dans ses projets de manifestations.

Et cela, avant même que l'on commence à évoquer les “organisations indésirables”.

Comment Alexeï Navalny a abandonné le nationalisme russe

jeudi 27 avril 2017 à 17:35

Photo: Alexeï Navalny / Instagram

En février 2011, quelque neuf mois avant qu'Alexeï Navalny atteigne la célébrité internationale en tant que l'un des leaders de l'opposition russe à Poutine, le Guardian lui consacrait un article intitulé “Le lanceur d'alerte en chef de la Russie veut mettre les corrompus en prison.” Le portrait était illustré d'une photo de Navalny vêtu d'un peu engageant gilet sans manches.

Le lendemain, Navalny ironisa sur son blog de LiveJournal : “Je ne sais pas pourquoi tous ces stupides étrangers aiment utiliser ce genre de photos. Une explication possible est que dans tout article de média étranger sur moi il faut nécessairement veiller à signaler que ‘les idées de cet homme sont, en général, assez proches de celles des nationalistes.’ Dans la tête des Européens et Américains, le gilet sans manches est l'attribut du geek binoclard. Un ‘geek nationaliste’ fait peut-être un peu moins peur.”

Percée

Six ans plus tard, Navalny a fait du chemin. Avant la fin 2011, il menait des manifestations géantes contre les résultats des élections à la Douma. En 2013, il défiait le maire sortant de Moscou et manqua de peu imposer un second tour. A maintes reprises ces temps-ci, des tribunaux russes ont déclaré Navalny coupable de délits graves, avec pour effet des condamnations avec sursis et un casier judiciaire qui lui interdit en principe toute candidature à la présidentielle en mars prochain. Navalny s'y prépare pourtant, même s'il est improbable qu'on lui permette d'arriver jusqu'au scrutin.

L'homme qui a débuté comme un “geek nationaliste” avec un compte LiveJournal est maintenant une personnalité politique internationale, régulièrement décrit comme “le leader de l'opposition russe”, disposant d'un assortiment grandissement de médias et de projets civiques en ligne. Mi-avril, l'équipe de Navalny informait que plus de 77.000 personnes s'étaient enregistrées comme bénévoles pour sa champagne présidentielle, près de 320.000 avaient donné leur signature pour qu'il ait le droit de se présenter l'an prochain, et plus de 690.000 dollars ont été collectés.

La campagne présidentielle d'Alexeï Navalny bénéficie d'un succès explosif depuis qu'il a décidé de s'en prendre Dmitri Medvedev.

Au début de ce mois, la télévision indépendante Dojd a rapporté que des responsables de la politique intérieure dans l'administration Poutine préparaient une campagne de dénigrement contre Navalny, apparemment conçue pour le présenter comme un fasciste. Le lendemain même, une vidéo léchée faisait son apparition sur YouTube — confectionnée dans le même style et avec la même qualité de production que les dernières vidéos virales pro-Kremlin — comparant Navalny à Adolf Hitler.

Moins d'une semaine après, YouTube retira la vidéo pour des raisons d'infraction au droit d'auteur, mais des copies continuent à circuler, et le clip originel a recueilli plus de 2 millions de vues avant son retrait.

Les auteurs de la vidéo espéraient sans doute dissuader le soutien à Navalny en exagérant ses idées nationalistes et en rappelant au public l'homme plus jeune qui s'était appuyé sur le nationalisme pour se faire un nom.

Mais déterrer le nationalisme d'Alexeï Navalny a aussi un autre effet, en rappelant aux nationalistes russes qu'il a abandonné beaucoup des idées et du discours qui les réunissait.

Et peu importe que ces gens-là soient fâchés.

Les deux Navalny

Les nationalistes russes sont enclins à surestimer leur poids politique. En 2008, Navalny a lui-même prétendu que 40 % des Russes “sont portés naturellement sur le nationalisme.” Trois ans plus tard Alexandre Bielov (figure de proue nationaliste purgeant actuellement sept ans et demi de prison pour de multiples forfaits) déclarait que 70 % des Russes sont nationalistes “mais manquent de représentation politique”.

A regarder la politique électorale en Russie, il est difficile d'étayer ces chiffres, pourtant il est indéniable qu'une vaste majorité de Russes, dont un grand nombre de nationalistes, ont approuvé l'annexion de la Crimée. En réalité, beaucoup d'analystes politiques défendent aujourd'hui qu'une sorte de “consensus criméen” fonde l'immense popularité de Vladimir Poutine.

Il y a dix ans, Navalny était trop nationaliste pour se rallier l'intelligentsia libérale, alors qu'aujourd'hui il court le risque de perdre des soutiens parmi ses anciens camarades et la population en général parce qu'il n'est plus assez nationaliste.

Telle est du moins la mise en garde d'Alexandre Khramov dans un texte publié vendredi dernier sur le nouveau site nationaliste “L'Européen Russe”. Ancien coordinateur du mouvement nationaliste “Union Civique Russe”, Khramov divise le parcours politique de Navalny en deux phases : “le Navalny de l'homme en bonne santé” et “le Navalny du fumeur”.

Nationaliste russe avoué, Khramov dit que les bonnes années d'Alexeï Navalny ont duré jusqu'en mars 2014. Navalny participa en 2011 à la “Marche Russe” annuelle, où skinheads et jeunes gens masqués criaient des slogans tels que “la Russie aux Russes !”, “Assez nourri le [Nord] Caucase !” et “Russie sans Poutine !”

Navalny au micro lors de la “Marche Russe” de 2011 / YouTube

En 2007, il a contribué à la création du mouvement nationaliste “NAROD” [‘Patrie], qui fusionnait politique libérale et objectifs nationalistes, et réclamait des élections libres, la fin des monopoles d’État dans les médias d'information, et la reconnaissance par la Russie de la souveraineté de la Transnistrie, de l'Abkhazie et de l'Ossétie. L'année suivante quand la guerre éclata avec la Géorgie, Navalny soutint à nouveau la reconnaissance par la Russie des indépendances Sud-Ossète et Abkhaze, en ironisant que le Président géorgien Saakachvili démontrait un désir à la Hitler d'expansion territoriale au-delà de ses frontières.

Navalny vedette de la vidéo “NAROD” de septembre 2007, plaidant pour la liberté de port d'armes contre les basanés “homosapiens bezpredelius.”  / YouTube

Khramov admire la loyauté dont a fait preuve Navalny pour ses alliés nationalistes dans les premiers jours du “mouvement [de la place] Bolotnaïa” en décembre 2011, quand ce dernier tenait à ce que leur soit donné accès au micro lors des grandes manifestations.

Selon Khramov, quand Navalny a “séché” deux ans de suite la Marche Russe, c'est “le Navalny des fumeurs” qui a pris le dessus en mars 2014, lorsqu'il a voulu définir une position sur la Crimée. Le 12 mars 2014, Navalny publia un billet de blog supposé clarifier ses vues sur l'annexion. Dans ce texte, Navalny défendait que l'aval de Moscou au référendum par lequel la Crimée quittait l'Ukraine pour la Russie portait le risque d'un vote sécessionniste similaire de la Tchétchénie — étrange inquiétude, vu que Navalny avait par le passé préconisé l'abandon pur et simple de la Tchétchénie.

“J'avais envie de prendre Navalny par la manche et de lui demander, ‘Alexeï, de quoi tu parles ?’ Qu'est-ce que la Tchétchénie a à voir là-dedans ? Il y a 1,2 millions de Russes en Crimée (63 % de la population), et 24.000 [Russes] en Tchétchénie (2 % de la population),” écrivait Khramov.

Non-sens ordinaire

La position de Navalny sur la Crimée est incompréhensible pour des Russes comme Khramov, qui n'y voient qu'une astuce politique facile pour refuser de créditer Poutine de “la seule chose qu'il a bien faite”.

“L'affaire avec la Crimée, où Poutine a agi en nationaliste russe pour la première et seule fois de ses 15 ans de pouvoir, a plongé Navalny dans une profonde confusion. Il ne savait pas comment réagir. Soutenir la réintégration de la Crimée ? Mais alors on le considérerait comme un Poutinien. Être contre ? Alors adieu à son image de patriote”, écrivait Khramov, déplorant que Navalny ait finalement jeté à la poubelle ses racines nationalistes et populistes pour gagner la faveur des libéraux et étrangers.

Les efforts apaisants de Navalny, explique Khramov, signifient qu'il débite désormais les mêmes “affirmations vides de sens”, “nulles”, en faveur chez les “bureaucrates de Poutine.”

Dans un récent entretien, Navalny est allé jusqu'à dire que “la question du Caucase pour [lui] ne diffère en rien de la question russe : tout est simplement pire là-bas. Les salaires y sont encore plus bas et il y a encore plus de corruption”.

Un propos d'une absurdité totale pour les nationalistes russes. “Dans la Russie profonde, il y a aussi des bas salaires, mais vous avez déjà entendu parler de tractoristes ou de trayeuses d'un patelin russe qui posent des mines ou qui s'enfuient pour participer au tourisme djihadiste du Moyen-Orient ?” interroge Khramov.

Dix ans après

En décembre dernier, cela faisait dix ans que Navalny avait dans un discours devant le parti libéral Yabloko minimisé les dangers de “DPNI,” un mouvement nationaliste interdit depuis pour extrémisme, et affirmé que le manifeste de son mouvement NAROD était parfaitemen compatible avec le programme de Yabloko. Conscient qu'il allait se faire jeter dehors, Navalny conclut son allocution en criant “Gloire à la Russie !”, un slogan plutôt militant à l'époque.

Navalny imputa son expulsion aux vétérans du parti, qui n'apprécièrent pas ses critiques lors des élections parlementaires de 2017, quand Yabloko perdit la totalité de ses sièges à la Douma d'Etat.

Dix ans plus tard, l'opposition libérale russe n'a toujours aucune représentation au parlement, et la vieille garde de ceux qui ont exclu Navalny ne peut espérer y entrer.

L'homme fort qui a montré le mois dernier qu'il est capable presque à lui seul de mobiliser des milliers de manifestants dans tout le pays, Alexeï Navalny, dépasse désormais ses anciens amis de Yabloko. Il a dépassé tous ses vieux rivaux.

Dans la Russie post-Crimée, Navalny a pu céder son avantage populiste sur Poutine, en route pour devenir le chouchou de l'opposition russe.

Un jeu vidéo pose un regard nuancé sur la révolution iranienne de 1979

mercredi 26 avril 2017 à 23:10

Capture d'écran tirée du jeu Révolution de 1979 : Vendredi Noir.

L'Iran est une nation qui ne cesse de fasciner les cinéastes, les écrivains et les journalistes. Mais aborder ce pays en évitant les a-priori, les préjugés et l'exotisme constitue un réel défi. Les Occidentaux qui ont cherché à « découvrir » l'Iran et révéler sa dimension humaine ont bien souvent adopté une perspective orientaliste qui a diabolisé le pays et son histoire. Dans les œuvres produites par les Iraniens pour le public nord-américain et européen, la complexité du pays est souvent réduite à de simples clichés pour en faciliter la compréhension.

Néanmoins, un nouveau jeu vidéo réussit un tour de force en proposant un scénario accessible et fidèle à l'histoire de l'Iran, sans compromettre le contenu ni la créativité. Conçu par un Iranien, le jeu 1979 Revolution: Black Friday [Révolution de 1979 : Vendredi noir] offre une plateforme divertissante pour les joueurs qui s'intéressent à l'histoire. Il leur permet de plonger au cœur d'une des révolutions les plus iconiques du siècle dernier et de revivre des événements qui se sont déroulés il y a 38 ans et qui ont eu de profondes répercussions sur l'Iran.

Développé par Navid Khonsari, un Iranien vivant aux États-Unis, le jeu de type « aventure dont vous êtes le héros » permet au joueur de prendre des décisions importantes liées aux problèmes sociaux et politiques de l'époque et d'influencer le déroulement de l'histoire, où se mêlent suspense, drame et intrigue. Le jeu contient des références qui n'échapperont pas au public iranien, mais permet aux non-Iraniens de rester dans le coup et prendre des décisions éclairées. J'ai particulièrement apprécié le fait que les dialogues, principalement en anglais, soient truffés d'expressions iraniennes.

Le conte de deux révolutions

L'action débute après la révolution, alors que le protagoniste se trouve dans le donjon de la célèbre prison d'Evin. Il est interrogé par l'un des monstres de l'Iran post-révolutionnaire, Assadollah Ladjevardi, directeur de la prison d'Evin et procureur en chef de Téhéran. Loin de se cantonner dans une vision simpliste et idéaliste de l'Iran pré-révolutionnaire, le jeu cherche à comprendre le climat politique ayant conduit au renversement du chah, offrant ainsi une vision équilibrée des forces à l'œuvre dans le pays.

L'interaction entre le protagoniste et Assadollah Ladjevardi constitue le point focal du jeu, qui met en contraste les deux forces antagonistes ayant combattu le chah durant les événements de 1979.  Ceux qui ont pris le pouvoir après la révolution ont employé plusieurs des impitoyables tactiques politiques du chah, alors que les autres opposants du chah ont continué leur lutte pour la liberté. En explorant cette dynamique, le jeu nous rappelle que toutes les révolutions sont susceptibles d'engendrer non seulement l'horreur et la barbarie, mais aussi le dévouement, le courage et la passion.

Choix et conséquences

Le jeu se base sur les choix auxquels est confronté votre personnage en tant que militant et photographe. Ces choix comprennent des dilemmes philosophiques : la non-violence ou la lutte armée, l'allégeance à la famille ou aux alliés politiques. Les choix du joueur entraînent des conséquences et reflètent les décisions difficiles auxquelles se heurtent les militants dans toutes les révolutions.

Les seules lacunes du jeu sont sa brièveté et le fait que l'histoire se déroule parfois comme un film plutôt qu'un jeu d'action. Autrement, 1979 Revolution: Black Friday est un jeu intelligent, captivant et émouvant.

Dans la réalité, les événements de la révolution de 1979 constituent toujours un sujet de discorde, à la fois en Iran et dans la diaspora. Il y a, d'un côté, ceux qui justifient la dictature du chah, et de l'autre ceux qui ont tendance à romancer les événements sans tenir compte de la situation complexe qu'ils ont engendrée. Il est rare de trouver un récit qui ne soit pas teinté d'idéologie.

Néanmoins, 1979 Revolution: Black Friday réussit cette prouesse en restituant avec exactitude cette époque. Les groupes et les organisations révolutionnaires qui ont pris part à la révolution sont traités avec respect et replacés en contexte. Le jeu offre une représentation fidèle des divers groupes impliqués, y compris les gauchistes et les femmes, deux groupes qui demeurent absents de la scène politique iranienne d'aujourd'hui.

Enfin, le jeu porte une attention remarquable aux détails. Il comprend des dizaines de références historiques, que ce soit des photographies, des enregistrements ou des représentations d'incidents ou d'événements importants. Les graffitis qu'on voit sont ceux qui ornaient les rues de l'époque, tout comme les chants et les slogans qu'on entend sont ceux qui retentissaient en Iran il y a plus de 30 ans. Cette histoire interactive brosse un excellent portrait de cette période en situant le joueur au cœur de la révolution.

Le jeu 1979 Revolution: Black Friday critique sévèrement le gouvernement actuel d'Iran, à qui il reproche d'avoir trahi les idéaux pour lesquels tant de personnes sont mortes. C'est d'ailleurs l'esprit du jeu, tenir pour responsables les dirigeants et rendre hommage aux idéaux qui ont inspiré le changement et l'espoir.

Le jeu 1979 Revolution: Black Friday se termine à point nommé par une dédicace à « tous les parents et les enfants de la révolution », un rappel que leur héritage est plus pertinent que jamais.

Le blogueur et activiste maldivien Yameen Rasheed poignardé à mort

mercredi 26 avril 2017 à 21:40

Capture d'écran tirée d'une interview de Yameen Rasheed réalisée par le journaliste et blogueur népalais Ujjwal Acharya, mise en ligne sur Youtube.

Le blogueur et activiste maldivien Yameen Rasheed, âgé de 29 ans, a été poignardé à mort à Malé, la capitale maldivienne, dans la nuit de samedi à dimanche 23 avril 2017.

A travers ses écrits publiés sur son blog The Daily Panic et sur son compte Twitter @Yaamyn, Yameen Rasheed critiquait ouvertement les failles du gouvernement et la montée de l'islamisme radical. Choqués par sa mort, les Maldiviens ont exprimé leur deuil et leurs inquiétudes sur les réseaux sociaux, tandis que certains réclament une enquête internationale.

Yameen Rasheed a été retrouvé dans les escaliers de son immeuble aux alentours de 3 heures du matin, le corps lacéré de multiples coups de couteau, et a succombé à ses blessures peu après avoir été conduit à l'hôpital. Il aurait été frappé de 16 coups de couteau, dont 14 sur la poitrine, un dans le cou et un au visage. Les avis tranchés du blogueur sur l'incompétence des autorités et l’extrémisme religieux lui avaient déjà valu plusieurs menaces de mort par téléphone et sur les médias sociaux, auxquelles la police n'a pas donné suite.

En plus de ses écrits en ligne, Yameen Rasheed était également un activiste. Le 1er mai 2015, il avait été arrêté avec des dizaines d'autres militants pour avoir participé à un rassemblement contre le gouvernement et détenu durant 21 jours.

Rasheed travaillait au sein du département informatique de la Bourse des Maldives. En son honneur, cette dernière est restée fermée le 23 avril.

Le porte-parole du président maldivien Abdulla Yameen a annoncé sur Twitter que « justice serait rendue ». La population est également encouragée à partager toute information qui permettrait d'aider à résoudre l'affaire.

« Nous n'assisterons pas sans réagir à ces actes de haine qui ciblent nos citoyens. J'implore toute personne se trouvant en possession d'informations, quelles qu'elles soient, de se présenter aux autorités. Justice sera rendue, pour le bien de la famille de Yameen, ses amis, sa communauté et l'ensemble du pays. »

Le Président Yameen présente ses condoléances à la famille de Yameen Rasheed

L'ancien président Maumoon Abdul Gayoom a fait écho au sentiment de nombreux internautes :

Profondément choqué par le meurtre de l'activiste des médias sociaux Yameen Rasheed. Que Dieu bénisse son âme ! Ses assassins doivent être traduits en justice.

Un autre ancien président, Mohamed Nasheed, a lui appelé à ce qu'une enquête soit menée en toute transparence :

Une voix courageuse, brutalement réduite au silence. Seule une enquête impartiale et transparente menée conjointement avec d'autres pays peut rendre justice à Yameen.

La société civile maldivienne, qui compte de nombreux amis de Yameen Rasheed, est en deuil :

Yameen Rasheed était un défenseur des droits humains courageux et un blogueur éloquent. La communauté des défenseurs des droits humains ne laissera pas ce brutal assassinat impuni. Repose en paix.

C'est un triste jour ! Nous avons perdu un ami cher et un frère. Nous ne t'oublierons jamais.. Qu'Allah t'ouvre les portes du paradis. Amen

L'un de ses amis, le Maldivien en exil Muju Nasim, partage une série de vidéos présentant le travail de Rasheed :

Anyone who would like to know more about Yameen Rasheed and the kind of human being that he was, you can watch the web video series (This week in Maldives) we were doing together.

We were only able to record a few episodes when we were forced to stop the series fearing for his safety as I have been based overseas for the last 5 years.

Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur Yameen Rasheed et sur le type d'être humain qu'il était, vous pouvez regarder la série de vidéos en ligne sur laquelle nous travaillions ensemble, This week in Maldives.

Nous n'avons pu tourner que quelques épisodes avant d'être forcés d'arrêter pour sa sécurité. Pour ma part, je suis basé à l'étranger depuis 5 ans.

Le meurtre de Yameen Rasheed est le dernier exemple en date du climat extrêmement hostile existant aux Maldives pour les journalistes, les activistes et les blogueurs.

Le blogueur, activiste LGBT et journaliste Ismail Khilath Rasheed, plus connu sous le nom de Hilath, a subi en juin 2012 une attaque à l'arme blanche perpétrée par des membres d'un groupe extrémiste et qui a failli lui être fatale.

Le meurtre de Rasheed rappelle également celui du Dr Afrasheem Ali, un parlementaire du Parti Progressiste des Maldives, sauvagement assassiné devant son domicile en octobre 2012.

Yameen Rasheed était un ami proche d'Ahmed Rilwan Abdulla, un autre journaliste, blogueur et activiste des droits humains connu aux Maldives, enlevé en août 2014. Depuis, Rasheed se battait sans relâche pour obtenir des réponses sur la disparition de Rilwan et pour que justice soit rendue. Il était actuellement en contact avec la famille de ce dernier afin de porter plainte contre la police maldivienne.

Selon la blogueuse Amira, le meurtre de Yameen Rasheed n'a rien d'un incident isolé :

This cannot be an isolated incident of a lunatic running around killing people. I feel very strongly that this had been planned and executed.

Il ne peut pas s'agir de l'acte isolé d'un fou qui tue des gens au hasard. Je suis convaincue que ce meurtre a été soigneusement planifié et exécuté

Sur Facebook, Mickail Naseem critique la police pour avoir échoué à protéger Rasheed malgré les menaces de mort dont il leur avait fait part :

Cannot trust people at Maldives Police Service who turned a blind eye to death threats against Yameen Rasheed to conduct an impartial investigation into his death.

On ne peut pas faire confiance aux services de police maldiviens, qui ont ignoré les menaces de mort contre Yameen Rasheed, pour mener une enquête impartiale sur sa mort.

S'exprimant sur Facebook également, Naafiz Abdulla s'inquiète des meurtres prenant pour cible des citoyens ordinaires :

“So called” Paradise on Earth has no public safety for it's citizens. Tomorrow, it could be me, you, or any of us.

Le « soi-disant » paradis sur Terre ne protège pas ses citoyens. Demain, cela pourrait être moi, vous, nous tous.

D'autres twittos ont fait part de leur réaction :

A ceux qui ont assassiné Afrasheem, enlevé Rilwan, tué Yameen, sachez que vos tentatives de nous réduire au silence et de nous intimider ne feront que nous rendre plus nombreux.

Vous avez tué Rilwan qui est revenu à travers Yameen, et maintenant que vous l'avez tué lui aussi, un autre viendra prendre sa place. Personne ne peut tuer la vérité.

Combien de Rilwan et de Yameen doivent-ils mourir pour vous avant que vous ne commenciez à vous battre pour une vie plus digne ?