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Instantané culturel N° 5 : Patrie (Patria)

samedi 13 janvier 2018 à 20:31

Articles courts sur le cadrage des informations culturelles dans les médias, en petites doses.

Source: Efecto Eco, Wikimedia Commons (CC BY 3.0)

Le mot espagnol patria signifie, selon la définition de dictionnaire de l'Académie espagnole, “pays natal ou d'adoption, organisé en nation, auquel l'être humain se sent attaché par des liens juridiques, historiques et affectifs”.

Dans les médias d'information vénézuéliens, patria est un mot qui revient fréquemment. En examinant les articles parus dans des 86 sources vénézuéliennes entre juin et décembre 2017, on découvre que le mot patria figure dans au moins 17.020 informations. Dans cette période, le Venezuela a connu un cycle de manifestations de masse anti-gouvernementales, l'émergence et le déclin d'un mouvement de résistance civile, et trois élections controversées : d'une assemblée constituante, des gouverneurs et des maires.

Nombre de phrases contenant ‘patria’ dans les bases de données de médias idans la période juin à décembre 2017 de notre enquête. Source: Media Cloud.

Quand on analyse les termes dominants dans ces 17.000 articles, beaucoup ont du sens. La notion de pays natal, nation ou pays semble naturellement associée à des termes comme nacional, pueblo, país, soberanía et república (national, peuple, pays, souveraineté et république), indépendamment de tout contexte national. En explorant les médias du Venezuela, cela est tombe aussi sous le sens  de trouver des références au pays et à ses nationaux (Venezuela, venezolanos), son histoire (le héros de l'indépendance Simón Bolívar) ou des valeurs politiques telles que unidadpaz, et justicia (unité, paix, et justice).

Source: Media Cloud. Requête sur “patria” de juin à décembre 2017 dans la collection Venezuela de NewsFrames (voir la requête d'origine). Les mots qui ont retenu notre attention pour approfondir la recherche sont surlignés.

Mais nous avons aussi trouvé des appariements de mots avec patria qui s'avéraient spécifiques au Venezuela. Patria était souvent trouvé, par exemple, dans des informations sur l’économie vénézuélienne, comme cet article sur les nouvelles règles proposées pour les crédits bancaires aux entreprises. De même, dans cet article sur l'appel du Président Maduro à voter pour le gouvernement aux élections.

Mais le mot qui se classe premier dans le nuage est carnet (carte d'identité). Qu'est-ce que le concept de “patrie” a à voir avec une carte d'identité ?  Pour un Vénézuélien, la réponse est une évidence.

Le “Carnet de la Patria” (“Carte de la Patrie”) est une nouvelle pièce d'identité émise par les autorités du Venezuela. Les nationaux vénézuéliens doivent être en sa possession pour accéder aux services sociaux et aux programmes publics suivants :

  1. Les CLAP [acronyme espagnol des Comités locaux d'approvisionnement et de production], un système permettant d'acheter les produits alimentaires rationnés comme le riz, les pâtes, l'huile, le thon en conserve, les lentilles, les haricots, le sucre, le lait, le café et la farine de maïs, directement à des distributeurs publics
  2. Les médicaments provenant des hôpitaux publics
  3. Les pensions de retraite
  4. Le logement subventionné par l’État
  5. Les emplois du secteur public.

A en croire le Président Maduro, Il y a 16 millions d’utilisateurs enregistrés de cartes de la patrie. Ce qui représente plus de la moitié de la population nationale.

Et en effet, lorsqu'on restreint la requête aux articles croisant patria et carnet, les mots en rapport avec les programmes de prestations sociales (misiones, CLAP, pago, bono, pensiones, chamba ) se détachent dans le nuage.

Source: Media Cloud. Approfondissement de la requête en croisant ‘carnet’ et ‘patria’.

Mais ce qui émerge aussi, ce sont les mots associés aux élections (votar, electoral, registro). Quel rapport entre services sociaux et élections ? Nous avons fouillé les articles référencés dans Media Cloud pour trouver.

Voilà ce que nous avons découvert : au verso de la Carte de la Patrie se trouve un code QR relié à une base de données de sécurité sociale. Le même code QR a servi à inscrire les électeurs pour la récente et controversée Assemblée Constituante.

  • Le système de code QR qui contrôle les votes pour Maduro [Código QR: Sistema que controla los votos de Maduro]
    El Carabobeño, 24 juillet 2017
    De ces quatre structures, deux ont un rôle essentiel, L'une, le Movimiento Somos Venezuela, une organisation de partisans du pouvoir qui vérifie les besoins économiques directement dans les ménages, pour entrer les données sur une liste d'attente des prestations sociales publiques, tout en œuvrant à la pérennité de la révolution bolivarienne. La seconde : les Comités locaux d'Approvisionnement et de Production (CLAP), un système de distribution de colis alimentaires aux familles à revenus modestes, qui doivent passer par cet enregistrement.

Ce code QR permet au parti de gouvernement d'accéder aux informations sur les allocations de presque 80 % des électeurs inscrits, selon les chiffres cités par le Président Maduro. Mais la connexion entre élections et services sociaux pourrait être encore plus étroite : après les élections municipales du 10 décembre, plusieurs articles de médias en ligne indépendants ont affirmé que la Carte de la patrie (“Carnet de la Patria”) avait été utilisée pour contraindre les gens à voter :

  • Le “carrousel” du PSUV : l'estocade au vote secret [El “carrusel” del PSUV: Estocada final al voto secreto]
    El Estímulo, 19 décembre 2017
    La chaîne commence avec le premier électeur qui s'enregistre avec sa Carte de la patrie à un point rouge [cabine du parti au gouvernement], entre dans l'isoloir, fait son choix sur la machine à voter, mais au lieu d'insérer le bulletin de vote physique dans l'urne, le rapporte au même point rouge où il a laissé sa Carte de la patrie, afin de montrer pour qui il a voté. Première rupture [du secret du vote].
    Ce bulletin papier est ensuite passé à un second électeur, qui laisse lui aussi sa Carte de la patrie à ce point rouge, pénètre dans le bureau de vote, vote à la machine et en allant dans l'isoloir déposera le bulletin de la personne précédente en gardant le sien qu'il remettra au point rouge. Confirmant ainsi avoir voté pour le “bon” candidat afin de recevoir les allocations sociales.

Ainsi, pour les Vénézuéliens, “patrie” (patria) est désormais un mot qui peut se rapporter à la fraude électorale et aux denrées alimentaires de base plus qu'aux notions de nation ou de souveraineté. Aux Vénézuéliens, le mot patria évoque aussi des récits de faim et d'humiliation politique faits par amis, connaissances et proches vivant toujours dans l’ExPatria.

Pour en savoir plus sur la notion de patrie au Venezuela, lisez ces articles de Global Voices :

Singapour : Interdiction d'un documentaire sur des militants palestiniennes adolescentes pour « récit biaisé »

samedi 13 janvier 2018 à 13:34

Le film « Radiance of Resistance » est sorti en 2016. Photo de la page Facebook du film

Un documentaire axé sur la vie de deux militantes adolescentes de Palestine a été interdit par le gouvernement de Singapour parce qu'il présenterait le conflit israélo-palestinien « sans contrepoids. »

Sorti en 2016, « Radiance of Resistance » [‘Rayonnement de la résistance’ ; lien vers la bande-annonce] est réalisé par le cinéaste américain Jesse Roberts. Il devait être présenté au Festival de cinéma palestinien à Singapour pendant la première semaine de janvier 2018, mais a été retiré après que l'Info-Communications Media Development Authority (IMDA, Autorité de Développement des médias d'information et de communication) l'a classé comme « interdit toutes catégories ».

Selon le synopsis du film, il raconte l'histoire d'Ahed al-Tamimi, qui avait alors 14 ans, et de son amie de 9 ans, Janna Ayyad :

This film will take an intimate look at their everyday lives and their importance as the new generation of Palestinian non-violent resistance.

Ce film examinera intimement leur vie quotidienne et leur importance de nouvelle génération de la résistance palestinienne non violente.

Tamimi est apparue dans l'actualité en décembre 2017, quand elle a été inculpée pour avoir giflé un soldat israélien. Cet acte a été filmé sur vidéo et est devenu rapidement viral. Son affaire est toujours en attente.

On ignore si la décision de l'IMDA se voulait en partie une réaction à cette affaire très médiatisée, mais la déclaration expliquant la décision d'interdire le film en a souligné le « récit biaisé » :

The skewed narrative of the film is inflammatory and has the potential to cause disharmony amongst the different races and religions in Singapore […]

In holding up the girls as role models to be emulated in an ongoing conflict, the film incites activists to continue their resistance against the alleged oppressors.

Le récit biaisé du film est incendiaire et a le potentiel de nuire à l'harmonie entre les différents races et religions à Singapour […]

En présentant ces filles comme modèles à imiter pendant un conflit en cours, le film incite les militants à continuer leur résistance contre les oppresseurs présumés.

Singapour et Israël profitent de bonnes relations bilatérales. En même temps, Singapour maintient des liens d'amitié avec l'Autorité nationale palestinienne. En 2017, le Premier ministre de Singapour Lee Hsien Loong a dit que le conflit israélo-palestinien était une « question émotionnelle » particulièrement pour les musulmans. Il a noté que les voisins de Singapour en l'Asie du Sud-Est ont des populations à majorité musulman et que le pays lui-même a un nombre significatif de musulmans. L'un des principes fondamentaux de Singapour est la formation d'une société multiraciale harmonieuse.

Capture d'écran du site web annonçant l'annulation de la projection du documentaire « Radiance of Resistance »

Sur la page Facebook du film, les réalisateurs de « Radiance of Resistance » ont qualifié la décision du gouvernement de censure :

This is the kind of blatant censorship that we face in making films that lift the Palestinian voice and that Palestinian media faces in general.

Ceci est le genre de censure flagrante que nous affrontons en faisant les films qui amplifient la voix palestinienne et qu'affrontent en général les médias palestiniens.

L'artiste singapourien Alfian Sa'at a rejeté les arguments de l'IMDA :

There is no such thing as a purely objective documentary. They all come with a point of view, with a position, they are all subjective to various degrees. And actually I would rather have a documentary that is quite obviously subjective–polemical, or participatory–than one where its ideological slant is disguised under a veneer of objectivity.

And did you even consider that this documentary, ‘Radiance of Resistance’, exists to provide a balance, a corrective to the kinds of propaganda that Israel state television and the US-centric media produce about the Palestinians?

Un documentaire qui est purement objectif, ça n'existe pas. Ils ont tous un point de vue, une position, ils sont tous subjectifs à des degrés divers. Et en fait je préfère un film documentaire qui est manifestement subjectif — polémique, ou participatif — à un film dont le biais idéologique est déguisé sous un vernis d'objectivité.

Et vous est-il venu à l'idée que ce film, « Radiance of Resistance, » existe pour rééquilibrer, donner un correctif aux types de propagande que la télévision d'État d'Israël et les médias centrés sur les États-Unis produisent sur les Palestiniens ?

Les organisateurs du festival de cinéma se sont dits déçus que l'IMDA a interdit la projection publique du documentaire, mais ils ont décidé de ne pas faire appel, le délai étant trop court.

Au Sri Lanka, les familles des disparus chérissent les objets de tous les jours qu'ils ont laissés derrière eux (2/2)

vendredi 12 janvier 2018 à 21:40

Les familles des disparus vivent au milieu de précieuses possessions, dont chacune leur rappelle l'absence de leurs êtres chers. Image via Maatram. Utilisation autorisée.

Cet article de Selvaraja Rajasegar est initialement paru sur Groundviews, un site web primé de journalisme citoyen au Sri Lanka. Une version traduite [en anglais, puis français] et adaptée est publiée ci-dessous, dans le cadre d'un accord de partage de contenus avec Global Voices. (Lire la première partie ici.)

Il y a presque un an, des Sri-Lankais ont commencé un mouvement de protestation dans tout le nord du pays (dans des endroits comme Vavuniya, Kilinochchi, Mullaitivu) pour réclamer la publication des listes de camps secrets de détention, des listes des prisonniers, ou simplement des informations sur le sort de leurs proches. Si le président sri-lankais Maithripala Sirisena a promis de publier ces informations en juin, il n'en a toujours rien fait.

Le Sri Lanka est sorti de 30 ans de guerre civile en mai 2009, quand l'armée sri-lankaise a vaincu les LTTE, aussi appelés les Tigres Tamouls. Ceux-ci combattaient depuis près de trois décennies pour instaurer un Etat tamoul indépendant appelé Eelam Tamoul dans le Nord et l'Est du Sri Lanka. Au cours du conflit, de nombreuses personnes ont disparu, pas seulement dans le nord et l'est, où eurent lieu une grande partie des derniers combats de la guerre, mais aussi dans la majorité cingalaise du sud, pendant des insurrections remontant aussi loin que les années 1980.

Mais, de façon troublante c'est après la fin de la guerre que beaucoup ont aussi disparu, quand des gens ont remis des membres de leurs famille à l'armée (dans certains cas, ils étaient suspectés d'appartenance aux LTTE).

Image Via Maatram. Utilisation autorisée

Pour les proches des disparus forcés, la vie continue. Ils vivent au milieu de précieuses possessions, dont chacune est un rappel de l'absence de leur être cher. Ils passent par les lieux où leurs disparus marchaient jadis, et rencontrent les personnes que ceux-ci aimaient.

Dernièrement, Maatram est allé voir ces familles pour leur poser une question difficile : est-ce qu'ils permettraient que les possessions de leurs proches soient photographiées ? A cette question, ils ont pleuré amèrement. Leur douleur est difficile à décrire avec des mots.

Pourtant, elles se sont présentées avec ces affaires précieuses, mouillées de larmes. Elles sont convaincues que leurs êtres aimés vont revenir. Leur tristesse est incommensurable.

Voici la suite de leurs témoignages. Comme pour la première partie, Tous les noms des interlocuteurs ont été retirés pour protéger la confidentialité des entretiens individuels.

‘Quand je regarde ses habits, je sens qu'il est vivant’

On April 28, 2009, we were in a bunker. The army came and took us away. One of our sons passed away, and it was our other son who made all the funeral arrangements. After the funeral, he put his brother’s wife and children onto the last ship, but he stayed behind. At that time, he was 23 years old. I still don’t know where he is. On April 12, 2009, he came and left his sarong and shirt at home. To this day, I keep them to remember him. When I look at his clothes, I feel that he is alive. No one can tell me he is not alive. I know that he is.

Le 28 avril 2009, nous étions dans un abri. L'armée est arrivée et nous a emmenés. Un de nos fils est décédé, et c'est notre autre fils qui s'est occupé de tout pour les obsèques. Après les obsèques, il  mis la femme et les enfants de son frère dans le dernier bateau, mais lui est resté. Il avait alors 23 ans. J'ignore toujours où il est. Le 12 avril 2009, il est venu et a laissé son sarong et sa chemise à la maison. Je les ai gardés jusqu'à aujourd'hui pour me souvenir de lui. Quand je regarde ses habits, je sens qu'il est vivant. Personne ne peut me dire qu'il n'est pas vivant. Je sais qu'il l'est.

Image Via Maatram. Utilisation autorisée

‘Nous avons déposé des réclamations partout… Je veux savoir s'il est vivant ou mort’

My son disappeared during the last stage of the war in 2009. So far, we have not heard any information about his whereabouts. He was just 17 years old and was sitting for his Advanced Level examinations. We have lodged complaints everywhere — with the ICRC, numerous commissions, the police and CID. I want to know if he is alive or dead. We have all his possessions, his clothes in a box. When we look at them, we remember him.

Mon fils a disparu pendant la dernière phase de la guerre en 2009. A ce jour, nous n'avons eu aucune information sur l'endroit où il se trouve. Il venait d'avoir 17 ans et passait ses examens de fin du secondaire. Nous avons déposé des réclamations partout :  devant l’ICRC, de multiples commissions, la police et le CID [le département d'enquêtes criminelles du Sri-Lanka, NdT]. Je veux savoir s'il est vivant ou mort. Nous avons toutes ses possessions, ses habits dans un carton. Quand nous les regardons, nous nous souvenons de lui.

‘Dieu seul sait si le gouvernement va donner des informations’

During the last stage of the war, I was injured when we were crossing to the army side. They took the injured people separately, so I got separated from my son. I begged them to let me travel to the hospital with my son. Since that day, I don’t know where he is. Someone said he was in the detention camps. I went to eight camps and looked for him, but he wasn’t at any of them. He was sitting for his Advanced Level examinations at that time. My son isn’t a member of the LTTE, so he has to be alive, I believe that. Only God knows whether the government would give any information.

Pendant la dernière phase de la guerre, j'ai été blessée quand nous sommes passés du côté de l'armée. Ils ont mis les blessés à part, c'est ainsi que j'ai été séparée de mon fils. Je les ai suppliés de me laisser aller à l'hôpital avec mon fils. Depuis ce jour, j'ignore où il est. Quelqu'un a dit qu'il était en camp de détention. Je suis allée dans huit camps et l'ai cherché, mais il n'était dans aucun d'eux. Il passait à l'époque ses examens de fin du secondaire. Mon fils n'est pas membre des LTTE, il est donc forcément vivant. C'est ce que je crois. Dieu seul sait si le gouvernement va donner des informations.

Image via Maatram. Utilisation autorisée

‘Il est allé à la plage avec un ami, et n'est jamais revenu’

My son sat for his Advanced Level examinations in 2006. In 2008, he was forcibly recruited by the LTTE. That same year, in Manalaru, the LTTE sent him to dig for an underground bunker. That area was shelled and he lost a leg. After that, the LTTE released him, and he was with us. Our son went missing during the battle of Mullivaikkal. On that day, he went with a friend to the beach. He never came home after that.
Two of my granddaughters were in the Sencholai Children’s Home, which is in Puthukudiyiruppu. When the army surrounded the area, they were displaced. One of them went missing in the chaos. We have yet to find her as well.

Mon fils a passé ses examens de fin du secondaire en 2006. En 2008, il a été recruté de force par les LTTE. Cette même année, à Manalaru, les LTTE l'ont envoyé creuser pour un abri souterrain. La zone a été bombardée et il a perdu une jambe. Après ça, les LTTE l'ont libéré, et il était avec nous. Notre fils a disparu pendant la bataille de Mullivaikkal. Ce jour-là, il est allé à la plage avec un ami. Il n'est jamais revenu  après ça.

Deux de mes petites-filles étaient au foyer d'enfants de l'école Sencholai, qui est à Puthukudiyiruppu. Quand l'armée a encerclé la zone, elles ont été évacuées. L'une d'elles a été perdue dans la pagaille. Nous ne l'avons pas encore retrouvée non plus.

‘Mon mari fait partie des  LTTE. Je l'ai livré à l'armée’

My husband is a member of the LTTE. I handed him over to the army. My husband said, ‘If I go, I won’t return.’ I told him, ‘If everyone is surrendering to the army, why do you think only you won’t come back?’ I have guilt because I am the one who convinced him to surrender although he didn’t want to. Virakesari published a photo, and I recognized my husband, who was fourth in a row of people. I took the photo and lodged complaints everywhere, including the ICRC. I too am an LTTE member but was released from the camp because I have two young children. After being released, the CID continuously harassed me. I told them, ‘I have registered everywhere as a member of the LTTE. If you want to arrest me, then please find my husband and bring him so that he can look after the children. Then you can arrest me.’

Once you hand over someone to the army, they should give details about what happened to them. Though I am a member of the LTTE, I didn’t hide anywhere. I stayed in my house because my husband would know to find me there. If I leave, he wouldn’t be able to find me. So until the government releases him, I will stay here. When my daughter thinks of him, she uses his bedsheet to cover herself.

Mon mari fait partie des LTTE. Je l'ai livré à l'armée. Mon mari a dit, ‘Si j'y vais, je ne reviendrai pas.’ Je lui ai répondu, ‘Si tout le monde se rend aux militaires, pourquoi crois-tu que tu seras le seul à ne pas revenir ?’ Je me sens coupable parce que c'est moi qui l'ai persuadé de se rendre alors qu'il ne voulait pas. Virakesari a publié une photo, et j'ai reconnu mon mari, qui était le quatrième d'une rangée. J'ai pris la photo et déposé des réclamations partout, y compris à l'ICRC. Moi aussi je suis membre des LTTE, mais j'ai été libérée du camp parce que j'ai deux jeunes enfants. Après ma libération, le CID n'arrêtait pas de me harceler. Je leur ai dit, ‘Je me suis enregistrée partout comme membre des LTTE. Si vous voulez m'arrêter, trouvez d'abord mon mari et amenez-le pour qu'il puisse s'occuper des enfants. Alors vous pourrez m'arrêter.’

Une fois que vous avez livré quelqu'un aux militaires, ils doivent donner des détails sur son sort. J'ai beau avoir été membre des LTTE, je ne me suis cachée nulle part. Je suis restée dans ma maison parce que mon mari savait qu'il m'y trouverait. Si je m'en vais, il ne pourra pas me trouver. J'y resterai donc jusqu'à ce que les autorités le libèrent. Quand ma fille pense à lui, elle se recouvre avec le drap de son lit.

Image via Maatram. Utilisation autorisée

‘Je l'ai cherchée dans beaucoup de camps après la guerre’

I have one son. The LTTE continually asked us to give him to them. The last time, instead of taking my son, they took my daughter. She was in Grade 9. During the final stages of the war, I saw her but once the fighting intensified, I lost track of her. I searched for her in many camps after the war, including the Ambepussa camp. I went to Colombo as well but did not find her there. I don’t know what happened to her.

J'ai un fils. Les LTTE n'arrêtaient pas de nous demander de le leur donner. La dernière fois, c'est ma fille qu'ils ont prise à la place de mon fils. Elle était en 2nde. Pendant les dernières phases de la guerre, je l'ai vue, mais quand les combats se sont intensifiés, j'ai perdu sa trace. Je l'ai cherchée dans se nombreux camps après la guerre, y compris celui d'Ambepussa. Je suis aussi allée à Colombo, sans l'y trouver. Je ne sais pas ce qu'il est advenu d'elle.

‘Je continue à croire qu'elle est vivante et dans un camp de prisonniers quelque part’

I have four daughters. It was the eldest who disappeared. She used to support the family with her income. She went missing during one of the more intense battles near the end of the war when shellfire was heavy. Many people said that they saw her near Vattuvaagal. Since it was a border area between the LTTE and the army, I still believe she is alive and in a detention camp somewhere. My husband is now paralyzed, suffering from depression because of the loss of our daughter.

J'ai quatre filles. C'est l'aïnée qui a disparu. Elle faisait vivre la famille avec ce qu'elle gagnait. Elle a disparu pendant une des batailles les plus intenses peu avant la fin de la guerre, quand les bombardements étaient lourds. Beaucoup de gens ont dit l'avoir vue près de Vattuvaagal. Comme c'était une zone-frontière entre les LTTE et l'armée, je continue à croire qu'elle est vivante et dans un camp de prisonniers quelque part. Mon mari est maintenant paralysé, et souffre de dépression à cause de la perte de notre fille.

Image via Maatram. Utilisation autorisée

‘Nous avons livré notre fils à l'armée’

My son worked as a tailor for 15 years. This is a shirt he made himself. He used to make clothes for me and even my daughter’s children. May 17, 2009, we crossed to the army-controlled area and handed our son over to the army. We did so, believing that they would release my son. After that, we never saw him.

Mon fils a travaillé comme tailleur pendant quinze ans. Ceci est une chemise qu'il a faite lui-même. Il faisait les habits pour moi et même pour les enfants de ma fille. Le 17 mai, 2009, nous sommes passés dans la zone sous contrôle de l'armée. Nous l'avons fait en croyant qu'ils libéreraient mon fils. Après ça, nous ne l'avons jamais revu.

La crainte que leurs histoires tombent dans l'oubli est ce qui fait continuer leur mouvement de protestation aux familles. Pour beaucoup d'entre elles, la douleur reste aussi vive qu'au jour où elles ont compris que leurs êtres chers ne reviendraient pas. Eles sont prêtes à employer les grands moyens.

Le militant des droits humains Ruki Fernando a commenté :

It’s the lack of progress on the part of the government that has led to a series of protests highlighting, among other issues, the plight of families of the disappeared, political prisoners, militarisation and land occupation.

C'est l'absence d'avancée du gouvernement qui a conduit à une série de manifestations qui éclairent, entre autres questions, la détresse des familles des disparus, les prisonniers politiques, la militarisation et l'occupation des terres.

Le gouvernement Sirisena a promis de créer un Office des Personnes disparues du Sri Lanka (OMP), qui était supposé être opérationnel en septembre 2017 et examiner les diparitions de milliers de personnes pendant la guerre civile. Mais sa mise en place a été reportée à 2018, alors que les familles de ces disparus forcés attendent toujours des réponses.

Cette vidéo mise en ligne par le Center For Policy Alternatives (CPA), qui héberge institutionnellement Maatram, montre quelques-uns de ces témoignages en langue tamoule :

Verra-t-on un jour la fin du contrôle de l'information en Azerbaïdjan ?

jeudi 11 janvier 2018 à 14:21

Des policiers en Azerbaïdjan se saisit d'un jeune homme. Photo de Radio Free Europe/Radio Liberty, ré-utilisation autorisée.

Durant une réunion des alliés de l'OTAN à Bruxelles en novembre 2017, le Président Azerbaïdjanais Ilham Aliyev a souligné l'importance de la liberté d'expression et de l'internet.

Un résumé publié sur le site officiel de la Présidence a repris comme suit les propos d'Aliyev :

“Soulignant les questions de développement démocratique, le Président Ilham Aliyev a dit que la liberté de l'internet, la liberté d'expression, la liberté de réunion et les autres libertés étaient garanties en Azerbaïdjan.”

Ces affirmations et d'autres similaires ont suscité des clins d’œil de nombreux journalistes azerbaïdjanais. Les paroles d'Aliyev sont très éloignées de ses actions de ces cinq dernières années.

Entre 2013 et 2015, une cascade de changements réglementaires et de menaces judiciaires arbitraires a mis la naguère dynamique société civile azerbaïdjanaise de journalistes, activistes, et d'organisations de jeunesse en ligne de mire. Beaucoup ont été arrêtés sous de fausses accusations. D'autres ont quitté le pays, par crainte d'être persécutés.

En conséquence, une importante part des discussions restantes sur la démocratie, les droits et libertés bascula vers le monde en ligne. Mais chaque année, il devient de plus en plus évident qu'il n'y a pas une grande tolérance pour la dissidence en ligne non plus.

La dernière illustration date du 1er décembre, 2017, lorsque des parlementaires ont introduit et adopté une nouvelle série d'amendements qui tiendront les individus, les fonctionnaires et les personnes morales responsables ,– et soumis à des sanctions — pour la diffusion en ligne d'informations “interdites”.

Si une ressource d'informations par internet se retrouve sur la liste de celles qui ont mis en ligne des renseignements interdits de diffusion, elle devra immédiatement restreindre l'accès à ce contenu. Dans le cas contraire, l'hébergeur et le fournisseur d'accès à internet se verront infliger des pénalités de 1500-2000 Manats pour les fonctionnaires et 2000-2500 Manats pour les personnes morales.

Les responsables n'ont pas indiqué comment des sites web prenant en charge les commentaires des lecteurs ou les messages des utilisateurs (comme Facebook et YouTube) respecteront ces règles, si et quand les utilisateurs affichent du contenu tombant sous le coup de l'interdiction.

L'interdiction vise une catégorie de contenu connue sous le label “information interdite,” qui a été établie par une ordonnance de tribunal de mai 2017 autorisant le gouvernement à censurer les sites Web contenant des types précis de contenu.

Conformément à l'ordonnance du Tribunal, “les informations interdites” peuvent comprendre les catégories suivantes :

  • propagande terroriste ;
  • information favorisant l'extrémisme religieux, la révolution, les émeutes de masse et autres propagandes similaires ;
  • secrets d’État ;
  • informations sur la fabrication d'armes et pièces de rechange ;
  • informations sur la préparation des stupéfiants, des drogues, et des substances similaires, leur vente ;
  • pornographie (y compris la pornographie juvénile) ;
  • des informations sur la promotion du jeu et des paris illégaux;
  • informations sur l'inspiration suicidaire;
  • insultes et la diffamation ainsi qu'informations portant atteinte à la sécurité personnelle;
  • information portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle
  • autres informations, dont la diffusion est interdite par les lois de la République d’Azerbaïdjan

Le ministère public a affirmé que les ressources en ligne étaient bloquées parce qu'elles constituaient une menace — mais lorsque nous avons examiné de plus prés le contenu partagé sur ces sites web, nous avons constaté qu'ils ne correspondaient pas aux critères des “informations prohibées”.

Plusieurs des sites bloqués contenaient surtout des articles sur la corruption du gouvernement, la hausse des taux de suicides en Azerbaïdjan, les mauvaises conditions de vie économique et sociale, et la couverture par la presse indépendante des protestations locales. Trois sites d'informations et deux chaînes de télévisions par satellite ont été rapidement bloqués à l'intérieur du pays. Et depuis, plus d'une douzaine de ressources indépendantes d'informations et de nouvelles en ligne ont été bloquées.

Tout cela amène à se poser la question suivante: pour qui cette information “information interdite” est-elle la plus menaçante ?

En effet, ces réformes juridiques menacent tout le monde sauf l'élite dirigeante d'Azerbaïdjan. C'est un trait classique du régime Aliyev. Durant les années qui ont suivi sa succession au trône présidentiel de son père, Ilham Aliyev n'a fait que rendre plus misérable la vie de ses compatriotes.

Il semble que les réformes juridiques en Azerbaïdjan ne soient jamais proposées par la seule initiative des députés azerbaïdjanais. Bien que leur premier but soit de servir le peuple, nous en tant que citoyens azerbaïdjanais ne savons même pas avec certitude s'ils ont été légitimement élus à une charge publique.

Il n'était donc pas surprenant de voir la deuxième vague d'amendements législatifs présentés approuvés par le parlement azerbaïdjanais à la fin de 2017. Le législateur a voté des amendements au code des infractions administratives de l'Azerbaïdjan, introduisant des sanctions pécuniaires sévères à l'encontre des propriétaires de ressources ou de domaines d'information sur internet pour la diffusion d'informations interdites (selon les autorités) ou omettant d'empêcher la diffusion de telles informations. Le 15 décembre, le Parlement National de l'Azerbaïdjan a approuvé des amendements au projet de loi sur les forces armées, interdisant aux journalistes la demande de certaines catégories d'informations sur les activités militaires.

Les organisations et les plateformes qui ont été freinées par cette récente vague de mesures réglementaires dépendent de plus en plus de leurs pages Facebook et de leurs comptes YouTube pour conserver leurs voix en ligne. Elles sont nombreuses à avoir construit des sites internet miroirs sur lesquels elles continuent de publier des articles critiques et des nouvelles d'Azerbaïdjan.

Azadliq Radio, le service azerbaïdjanais de Radio Free Europe/Radio Liberty informe ses auditeurs et lecteurs à la fin de la revue de presse quotidienne, en leur fournissant l'adresse URL actualisée de la plateforme. Meydan TV s'appuie sur une application mobile.

Décrivant le déclin de l'internet gratuit en Azerbaïdjan, le militant civique Ali Novruzov a écrit sur son blog :

Ce qui a aggravé la situation était que même notre liberté hypothétique d'Internet n'était pas garantie dans les textes de droit. Des dispositions approximatives de la législation conduisaient à des blocages occasionnels de sites internet. A part quelques blogs satiriques et des sites de propagande religieuse sponsorisés par l'Iran, même Imgur, une plateforme innocente de partage de photos en a été victime durant une courte période. Toutefois, le blocage des sites internet était une mesure exceptionnelle à l'époque. Bien qu'il s'agisse d'une mesure arbitraire, le gouvernement n'y avait recours que dans certaines circonstances.
[…]
Avec la chute vertigineuse des prix du pétrole et la détérioration quotidienne de la situation économique, il était évident que le gouvernement n'était plus enclin à tolérer la moindre dissidence que ce soit en ligne ou hors ligne. Les jours de l'internet gratuit hypothétique était aussi comptés.
[…]
Bien que la restriction des droits fondamentaux et des libertés, et la poursuite des militants,soit une règle empirique lorsqu'il s'agit de persécuter des membres actifs de la société civile azerbaïdjanaise, le polissage des lois existantes semble avoir beaucoup plus facilité les choses au régime en place surtout lorsqu'il doit répondre aux institutions et organismes internationaux de surveillance des droits humains. D'une part,les dirigeants aiment dire que ce n'est pas leur problème, même lorsque la moindre critique est formulée à leur encontre, et ensuite, il existe des lois, sur lesquelles les autorités se fondent.

Ces récents amendements législatifs, ainsi que les rapports de force entre les autorités et la société civile azerbaïdjanaise paralysée, montrent que les propos du Président Ilham Aliyev sur la liberté d'expression et d'internet ne sont que des mots. En Azerbaïdjan, internet n'est ni gratuit ni ouvert.

Égypte : mariages d'enfants et harcèlement sexuel demeurent des fléaux répandus

jeudi 11 janvier 2018 à 12:54

Des femmes font la queue pour voter aux élections parlementaires de 2011 en Égypte. Photographie publiée par ONU Femmes le 2 Décembre 2011. Diffusée sous licence “Creative Commons”

Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages ou des documents en anglais.

En 2015, Hala Yousef, la Ministre égyptienne de la population, a signalé que 15 % des mariages célébrés dans le pays sont des mariages d'enfants. Bien que l'âge légal pour se marier soit passé à dix-huit ans en 2008, cette pratique continue dans le pays entier et plus particulièrement dans les régions les plus pauvres.

En plus de violer leurs droits, ces pratiques entraînent souvent une violence directe à l'encontre des enfants, qui sont presque toujours des filles.

Une étude de 2001 a démontré que 29 % des enfants mariées avaient été battues par leurs maris. En 2014, le Centre de recherche sociale de l'Université américaine du Caire a établi que 27 % des filles mariées avant l'âge de dix-huit ans avaient été agressées physiquement par leurs maris.

Par ailleurs, dans un rapport de 2016, un comité de l'ONU a conclu [fr] que la persécution des femmes connues pour leur active défense des droits de l'homme contribue au médiocre bilan actuel sur les droits des femmes :

The continuous persecution of women human rights defenders such as Azza Soliman and Mozn Hassan… establishes and reinforces a pattern of systematic repression of the Egyptian women’s rights movement, aiming to silence and intimidate those working tirelessly for justice, human rights and equality.

La persécution continuelle des femmes qui se battent pour la défense des droits de l'homme, telles que Azza Soliman et Mozn Hassan… établit et renforce un modèle de répression systématique du mouvement pour les droits des femmes égyptiennes, le silence et l'intimidation de ceux qui travaillent sans relâche pour la justice, les droits de l'homme et l'égalité.

Afin d'aborder ces questions, Global Voices s'est entretenu avec Samah Mansur, une militante égyptienne qui travaille pour les droits des femmes depuis plus de 10 ans.

Samah Mansur, militante égyptienne pour les droits des femmes. Photographie utilisée avec autorisation.

Samah Mansur travaille dans l'unité de défense des droits des femmes et de l'égalité entre les sexes au Centre de techniques de communication adéquates pour le développement (ACT). Elle est membre du projet “Dites non à la traite des enfants” (“Say No To Child Trafficking”), qui documente et contrôle la traite et les mariages d'enfants en Égypte. Samah Mansur a également aidé à mettre en place l'initiative “J'ai vu le harcèlement” (“I Saw Harassment”) pour sensibiliser le public et combattre le harcèlement en Égypte.

En 2007, elle a reçu un prix du Fonds de développement des Nations Unies pour les femmes pour sa recherche sur la lutte contre la violence faite aux femmes.

Nevena Borisova (NB) : Comment avez-vous commencé à travailler pour les droits des femmes ? 

Samah Mansur (SM): I’ve been fortunate to come from a family where volunteering is considered absolutely important. My parents believed that the best gift they could ever give me is to help people in need. I was allowed to spend copious amount of time at charities, and shelters to help orphans, battered women, and people in need, beyond what I was taught in school and so nurtured me into volunteer lover that I am today. Since 2003, I have been involved in the non-profit sector and I joined the Appropriate Communication Techniques for Development (ACT) which works on fighting all types of violence against women. I am lucky because I am able to choose what to do and I am absolutely passionate about everything I do.

Samah Mansur (SM) : J'ai la chance d'être issue d'une famille où le volontariat était considéré comme quelque chose de très important. Mes parents pensaient que le meilleur cadeau qu'ils pouvaient me donner était de m'apprendre à aider les gens dans le besoin. En plus de mes études, j'ai été autorisée à passer beaucoup de temps dans des associations caritatives et des refuges pour aider des orphelins, des femmes battues et des gens dans le besoin, et cela m'a encouragé à devenir la bénévole passionnée que je suis aujourd'hui. Depuis 2003, je participe à des activités à but non lucratif et j'ai intégré les Techniques de communication adéquates pour le développement (ACT) qui lutte contre toutes les formes de violence faites aux femmes. J'ai de la chance car je peux choisir ce que je fais et je suis vraiment passionnée par tout ce que j'entreprends.

NB : Vous êtes membre de l'initiative ‘Dites non à la traite des enfants’ (‘Say No to Child Trafficking’).  Quelle est l'ampleur du problème en Égypte et quelles sont les mesures qui doivent être prises ?  

SM: In Egypt, child marriage and child trafficking are a social phenomenon which primarily affects girls who live in extreme poverty in rural areas, and is becoming more prevalent in urban areas, as well as in Upper Egypt. Twelve percent of them are married before they turn eighteen. One major contributing factor is the wealthy men from Egypt, and the Arab region, including the Gulf Countries, who frequently visit Egypt to acquire “temporary marriages and tourism marriages” with underage girls. Girls below the age of fourteen are forced into marriage. These marriages are often facilitated by the girl’s parents and are arranged through marriage brokers, sheikhs, lawyers, community leaders, etc., who take bribes for registering these illegal marriages of underage girls. After a while, these girl brides are in very vulnerable positions. They are either left abandoned and pregnant, taken by force to serve as maids in faraway households, or in many cases subjected to abortions.

These marriages, considered a form of child trafficking and modern day slavery, force young brides to work as maids and servants in abusive settings where a monthly compensation is received and channeled by special brokers. The money goes to the girl’s unemployed male siblings and father.

SM : En Égypte, le mariage et la traite des enfants sont des phénomènes sociaux qui affectent principalement les filles qui vivent dans une extrême pauvreté dans les zones rurales. Ils deviennent de plus en plus fréquents dans les zones urbaines, mais aussi dans la Haute-Égypte. Parmi ces enfants, 12 % d'entre eux sont mariés avant d'atteindre dix-huit ans. Un des facteurs principaux contribuant [à cette situation] est la tendance des hommes riches égyptiens et des régions arabes dont les pays du Golfe, à se rendre en Égypte régulièrement pour y contracter des “mariages temporaires ou de tourisme” avec des jeunes mineures. Des filles de moins de quatorze ans sont obligées de se marier. Les parents de ces jeunes filles facilitent souvent ces mariages, qui sont arrangés par des intermédiaires, des cheikhs, des avocats, des chefs de communauté, etc…, lesquels perçoivent souvent des pots de vin pour enregistrer ces mariages illégaux avec des mineures. Après un certain temps, ces jeunes mariées se retrouvent dans des positions très vulnérables : elles sont soit enceintes et abandonnées, contraintes de devenir domestiques dans des foyers éloignés de chez elles, ou dans de nombreux cas obligées d'avorter.

Après ces mariages, considérés comme une forme de traite d'enfants mineurs et d'esclavage moderne, ces jeunes mariées sont contraintes de travailler comme femmes de ménage et domestiques dans des conditions abusives moyennant une compensation mensuelle qui est reçue et gérée par des intermédiaires spéciaux. L'argent est envoyé au père et aux frères sans emploi de la jeune fille.

NB : Vous avez aidé à mettre en place l'initiative “J'ai vu le harcèlement” (“I Saw Harrassment”). Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous en dire plus sur le harcèlement des femmes en Egypte ? 

SM: Sexual harassment is a major problem in Egypt. Studies show that large majorities of women have been subjected to it, often on the street or public transportation. And the problem is deeply rooted. For this reason I participated in establishing the I Saw Harassment Initiative which works on monitoring and documenting sexual harassment crimes against women.

SM : Le harcèlement sexuel est un problème majeur en Égypte. Des recherches montrent qu'une grande majorité de femmes en sont victimes, souvent dans la rue ou dans les transports en commun. Le problème est profondément enraciné. C'est pour cette raison que j'ai participé à la mise en place de l'initiative “J'ai vu le harcèlement” (“I Saw Harrassment”) qui travaille pour contrôler et documenter les crimes de harcèlement sexuel contre les femmes.

NB : Qu'en est-il des possibilités de carrière pour les femmes dans le pays ?

SM: Egypt ranks low in gender equity. The 2015 Global Gender Gap Index, ranks Egypt at 136 out of 145 countries worldwide. Women have significantly lower participation in the labor force than men (26% vs 79%) and lower literacy (65% literacy for women vs 82% of males).

We have 89 (14.9%) women in the parliament, 14 are appointed and 75 are elected.

SM: L'Égypte se trouve en bas du classement de l'égalité des sexes. En 2015, l'Indice mondial de l'inégalité entre les sexes (Global Gender Gap Index) classait l'Égypte à la 136ème place sur 145 pays dans le monde. Les femmes ont nettement moins de travail que les hommes (26 % contre 79 %) ainsi qu'un niveau d'alphabétisation plus faible (65 % pour les femmes et 82 % pour les hommes).

Nous avons 89 femmes au parlement (14.9 %), 14 sont nommées et 75 sont élues.