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Promesses de justice sociale pour les sans-terres en Inde

dimanche 12 mai 2013 à 12:04

Le long travail effectué par Ekta Parishad (« forum de l’unité » en hindi), dans les zones rurales les plus pauvres de l'Inde, vient d'être reconnu lors d'une réunion du 15 avril 2013 avec Jairam Ramesh, Ministre pour le Développement rural [anglais], validant un accord antérieur avec le gouvernement, en faveur des sans-terre et des plus pauvres en général. L'organisation applique le principe gandhien d’action non-violente pour aider le peuple à mieux contrôler les ressources qui lui permettent de subsister : la terre, l’eau et la forêt.

En Inde, les populations les plus pauvres, dalits et adivasis, en particulier les femmes, sont non seulement les oubliées mais aussi les premières victimes de la croissance effrénée de ces dernières années, qui s'est orchestrée principalement autour de l'industrialisation. Le congrès national des femmes dalits et advasis, en février 2013, est cité dans un billet de blog récent [anglais] de Sujatha Surepally et dénonce aussi cette triste réalité :

Dans la salle résonne la voix furieuse de Dayamani Barla, militante adivasi de longue date originaire du Jharkhand. Elle essaie de réunir les gens contre l”industrie minière dans les Jharkhand, où environ 108 compagnies minières sont à la veille de détruire la vie adivasi au nom des mines, d'abord ils viennent pour le charbon, ensuite pour l'électricité, cela continue, nous sommes repoussés de plus en plus loin. Comment vivre sans notre terre? Un discours spectaculaire pendant une heure, un silence de mort ensuite, tout le monde compatit à ses peines et à sa souffrance. Finalement, qu'essaie-t-elle de transmettre? Humko Jeene Do! Laissez nous vivre notre propre vie ! Si c'est cela que vous appelez développement, nous ne voulons pas en entendre parler !

Marches pour la Justice

Basée sur le transfert d'importantes ressources naturelles aux investisseurs industriels, indiens et étrangers, cette croissance a égratigné au passage les engagements en matière environnementale [anglais]. Les populations locales, dont environ 70% habitent encore aujourd'hui en zone rurale et sont dépendantes des ressources naturelles pour leur survie, ont été souvent déplacées par des accaparements de terres faits sans aucune compensation.

Se basant sur les 60 millions de personnes déplacées sans compensation entre 1947 et 2004, et sur les 25 millions d'hectares de terres réquisitionnés, les militants d'Ekta Parishad ont organisé en 2007 Janadesh – le ‘verdict du peuple', une marche de 25.000 personnes de Gwâlior à Delhi, pendant un mois, afin d'exiger des droits pour les sans-terre. Ces vidéos (en français) décrivent Janadesh et le soutien indien et international :

Ces demandes ont été entendues, et ont donné naissance à des lois telles que le « Forest Rights Act ». Subrat Kumar Sahu commente dans un article en ligne [anglais] d'avril 2010, à propos de la loi :

La loi dit: “Pour la première fois dans l'histoire des forêts indiennes, l'Etat admet formellement que, pendant longtemps, les droits des habitants des forêts ont été niés, et la nouvelle loi concernant les forêts ne vise pas seulement à réparer cette ‘injustice historique’ mais veut aussi donner aux communautés qui habitent les forêts un ‘rôle essentiel dans la future gestion de la forêt'.” [...] même si les militants pour les droits forestiers ont tout de suite manifesté un certain cynisme par rapport aux intentions étatiques. Beaucoup d'entre eux ont appelé cette loi un ‘tigre de papier', comme tant d'autres lois indiennes.

Malgré ces lois très progressistes, peu de réalisations ont été effectives depuis. Cela a poussé Ekta Parishad et plus de 2000 autres organisations à susciter en octobre 2012 Jan Satyagraha, Marche pour la Justice, à nouveau de Gwâlior à Delhi, qui a rassemblé dès le premier jour 50 000 personnes.

La vidéo ci-dessous, sous-titrée en français, “Agir ou mourir”, résume l'alternative pour ces populations :

Selon le blog Rexistance Inde :

Difficile de dénombrer les marcheurs, mais il faut compter presque cinq heures pour voir défiler l'ensemble du cortège. (…) Nous traversons (…) quelques villages où les gens accueillent la Marche avec des colliers et des jets de pétales de fleurs jaunes et orange.

Satyagraha

La marche Jan Satyagraha passe au dessus de la rivière Chambal, 6 octobre 2012, crédit Goran Basic / Ekta Parishad

Un accord signé en 2012, des promesses à faire tenir

Les demandes de 2007, surtout concentrées sur les paysans sans-terre, étaient cette fois élargies, incluant les sans-abri, la mise en application effective de lois de lutte contre la pauvreté, les moyens techniques de cette mise en application, et enfin un calendrier précis pour la réalisation de ces promesses. C'est la somme de ces demandes qui a été signée dans l’accord en 10 points entre les marcheurs et le gouvernement indien le 11 octobre 2012, et validée par la nouvelle rencontre entre les autorités et les marcheurs d'avril 2013.

Le blog Rexistance Inde témoigne, dans un billet du 31 décembre 2012 :

Le gouvernement fédéral s'engage à plancher sur une politique de réformes agraires et à faire pression auprès des gouvernements locaux – l'allocation de terres étant leur prérogative – pour permettre aux populations marginalisées de rester sur leurs terres, ou d'en obtenir de nouvelles pour y travailler. Et pour y vivre ! Car l'une des clauses centrales, et nouvelles, de l'engagement consiste à inclure le droit au logement pour chaque famille pauvre et sans terre. [...] Mais Ekta Parishad n'est pas naïf. Au contraire, fort de l'expérience de la Janadesh en 2007 dont le peu de promesses obtenues n'avait pas vraiment été tenues, le mouvement reste vigilant, à tel point qu'il lance dans la foulée de la signature de l'accord un appel à soutien international pour signifier au gouvernement que les “invisibles” ne le lâcheront pas d'une semelle, et que l'œil de la conscience citoyenne veille, partout dans le monde.

Les initiatives de soutien au niveau indien, européen et international se sont aussi multipliées ces derniers mois pour s'assurer du respect de l'accord signé par le gouvernement indien, comme cette lettre commune envoyée au Ministre Jairam Ramesh [anglais], le félicitant pour ses actions depuis ce début d'année en faveur des plus démunis, mais l'encourageant aussi à ne pas s'arrêter en si bon chemin.

Espoir et circonspection

L'accord initié entre Ekta Parishad et le gouvernement indien pourrait bien être la promesse d'un nouveau paradigme de développement et de distribution des richesses naturelles, en Inde et peut-être au-delà. Mais à l'aube d'élections générales en Inde, l'heure est à la mobilisation et à l'espérance autant qu'à la circonspection.

V. Rajagopal, Président de Ekta Parishad, a affirmé que le mouvement comptait clairement faire entendre sa voix lors de la campagne électorale qui commence actuellement en Inde, dans un article en ligne de Firstpost India du 12 avril 2013 [anglais] :

2014 est une année d'élections et tous les partis politiques sont en train d'ébaucher leurs manifestes. Nos efforts sont dirigés vers une place proéminente pour une réforme agraire et foncière dans leurs manifestes. C'est en pensant à ces élections que nous avons mis au point le slogan suivant: Aage zameen peeche vote, nahi zameen toh nahi vote (d'abord des terres, ensuite des votes, pas de terres pas de votes).

 

Interview du journaliste tchadien Makaila Nguebla, expulsé du Sénégal vers la Guinée

dimanche 12 mai 2013 à 01:47

Les autorités sénégalaises ont expulsé le journaliste Makaila Nguebla vers la Guinée le 8 mai 2013.

TeamObservers écrit sur France24 :

Un de nos Observateurs, Makaila Nguebla, opposant tchadien en exil à Dakar, a été expulsé dans la nuit du 7 au 8 mai par les autorités sénégalaises.
Fervent opposant au président tchadien Idriss Déby, Makaila était réfugié à Dakar depuis 2005. Malgré de multiples demandes, jamais le statut de réfugié ne lui a été donné par les autorités.

Dans la vidéo ci-dessous Makaila NGuebla raconte qu’il avait choisi le Sénégal après avoir été arrêté en Tunisie (où il venait de terminer ses études). Grâce à la pression internationale les autorités tunisiennes de l’époque n’avaient pas pu l’expulser vers le Tchad en 2005.

Au téléphone, de Conakry, il raconte :

Mes ennuis ont commencé le lendemain du départ du ministre de la Justice tchadien Jean-Bernard Padaré au Sénégal où il était venu rencontrer les autorités en vue du procès de l’ancien président tchadien Hissène Habré. Jean-Bernard Padaré a rencontré le ministre de la justice et chef de l’état sénégalais seul sans la présence d’aucun autre officiel tchadien. Il a quitté Dakar le dimanche 5 mai. Le lundi 6 mai, la Division de la surveillance du territoire sénégalaise (DST) me convoque pour le mardi 7 mai à 15H. Je me rends à la convocation en présence d’Amnesty International Sénégal à qui il est demandé de quitter les lieux. Je reste donc seul avec eux.

Ils me mettent dans un avion pour Conakry dans la nuit du mardi au mercredi. Une « maman » me voyant pleurer durant le vol me prend sous son aile : elle m’aide à passer les formalités de police une fois à Conakry – les autorités sénégalaises n’avaient pas informé leurs homologues guinéens. Je suis actuellement logé chez cette dame dans les mêmes conditions que les Guinéens : coupures d’électricité le soir et connexion internet avec une clé qui marche à peine [ndlr: Global Voices a dû interrompre l’entrevue par Skype, la connexon étant trop mauvaise. Elle a été reprise par téléphone.].

Global Voices : Comment expliquez-vous que le Sénégal, qui n’a jamais expulsé d’opposants politiques, cède ainsi à ce qui semble être des pressions des autorités tchadiennes ?

Makaila NGuebla : Le conflit au Mali a donné une nouvelle autorité à Idriss Deby, notamment parce que l’armée tchadienne est la seule à connaître parfaitement le terrain et la seule des armées africaines à être en mesure de soutenir effectivement l’armée française. De plus, grâce à l’argent du pétrole tchadien, Idriss Deby a pu contribuer au financement de la campagne de Macky Sall au Sénégal. Dans les négociations sur le dossier Hissène Habré, il est demandé que l’on me livre aux autorités tchadiennes. J’ai été arrêté en Tunisie en 2005 je ne dois qu’à la pression internationale de ne pas avoir été expulsé vers le Tchad.

Global Voices : Vous sentez-vous en sécurité en Guinée ?

Makaila NGuebla : Non. J’ai rencontré le Ministre des droits de l’homme de la Guinée qui m’a dit qu’il ne peut pas garantir ma sécurité dans le contexte actuel de son pays. Depuis plusieurs années, la Guinée traverse une période difficile. Les élections législatives n’ont pu se tenir après les dernières élections présidentielles. Et il y a depuis plusieurs semaines des manifestations de l’opposition.

Global Voices : Vous m’avez dit plus haut que vous logiez chez cette dame qui vous a pris sous son aile depuis l’avion. Mais où en est votre situation administrative auprès des autorités guinéennes ?

Makaila NGuebla : Ce matin [samedi 11 mai], accompagné de membres du Conseil National des Organisations de la Société Civile Guinéenne et du HCR, j’ai pu introduire une première demande de statut de réfugié.

La blogosphère sénégalaise quant à elle s'est mobilisée notamment sur Twitter sous le mot-clic #FreeMakaila et exige son retour au Sénégal.

Cheikh Fall, de Sunu2012 explique:  « Non seulement ceci constitue une atteinte aux droits de Makaila Nguebla qui n’a aucune attache en Guinée et s’est construit sa vie au Sénégal depuis 8 ans, mais ceci est une atteinte à la liberté d’expression de tous les Sénégalais : si les autorités commencent à livrer des opposants aux régimes dictatoriaux, elles n’hésiteront pas à s’en prendre à leurs propres opposants sur n’importe quel prétexte. »

Mise à jour 12 mai 2013, 14h :

Le gouvernement sénégalais vient de réagir ce dimanche matin par la voix de son porte-parole. Les réponses des twittos africains n’ont pas tardé.

Cheikh Fall @cypher007 remarque :

@cypher007: « Situation irrégulière, Présence tolérée sous conditions … » Depuis quand un statut pareil existe au #Sénégal?

@wirr2011 en 9 tweets quant à lui dit que le gouvernement sénégalais a volontairement maintenu Makaïla Nguebla dans l’irrégularité pendant huit ans pour pouvoir exercer des pressions sur lui.

Yacouba Ouédraogo @Bambyam répond à un tweet de @wirr2011 :

@Bambyan: Quand on a offert le gîte à Habré et à mains ensanglantées, on peut continuer à “tolérer” un parleur.

Plusieurs twittos font également remarquer que le porte-parole du gouvernement occupe ironiquement le poste de ministre de la bonne gouvernance et que cet ancien journaliste qui avait été maltraité sous l’ancien président Wade en est réduit « à défendre des pratiques honteuses ».

L'ex-dictateur du Guatemala Efraín Ríos Montt reconnu coupable de génocide et de crimes contre l'humanité

dimanche 12 mai 2013 à 01:32

Sauf indication contraire, les liens dirigent vers des pages en anglais.

L'ancien dictateur du Guatemala Efraín Ríos Montt a été reconnu coupable de génocide et de crimes contre l'humanité. Après s'être battu pendant de longues années devant les cours de justice les indigènes Ixil Maya du Guatemala ont obtenu justice.

Le verdict a été twitté en direct et a rapidement inondé les réseaux [es-espagnol].

Tandis que Ríos Montt était déclaré coupable et condamné à 80 années de prison, l'ancien Directeur du Renseignement José Mauricio Rodriguez Sanchez était innocenté.

Rios Montt a dirigé le Guatemala de mars 1982 à août 1983 pendant la guerre civile qui a déchiré le pays durant 36 ans. Comme l'explique Xeni Jardin  sur le site BoingBoing: “L'ancien général de 86 ans et ancien chef de l'Etat a été accusé de crime pour la campagne contre l'insurrection qu'il a menée en 1982-83 et qui a fait 1.771 morts parmi les Maya Ixil.”

Rios Montt Genocide Trial Day 26

Rios Montt le 26ème jour de son procès pour génocide. Photo de James Rodriguez sur MiMundo.org, avec son autorisation.

Cette guerre a fait d'énormes dégâts chez les indigènes du Guatemala ; ils ont perdu terres, maisons, animaux, récoltes et ont dû se réfugier dans les montagnes. Après la guerre le pays leur a offert peu de compensations.

Aujourd'hui, les communautés Ixil font partie des plus pauvres du pays, avec près de 77% qui vivent dans la pauvreté [es]. Au Guatemala, où 40% de la population est indienne, 8 Indiens sur 10 sont pauvres. De plus, le racisme affecte leur éducation et leurs possibilités d’emploi.

Malgré leur pauvreté, les survivants ne demandaient pas de dédommagements -ils demandaient justice, comme l'explique au tribunal Benjamín Jerónimo, l'un des plaignants du génocide, dans les conclusions d'un procès très complexe qu'Amnesty International résume en dix points:

Un génocide a été commis, des crimes contre l'humanité ont été perpétrés, et aujourd'hui 100 témoins sont venus dire la vérité et demander justice publiquement pour tout ce que nous avons supporté… Nous ne cherchons pas à nous venger, nous recherchons une paix réelle faite de justice, de respect, d'égalité, de dignité, voilà pourquoi nous sommes là.

Il faut plus de dix heures pour aller de la région d'Ixil à Guatemala City, où se tient le procès, par les transports publics. Malgré leurs modestes revenus et l'éloignement, les membres de la communauté Ixil étaient tous les jours présents au tribunal, comme le montrent les photos de James Rodriguez de MiMundo.org et le compte-rendu de Xeni Jardin sur le site Boing Boing. Xeni a twitté le résultat du procès en direct de la salle d'audience.

Picture by James Rodríguez, Mimundo.org used with permission.

Photo de James Rodríguez, Mimundo.org avec son autorisation.

Une vidéo détaillant les preuves qui ont mené à l'inculpation a été diffusée cette semaine par PBS (Réseau de TV public à but non lucratif américain), ce qui a provoqué un débat sur l'implication du Président Reagan. L'article des Archives de la Sécurité Nationale “La bataille finale: la campagne de Rios Montt contre l'insurrection : des documents américains et guatémaltèques décrivent la stratégie de la terre brûlée” ajoute:

La stratégie de la terre brûlée de Ríos Montt est prouvée par une série de documents enregistrés par l'armée du Guatemala en juillet et août 1982, concernant l'opération Sofia – une suite de nettoyages anti-insurrectionnels dans toute la région d'Ixil visant à exterminer les combattants de l'EGP (Armée de libération nationale) et à supprimer leur “base de soutien” (la population Maya Ixil). Les documents sur l'opération Sofia ont été remis en 2009 aux Archives de la Sécurité Nationale qui à son tour les a transmis aux procureurs pour preuves du génocide.

Le procès a été un exemple de transparence de la justice, avec la mise à disposition d'une traduction aux populations Ixil pendant toute la durée du procès, un accès sans restrictions pour la presse et une forte interaction dans les médias sociaux.

Parallèlement aux débats qui avaient lieu au tribunal, une discussion en ligne a été ouverte, échange d'idées et de faits.

Les internautes utilisaient les mots-clic #riosmontt, #genocidegt et #sihubogenocidio (“oui, il y a eu génocide”), et il y avait des livestreams ici (audio), ici (audio) et ici.

Il y avait aussi des internautes qui niaient le génocide et qui utilisaient le mot-clic #nohubogenocidio (“il n'y a pas eu de génocide”) pour échanger leurs points de vue.

Pendant toute la durée du procès des citoyens du monde entier ont montré leur soutien à la justice en partageant la photo de leur soutien.

Des volontaires internationaux de NISGUA (Réseau Solidaire avec les Peuples du Guatemala), des Brigades Internationales pour la Paix, du Collectif Guatemala et d'autres ONG ont travaillé et aidé les familles des survivants pendant le procès. Ils ont aussi traduit les contenus en anglais et en français pour qu'ils puissent être diffusés dans le monde.

Après trente ans, ce verdict, qui fait date et matérialise l'esprit de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et entérine la notion de crimes contre l'humanité, est une garantie pour chaque être humain en créant un précédent pour tous les conflits en cours dans le monde. C'est une lueur d'espoir pour des villages entiers étiquetés “ennemis” en Syrie, pour la souffrance des Rohingya au Myanmar, et pour toutes les guerres à venir.

Par ailleurs, il marque également un nouveau départ pour un Guatemala uni, qui prend en compte et apprend des valeurs et différences de 24 ethnies, et qui commence avec les leçons de courage, de patience et de lutte non-violente pour la justice enseignées par les Ixil. Comme le dit le journal en ligne du Salvador El Faro, le peuple Ixil a déjà remporté une victoire [es].

Photo via @xeni: "Juana Sanchez Toma, Ixil rape victim whom we interviewed for @newshour. 'I dreamed of justice. And now here it is.'"

Photo par @xeni: “Juana Sanchez Toma, victime Ixil de viol que nous avons interrogée pour @newshour. ‘Je rêvais de justice. Et c'est arrivé.'”

Recrudescence des meurtres de femmes au Mexique

dimanche 12 mai 2013 à 01:18

Billet d'origine publié le 26 avril 2013
[Sauf mention contraire, les liens renvoient vers des pages en espagnol]

Violeta, une étudiante âgée de 18 ans, a été retrouvée morte sur une route poussiéreuse de l'Etat du Chiapas portant des signes de violences sur le corps. Pendant ce temps, dans l'état du Guanajuato, le corps d'une autre femme appelée Olga a été retrouvé partiellement enterré et couvert de chaux. Elle semblait avoir été étranglée.

Ces deux femmes, découvertes en avril 2013, ne sont que les deux dernières victimes d'une augmentation dramatique des violences faites aux femmes dans de nombreuses régions du Mexique.

D'après Martha Figueroa, du collectif de femmes de San Cristóbal de las Casas, les féminicides sont en augmentation cette année ; jusqu'à présent en 2013, 26 femmes ont été victimes de mort violente au Chiapas, et parmi celles-ci, 20 sont considérées comme des féminicides. En 2012, la même organisation avait enregistré 85 féminicides au Chiapas. Ce mois-ci, le procureur général de Guanajuato, Carlos Zamarripa, a rapporté 24 féminicides “ces dernières semaines” dans cet Etat. Pendant qu'au nord dans l'Etat du Chihuahua –- un Etat connu pour les affaires épouvantables de féminicides survenus à Ciudad Juarez — 73 femmes ont été assassinées en une année, de mars 2012 à mars 2013.

Les mères de ces victimes ainsi que des activistes pour le droit des femmes descendent dans la rue et demandent justice pour les féminicides impunis, risquant leurs propres vies en agissant ainsi. A Ciudad Juárez 6 défenseurs des droits de la personne ont été forcés de quitter la ville ce mois pour protéger leurs vies.

La raison ? Ils exigent de connaître pourquoi leurs filles ont été tuées. Anaiz Zamora Márquez, du site d'information mexicain CIMAC, a raconté pour ses lecteurs une récente manifestation contre l'impunité entourant les meurtres des femmes de Ciudad Juarez qui n'ont pas été facilement oubliés.

"No more femicides." Photo by Flickr lunita lu, under Creative Commons license (CC BY-NC 2.0)

“Stop aux féminicides.” Photo par Flickr lunita lu, sous license Creative Commons (CC BY-NC 2.0)

Hace un mes en DF el dolor de las madres y familiares de jóvenes desaparecidas en Ciudad Juárez se extendió por esta capital, y en una protesta de más de cuatro horas el silencio de 20 años de impunidad y autoridades incompetentes se transformó en reclamo de justicia.

Il y a un mois, dans la ville de Mexico, la douleur des mères et des familles des jeunes femmes disparues à Ciudad Juarez a balayé la capitale, et lors de la manifestation qui a duré plus de quatre heures, le silence de 20 ans d'impunité et d'incompétence des autorités s'est transformé en revendication de justice.

Anaiz décrit la réponse des autorités face à la manifestation :

La tarde caía y al grito de “¡Vivas se las llevaron, vivas las queremos!” las madres y sus acompañantes se encaminaron sobre Paseo de la Reforma rumbo a la representación del gobierno de Chihuahua.

Al llegar, al igual que hacen las autoridades chihuahuenses, las oficinas –custodiadas por policías de la Secretaría de Seguridad Pública del DF– mantuvieron cerradas sus puertas y ventanas.

Ante el silencio, las madres leyeron un pronunciamiento con una sola exigencia: justicia.

Le soir tombait et les femmes criaient : “Ils les ont prises vivantes, nous voulons qu'elles reviennent en vie !” Les mères et ceux qui les accompagnaient ont cheminé jusqu'au Paseo de la Reforma [célèbre avenue à Mexico] vers la représentation du gouvernement du Chihuahua.

A l'arrivée, comme l'avaient fait les autorités du Chihuahua, les bureaux — gardés par des policiers du Ministère de la sécurité publique de Mexico — ont gardé leurs portes et fenêtres fermées.

Malgré le silence, les mères ont lu leur déclaration avec pour seule exigence : la justice.

Ana Leticia Hernández Julián, du site internet Sin Embargo, a nommé la corruption comme le pire ennemi de la justice quand il s'agit de résoudre ces affaires de violences envers les femmes au Mexique :

La impunidad, además, es el principal motor que promueve estos asesinatos, pues en la mayoría de los casos no se lleva a los culpables ante la justicia, reconocen organizaciones defensoras de los derechos de la mujer y el propio Estado mexicano.

L'impunité est la force qui favorise ces meurtres, puisque dans la plupart de ces affaires les auteurs ne sont pas confrontés à la justice, comme le signalent les ONG pour le droit des femmes et l'Etat mexicain lui-même.

Finalement, Ivonne de la Cruz Dominguez du blog Matices de Mujer, a comparé le silence des autorités face aux meurtres de femmes aux profonds cris de désespoir des citoyens :

En 100 días de gobierno no se ha utilizado esa palabra en ninguno de sus discursos. Incluso, si se teclea en el buscador de la página web de la Presidencia de la República la palabra “feminicidios” te arroja “0 resultados” (lo que no ocurre con homicidios, o secuestros, por ejemplo.)

Mientras, las mujeres que luchan por exigir justicia tras el asesinato de sus hijas en Chihuahua, Guerrero, Edomex, Tlaxcala, Michoacán, Oaxaca, Chiapas, Sinaloa o Sonora, se han levantado nuevamente. Frases como “Ni una más”, “Vivas se las llevaron, vivas las queremos”, “No más violencia contra las mujeres”, se apoderan de las calles de diversas ciudades del país, en forma de gritos o palabras escritas.

Durant les 100 premiers jours, le gouvernement n'a utilisé ce mot [féminicides] dans aucun discours. Même si vous cherchez sur le site de la Présidence de la République le mot “féminicide” vous aurez “ 0 résultats” (ce qui n'est pas le cas avec homicide ou kidnapping, par exemple.)

En attendant, les femmes qui se battent pour la recherche de la justice après le meurtre de leurs filles au Chihuaha, au Guerrero, dans l'Eat de Mexico, au Tlaxcala, au Michoacán, dans l'Oaxaca, au Chiapas, au Sinaloa, et au Sonora, se sont de nouveau dressées. Des phrases comme “Pas une de plus”, “Ils les ont prises vivantes, on veut les retrouver vivantes”, “Stop à la violence contre les femmes”, se relaient dans les rues de différentes villes, criées ou écrites.

Brésil : Les Amérindiens résistent au “développement” impulsé par l'Etat

dimanche 12 mai 2013 à 01:00

La politique du gouvernement de Dilma Roussef vis-à-vis des autochtones a été l'objet d'innombrables critiques (En portugais comme tous les liens de ce billet) de la part des militants et des spécialistes. Au nom du “développement” entendu comme construction de routes, exploitation minière, usines hydro- électriques et exploitation des ressources naturelles, les tribus indiennes ont perdu tout droit sur les terres qu'elles habitaient depuis des milliers d'années.

Des universitaires comme  Idelber Avelar considèrent que le gouvernement Roussef a été le plus rétrograde dans ses relations avec les Indiens depuis au moins la fin de la dictature militaire (1964-1985), période pendant laquelle  des centaines d'entre eux étaient torturés ou tués au nom de l'État. On pense aux Indiens de la tribu Waimiri-Atroari qui passèrent de 3000 à 1000 personnes de 1972 à 1975, exterminés pour s'être trouvés sur le chemin du progrès et du “miracle économique

Dans l'histoire récente du Brésil, la construction de l’usine hydroélectrique de Belo Monte est peut-être l'exemple le plus emblématique de la violence contre les Indiens dans ce pays. Le 2 mai 2013, les peuples du Rio Xingu (fr), principal fleuve touché par cette réalisation ont envahi le chantier. Parmi eux près de 200 indigènes représentant diverses ethnies, ont proclamé un manifeste dénonçant le climat de violence qui leur était imposé. 

Vous pointez des armes sur nos têtes. Vous installez des camions chargés de soldats sur nos territoires. Vous faites disparaître le poisson. Vous volez les ossements de nos ancêtres enterrés sur nos terres…

Vous faites cela parce que vous avez peur de nous entendre, d'entendre que nous ne voulons pas les barrages, d'entendre surtout pourquoi nous ne voulons pas les barrages.

Canteiro de Belo Monte ocupado em 6 de maio de 2013. Foto de Paygomuyatpu Munduruku, sob licença CC by-sa 2.0

L'occupation du chantier de  Belo Monte, le 6 mai 2013.  Photo de Paygomuyatpu Munduruku, sous licence CC by-sa 2.0

Les Indiens qui occupaient Belo Monte (jusqu'à la nuit du 9 mai) ont reçu l'aide de près de 3000 travailleurs du chantier (sur 6000)  lesquels révélèrent des menaces et firent grève pour dénoncer des conditions de travail et de logement précaires et même des rapts, représaillles et assassinats.

Ruy Sposati, un journaliste, dénonce la violence locale contre la presse et fait un critique de cette entreprise industrielle.

Ce n'est pas une banalité. C'est, dans une démocratie,  l'expulsion de journalistes par l'appareil policier de l'État hors du site de la  construction la plus chère de l'histoire du Brésil… une construction réalisée avec de l'argent public, responsable de grandes répercussions humaines et environnementales, source d'innombrables violations de la loi et cette fin de semaine de l'incroyable nouveauté d'une expulsion des journalistes par des forces de police en pleine démocratie. Il faut savoir que le coût de Belo Monte initialement prévu à 4,5 milliards de Reais en est aujourd'hui à presque 30 milliards (12 milliards d'Euros)

Indígenas invadem canteiro de Belo Monte. Foto de Ruy Sposati, usada com permissão.

Les Indiens envahissent le chantier de Belo Monte. Photo de Ruy Sposati, avec autorisation.

A  Rio de Janeiro, le lieu dédié aux Indigènes Aldeia Maracanã a été récupéré pour devenir lieu de réunion des fans pendant la coupe du monde de 2014 et, à l'avenir Musée Olympique, une décision très critiquée par les Indiens et les militants. Le 26 avril 2013, on a vu des manifestations publiques d’opposition à la confiscation du centre Aldeia Maracanã.

patrickgranja, un utilisateur de Youtube a publié une video témoignant des violences policières contre les manifestants :

Dans le Mato Grosso du Sud, des Indiens Guarani-Kaiowá continuent une lutte pour leur survie malgré le massacre qu'ils subissent du fait des intérêts des éleveurs de bétail, cultivateurs de canne à sucre ou de soja de la région. Ils sont menacées de perdre leurs terres déjà très démembrées à cause de l'influence du lobby des banques rurales au Congrès.

Indígenas despejados da Aldeia Maracanã sob as ordes da presidente Dilma Rousseff, do governador do Rio Sérgio Cabral e do bilionário Eike BAtista, futuro dono do espaço. Cartum de Carlos Latuff, uso livre.

La présidente Dilma Rousseff contemplant les Indiens expulsés par la force du centre Aldeia Maracana  par le gouverneur de l'État de Rio de Janeiro,  Sérgio Cabral, et par le maire de la ville, Eduardo Paes, sous le regard de la mascotte de la Coupe 2014 et du milliardaire Eike Batista, dirigeant de l'entreprise qui a remporté l'appel d'offre pour la gestion privée du Maracanã. Dessin de Carlos Latuff, usage libre

Les Indiens se sont révoltés également contre l’espionnage du mouvement  Xingu Vivo pratiqué par l'agence brésilienne de renseignement (ABIN) et contre l’invasion (fr) des terres des Mundurukus, au Pará, par la Force Nationale et l'Armée, dans le cadre d'une étude sur la faisabilité de la construction d'autres usines hydroélectriques sur le Rio Tapajós, unique grand fleuve de la région encore sans barrages. Craignant de voir leurs terres noyées sous l'eau et leur mode de vie  disparaître, les Mundurukus ont cherché le dialogue, mais ont été  fortement dissuadés par la présence policière. Ils continuent à résister.

Assembleia Munduruku em Jacareacanga. Foto de Ruy Sposati, usada com permissão.

Assemblée Munduruku à Jacareacanga. Photo de Ruy Sposati, avec autorisation.

Le peuple Munduruku dénonce également l'absence des représentants du gouvernement brésilien à la réunion du 25 avril 2013 pendant laquelle les forces de police ont été utilisées comme instrument d'intimidation. C'est ce que raconte le journaliste Ruy Sposati lors d'une entrevue avec Cândido Waro, président de l'association Pusuru, entité représentative des Indiens (texte publié sur le site du Conseil Indigène Missionnaire, le CMI)

Les Indiens disent que pendant trois jours, Jacareacanga a été assiégée. “Les autorités ont fait venir là-bas plus de 200 policiers. Les gens de la ville ont vu arriver au moins cinq camions hélicoptère, fourgons et voitures. Même chose à Itaituba [l'endroit où a commencé l'opération Tapajós]”, explique [Cândido Waro].“

Ils voulaient qu'un groupe de représentants des Indiens sortent du village pour aller les rencontrer dans la ville pleine de policiers. Lors d'une assemblée populaire nous avons refusé cela, demandant seulement à recevoir le gouverneur sur nos terres et sans la présence policière”

“le gouverneur a dit qu'il avait peur d'être attaqué, les villageois dirent qu'ils veilleraient personnellement à la sécurité de tous les officiels. Mais ceux ci déclarèrent qu'il ne rentreraient dans le village qu'en compagnie des forces nationales de la police fédérale selon les recommendation de Gilbero Cavalho du secrétariat général à la présidence de la république !”

L'information selon laquelle des représentants du gouvernement brésilien rencontraient les Indiens a été diffusée sur le site officiel du secrétariat général de la présidence et relatée par les Munduruku dans une lettre ouverte.

Nous exigeons que le gouvernement cesse de tenter de nous diviser et manipuler, de faire pression individuellement sur nos leaders, nos caciques ou les habitants des villages. Nous rappelons que ceux qui représentent officiellement notre peuple sont les coordonnateurs des associations Munkuru appelés Pusuru e Pahyhy.

Nous exigeons également que nos droits constitutionnels soient garantis et non pas utilisés comme monnaie d'échange. Nous continuons à proclamer notre opposition aux barrages, nous voulons des fleuves libres, et nous continuerons à lutter pour cela.

En avril 2013, il y a un mois, des centaines d'Indiens ont investi le Congrès National à Brasilia cherchant à exposer leur revendications, et protestant tout spécialement contre le projet d'amendement constitutionel numéro 215 (PEC 215) transférant le pouvoir de délimitation des terres indigènes de l'exécutif au législatif.