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Ukraine – Kazakhstan, le match du chocolat patriotique

lundi 16 juin 2014 à 22:26
Rakhat

Le chocolat Rakhat (Capture d'écran d'une vidéo Youtube chargée par l'utilisateur Maxim Bykov)

Au Kazakhstan, les “patriotes du chocolat” espèrent que les malheurs de l'Ukraine feront leur bonheur.

Quand la lutte entre Russie et l'Occident pour l'Ukraine s'est allumée l'été dernier, la Russie a éjecté [anglais] sans cérémonie le chocolatier ukrainien Roshen de son marché intérieur. Une décision généralement interprétée à l'époque comme des représailles contre l'engagement de Kiev de signer un accord d'association avec l'Union Européenne au lieu de rejoindre l'alternative de Moscou, l'Union Douanière.

Si l'embargo sur les importations des produits Roshen a été logiquement levé en novembre quand le président ukrainien Viktor Ianoukovitch a cédé à la pression russe en tournant fatalement le dos à l'UE, les choses se sont à nouveau gâtées pour Roshen en mars de cette année quand le Kremlin a fermé [anglais] son usine en Russie un peu plus d'un mois après le renversement de Ianoukovitch par la contestation de Maïdan et quelques jours après le vote de la Crimée pour intégrer la Russie et faire sécession de l'Ukraine par un référendum controversé [anglais]. 

Maintenant que le propriétaire de Roshen Petro Poroshenko est devenu président de l'Ukraine et a réitéré sa caution à la position pro-UE du mouvement Maïdan, l'implantation de Roshen dans le gigantesque marché russe appartient définitivement au passé.

Mais quel rapport avec le Kazakhstan ?

La réponse est dans l'extrême fierté des Kazakhs pour leur chocolat national, fabriqué par le confiseur national Rakhat. Aux Jeux Olympiques de Londres en 2012, l'équipe nationale kazakh de boxe avait même emporté de ce chocolat pour en offrir [russe] aux autres athlètes. Comme l’écrit [russe] un blogueur kazakh :

Когда едешь в другую страну, то хочется привезти что-то что напоминала бы о ней и символизировала ее. Часто из таких путешествий привозят магниты или кружки с названием городов. Конечно, такое можно купить и у нас, но я предложу Вам вариант поинтереснее. Это шоколад со вкусом патриотизма от компании «Рахат».

Quand on va dans un autre pays, on a envie de rapporter quelque chose qui rappelle et symbolise [ce pays]. On rapporte souvent de ces voyages des magnets ou des tasses avec le nom des villes. On peut évidemment les acheter chez nous aussi, mais je vous propose une variante plus intéressante : le chocolat à la saveur de patriotisme de la société Rakhat.

Dans une république déterminée à se débarrasser de la “marque Borat”, Rakhat fait figure de blason

Face à Roshen [russe] avant le début de la crise ukrainienne, plus de 50 % des exportations de Rakhat allaient [russe] au gigantesque marché russe. “D'année en année, le chocolat Rakhat est plus demandé en Russie,” a conclu [russe] l'année dernière Nadiejda Belimenko, directrice marketing de la société. Après le divorce très médiatisé entre Roshen et la Russie, les patriotes chocolatés du Kazakhstan espèrent voir encore monter leur part de marché.   

Rakhat's patriotic brands "Astana" and "Kazakhstan". (Screenshot taken from a Youtube video uploaded by user Maxim Bykov).

Les marques patriotiques de Rakhat “Astana” et “Kazakhstan”. (Capture d'écran de la vidéo Youtube video chargée par l'utilisateur Maxim Bykov)

Le 11 juin, un article très lu de la plate-forme d'actualités kazakh nur.kz a évoqué [russe] la possibilité que les industries du Kazakhstan bénéficient de la mauvaise passe russo-ukrainienne. Le Kazakhstan n'est-il pas membre à part entière de l'Union Douanière pilotée par la Russie (qui va devenir prochainement l'Union économique eurasienne) que Maïdan a rejetée à grands cris et finalement avec succès.

Mais dans les commentaires sous l'article, ce qui a le plus intéressé [russe] les citoyens du Kazakhstan, ce sont les conséquences du schisme Kiev-Moscou pour le chocolat Rakhat :

 Ай молодцы! Завалим Россию Рахатом!!!! Я только за!  

Génial ! On va inonder la Russie de [chocolat] Rakhat !!!! Je suis aussi pour !

 
Un autre commentateur a proclamé [russe] la supériorité du chocolat et de la vodka kazakhes sur leurs concurrents russes : 
 

Я когда еду в гости в Россию, всегда везу с собой шоколад “Казахстан” рахатовский и водку “Хаома” пр-ва “КокшеМинВоды”. Ни один шоколад и водка российского производства не сравнятся с нашими. Реально, люди пробуют шоколад и говорят “вкус детства”.

Quand je suis invité en Russie, j'emporte toujours avec moi du chocolat “Kazakhstan” de Rakhat et de la vodka kazakhe “Khaoma”. Ni le chocolat ni la vodka de production russe ne peuvent rivaliser avec les nôtres. Vraiment, les gens goûtent [notre] chocolat et disent “le goût de l'enfance.”

 
Mais la discussion a aussi porté [russe] sur l'impossibilité pour Rakhat et le Kazakhstan de marquer des points dans la guerre du chocolat actuelle en Eurasie :
 
У Рошена огромный ассортимент – у наших такого нет. Надо расширять и НЕ покупать рошен!

Roshen a une énorme gamme [de chocolats] – et pas nous. Nous devons nous développer et NE PAS racheter Roshen.

 
Un commentateur du nom de Eset Batyr fait un retour historique [russe] sur les injustices supposées de la politique industrielle soviétique, qui selon lui a placé les républiques asiatiques [de l'U.R.S.S.] comme le Kazakhstan en situation d'infériorité par rapport aux républiques occidentales comme l'Ukraine :
 
В свое время СССР поставил не на ту карту – думал свои, славяне и понастроил там много заводов и фабрик для производства конечного продукта. А нам дали полигоны и добывающие заводы.

En son temps l'Union Soviétique a misé sur le mauvais cheval. Ils ont vu les Slaves comme les leurs, et ont construit là de nombreuses usines de produits finis. Et nous, on nous a donné les polygones [nucléaires] et les industries extractives.

 
D'autres ont relevé que la Russie avait ses propres chocolatiers également prêts à combler le vide laissé par Roshen. Qui plus est, Rashat n'est plus propriété nationale du Kazakhstan au sens strict. Certaines tablettes de la gamme Rakhat ont beau être revêtues du drapeau kazakh et autres emblèmes nationaux, c'est un consortium d'entreprises étrangères qui a acquis une part majoritaire de la société au début de l'année [russe] : la société sud-coréenne Lotte possède actuellement 76.25 % du capital de Rakhat. 
 
Un lecteur anonyme a amèrement commenté [russe] : 
 
  Корейцы купили Рахат для рынка Китая. 

Les Coréens ont acheté Rakhat pour le marché chinois. 

 
Si l'éclat du patriotisme chocolatier du Kazakhstan en est un peu terni, sa position stratégique entre deux marchés géants peut finalement être plus utile à Rakhat et au Kazakhstan que celle de Roshen pour l'Ukraine. Anatoly Nikolaev, président de Zarubej-Expo, un lobby industriel russe, observe [russe] :
 

Товарооборот между нашими странами достиг 26,5 млрд долларов. Сейчас значение Казахстана для России все больше и больше растет в силу известных событий в Украине. Россия все больше ориентируется на восток, на Китай. А Казахстан – это естественный мост между Россией и Китаем”.

Le commerce entre [la Russie et le Kazakhstan] a atteint 26,5 milliards de dollars. A présent l'importance du Kazakhstan pour la Russie augmente de plus en plus du fait des événements actuels en Ukraine. La Russie s'oriente de plus en plus vers l'Est, vers la Chine. Et le Kazakhstan est un pont naturel entre la Russie et la Chine.

 

Vinegret et 4 autres vidéos qui vous aideront à devenir un MasterChef russe

lundi 16 juin 2014 à 21:48

La cuisine russe est couramment associée aux pelmeni, blinis, et à la vodka. Mais au fil des générations, les Russes ont pris plaisir à cuisiner un plus large éventail de plats nationaux. Alors que la cuisine est une tradition chérie par les Russes, de nombreuses familles (en particulier lorsque les grands-parents sont présents) s'assoient autour de la table et mangent ensemble. L'article ci-dessous décrit quelques plats moins familiers des non-Russes. Pour chaque repas, vous trouverez une vidéo présentant la préparation des mets en question.

1. Vinegret

Commençons avec l'apéritif. La vinegret [français] est une salade composée de betteraves, pommes de terre, concombres marinés, et d'autres ingrédients encore. Elle est actuellement populaire en Russie et en Ukraine sous sa forme présente, bien qu'elle ait émigré de Scandinavie au XIXème siècle, et ait perdu quelques ingrédients en cours de route, pour en acquérir d'autres. (Détail amusant : la vinaigrette [français] n'a presque rien en commun avec la vinegret russe).

2. Okrochka

L'okrochka [français] se situe entre la salade et la soupe, et est appelée “soupe froide”. Elle comprend de la viande coupée en dés (ou du poisson), des légumes (comme des pommes de terre ou des carottes), des herbes, et enfin du kvas [français] (une boisson à base de pain fermenté habituellement consommée dans les pays slaves). L'okrochka est préparée lors des chaleurs d'été, lorsque personne ne souhaite manger quelques chose de chaud. La blogueuse ira_plyushkina partage ses souvenirs d'enfance à travers son billet “Que serait un été sans okrochka ?“.

3. Chtchi

Passons au plat principal: une soupe. Le chtchi [français] est une soupe faite à base de chou, de viande, de carottes, et d'assaisonnements. Il ne s'agit que des ingrédients principaux, de nombreuses déclinaisons étant possibles. Certaines personnes ajoutent des champignons ; d'autres remplacent le chou par l'oseille, tandis que l'on peut également ajouter des pommes. Mais il ne s'agit que d'une seule sorte de soupe – aussi étrange que cela puisse paraître.

4. Koulitch

Contrairement aux mets précédents, qui ne sont que des plats ordinaires, le koulitch [français] est un gâteau traditionnel préparé dans le cadre de Pâques. Il ne s'agit que l'une des variétés des repas de Pâques, répandus dans le centre et le nord de la Russie. Par le passé, chaque famille faisait cuire un koulitch et l'amenait à l'église pour qu'il soit béni. Dorénavant, la plupart des gens l'achètent au magasin, où le gâteau est vendu avant les vacances. Le koulitch demeure populaire, même pour ceux qui ne sont pas de confession orthodoxe.

5. Pommes marinées

Ce repas a été largement oublié des Russes citadins. Par le passé, les paysans trempaient les pommes dans des barriques en chêne pour les stocker pendant l'hiver. (Hélas, ils n'avaient pas de réfrigérateurs !). L'utilisatrice arfagrafia de LiveJournal, par exemple, parle de son enfance, avant que la Russie n'importe des légumes et des fruits. Dans les magasins, “le sol était fait de pierres, les rayons étaient en bois, et ils disposaient de très grandes cuves”. Mais aujourd'hui, elle regrette “qu'il n'y ait plus de pommes marinées nulle part !”. Malgré la présence d'appareils ménagers et de fruits importés, nombreux sont ceux qui en Russie continuent de macérer les pommes chez eux. De quoi préparer un plat savoureux !

Image de vignette de Loyna, Wikimedia Commons, CC-BY-SA-2.5.

L'antilope du Kazakhstan qui prédit le vainqueur de la Coupe du Monde …

lundi 16 juin 2014 à 14:06

Le blog le plus espiègle et satirique du Kazakhstan, Kazaxia, a repris du service, et annonce qu'une antilope, le saiga, a pratiquement ruiné les bookmakers du monde entier en prédisant qui serait l'équipe gagnante de la Coupe du Monde 2014. Comme Kazaxia l'explique:

Un chamane a contacté kazaxia pour lui parler de l'antilope extra-lucide : elle pointe une corne vers l'un des os d'agneaux gravés des drapeaux des équipes participantes pour désigner le vainqueur.  L'antilope (qui n'a pas de nom) prédit que l'Argentine va triompher sur l'Angleterre durant le match final. Le Brésil et l'Allemagne n'auront pas de chance, et seront demi-finalistes. Les Allemands obtiendront la troisième place, au penalty. 

Pour le match d'ouverture de la Coupe entre le Brésil et la Croatie, l'antilope au long museau a refusé de choisir un des deux os, ce qui pouvait signifier un match nul. Pour plus de prédictions venues de la taïga, vous pouvez suivre le compte Twitter @psychicsaiga.

Les Saigas paissaient autrefois dans les steppes eurasiennes, des contreforts des monts de Carpathe au Caucase et jusqu'en Mongolie et Dzungarie. Ils sont actuellement en grand danger d'extinction. Leurs troupeaux ne se trouvent plus que dans certaines zones du Kazakhstan, de Russie, d'Ouzbékistan et du Turkmenistan. 

Pas très charitable (étant donné que cette créature imaginaire des steppes veut d'abord attirer l'attention sur le danger d'extinction totale de l'espèce) @pte_leonard a commenté :

 

Psychic Saiga (@psychicsaiga) au Kazakhstan a prédit que l'Angleterre serait l'un des deux finalistes de la Coupe du Monde http://t.co/HGqqqEfwcx Pas seulement en danger d'extinction : stupide.

— pete_leonard (@pete_leonard) June 12, 2014

L'accès aux médias sociaux débloqué en Irak, mais doit-on craindre le pire?

lundi 16 juin 2014 à 12:07
The Iraqi Ministry of Communications blocked social media sites yesterday. This message states that Twitter has been blocked "due to the security situation in Iraq." Photo source: Collin Anderson, shared on Twitter

Le ministre irakien de la Communication a bloqué les réseaux sociaux récemment. Ce message informe que Twitter est bloqué “pour des raisons de sécurité dues à la situation en Irak”.  Photo : Collin Anderson,partagée sur Twitter

[Sauf indication contraire, les liens dirigent vers des sites en anglais]

Des informations circulent en ligne sur la levée partielle du blocage des principaux réseaux sociaux et sites internet en Irak. Global Voices Advocacy  a rapporté récemment que le ministre irakien de la Communication avait ordonné aux fournisseurs d'accès de fermer Facebook, Twitter et YouTube, entre autres sites, ainsi que des services tels que Skype, et des applications comme Viber et WhatsApp. Quelques minutes avant la publication de cet article, le blogueur irakien Hamzoz nous informait que [ar]:

Jazeera Net a levé le blocage des sites et des applications, mais Earthlink, qui est plus important, ne l'a pas encore fait et bloque toujours les sites.

De son côté l'activiste libanais Mohamed Najem avertit:

Il semble que le blocage des médias sociaux soit maintenant terminé en #Iraq, mais on craint que le gouvernement ne ferme l'accès à internet! #insm_iq — Mohamad محمد (@MoNajem

Selon le journaliste Martin Chulov, Facebook a été fermé en Irak pour empêcher les membres de “l'Etat Islamique d'Irak et de Syrie”, qui se battent actuellement en Irak, “de s'organiser et de se mobiliser”. Une autre explication est donnée sur la page Facebook du ministre de la Communication irakien qui a posté un message [ar] le 15 juin pour annoncer la prochaine fermeture progressive de l'accès à internet en Irak à partir du 15 juin pour “l'entretien des câbles en fibre optique”. On ne sait pas clairement si les blocages constatés sont entrainés par ces projets.

Grâce au ‘jeitinho’ brésilien, des hameaux sans électricité ont finalement la lumière

dimanche 15 juin 2014 à 17:57

 

Francimar de Oliveira era o único de Serra da Estrela que assistia ao amistoso do Brasil contra a África do Sul, após instalar placas de energia solar no telhado. Foto: Agência Pública

Francimar de Oliveira était le seul à Serra da Estrela à assister au match amical entre le Brésil et l'Afrique du Sud, grâce à l'installation de panneaux solaires sur son toit. Photo: Agência Pública

Cet article, de Rafael Luis Azevedo, a d'abord été publié sur le site de l'Agência Pública et ensuite édité pour Global Voices en version réduite. II sera, ici, présenté en deux parties, dont voici la première. 
Sauf mention contraire, tous les liens mènent à des pages en portugais.

À partir du12 juin, le jour de l'ouverture de la Coupe du Monde, Global Voices entame la publication d'une séries de textes sur les villes et villages brésiliens, pour montrer ce qui n'apparaitra sans doute pas au cours des 90 minutes des match de football sur les télévisions du monde entier.

Fortunato et ses voisins de Saboeiro, ne verront pas la Coupe du Monde au Brésil, ni de près, ni de loin. Chez eux, tout comme chez 960 000 autres brésiliens, l'électricité n'est toujours pas arrivée. Mais la situation a déjà été bien pire. Avant le lancement du programme Luz para Todos [Lumière pour Tous], c'était quasiment la moitié de la population de Saboeiro qui n'avait pas l'électricité. Le rôle de la préfecture est de recenser les communautés qui ne disposent pas du service puis de les communiquer à la compagnie responsable, mais le besoin se heurte toujours aux coûts et à la bureaucratie. Pourtant, ainsi que le rappelle l'agent administratif du conseiller municipal à l'agriculture de Saboeiro, Francisco Bezerra :

Não é uma obra barata, é fato. Mas é um custo que impede outros gastos lá na frente. Afinal, como se combate o êxodo rural sem oferecer condições dignas de vida no campo?

Il s'agit d'un budget énorme, c'est un fait. Mais c'est un coût qui en compense un autre dans l'avenir. Après tout, comment lutter contre l'exode rural sans offrir des conditions de vie dignes à la campagne?

En 11 ans, 16 milliards de reais (quelques 5,16 milliards d'Euros) ont déjà été investis dans le programme Luz para Todos à travers le pays. D'ici la fin de l'année, le gouvernement fédéral doit ouvrir une nouvelle enquête pour savoir qui ne dispose toujours pas du service. Mais, fatigués d'attendre, certains citoyens trouvent seuls leur propre solution, avec ce fameux jeitinho, que tous les Brésiliens ont en commun.

Francimar de Oliveira a fait connaissance avec l'énergie électrique lors d'un voyage à São Paulo, où il a travaillé dans le BTP. Depuis 2007, il n'est plus jamais reparti de Serra da Estrela, grâce au programme Bolsa Família. Avec les économies ainsi réalisées, l'agriculteur a investi dans une technologie dont sa fille avait entendu parler à l'école. Pour deux mille reais (660 Euros), il a installé deux panneaux d'énergie solaire sur son toit.  

Le système fonctionne sur la base de l'improvisation.  L'énergie passe par des fils introduits dans le mur et alimente une batterie de camion. La charge accumulée permet de faire fonctionner la télévision, que la famille possédait déjà depuis deux ans, pour le jour où arriveraient les pylônes tant attendus. Francimar se félicite :

A gente ainda não tem uma geladeira para realizar o sonho de beber água gelada, mas já dá pra ter um contato com o resto do mundo.

On a toujours pas de frigo pour réaliser notre rêve de boire de l'eau glacée, mais on peut déjà avoir un contact avec le reste du monde.

Supporter du club de foot de Fortaleza, sa maison était la seule de la région où l'on pouvait voir le match amical de préparation à la Coupe du Monde entre le Brésil et l'Afrique du Sud, qui a eu lieu le 5 mars. Le voisinage, celui qui n'est toujours pas au courant que cette nouveauté se trouve si près de chez eux et qui s'intéresse quelque peu au football, a du se contenter des commentaires sur son transistor. Et il compare: 

O dinheiro que gastei é muito para gente pobre como eu, mas não é nada para um governo. Colocar placas dessas aqui na comunidade sairia mais barato do que trazer postes até aqui em cima.

L'argent que j'ai dépensé représente beaucoup pour un pauvre comme moi, mais il ne représente rien pour un gouvernement. Installer des panneaux comme ça dans la communauté, reviendrait bien moins cher que faire venir une ligne et des pylônes jusqu'ici.

La Coupe du Monde jusqu'à Cafundó et Escondido

Personne n'oublie sa première Coupe du Monde. Pour la majorité d'entre nous, c'est un souvenir d'enfance. Dans certains recoins des fins fonds du Brésil, celle-ci sera justement la première. Deux d'entre eux ont des noms bien curieux : Cafundó [NdT: Que l'on pourrait, si l'on osait, traduire par "trou du cul du monde" ou plus proprement "bled"] et Escondido [NdT: Caché]. Communautés quilombolas de Choró, à 175 km de Fortaleza, elles ont reçu l'électricité il y a trois ans, juste après le dernier Mondial en Afrique du sud.

As antenas parabólicas destoam das casas simples em Cafundó. Foto: Agência Pública

Des antennes paraboliques sur de simples bicoques à Cafundó : deux mondes qui s'entrechoquent. Photo: Agência Pública

Les habitants n'oublieront jamais ce 20 décembre 2011. Les 35 familles des deux communautés du sertão du Ceará, toutes parentes à des degrés divers, ont toujours caressé le rêve que leurs nuits soient enfin illuminées. Les pylônes sont arrivés par les airs, grâce aux hélicoptères. C'était le seul moyen, pour la Compagnie Énergétique du Ceará (Coelce) de réaliser le projet d'électrification de la zone.

Cafundó et Escondido, tout comme d'autres communautés formées de descendants d'esclaves en fuite, sont deux des plus isolées du pays. Sans possibilité d'accès, que ce soit en voiture en camion ou à moto, ils ont ainsi vécu pratiquement oubliés jusqu'au 21è siècle. Le programme Bolsa Família et l'arrivée de l'électricité ont favorisé le ralentissement de l'exode rural.  Les habitants ont enfin pu compter sur un revenu mensuel assuré, qui vient compléter celui de la culture de subsistance, et goûter aux plaisirs de la technologie. Des personnes telles que Dionísio de Oliveira, 48 ans, ont reçu un poste de télévision de la compagnie d'électricité : 

A vida aqui melhorou muito. No meu tempo, eu trabalhava um dia inteiro para conseguir uma xícara de açúcar para a garapa deles [água com açúcar, bebida comum entre os pobres do interior do Nordeste]. Hoje, um dia de trabalho rende um saco de açúcar para o leite dos filhos deles.

La vie, ici, s'est beaucoup améliorée. De mon temps, je devais travailler toute la journée pour gagner la cuillère de sucre de leur garapa [de l'eau un peu sucrée, qui constitue souvent la base de la nourriture des populations pauvres du Nordeste]. Aujourd'hui, le même jour de travail permet de gagner un paquet de sucre pour le lait des  enfants.

L'accès aux biens de consommation est loin d'avoir résolu tous les problèmes. L'isolement, la distance avec le reste du monde constitue toujours un obstacle. José de Arimatéia qui est né ici, s'amuse de la situation:

Não é à toa o nome. As pessoas vivem escondidas mesmo. 

Le nom, c'est pas pour rien. On vit caché, vraiment. 

Né à Cafundó, l'ex-agriculteur a renoncé à la vie familiale en 2010. Il a vendu sa maison à un parent, pour 200 reais [66 Euros] et en a loué une autre dans la ville de Choró, pour 70 Réais [23 Euros] à l'époque, Il raconte:

Cansei de subir e descer aquilo ali. É muito desgastante. Imagine então o sofrimento de crianças e idosos.

J'en pouvais plus de monter et descendre ce truc, là. C'est vraiment crevant. Alors imaginez la souffrances des enfants et des personnes âgées.

Au pied de la montagne, un vieux panneaux déjà rouillé annonce le projet d'électrification. Le chantier a coûté 797 mille reais (équivalent à 265 mille Euros) au programme Luz para Todos. Pour permettre leurs transports par hélicoptères, les pylônes ont été fabriqués en fibres de verres. Il n'existe pas d'éclairage public, et, c'est pour cela que les clients, disposant tous de peu de revenus, paient en moyenne 5 Réais (ou 1,65 Euro) par mois. La mesure de consommation est faite par un des habitants qui s'occupe aussi de l'école.

L'arrivée de l'énergie électrique a amené d'autres aubaines des temps nouveaux:  les téléphones portables. Le village ne dispose encore pas de la technologie 3G, mais de la ‘vieille’ 2G. Quand on est en train de naviguer sur internet, un simple appel téléphonique interrompt la connexion.

Malgré les horizons nouveaux ouverts par la technologie, il y a encore des gens qui n'ont pas de contact avec l'extérieur. L'agriculteur Antônio Preto, de 74 ans, par exemple, n'imagine même pas ce que peut bien être la seleção brésilienne.

Minha vida sempre foi de casa pra roça, da roça pra casa.

Ma vie a toujours été comme ça, de la maison au champs, du champs à la maison.

Mais aujourd'hui, il est devenu une exception. Presque tous les habitants ont la télé, et qui ne l'a pas encore se prépare à marcher par monts et par vaux pour aller voir les matches chez un voisin.

Vraiment, personne ne mérite ça. Ni les familles de Cafundó et Escondido, ni les 242.000 qui n'ont toujours pas l'énergie électrique au Brésil.