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Instantanés culturels n° 8 : Les femmes au Canada

vendredi 4 mai 2018 à 14:48

Articles courts sur le cadrage des informations culturelles dans les médias, en petites doses

 

Photo de aoreste sur Pixabay. CC0 Creative Commons.

Les “Instantanés Culturels” de NewsFrames sont une série d'articles qui examinent comment les attitudes, coutumes et croyances se manifestent dans le traitement de l'information. Nous posons des questions sur la manière dont les discussions autour de certains sujets sont cadrées et ce que peut signifier ce cadrage.

Juste après la commémoration de la Journée internationale de la femme, il nous a semblé intéressant d’enquêter sur la représentation des femmes dans les médias. Notre attention s’est portée sur le Canada où une étude récente a classé ce pays parmi les dix meilleurs pour les femmes (sur les 153 pays que comptait la liste) en ce qui concerne la paix, la sécurité, l’insertion et la justice.

De plus, nous avons trouvé d’autres indices de développement humain qui évaluaient la promotion de la femme au Canada, ainsi que des enquêtes et des articles consacrés à la qualité de vie, les perspectives d’emploi, la liberté et les rôles de genre [fr], qui laisseraient supposer que beaucoup considèrent le Canada comme un pays où il fait bon vivre et travailler pour les femmes.

Après avoir analysé ces études, nous avons voulu savoir quelle optique utilisaient les médias pour représenter les femmes au Canada, et observer sous quelles formes le sujet était traité. Dans cet Instantané culturel, nous avons examiné comment les médias canadiens de langue anglaise représentent les femmes et nous nous sommes posé les questions suivantes :  à quoi ressemble l’image de la femme dans les médias d’un pays qui figure parmi les meilleurs pour elles ? Est-ce que tous les problèmes ont été pris en considération dans les articles cités précédemment ?

Alors, que disent exactement les médias canadiens à propos des femmes ?

Pour explorer ce thème, nous avons utilisé l’outil d’analyse de médias Media Cloud qui nous a permis de trouver les termes le plus fréquemment associés au mot « femmes » dans l’environnement des médias canadiens anglophones.

Qu’est-ce que Media Cloud ?

Media Cloud est une plateforme open source développée par le Center for Civic Media du MIT et le Berkman Klein Center for Internet and Society de Harvard. Media Cloud a pour objet d'agréger, analyser, livrer et visualiser l'information tout en répondant à des questions quantitatives et qualitatives complexes sur le contenu des médias en ligne.

Le nuage de mots suivant montre les mots clés apparus avec le terme « femmes » dans un échantillon d’articles de la presse écrite et numérique canadienne, pour une période allant de février 2017 à février 2018. Plus le mot est grand dans le nuage, plus sa fréquence d’apparition dans l’échantillon de la base de données de Media Cloud, composée d’articles de journaux, de blogs et d’autres moyens de communication, est élevée.

Ce nuage de mots représente les thèmes apparus avec le mot « femmes » par ordre de prévalence, pour un échantillon d’articles de sources canadiennes anglophones de Media Cloud de février 2017 à février 2018 (requête originale). Cliquer ici pour agrandir l’image.

La première chose que l’on remarque en regardant ce nuage de mots (qui est le résultat d’un échantillon de 210 921 articles et textes extraits de moyens de communication canadiens qui composent les collections de Media Cloud au niveau national et provincial), c’est que, même si le Canada arrive en haut du classement pour le bien-être des femmes et est considéré comme un endroit où il fait bon vivre pour les femmes, la réalité présentée par le cadrage des médias canadiens anglophones est loin d’être aussi idyllique. Ainsi, on peut voir que des termes comme égalité et émancipation n’apparaissent qu’au milieu ou à la fin du nuage, alors que d’autres comme violenceplainte, harcèlementattaqueassassinatabusaccusationvictimes et viol s’imposent dans la recherche. L’évaluation attentive de certains articles qui utilisent ces termes fait ressortir des perspectives intéressantes sur les constructions narratives choisies par les médias pour traiter les problèmes qui concernent les femmes.

Violence et abus

On s’aperçoit que les articles qui contiennent les termes abus et violence ont tendance à porter sur un grand nombre de problèmes. Le premier sujet détecté qui revient fréquemment est lié à la violence domestique :

Les femmes de la communauté inuit partagent des histoires d’abus dans le cadre d’une campagne pour mettre fin à la violence domestique.

11 octobre 2017 — CBC

Un groupe de femmes du Nunatsiavut a réalisé deux vidéos dans le cadre d’une campagne pour mettre fin à la violence domestique dans les communautés inuit. La directrice générale de l’association, Kim Campbell-McLean, a déclaré que la violence domestique dans sa communauté est très stigmatisée et trop fréquente.

Un groupe demande au gouvernement du Québec de consacrer des fonds supplémentaires aux affaires de violence conjugale

25 mars 2017 — Montreal Gazette

Après l’homicide d’une adolescente de Mont-St-Hilaire, une organisation de femmes demande au gouvernement provincial de s’attaquer au problème et de rédiger un protocole formel pour les affaires de violence conjugale. Le groupe a déclaré qu’il est impératif que les femmes qui subissent des violences de la part de leur conjoint reçoivent toute l’assistance nécessaire.

Même si de nombreux articles évoquent le travail réalisé pour aider les victimes, comme des campagnes, divers projets et des refuges, on y décrypte un message sous-jacent qui met l’accent sur la nécessité d’améliorer l’aide et l’assistance légale offertes aux victimes.

Quoique plus rares, les autres thèmes associés à ces termes concernent la maltraitance en ligne et le cyber-harcèlement, la consommation de drogues et la violence dont les femmes et les enfants sont si souvent les victimes, au Canada ou ailleurs. Il est important de noter que ce dernier sujet, qui traite de la couverture médiatique de la violence à l’encontre des femmes dans les autres pays ne contredit pas nécessairement les affirmations des enquêtes et des articles. Cela soulève cependant une question intéressante sur la façon dont la couverture des médias canadiens de langue anglaise s’inscrit dans un débat plus vaste sur la violence envers les femmes à l’échelle mondiale.

Harcèlement

Alors que les articles mentionnant les mots abus et violence traitent d’une large palette de problèmes, ceux qui emploient le terme harcèlement ont tendance à traiter de sujets plus spécifiques, et en grande majorité, du milieu professionnel. Certains articles abordent notamment le débat en cours sur le harcèlement sexuel dans différents secteurs professionnels, allant des serveuses aux policières en passant par les étudiantes :

D’après une enquête de l’Université de Victoria, les serveuses sont plus exposées au harcèlement sexuel au travail 
9 février 2017 — Global News 

Les serveuses doivent endurer de nombreuses situations de harcèlement sexuel au travail, d’après une enquête à Victoria. « J’ai entendu des histoires de clients qui parlaient de leur vie sexuelle, faisaient des blagues sexistes ou des insinuations et allaient même parfois jusqu'à des attouchements sexuels », raconte Kaitlyn Matulewicz, étudiante en doctorat de l’Université de Victoria.

La démission publique d’une policière de Calgary relance le débat sur le harcèlement et l’intimidation dans la police
1° février 2017 — CBC(Marlene) Hope et (Jen) Magnus font partie d’un groupe de femmes policières qui se sont réunies ces derniers mois pour parler des problèmes sur leur lieu de travail. En annonçant sa démission hier, Magnus a déclaré à la commission avoir déposé une plainte, avec une autre policière, qui a abouti à un audit des ressources humaines, lancé en 2013 par son ancien chef Rick Hanson, pour enquêter sur la culture (collective) au sein de la police de Calgary. Ce rapport de 29 pages a vu le jour en 2016. Il a mis en évidence des preuves d’une culture de brimades, de harcèlement, d’intimidation et de représailles.

Nous avons remarqué aussi que certains articles qui mentionnaient le terme harcèlement se concentraient ou faisaient référence au mouvement #MeToo (Moi aussi), qui incite les femmes à se manifester contre la violence et le harcèlement sexuel. Dès qu’il s’est converti en phénomène viral en octobre 2017 dans le cadre des plaintes contre Harvey Weinstein et autres personnalités, le mouvement a été le point de départ d’une tendance mondiale qui incite à parler ouvertement du harcèlement en général. La mention de cette campagne dans des articles, à côté du mot Weinstein, suggère que la prévalence du thème du harcèlement dans les médias canadiens de langue anglaise pourrait être reliée dans une certaine mesure, à l’importance que ce travail a reconnue au harcèlement sexuel en milieu professionnel.

Assassinat

Assassinée est un des autres termes apparus dans le nuage de mots. Nous nous sommes rendu compte, en recherchant les articles liés à ce terme, que beaucoup d’entre eux provenaient de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, dont l’objectif est de se pencher sur « les causes systémiques de toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles autochtones au Canada en analysant les modèles et les facteurs sous-jacents », et de comprendre les raisons dont découlent les morts et les disparitions de ces femmes :

Il faut que justice soit faite pour les femmes indigènes disparues et assassinées et leurs familles

30 novembre 2017, Alberta Native News 

Des inspecteurs se rendent dans des communautés en Alberta, Nouvelle-Écosse, Manitoba, Colombie-Britannique et Yukon pour parler aux victimes survivantes et étudier les circonstances des décès et des disparitions de centaines de femmes et enfants indigènes ces dernières décennies. Dès qu’ils auront terminé les entretiens, la Commission préparera un rapport incluant leurs recommandations pour promouvoir une plus grande sécurité et une meilleure santé des communautés.

Le fait que le terme assassinée apparaisse surtout dans des articles liées aux femmes des premières nations laisse aussi supposer que la situation n’est pas la même pour toutes les femmes dans ce pays. Les femmes indigènes et des premières nations, notamment, ainsi que les migrantes, peuvent être amenées à affronter des problèmes spécifiques qui échappent au référentiel du bien-être des femmes à l’échelle nationale.

Que nous révèlent ces résultats ?

Selon notre recherche, même s’il est probable que le Canada dispose d’une bonne réputation internationale pour le cadre de vie qu’il offre aux femmes et que la situation des femmes dans ce pays semble bien meilleure qu’ailleurs, la couverture médiatique nationale anglophone indique que certains problèmes existent qu’il faut encore résoudre.

Pour résumer, cette enquête nous apporte plus d’interrogations que de réponses : si le Canada est réellement un endroit parfait pour les femmes, pourquoi les thèmes dominants sont-ils si négatifs ? Existe-t-il une importante différence dans la façon de parler des femmes des premières nations et autochtones, et aussi des migrantes ? Que disent les médias francophones sur les femmes dans ce pays ? Et pour reprendre la question précédente, quid de la couverture médiatique des femmes dans les autres pays à l’échelle mondiale ? Trouve-t-on des similitudes entre les médias canadiens et ceux d’autres pays moins bien classés dans la liste citée en début d’article ?

En conclusion, la question est peut-être plus simple : quelle couverture doit-on donner aux femmes dans les pays démocratiques que nous voulons soutenir ?

Nous espérons continuer nos recherches sur ces questions dans nos prochaines publications.

Le cardinal George Pell va être jugé en Australie pour agressions sexuelles présumées

jeudi 3 mai 2018 à 23:08
George Pell Committal Hearing

George Pell arrive au tribunal pour une audience de renvoi en jugement. Capture d'écran d'une vidéo de Guardian News

Haut responsable du Vatican, le cardinal australien George Pell va être jugé en Australie pour de présumées agressions sexuelles multiples remontant aussi loin qu'aux années 1970. La magistrate de Melbourne Belinda Wallington a rendu sa décision après une longue audience de renvoi en jugement qui a rejeté plusieurs autres charges.

Le cardinal a plaidé non coupable. Numéro trois du Vatican, chargé des finances de l’Église, il est appelé le “trésorier” du pape. Il est actuellement en congé de longue durée.

Le chemin a été long jusqu'ici. En 2016, Pell a déclenché la controverse en refusant de quitter Rome pour rentrer en Australie et y être auditionné par la Commission royale sur les réponses institutionnelles aux abus sexuels d'enfants au sujet de son rôle dans les dissimulations présumées de l’Église catholique. Il avait alors témoigné par vidéo-conférence.

Épisode apparemment indépendant, Pell a été accusé d’agressions sexuelles anciennes par la police du Victoria en juin 2017.

Il n'empêche, beaucoup ont vu des liens étroits entre les affaires :

J'attends toujours que le cardinal George Pell soit accusé d'avoir en toute connaissance de cause couvert et facilité les abus d'enfants commis par d'autres.
Tant de pédophiles ont été protégés ou simplement transférés dans une autre paroisse.
Qu'on le fasse !

Flash info : Le cardinal George Pell va passer en jugement pour les agressions sexuelles à Ballarat. #Mal
Honteux qu'on ne le poursuive pas aussi pour tout le mal qu'il a aidé à couvrir

A son entrée au tribunal, Pell a été hué par l'assistance aux cris de “Tu ne te cacheras nulle part aujourd'hui, George”.

La réaction sur les médias sociaux n'a pas tardé. Beaucoup sur Twitter étaient clairement du côté des victimes d'abus sexuels, et ont estimé Pell coupable. Certains, comme Lauren Ingram, voient l'engagement du procès comme la justification de ceux qui ont osé parler :

J'envoie de l'amour à toutes ces victimes qui vont témoigner. Il faut une immense force pour se lever ainsi. Ce procès envoie un message d'une grande force aux autres victimes d'abus sexuels d'enfants. A chacun de vous ici, mes messages directs sont toujours ouverts.

En contraste, Callum Ramsay a défendu le droit de Pell à un procès équitable :

Ne pas oublier que le cardinal Pell a droit à la présomption d'innocence jusqu'à ce qu'il soit reconnu ou non coupable par un tribunal… à moins évidemment que les guerriers du clavier vous aient convaincu du contraire

Il a néanmoins été l'un des rares à offrir leur soutien en ligne quand la nouvelle a été connue.

Tout le monde n'est pas convaincu que la justice l'emportera. Cette note de de scepticisme est venue de Rita El Daghl :

Le procès du cardinal Pell comportera à n'en pas douter une litanie de diagnostics médicaux de maladies dont la perte de mémoire ne sera pas la moindre

“Ming the Merciless” (Ming l'impitoyable) est du même avis :

Après plus de 30 ans de manœuvres dilatoires, d'obstruction et de dénigrement des victimes par l’Église, ceux dont on a abusé (c'est-à-dire, ceux qui vivent encore) auront leur jour au tribunal – mais n'attendez pas de justice pour les moins puissants de la part de notre système accusatoire.

La procédure pourrait durer plus d'une année. Il y a des interrogations sur l'avenir de Pell dans la hiérarchie ecclésiastique, et notamment sur l'ampleur du soutien qu'il a du pape François (@Pontifex);

Le procès pourrait ne s'ouvrir que dans un an. Pell a 76 ans, et va presque certainement rester indéfiniment en Australie. Sa démission de ses fonctions au Vatican pourrait être acceptée par le pape avant le procès.

Toutefois, une telle démission pourrait ne pas intervenir à ce stade, à en croire le communiqué de presse du Vatican :

Le Vatican dit avoir “pris note” de la décision de juger le cardinal Pell pour des agressions sexuelles anciennes mais souligne que son “congé” de ses fonctions de supervision des finances du Saint Siège [pour se défendre des accusations] “est toujours en place.” En d'autres termes : la justice doit suivre son cours jusqu'au jugement.

Pour en savoir plus sur Pell et les derniers développements, lire sur Global Voices [en anglais] :

Les infortunes de la ‘génération Windrush’ d'Angleterre profondément ressenties à travers la Caraïbe

mercredi 2 mai 2018 à 17:04

Le SS Monte Rosa était en paquebot de ligne lancé en Allemagne en 1930. Pendant la 2e guerre mondiale, ce fut un navire de transport de troupes. A la fin de la guerre, il fut acheté par le Royaume-Uni et rebaptisé Empire Windrush. Le navire est connu pour avoir amené les premiers grands groupes d'immigrants des colonies britanniques de la Caraïbe au Royaume-Uni en 1948, d'où le nom de “Génération Windrush”. Photo par l'utilisateur de Flickr Alan, CC BY-NC-ND 2.0.

Le 21 juin 1948, le navire britannique de transport de troupes HMT Empire Windrush jeta l'ancre à Essex, au Royaume-Uni. Il transportait un millier de passagers, dont 802 en provenance des territoires antillais sous contrôle britannique à l'époque : Bermudes, Trinidad et Tobago, Guyana, mais ce sont les Jamaïcains qui formaient la majorité à bord, avec un petit peu plus de 500. Ils emportaient leurs espoirs et ambitions pour une vie meilleure, ayant été “invités” par le gouvernement britannique à contribuer à compenser la pénurie de main d’œuvre d'après-guerre.

A présent, soixante-dix ans plus tard, la presse britannique est emplie des histoires individuelles déchirantes de cette génération âgée d'immigrants, qui se sont retrouvés harcelés, privés de protection sociale et même en train de perdre la liberté sous l'effet d'une modification des lois du Royaume-Uni sur l'immigration.

Arrivés au Royaume-Uni citoyens britanniques légitimes de colonies britanniques, les voilà englués dans la poussée d'un gouvernement de droite pour éliminer l'immigration illégale selon la politique dite d’“environnement hostile”.

Les changements dans les règles de l'immigration au Royaume Uni en 2012 et 2014 en particulier (sous l'autorité de la Ministre de l'Intérieur d'alors, aujourd'hui Première Ministre, Theresa May) exigèrent de la “génération Windrush” de prouver leur droit de rester en Grande-Bretagne en fournissant des preuves documentaires. Pour comble, il a été révélé que les archives des cartes de débarquement émises à l'arrivée de ces immigrants, qui auraient pu prouver depuis combien de temps ils vivaient au Royaume-Uni, ont été détruites par le Home Office (le ministère de l'Intérieur) en 2010.

Le déroulement progressif de cette saga fait monter l'indignation, l'incompréhension et l'amertume chez les internautes antillais, surtout pour ceux ayant des parents âgés vivant au Royaume-Uni.

En même temps, l’affaire de la génération Windrush permet aux Jamaïcains et à d'autres habitants de la région caraïbe de découvrir – et d'affronter — une période de l'histoire coloniale jusqu'à présent peu connue ou évoquée. Désormais, la plupart des “millennials” antillais qui suivent l'actualité connaissent la signification du mot “Windrush”.

Un article en ligne a relevé que ce scandale a aussi levé le voile sur un aspect de l'histoire également peu exploré au Royaume-Uni :

Britain has an ignoble history of exploiting Caribbean people when they were ‘useful’, then casting them aside as insufficiently ‘British’ when they were not.

Recent reports of the current Home Office crackdown on Commonwealth elders come as a horrifying surprise, but they tell of a history we have not faced. How did we get here?

La Grande-Bretagne a une tradition ignoble d'exploiter les Antillais quand étaient “utiles”, puis de s'en débarrasser comme insuffisamment “british’ quand ils ne l'étaient pas.

Les récentes informations du Ministère de l'Intérieur sévissant contre des aînés du Commonwealth arrivent comme une horrible surprise, mais disent une histoire que nous avons ignorée. Comment en est-on arrivé là ?

Les commentateurs jamaïcains partagent un sentiment d'injustice. Voire de grande amertume :

Les Britanniques nous amènent dans les Antilles pour effectuer du travail non payé et des services sexuels. Puis ils nous font vivre ici pour leur payer des impôts et leur garder leur richesse. Puis ils nous prennent dans leur armée pour combattre dans la 2e guerre mondiale. Puis ils nous emmènent en Angleterre pour la reconstruire. Puis ils nous exulsent.

Sur Facebook, un Jamaïcain d'ascendance britannique examine l'épineuse question de l'identité et des papiers, en Jamaïque même :

Lots of discussion about the Windrush generation being asked to prove their status. But right now we have plenty people in Jamaica who would be hard pressed to prove their status as Jamaicans. Talking about unregistered births, no voter ID, no passport, no land title, no TRN, no NIS, no bank account. This is more common than you think.

On parle énormément de la génération Windrush à qui on demande de prouver leur statut. Mais en ce moment même on a quantité de gens en Jamaïque qui auraient du mal à prouver leur statut de Jamaïcains. En question, les naissances non déclarées, l'absence de carte d'électeur, de passeport, de titre de propriété, de numéro fiscal, de numéro de sécurité sociale, de compte bancaire. C'est plus répandu qu'on ne croit.

Une commentatrice a réagi à l'informations que les papiers des ‘Windrush’ ont été détruits :

How wicked can government officials be, to consciously destroy the records of how their ‘subjects’ from their former colonies in the West Indies arrived in Britain and now are asking them and their descendants to prove their ongoing residency. What a piece a dishonesty; robbing the people of their right and preying on their vulnerabilities including lack of citizenship on the part of some.

Old documents are destroyed every day around the world – but I'm certain if these documents were deemed relevant to the ‘image’ of Britain they'd have found another way to store this information. It is a significant part of the history of the modern Black presence in Britain and the Caribbean. Yes, it matters. This is yet another (now) missing link in the historical movement of Black people who depend on ‘authorities’ to record, hold-for-safekeeping(?) and tell our story.

Quelle perversion de la part des responsables publics que de détruire délibérément les preuves de la manière dont les “sujets” de leurs anciennes colonies des Indes Occidentales sont arrivés en Grande-Bretagne, et de leur demander aujourd'hui, à eux et à leurs descendants, de prouver leur résidence continue. Quelle malhonnêteté : dépouiller les gens de leur droit et profiter de leurs vulnérabilités, y compris l'absence de citoyenneté de certains.

Chaque jour des archives sont détruites dans le monde, mais je suis sûre que si ces documents étaient considérés comme utiles à l'”image” de la Grande-Bretagne, on aurait trouvé une autre façon de stocker cette information. C'est une partie importante de l'histoire de la présence noire en Grande-Bretagne et dans la Caraïbe. Oui, ça compte. Voici encore un chaînon manquant dans le mouvement historique de la population noire qui dépend des “autorités” pour être enregistré, sauvegardé et dire notre histoire.

Un universitaire jamaïcain, se référant à la récente commémoration d'un meurtre raciste au Royaume-Uni, a publié cette réaction venue du cœur :

The Windrush era is not past tense but present continuous. We need to take an honest look at Mrs. May's policies like creating a hostile environment for illegal immigrants and refusing to meet the Caribbean Prime Ministers until forced to do so. We must stop believing in British fairplay, honour and all that[.] We need to understand foulplay and all of the elements of the Empire. At the same time we cannot stress the need to fix our country/countries. People take liberty with us because we are indebted and have not calculated what we are owed. Today there is another damaging report about the tribulation and racist vestiges associated with the 25 year matter of justice for Stephen Lawrence.

L'ère Windrush ne se conjugue pas au passé mais au présent. Il nous faut regarder avec lucidité les politiques de Mme May comme celle de créer un environnememt hostile aux immigrants illégaux, et refuser de rencontrer les Premiers Ministres jusqu'à ce que nous y soyons forcés. Nous devons cesser de croire au fair-play et à l'honneur britanniques, et tout ça. […] Nous devons comprendre ce que sont le crime et tous les éléments de l'Empire. En même temps on ne peut éviter d'insister sur la nécessité de réparer notre, nos pays. On prend des libertés avec nous parce que nous sommes endettés et n'avons pas calculé notre dû. Aujourd'hui il y a de nouvelles informations dévastatrices sur les tribuations et les vestiges racistes de 25 ans d'affaire judiciaire du meurtre de Stephen Lawrence.

Du côté positif, un journaliste en Dominique a loué les personnalités politiques britanniques noires qui ont parlé haut et fort de l'affaire Windrush :

C'est REVIGORANT de voir les députés aux racines caribéennes David Lammy et Hackney Abbott bien se tenir dans l'intérêt public et pour les droits humains. Dieu bénisse la génération Windrush.

Et ceux qui ont déjà été expulsés ?

Le Home Office britannique a fini par annoncer que “les membres de la génération Windrush arrivés au Royaume-Uni avant 1973 seront éligibles à la libre citoyenneté.”

Si la mesure a été généralement bien (mais prudemment) accueillie, des éditoriaux de presse comme celui du Jamaica Observer ont souligné l'importance de se préoccuper des expulsions depuis 2014 de Jamaïcains âgés, une question soulevée par le député David Lammy. Un autre Jamaïcain a partagé sur Facebook [lien non publiquement accessible] :

The Windrush generation and their descendants are now to get citizenship. I wonder how many of those deported over the last two decades will qualify?
Will there be a concerted effort by the various governmental agencies to help any so qualified?
If this were a developing country treating people like this, how would they have been described???

La génération Windrush et ses descendants vont maintenant acquérir la citoyenneté. Je me demande combien de ceux expulsés ces vingt dernières années rempliront les conditions ?
Y aura-t-il une opération concertée des différents services gouvernementaux pour aider tous ceux-là ?
Si c'était un pays en développement qui traitait ainsi les gens, comment l'aurait-on qualifié ???

L'apogée du tollé sur Windrush a coïncidé avec la présence à Londres du premier ministre jamaïcain Andrew Holness et des autres dirigeants de la Communauté caribéenne (CARICOM) à l'occasion du Sommet des chefs de gouvernement du Commonwealth. M. Holness a donné plusieurs entretiens à la presse, et grâce à la présidence jamaïcaine de la CARICOM en ce moment, accompagné de sa ministre des Affaires étrangères Kamina Johnson Smith, il a rencontré la première ministre britannique Theresa May.

Le Haut-commissaire de la Barbade à Londres a également défendu avec éloquence la génération Windrush dans les médias britanniques.

On n'a toutefois pas bien compris si le premier ministre Holness prenait la défense des “Jamaïcains” ou des citoyens britanniques, témoignant de l'ambivalence perpétuelle de la notion de “diaspora”, un facteur qui complique le problème Windrush pour de nombreux Jamaïcains :

[Les leadeurs d'un pays doivent être vus comme protégeant leurs citoyens à tout prix. C'est leur responsabilité.On a eu trop d'exemples du contraire, revenant à des monstruosités et des atrocités].

Les personnes dont nous défendons (à juste titre) les intérêts ne sont pas NOS citoyens. Ils sont Britanniques. C'est exactement l'idée que même si vous êtes nés dans un pays, si vous n'êtes pas membres de la race majoritaire, càd blanc, vous ne pouvez pas être un citoyen qui a contribué à cette injustice.

[Je comprends. Cette affaire montre les niveaux multiples. Je me souviens d'avoir rencontré des jeunes Britanniques noirs qui donnaient la Jamaïque ou Ste Lucie etc comme leurs lieux de naissance alors qu'ils n'y étaient jamais été. Le niveau d'aliénation qu'ils connaissaient en vivant en Angleterre était tel.]

C'est pourquoi je n'aime pas la tendance des décideurs à se centrer sur ce que la Diaspora peut faire pour “nous” (dans le pays d'original ou ancestral). Nous devons prêter attention à ceux qui s'identifient comme Jamaïcains/Antillais et soutenir leurs luttes dans leurs pays d'adoption/de naissance

D'autres Jamaïcains n'étaient pas très sûrs que Holness ait touché juste :

Holness dit à la génération Windrush dans la diaspora qu'ils “ne sont pas apatrides” et qu'ils “seront toujours chez eux en Jamaïque”. Ce N'est PAS ainsi qu'ils veulent être rassurés. MDR

Pendant ce temps, un vol affrété pour des expulsions doit quitter le Royaume-Uni la semaine prochaine, et il se dit que des membres de la génération Windrush pourraient être à son bord. Des manifestations pour l'empêcher sont en préparation. La ministre de l'Intérieur Amber Rudd a démissionné, emportée par le scandale. Nul doute que Windrush reste une question ouverte et hautement politisée en Angleterre comme dans les Antilles.

Les régions les plus pauvres de Jordanie sans eau pendant des semaines, tandis que les plus riches en ont 24 heures sur 24, 7 jours sur 7

mercredi 2 mai 2018 à 15:57

Wadi Rum, Jordanie. Photo : TreksJo. Utilisation autorisée.

La Jordanie est le deuxième pays le plus pauvre en eau du monde. Elle partage avec Israël l’une de ses principales ressources en eau de surface, le Jourdain, tandis que le fleuve Yarmouk est quant à lui partagé avec la Syrie, ce qui laisse au pays une assez faible part de l'eau du Jourdain.

En ce qui concerne les 12 bassins d’eau souterraine identifiés à l’échelle du pays, la durabilité suscite des inquiétudes, car certains sont exploités au maximum de leur capacité et d’autres sont surexploités, ce qui menace leur utilisation future.

La situation a été exacerbée en raison des quelque 1,4 millions de personnes supplémentaires résidant en Jordanie et dépendant de ses ressources en eau limitées, du fait de la guerre en Syrie.

Et si l’on se tourne vers l’avenir, le changement climatique ne fera qu’empirer les choses. Les scientifiques de l’Université Stanford prédisent que d’ici la fin du siècle, la Jordanie pourrait connaître un réchauffement de 4 °C, avec 30 % de pluies en moins. Elle est donc menacée de pénurie absolue, car les sécheresses et leur durée devraient doubler entre 2071 et 2100.

Bien que le combat soit indiscutable, les 9 903 877 citoyens jordaniens n'y sont pas égaux. L’incapacité du gouvernement à approvisionner certains endroits en eau peut souvent être liée au statut social de la région.

Sara Bader, une ancienne résidente du quartier Al-Yasmine d’Amman (un quartier plutôt surpeuplé, mais moins que la moyenne) a raconté à Global Voices son expérience lorsqu’elle a déménagé à Abdoun (une zone considérée comme réservée à l’élite) :

We would get water two times a week [in Al-Yasmine], sometimes in the summer that is barely enough to get us through the week, so we would time doing the laundry and other water-consuming activities with the day the water would get pumped. We would always be very cautious when it came to water consumption. Now [in Abdoun], the water is pumped daily, and my mother does not care what day of the week it is for her to do laundry.

Nous étions approvisionnés en eau deux fois par semaine [à Al-Yasmine], parfois en été cela suffit à peine pour la semaine, si bien que nous avions juste le temps de faire la lessive ainsi que d’autres activités consommatrices d’eau le jour où elle était pompée. Nous devions toujours redoubler de prudence en matière de consommation. Maintenant [à Abdoun], l’eau est pompée quotidiennement, et ma mère ne se soucie pas du jour de la semaine où elle doit faire la lessive.

Il peut sembler injuste qu’une région bénéficie d’un pompage d’eau en permanence alors qu’une autre n’en reçoit que deux fois par semaine, mais à vrai dire, un pompage bihebdomadaire constitue un privilège dont rêvent de nombreux Jordaniens dans les endroits moins chanceux.

Dans les zones les plus pauvres d’Amman, en province et surtout dans les villages, l’eau est pompée tous les 20 jours, et parfois pas du tout.

Dans une plainte adressée par courrier au gouvernement  au sujet de la question de l’eau, un habitant de la province de Jerash a déclaré :

I am delivering the struggle of hundreds of people to you—people whom have not had water pumped to them in 30 or 20 or 19 days.

Je vous livre les difficultés de centaines de personnes – des individus qui n’ont pas eu d’eau pompée depuis 30, 20 ou 19 jours.

Et de poursuivre :

I have proof that some water pipes have not held water for over a year because city hall has not been pumping water to these places, not even once a month.

Je détiens la preuve que certaines conduites d’eau n’en ont pas contenu la moindre goutte depuis plus d’un an parce que les services communaux n’ont pas pompé l’eau à ces endroits, ne serait-ce qu’une fois par mois.

Les commentaires formulés sur cette lettre par ses compatriotes jordaniens indiquent que ces problèmes en touchent également d’autres. Nombreux sont ceux qui lui ont conseillé de déménager dans une maison se trouvant « à proximité de celle d’un représentant du gouvernement » ou « dans un meilleur quartier » pour un meilleur service de distribution d’eau, car les pompages sporadiques passent « inaperçus » dans les quartiers réservés à « l’élite. »

L’un des principaux problèmes dans les provinces tient au fait que les familles comptent souvent davantage de personnes et qu’une grande partie de ces citoyens sont des agriculteurs dont les besoins en eau pour leurs récoltes sont également criants.

Sans compter que le gouvernement facture les citoyens pour le service de distribution d’eau, qu’ils en bénéficient ou non. Dans le cas contraire, ils doivent acheter l’eau distribuée par des services non publics (ou « réservoirs d’eau », comme on les appelle communément). Ils doivent donc payer deux factures : l’une émise par le gouvernement et l’autre par quiconque remplit les réservoirs.

Le prix fixé par le gouvernement pour ces réservoirs d’eau est de 4 dinars jordaniens (5 euros par compteur), un montant que bien peu de gens peuvent se permettre, mais certains de ces prestataires exploitent les citoyens dans le besoin en leur facturant 5 dinars.

Comment expliquer la négligence apparente du gouvernement à l’égard des provinces en matière de distribution d’eau ? Un employé du Ministère de l’Eau et de l’Irrigation s’est entretenu avec GV et a préféré rester anonyme :

The reality is different than most people’s assumptions: it is not that the ministry is biased in the schedule, it is simply that the poorer areas have weak infrastructure and pipes which cannot stand continuous pumping as they already leak 2/3 of the water pumped through them. That is why these places do not have a non-stop supply of water, because the ministry cannot afford losing that much water on a daily basis, thus the water is pumped every week or every two weeks, and most of it is not delivered because of the leaks.

La réalité ne correspond pas aux postulats de la plupart des gens : ce n’est pas que le ministère soit partial dans son programme, c’est simplement que les zones plus pauvres ont des infrastructures et des canalisations inadaptées, incapables de supporter un pompage continu, car elles perdent déjà les 2/3 de l’eau pompée. C’est pourquoi ces endroits ne sont pas approvisionnés continuellement en eau, parce que le ministère ne peut pas se permettre de gaspiller autant de cet or bleu chaque jour ; ainsi l’eau est pompée chaque semaine ou toutes les deux semaines, et la majeure partie ne peut être distribuée à cause des fuites.

Interrogé sur les raisons pour lesquelles le ministère ne répare pas les fuites ou ne remplace pas simplement toutes les conduites, il répondit simplement que le budget ne permet pas actuellement d’en faire une priorité.

Cependant, le gouvernement promet une distribution plus équitable de l’eau cette année et que l’approvisionnement en eau des provinces est garanti pour cet été. Espérons qu’il tiendra ces promesses – après tout, l’eau constitue un droit humain.

La ferme à trolls russe lance une nouvelle campagne web en direction du public américain

mercredi 2 mai 2018 à 11:09

La dernière aventure média de la ferme à trolls se réduit pour le moment à une page de maintenance// Capture d'écran Lawrence Alexander

[Sauf mention contraire, les liens renvoient vers des pages en russe] Le 4 avril 2018, RIA FAN, la plus célèbre des agences d'information, connue pour ses liens avec l’Internet Research Agency (IRA) de Saint-Pétersbourg, a dévoilé ses plans de lancer un nouveau projet baptisé «USA Really» (Les USA dans la réalité) dans le courant du mois prochain.

Le projet, dont le portail EU vs Disinfo est le premier à avoir parlé [en anglais] se positionne, de par son caractère anti-occidental et antilibéral, dans la droite ligne des précédentes campagnes de l'Internet Research Agency. Comme, par exemple, les sites russophones créés en 2014 et aujourd'hui désactivés usaend.net, goodbyeusa.com, ou antiliberalism.com.

L'Agence, qui a fait l'objet en 2015 des révélations du New York Times Magazine, a de nouveau accaparé les gros titres [en anglais] de la presse internationale en 2016, avant et après l'élection présidentielle aux États-Unis.

La précédente tentative de l'IRA pour influencer le public américain par le biais d'une expo photo itinérante intitulée «Material Evidence» a été documentée par RuNet Echo, entre autres [ces 3 liens en anglais] médias. La ferme des trolls a déjà produit un échantillon assez grotesque d'humour scatologique «I am Ass» [en anglais] destiné aux lecteurs américains: («La merde, c'est l'Obamacare», «Politique de santé de merde, scandales d'espionnage de merde», «Le plus gros bout de merde, c'est la dette nationale des États-Unis»).

Même si «USA Really» est moins virulent, le sentiment anti-américain est le même. Comme l'a déclaré RIA FAN :

Информационный поток, который направлен на дискредитацию Российской Федерации со стороны США и их союзников, не должен оставаться без ответа со стороны российских средств массовой информации… Федеральное агентство новостей не собирается мириться с гегемонией властей США в информационном поле.

Le flux d'informations orienté pour discréditer la Fédération russe depuis les États-Unis et leurs satellites ne doit pas rester sans réponse de la part des médias de masse russes… L'Agence fédérale d'information (FAN) n'est pas disposée à accepter l'hégémonie des États-Unis dans le champ de l'information.

Le 4 avril 2018, au moins neuf noms de domaine différents ont été enregistrés sur la base de «usareally» : usareally.com, usareally.net, usareally.org, usareally.biz, usareally.us, usareally.space, americareally.info, usareally.info et usareally.ru. Ils ont tous des extensions différentes, vraisemblablement choisies pour inspirer confiance à un public américain. Seul le dernier nom de domaine a une extension russe (.ru), et pour le moment aucun site ne lui est rattaché.

Un examen approfondi permet de déceler des indices supplémentaires quant à l'origine russe de ce projet. Par exemple, pour usareally.com, le serveur dédié (mx.yandex.net) appartient au service russe Yandex [en anglais], même si l'adresse mail de contact (work@usareally.com) ne l'indique pas.

De plus, si on examine le code source du site, on peut voir que les adresses API Google Fonts sont définies pour prendre en charge les polices cyrilliques de base et étendues (les symboles cyrilliques) comme sous-ensemble [en anglais] du jeu de caractères occidental standard, alors qu'aucun texte en langue russe ne sera visible par le lecteur. Il peut s'agir de paramètres par défaut appliqués par les nombreux sites russophones de RIA FAN.

Source code of usareally.com. Image by Lawrence Alexander.

Code source de usareally.com. Capture: Lawrence Alexander.

A côté de cela, il existe quantité d'autres preuves directes pointant vers la tristement célèbre ferme à trolls. Tous les domaines, à l'exception d'un seul, ont été enregistrés de façon anonyme [en anglais] le 4 avril 2018 via le site regprivate.ru, une branche de reg.ru, le registre russe des noms de domaine, auquel l'Internet Research Agency avait déjà recouru.

La plupart des noms de domaine USAReally ont été enregistrés à l'aide du service Reg.RU, qui utilise l'adresse IP 194.58.112.174. Infographie: Lawrence Alexander.

Et surtout, l'anonymisation de l'ensemble du domaine a été mal faite : le site usareally.us contient des informations de contact non expurgées [en anglais] du nom d'Evgueni Zoubarev, le directeur de RIA FAN, et autres «agences de presse», localisées dans un seul et même bâtiment et ayant en commun avec l'IRA la même infrastructure web, ainsi que l'adresse électronique Yandex riafan@yandex.ru, et le numéro de téléphone à Saint-Pétersbourg [en anglais] :

WHOIS information for usareally.us

Informations de l'annuaire WHOIS sur le domaine usareally.us. Capture: Lawrence Alexander.

La toile de sites antiaméricains et pro-Kremlin et de pages des réseaux sociaux détenues par leurs partisans et propagandistes tissée par l'Internet Research Agency n'a pas traîné pour annoncer ce nouveau projet. Le 4 avril, à peine quelques heures après l'enregistrement [en anglais] des domaines USAReally, au moins 20 pages VKontakte [l'équivalent russe de Facebook] (dont «PolitDigest», Polistar et «Putin govorit!» [«Poutine à l'appareil!»]) ont publié des liens vers le communiqué de presse de RIA FAN :

Les pages VKontakte pro-Kremlin répercutent le lancement d'USAReally. Capture: Lawrence Alexander.

Dans son communiqué de presse, «l'agence d'information» précise qu'elle est prête à recruter des collaborateurs anglophones pour lui venir en aide. C'est dans ce sens que usareally.com adresse aux lecteurs cette discrète invite [en anglais]: «Si vous cherchez un travail, envoyez-nous un mail»:

Main page of usareally.com. Image by Lawrence Alexander

Page d'accueil du site usareally.com. Capture: Lawrence Alexander.

Il apparaît clairement que les tentatives de masquer l'origine russe et pro-Kremlin du projet américain ont été mal préparées et très limitées. Le lien entre l'Agence fédérale d'information (FAN) et l'Internet Research Agency a été largement documenté [en anglais] et, bien que six noms de domaine aient été enregistrés, un seul fonctionne comme un véritable site web.

A l'heure actuelle, USAReally a sans doute plus éveillé l'attention des observateurs de la propagande pro-Kremlin sur Twitter que celle des lecteurs mal informés sur lesquels il comptait :

Excellent travail de LawrenceA_UK et de ceux qui ont instauré une veille sur la désinformation russe et l'activité des trolls. En m'appuyant sur cet article, j'ai lancé une recherche d'image inversée avec leur nouveau logo, et voilà. Il y en a partout sur ces sites russes.

Fil d'info: mention spéciale à @EUvsDisinfo pour l'annonce aux journalistes américains du programme «Réveille-toi, Amérique!» signé http://riafan.ru .

Je vous entends crier d'ici: «Mais qui est http://riafan.ru

C'est l'usine à trolls.

Si ce projet a réellement été conçu par l'Internet Research Agency comme un exercice secret de désinformation dirigé contre les États-Unis, il semble désormais peu probable qu'il puisse atteindre son but.