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Des Indiens prennent la parole pour mettre fin à la stigmatisation entourant la dépression

vendredi 5 mai 2017 à 19:13

Image de Mary Lock, Flickr. CC BY-NC-ND 2.0

L'Organisation mondiale de santé a publié récemment un rapport sur la dépression dans lequel on apprend que près de 7,5 % des Indiens souffrent de troubles mentaux majeurs ou mineurs nécessitant l'intervention d'un spécialiste. Cependant, en Inde, la dépression reste à plusieurs égards taboue et sujette aux commérages ou aux moqueries.

Ces dernières années, pour combattre les préjugés, certaines personnes ont cherché à susciter un débat ouvert sur la dépression dans les médias sociaux.

Kalyan Biswas Rath, qui travaille dans le milieu des technologies de l'information, est l'un d'eux. Il a partagé son histoire sur sa page Facebook, où il raconte comment il a surmonté la dépression avec l'aide de sa famille et de ses amis :

I was a horrible graphic designer, a horrible web designer, a horrible coder, a horrible writer and a bad comedian for quite some time. I have embarrassed myself enough and been bad at multiple fields. But with support from close friends, I kept working at it.

Suddenly one day, things changed for the better and people who I assumed thought of me as a failure started messaging me saying they were proud of me. People started appreciating my work.

Today, I don't feel like a failure despite whoever feels whichever way and I am happy with my life. And that's a big deal.

[…] Don't be ashamed of asking for help. There is nothing wrong with depression. It is a very natural outcome of the kind of society we live in.

J'étais depuis pas mal de temps un piètre concepteur graphique, un piètre concepteur Web, un piètre programmeur, un piètre écrivain et un mauvais comédien. Je me suis suffisamment ridiculisé et j'ai été incompétent dans de nombreux domaines. Mais avec le soutien de mes amis, je persévérais.

Puis, un jour, la situation s'est améliorée et les gens auprès de qui j'avais l'impression de passer pour un bon à rien ont commencé à m'envoyer des messages pour me dire qu'ils étaient fiers de moi. On a commencé à apprécier mon travail.

Aujourd'hui, je n'ai pas l'impression d'avoir raté ma vie, peu importe ce qu'en pensent les autres. Je suis heureux de ma vie, et ça, c'est important.

[…] N'ayez pas honte de demander de l'aide. Il n'y a rien de mal à souffrir de dépression. C'est une conséquence naturelle de la société dans laquelle nous vivons.

Aujourd'hui, Kalyan est un humoriste et un youtubeur qui connaît un grand succès.

La célèbre actrice de Bollywood, Shaheen Bhatt, a également raconté son expérience :

I've lived with depression on and off since I was about 13 years old.
This is not a revelation or a confession.
Those who know me know this about me.
It's not something I take any pains to hide, I'm not ashamed of it or particularly troubled by it. It's just a part of who I am.
I have days where I feel good and then I have days where I don't.
One minute everything's fine and the next it's like someone turned the light off inside my head.
I go quiet and it's difficult to get out of bed.
Like it always does the world around me loses focus and I struggle to make sense of it.
Sometimes these bouts last an hour – sometimes they last days.
Today, I'm on day 4.
I say I live with depression rather than I struggle with it because for me (and I speak only for myself here) I don't see why it has to be a struggle.

Je vis avec la dépression de façon récurrente depuis l'âge d'environ 13 ans. Ceci n'est pas une révélation ni une confession. Ceux qui me connaissent le savent. Ce n'est pas quelque chose que j'essaie de cacher, je n'en ai pas honte et ça ne me dérange pas particulièrement. Ça fait tout simplement partie de qui je suis. Il y a des jours où je me sens bien, et d'autres non. Une minute, tout va bien et la suivante, c'est comme si quelqu'un venait d'éteindre la lumière dans ma tête. Je reste silencieuse et j'ai de la difficulté à sortir du lit. C'est toujours pareil, le monde qui m'entoure devient confus et j'ai du mal à m'y retrouver. Parfois, les épisodes dépressifs durent une heure, parfois des jours. Aujourd'hui, j'en suis à ma quatrième journée. Je préfère dire que je vis avec la dépression plutôt que parler de lutte contre la dépression. Je ne vois pas pourquoi (et je parle ici seulement en mon nom) il faudrait lutter.

La dépression est un trouble mental qui se caractérise par une détresse morale persistante ou une perte d'intérêt pour toute activité, elle a un impact significatif sur la vie quotidienne. Les personnes souffrant de dépression peuvent aller chercher de l'aide auprès d'un psychologue ou d'un psychiatre afin de recevoir un traitement approprié.

Les premiers pas, qui consistent à reconnaître la dépression et demander de l'aide, sont cruciaux. Néanmoins, la stigmatisation sociale qui entoure la maladie peut rendre ces premiers pas difficiles. Anshika Kumar, auteure pour le site Indian Youth [Jeunesse indienne], explique qu'en Inde les gens ont tendance à s'inquiéter beaucoup du jugement des autres :

We Indians are too concerned about what others think. This needs to stop. We must respect each other’s opinions and issues. Many of us cannot understand or recognize symptoms of mental illnesses; even if we do, we do not know what to do or how to go about it. Unhealthy relationships with parents means youngsters end up hiding their mental condition from them, for fear of judgement and mockery. Outsiders are unable to understand and accept, and patients are scared and confused to speak out- It becomes a vicious circle.

Nous, les Indiens, sommes beaucoup trop préoccupés par ce que pensent les autres. Cela doit cesser. Nous devons nous respecter les uns les autres, nous avons tous nos opinions et nos problèmes. Plusieurs d'entre nous sont incapables de comprendre et de reconnaître les symptômes d'un trouble mental ; et même si nous y arrivons, nous ne savons pas quoi faire ni comment nous y prendre. Les jeunes qui n'entretiennent pas de bonnes relations avec leurs parents auront tendance à leur cacher leur trouble mental, de peur d'être jugés ou d'être l'objet de moqueries. À l'extérieur de la famille, les patients sont également incompris et rejetés, c'est pourquoi ils sont craintifs et hésitent à en parler. Il se crée un cercle vicieux.

La Journée mondiale de la santé, qui a été célébrée le 7 avril 2017 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), avait pour thème « Dépression : parlons-en » précisément pour inciter les gens à en parler. En Inde, néanmoins, cette volonté d'aborder la question de la dépression avec bienveillance et ouverture existe depuis plusieurs années déjà.

Deepa Padmanabhan, une journaliste indépendante raconte sur son blogue sa lutte contre la dépression. Elle explique, en 2015, s'être rétablie grâce au soutien de sa famille proche. Elle ajoute également :

Why did I choose to share my story today, after so many years of being silent? In my heart, I believe that the time is now right for the world to deal with depression a kinder way. I hope that people will be more tolerant of those suffering from mental illness than they were a decade ago.

Pourquoi ai-je choisi de partager mon histoire aujourd'hui, après tant d'années de silence ? Je crois sincèrement que le moment est venu de traiter les personnes souffrant de dépression avec plus de respect. J'espère que les gens seront plus tolérants qu'ils ne l'étaient il y a dix ans envers les personnes qui souffrent de trouble mental.

La même année, l'actrice indienne de Bollywood, Deepika Padukone, a parlé de dépression et a raconté comment elle s'en est sortie dans une entrevue accordée à la chaîne nationale d'informations NDTV. Elle a ensuite créé sa propre fondation qui aide les personnes aux prises avec la dépression à trouver du soutien.

Il existe de nombreuses plateformes telles que AASRA et YourDost qui utilisent différents moyens de communication, y compris les réseaux sociaux, pour encourager les gens à parler.

Le gouvernement indien a aussi contribué à ce changement en introduisant un nouveau Projet de loi sur la santé mentale qui décriminalise le suicide, protège et rétablit les droits de propriété des personnes souffrant de trouble mental. Avant que ce projet de loi ne soit adopté, les tentatives de suicide étaient considérées comme un crime en Inde et étaient passibles d'une peine d'emprisonnement d'un an, selon l’article 309 du Code pénal indien.

Les aspects marquants du nouveau projet de loi sur la santé mentale adopté aujourd'hui par le Parlement

[Toute personne souffrant de maladie mentale doit avoir droit à :
l'accès aux soins de santé mentale
une vie sociale
la protection contre les traitements cruels, inhumains et dégradants
l'égalité et la non-discrimination
l'information
la confidentialité
l'accès à son dossier médical
des contacts et une communication personnelles
une aide juridique
se plaindre des déficiences en matières de services
fixer des limites au partage d'informations concernant la maladie mentale]

La principale cause de suicide est la dépression non traitée. Il est possible de traiter la dépression et prévenir le suicide. Les personnes qui vivent un épisode dépressif ou qui ont des pensées suicidaires peuvent obtenir de l'aide en communiquant avec un service d'assistance téléphonique confidentiel. Visitez le site Befrienders.org pour trouver un centre de prévention du suicide dans votre pays.

Découvrez la vie des Votes, ethnie de Russie en voie de disparition

vendredi 5 mai 2017 à 18:22

Photo: Iouri Goldenshtein, utilisée avec autorisation

Ses membres se comptent en dizaines : la plus grande population de Votes dans le monde vit dans des villages à deux heures de route de Saint-Pétersbourg, dans une région appelée Ingrie. Parmi ce groupe en voie d'extinction, seule une poignée de Votes parlent encore couramment leur langue natale. Envoyée spéciale du site web russe “Boumaga,” la journaliste Victoria Vziatycheva et le photographe Iouri Goldenshtein ont récemment visité un de ces villages proches du Golfe de Finlande et rencontré quelques derniers descendants de Votes encore vivants.

Le village de Loujitsy est situé à environ 150 kilomètres à l'ouest de Saint-Pétersbourg. Quand nous arrivons, plusieurs voitures sont garées devant l'unique magasin. Une vingtaine de maisonnettes en bois sont alignées le long de la rue principale, dont une se distingue par sa large terrasse et son mur en pierre. C'est le Musée de la Culture Vote — le seul en Russie.

Une femme blonde sort d'une voiture, marche jusqu'à la porte en bois du musée, qu'elle ouvre. Vêtue d'un manteau d'hiver, elle nous fait entrer dans une pièce non chauffée, et sort d'un panier plusieurs tourtes et une casserole de bouillie.

C'est Marina Ilyina, conservatrice du musée et Vote elle-même. Elle a étudié à Saint-Pétersbourg, avant de retourner à Loujitsy, où, dit-elle, elle s'est donné pour mission de préserver les Votes de l'extinction.

“Il ne reste plus que huit locuteurs natifs de la langue vote. Chacun vaut son pesant d'or”, explique en nous faisant une visite guidée du musée, construit en fait  il y a seulement deux ans, et réalisé selon les traditions bâtisseuses votes.

Photo: Iouri Goldenshtein, utilisée avec autorisation

Selon le dernier recensement, il reste 64 Votes en Russie, auxquels s'ajoute une poignée vivant en Estonie. L'ennui avec ces chiffres est qu'ils indiquent seulement combien de personnes s'identifient elles-mêmes comme Votes quand on leur demande leur nationalité. On ignore combien de Votes (y compris ethniquement purs) se sont déclarés comme “Russes”, ou ont carrément échappé au recensement.

La population de Loujitsy a culminé au début des années 1940, quand elle a atteint 550 personnes. Aujourd'hui, le village ne compte que 35 à 40 habitants permanents, plus quelques-uns de passage qui y séjournent en été.

Nina Vittong est née à Loujitsy après la deuxième guerre mondiale, en 1947. Elle y a passé son enfance. “C'était un gros village à l'époque. Chacun avait sa maison, son jardin, son bétail. Il y avait beaucoup de jeunes aussi. On avait des bals, et deux fois par mois une séance de cinéma”, nous raconte Nina.

Comme les autres ethnies locales (Vepses, Ingriens et Finnois d'Ingrie), les Votes ont souffert pendant le communisme. Dans les années 1930, l'Etat soviétique a interdit les langues finno-ougriennes de ces groupes. Si les anciennes générations continuaient à parler le vote entre elles, la plupart des parents se mirent à élever leurs enfants exclusivement en russe, par peur de la répression policière.

Malgré tout, les enfants ont grandi en entendant parler vote, et beaucoup en ont gardé une compréhension passive. Aujourd'hui, les Votes qui se rappellent la langue de par l'enfance la comprennent facilement, mais hésitent à parler vote à haute voix. “J'entends les mots, mais c'est parfois dur de les reproduire. Quand c'est moi qui les prononce, ça sonne différemment”, nous dit Nina.

Le vote a toujours été une langue d'abord orale, et ce n'est que depuis un siècle qu'il a un système d'écriture, quand le linguiste Dmitri Tsvetkov a utilisé un alphabet cyrillique modifié. L'actuel alphabet vote, à base de caractères latins, n'a que 13 ans.

Aujourd'hui, des femmes âgées des villages votes à l'entour viennent à Loujitsy étudier la langue. Les cours ont lieu d'ordinaire au musée.

Le Musée de la Culture Vote. Photo: Iouri Goldenshtein, utilisée avec autorisation

Nikita Dyachkov, le professeur, est beaucoup plus jeune que ses élèves. Ses racines sont ingriennes, et c'est par motivation purement personnelle qu'il a appris le vote, jusqu'à le parler couramment et à en maîtriser la grammaire — que la majorité des Votes de la région n'ont jamais apprise.

“Vous oubliez certains mots, et n'avez plus personne à qui demander”, dit Taisia Mikhaylova, une autre femme qui a passé la majeure partie de sa vie à Loujitsy.

Hélas, l'interdiction de leur langue n'a pas été la pire épreuve des Votes en URSS. En 1943, les habitants de tous les villages Votes et Ingriens furent déportés en Finlande et soumis au travail forcé. Un an après, ils furent autorisés à retourner en Union Soviétique, mais pas dans leurs villages d'origine. Ils furent réinstallées dans d'autres régions de Russie.

Zina Savelieva avait presque quatre ans quand sa famille fut déportée. Elle ne rentra avec ses proches qu'en 1954. Comme si cela ne suffisait pas, sa famille et plusieurs autres furent par la suite à nouveau forcées de quitter le village, catégorisés comme “citoyens non fiables” parce que parlant le vote. C'est ainsi que la famille de Zina fut déplacée en Estonie pour les huit années suivantes.

“Nous avons été reçus en amis [en Estonie] — peut-être parce que nos langues se ressemblent, ou pour toute autre raison”, dit doucement Zina. Elle est maintenant une vieille dame, mais ses yeux restent vifs. Quand elle parle du passé, elle préfère rester positive : “Je suis reconnaissante, de toute façon. J'ai au moins appris l'estonien”, ajoute-t-elle avec un sourire.

Photo: Iouri Goldenshtein, utilisée avec autorisation

Marina Ilyina nous dit que les Votes ont toujours été un groupe plutôt fermé, vivant près des frontières de la Russie et dans des communautés assez petites. Les Votes vivant dans ces zones tiennent aussi à maintenir leurs coutumes locales.

“Nous avions nos traditions à nous, qui sont si anciennes. Par exemple, quand j'étais enfant, nous allions chez ces vieilles femmes qui soignaient les maladies avec des charmes. Elles chassaient avec des charmes les contusions, les maladies de peau, les maladies des yeux, et je trouvais ça tout à fait normal, que tout le monde le fasse”, nous dit Marina.

Aujourd'hui, la culture des Votes n'a plus rien d'illégal, et libre à eux de ranimer et sauver toutes les traditions qu'ils peuvent. Chaque été, Loujitsy fête son existence, et les gens des alentours viennent écouter les vieilles dames votes chanter les chants traditionnels dans leur langue maternelle.

Une version plus longue de cet article est parue originellement en russe sur le site “Bumaga,” signée par la journaliste Viktoria Vyzatysheva et le photographe Iouri Goldenshtein. Cliquez ici pour la lire.

La violence politique continue à monter au Venezuela, sans réussir à stopper les manifestations

jeudi 4 mai 2017 à 13:58

Illustration de Leonardo González. Reproduite avec autorisation.

[Billet d'origine publié en espagnol le 29 avril] Avec un nombre de victimes qui ne fait qu'augmenter et des manifestations sous diverses formes et en des lieux variés, la crise vénézuélienne continue à se développer et à créer des polémiques entre gouvernement et opposition. Les récits d'assassinats attribués tant à la Garde Nationale bolivarienne qu'aux groupes armés qui appuient le gouvernement ont débordé des réseaux sociaux et atteignent les médias internationaux.

De même, les signalements d'une violence d’État toujours plus intense emplissent les réseaux et les dénonciations de violations des droits humains s'assemblent grâce aux organisations non gouvernementales œuvrant à leur protection. Selon le rapport d'Amnesty International sur le Venezuela, les manifestants sont déférés devant des tribunaux militaires et accusés de crimes justifiant leur détention sans preuves :

Las autoridades venezolanas están utilizando el sistema de justicia de manera ilegal para incrementar la persecución y los castigos contra quienes piensan diferente [Acciones ilegales con el fin de reprimir] incluyen las detenciones sin órdenes judiciales por parte del Servicio Bolivariano de Inteligencia Nacional (SEBIN), el procesamiento de activistas pacíficos por delitos “contra la patria” y la imposición de medidas de prisión preventiva sin justificación y campañas difamatorias en medios de comunicación contra miembros de la oposición, entre otras medidas.

Les autorités vénézuéliennes utilisent le système judiciaire de façon illégale pour accroître la persécution et les peines contre ceux qui pensent autrement. [Les actions illégales à fins de répression] comprennent les détentions sans mandat de justice de la part du Service bolivarien de renseignement national (SEBIN), les procédures contre les activistes pour délits “contre la patrie”, l’imposition de mesures de prison préventive sans justification, et des campagnes de diffamation dans les médias contre les membres de l'opposition, entre autres mesures.

Chaque jour de nouveaux succès [des contestataires] emplissent l'actualité et de nouveaux symboles de protestation circulent sur les réseaux. Parmi les plus marquants et partagés, cette femme que les médias ont appelée María José pour protéger son identité, et qui s'est postée devant un blindé anti-émeutes de la Garde nationale bolivarienne.

Tout aussi remarquée, l'action de Hans Wuerich, arrivé nu à une manifestation, une Bible à la main et qui a ensuite montré sa peau trouée de chevrotines.

Certains médias cherchant à développer le narratif gouvernemental ont critiqué l'action de ce dernier et dénoncé sa méthode. Néanmoins, ces images continuent à relier des témoignages variés et à drainer davantage de formes de contestation à scénarios variés, comme le retrait de nouveaux groupes du Festival de Théâtre de Caracas, ou la protestation d'un nouveau collectif d'artistes avec la phrase “Ese pudo haber sido yo” [Ç'aurait pu être moi], qui a pour origine la vidéo de Yibram Saab Fornino, le fils du Défenseur du Peuple Tarek William Saab.

Dans cette vidéo, Saab Fornino demande à son père, en une sorte de lettre ouverte, d'intervenir contre la violente répression des manifestations, et met en relief le cas de Juan Pernalete, mort après avoir été touché à la poitrine par une grenade lacrymogène lancée à bout portant par un policier :

Condenó la brutal represión por parte de los cuerpos de seguridad de la nación de la cual fui víctima el día de hoy, como [también lo fue] el joven Juan Pablo Pernalete, de 20 años de edad, estudiante universitario a quien le quitaron la vida debido al terrible e inhumano uso los gases lacrimógenos, luego de que sufriera un impacto en el pecho. Ese pude haber sido yo.

Je condamne la répression brutale de la nation par les corps de sécurité, dont j'ai été victime aujourd'hui, comme [l'a été aussi] le jeune Juan Pablo Pernalete, 20 ans, étudiant dont la vie a été ôtée par l'horrible et inhumain usage des gaz lacrymogènes, après avoir été touché à la poitrine. Ç'aurait pu être moi.

D'autres images à fort impact et très diffusées, celle d'un jeune jouant d'un cuatro [instrument traditionnel vénézuélien] et la campagne en ligne #AdoptaUnCivil [Adopte un Civil] qui partage le nom et l'action de civils pour souligner leur participation à la vie politique et civique vénézuélienne, s'inscrivant en faux contre le récit traditionnel de l'histoire politique nationale selon ce sont les militaires qui occupent l'essentiel de l'espace :

Putain cette idée me plaît #adopteuncivil

#AdopteUnCivil José Ignacio Cabrujas. De sa fine plume est sortie une des descriptions les plus exactes de la vénézuélanité.

Le scénario vénézuélien reste en marche, malgré les incertitudes. Un pas en avant dans l'isolement international est l'annonce que le Venezuela va se retirer de l'Organisation des États américains.

L'énergie avec laquelle les forces de l'ordre s'en prennent aux protestataires, comme les narratifs antagonistes du gouvernement et de ses opposants, ne laissent aucun doute sur la crise centrale dans la vie des Vénézuéliens : elle n'aura d'issue ni simple ni immédiate.

Pour plus d'articles sur la situation au Venezuela et les précédents épisodes, voir notre dossier (en espagnol ; et en anglais)

Cinq ans de Global Voices et de «RuNet Echo»

mercredi 3 mai 2017 à 17:10

Image éditée par Kevin Rothrock.

[Tous les liens sont en anglais, sauf mention contraire.]

En avril, j'ai fêté le cinquième anniversaire de ma collaboration avec Global Voices, où j'ai édité «RuNet Echo» aux côtés de trois personnes de talent: Andreï Tselikov, Tatiana Lokot et Isaac Web. J'ai aussi travaillé avec des dizaines de talentueux auteurs bénévoles — des journalistes professionnels, des spécialistes, ou d'autres qui découvraient ce champ d'investigation. C'est un grand honneur pour moi de travailler sous la direction de personnes telles que le directeur exécutif de Global Voices Ivan Sigal, la rédactrice en chef Sahar Habid Gazi et la directrice du projet Advocacy Ellery Biddle.

Je ne sais pas ce qu'il en est pour les lecteurs de «RuNet Echo», mais quant à moi, j'ai eu grand plaisir à écrire pour vous.

Selon les données de notre site, j'ai écrit pendant tout ce temps 445 textes, ce qui nous fait 446 avec ce petit « Joyeux anniversaire ». J'ai rejoint Global Voices au printemps 2012, au moment où ce que l'on a appelé « l'hiver de la contestation » était en train de tourner court. Vladimir Poutine n'était qu'à quelques jours de sa victoire à l'élection présidentielle, et Dimitri Medvedev était encore (techniquement) président.

Durant ces cinq années, beaucoup de choses en Russie sont revenues à leur point de départ, tandis que d'autres ont, selon toute vraisemblance, disparues sans retour. Beaucoup de Russes avaient placé leurs espoirs en Dimitri Medvedev pour donner la priorité à la liberté politique et mettre fin à la diabolisation de la démocratie.

Aujourd'hui, si Medvedev est l'un des visages de la corruption, c'est presque exclusivement grâce au leader de l'opposition Alexeï Navalny, le roi des blogueurs, qui s'est fait les crocs en dévoilant les pots de vin et l'argent sale qui circulent dans les entreprises publiques russes.

Il y a cinq ans, on pouvait encore considérer « LiveJournal » comme une cartographie de la blogosphère russe. Aujourd'hui, en Russie comme dans nombre d'autres endroits du monde, le blogging traditionnel est mort. Des millions de Russes continuent à utiliser la plateforme « LiveJournal », mais le pouls de la société civile — notion floue voire stupide — bat maintenant disséminé sur une douzaine d'autres plateformes à succès.

Sur Facebook, des journalistes et militants russes rivalisent d'exégèses politiques et échangent des arguments ad hominem dans des commentaires acrimonieux. Sur Twitter, des internautes cachés derrière des comptes anonymes arborant des drapeaux nationaux comme avatars tentent de se troller les uns les autres, et aussi tous ceux qui réagissent aux dernières infos. Vous pouvez suivre les fêtes des hipsters de l'opposition russe anti-Kremlin sur Instagram, et aussi y trouver de quoi vous faire une idée du train de vie encore plus luxueux des fils et filles des hauts fonctionnaires russes. Désormais, il y a aussi cette chose appelée Telegram, lancée par le créateur en exil de VKontakte (que beaucoup de Russes préfèrent à Facebook), un service de messagerie qui vous permet de vous abonner à des « chaînes » partageant ce qui se veut une « analyse politique de l'intérieur ».

Sans parler de YouTube, des forums internet comme « Dvach », des communautés gérées sur TJournal [en russe], des projets de sites d'information satiriques tels que « Lentach », ni bien sûr des innombrables recoins de la toile mondiale dont je n'ai même jamais entendu parler.

En travaillant pour « RuNet Echo », j'ai vécu plusieurs vagues du cycle russe de l'information. Quand j'ai commencé, en 2012, les législateurs de Moscou venaient de dérouler la liste des sites interdits, qui est devenue la clé de voûte de la censure russe. « Le registre », selon sa dénomination officielle, a fait ses débuts sous la forme d'un projet relativement innocent destiné à protéger les enfants des effets les plus toxiques d'internet. Le premier projet de loi a même été défendu par Ilya Ponomarev, seul député de la Douma russe à avoir voté contre l'annexion de la Crimée.

Cinq ans plus tard, la situation de la liberté sur internet est encore confuse, mais on peut dire qu'elle est pire qu'elle ne l'était et, plus important à mes yeux de rédacteur travaillant sur cette question, cela n'étonne plus vraiment les gens, ce qui en d'autres termes signifie que hors des frontières russes (où se recrute l'essentiel des lecteurs de « RuNet Echo »), on n'en souffre pas outre mesure.

Bien sûr, les Américains se préoccupent plus aujourd'hui de ce qui se passe en Russie que pendant les années 90, quand vous-savez-quoi s'est effondré. Mais nous avons documenté l'histoire de la censure russe. Et nous avons vu les images de cette manif à Moscou où les OMON [CRS russes] s'en prennent à une manifestante pacifique.

Quatre courageux policiers en train de traîner par les mains et par les pieds une jeune fille qui proteste en hurlant ? On a une photo ?

« C'est tragique, bien sûr, mais on le savait déjà », voilà une phrase que vous pourriez mettre en exergue à tout ce que l'on peut dire aujourd'hui du régime de Poutine. Le cycle russe de l'information ne se renouvelle plus.

Mais ça viendra. Que ce soit par une une manifestation de jeunes qui éclate après une énième vidéo virale de Navalny, ou une alternance pacifique à la présidence russe, l'ère du régime Poutine a bien une date d'expiration, et ça, ce sera nouveau.

Si vous m'avez lu jusqu'ici, vous vous dites sans doute que j'en fais un peu trop. En définitive, quel est l'intérêt de décrire par le menu à un Américain qui fourrerait son nez dans le RuNet l'avenir des hautes sphères politiques russes? Effectivement, s'il s'agit de ce qui se passe tous les jours dans le cyberespace russe, Poutine n'y est pour rien du tout. La plupart des meilleures histoires à raconter sur la Russie n'ont rien à voir avec Poutine.

Mais le Kremlin continue à jouer un immense rôle dans la culture internet russe, surtout chez les militants qui cherchent un moyen d'exprimer leur opinion, et chez les journalistes, qui en savent plus qu'ils ne peuvent dire dans le cadre de leur travail.

* * *

Lorsque je me suis attelé à l'écriture de ce billet, j'espérais le terminer maintenant même sur une grande conclusion. Du style on ne peut pas dire voilà, « RuNet pense ceci à propos de cela », même s'il y a des tendances et des humeurs qui vont dans ce sens, et même si la « culture internet russe » reste un concept à peu près cohérent. Et, oui, il y a les politiciens russes. Il y a Poutine, il y a la Douma et il y a la porte-parole officielle du ministère des Affaires étrangères Maria Zakharova, celle qui inonde Facebook de ses traits d'esprit.

A la fin, il y a trop de choses pour en faire l'inventaire et l'examen. Je m'y consacre depuis cinq ans déjà, et j'espère continuer encore longtemps. Merci à tous ceux qui lisent « RuNet Echo ». Parlez-en à vos amis. Peu importe à qui, mais parlez-en.

Netizen Report : la censure s'intensifie en Inde et diminue au Cameroun

mercredi 3 mai 2017 à 13:32

Bannière annonçant un barcamp, un atelier-rencontre sur les technologies au Cachemire en 2010. Photo d'Ehsan Quddusi via Flickr (CC BY-SA 2.0)

Le Netizen Report de Global Voices offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde.

Les autorités du Cachemire indien ont annoncé le blocage de 22 réseaux sociaux, dont Facebook, WhatsApp et Twitter.

Dans une circulaire diffusée le 26 avril, le gouvernement déclare que les services de messagerie sont « utilisés à mauvais escient par des éléments anti-nationaux et anti-sociaux » dans la vallée du Cachemire pour perturber « la paix et la tranquillité » et pourraient être bloqués pendant 30 jours. Parmi les réseaux bloqués figurent notamment QQ, Baidu, WeChat, Google Plus, Skype, Pinterest, Snapchat, YouTube et Flickr.

Cette décision survient alors que le Cachemire est en proie à une vague de violence. Les manifestations étudiantes, sur le terrain et sur les médias sociaux, se sont intensifiées ces derniers jours en réaction aux tactiques musclées employées en vertu de l’India's Armed Forces Special Powers Act (AFSPA) [Loi sur les pouvoirs spéciaux des forces armées de l'Inde] qui étend considérablement les pouvoirs militaires dans les régions considérées comme « agitées ».

Angshukanta Chakraborty, qui écrit pour Dailyo.in, croit que les médias sociaux sont ciblés au Cachemire parce qu'ils véhiculent une version qui diffère de celle des autorités indiennes :

By presenting the other side to the Kashmir storyline, the locals once again were able to own for a while what constitutes the highly complex and conflicted Kashmir narrative, something that made the government extremely uncomfortable, and it was left without a moral high ground.

En présentant leur version des faits, les Cachemiris ont eu à nouveau l'occasion, pendant un moment, de donner leur point de vue sur la situation très complexe et conflictuelle du Cachemire, plaçant le gouvernement dans une position très inconfortable où il n'avait plus le beau rôle.

Le blocage a aussi durement frappé les entreprises, pénalisant le secteur local des technologies de l'information, qui comprend environ 15 000 travailleurs, et portant préjudice aux commerces en ligne et aux entreprises qui dépendent d'Internet.

Entre temps, dans la ville indienne de Kendrapara, les fonctionnaires provinciaux ont interrompu l'accès à Internet pendant 48 heures pour empêcher la diffusion d'une vidéo « inacceptable » qui, selon des témoins, insultait le prophète Mahomet. Les autorités souhaitaient ainsi éviter les troubles publics qui avaient éclaté au début d'avril lorsqu'un billet affiché sur un média social, contenant des messages injurieux envers les dieux indiens, avait soulevé un tollé dans la ville voisine de Bhadrak.

Bonne nouvelle au Cameroun, le gouvernement a finalement rétabli l'accès Internet dans les régions anglophones du pays après une interruption de 94 jours. La coupure avait été imposée suite aux protestations des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest concernant l'imposition du français dans les écoles et les tribunaux, et la marginalisation de la population anglophone dans l'offre des services publics. Les anglophones représentent environ 20% de la population du Cameroun. Après avoir rétabli l'accès à Internet, le gouvernement s'est réservé le droit de l'interrompre une nouvelle fois s'il estimait que ce dernier était à nouveau utilisé comme « un instrument pour alimenter la haine et diviser les Camerounais ».

Un blogueur maldivien poignardé à mort

Le blogueur et activiste maldivien Yameen Rasheed a été poignardé à mort dans la nuit du samedi 22 au dimanche 23 avril 2017. Il critiquait ouvertement le gouvernement et la politique axée sur la religion radicale. Yameen Rasheed avait déjà signalé à la police avoir reçu des menaces de mort par message texte et sur les réseaux sociaux. Les Maldiviens réclament une enquête internationale quant à la cause de sa mort. La Bourse des Maldives, où il travaillait comme technicien informatique, est restée fermée une journée en sa mémoire.

Une Saoudienne jugée pour avoir milité en faveur des droits de l'homme

L'activiste numérique saoudienne Naima Al-Matrood est poursuivie en justice un an après son arrestation. Elle est accusée d'avoir participé à des manifestations contre l'État et d'avoir violé l'ordre public en créant deux comptes sur les réseaux sociaux pour exiger la libération d'autres défenseurs des droits de l'homme détenus dans le royaume. Le Gulf Center for Human Rights [Centre pour les droits de l'homme de la péninsule arabique] exige la libération immédiate de Naima Al-Matrood et de tous les autres défenseurs des droits de l'homme détenus en Arabie Saoudite.

Un site internet indonésien dénoncé pour avoir traduit un article de la presse américaine en langue locale

Le chef d'état-major indonésien, le général Gatot Nurmantyo, a dénoncé le site de nouvelles indépendant Tirto.id au Conseil de presse de l'Indonésie pour avoir traduit et publié l'enquête-reportage d'un autre site de nouvelles. Le reportage prétendait que certains officiers de l'armée étaient impliqués dans un complot pour évincer le président Joko Widodo et laissait entendre que les officiers avaient des liens avec l'ISIS [État islamique en Iraq et en Syrie].

Publié à l'origine par le magazine en ligne The Intercept, basé aux États-Unis et centré sur la cybersécurité et les libertés civiles, le reportage déclarait que le général Nurmantyo était impliqué dans le complot.

Ahmad Sahroni, un membre de la Commission III, a loué l'initiative du général Nurmantyo, en disant : « Le chef de la TNI [Armée nationale indonésienne] a pris les mesures nécessaires, car je crois qu'il n'avait pas envie d'être entraîné dans un cycle de destruction ».

Les policiers britanniques utilisent-ils des logiciels malveillants ?

Selon un reportage publié sur Motherboard, le blogue technologique de la société de médias Vice, un policier londonien aurait acheté le logiciel de surveillance FlexiSpy, qui permet à l'utilisateur d'installer un logiciel malveillant sur les téléphones mobiles et les ordinateurs. Le logiciel comprend plusieurs fonctionnalités, dont celles d'intercepter des appels téléphoniques, d'activer les microphones à distance et de prendre des photos avec l'appareil du périphérique infecté. On ne sait pas si l'agent a acheté le logiciel à des fins personnelles ou officielles.

Le Canada soutient la neutralité d'Internet

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada (CRTC) a établi un nouveau cadre de réglementation qui encourage fortement la neutralité d'Internet, un principe qui oblige les fournisseurs de télécommunications à traiter l'utilisation de données de la même façon, peu importe le contenu. Aucun contenu ne doit bénéficier d'un traitement préférentiel et s'afficher plus vite que les autres. Le Conseil a également rendu une décision interdisant la pratique du taux zéro, ou l'accès gratuit à certains services Internet. Le système du taux zéro est discriminatoire, puisqu'il permet aux fournisseurs de services de faciliter l'accès à certains contenus plutôt qu'à d'autres.

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