PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Vous bloguez sur l'annexion de la Crimée ? Vous pourriez être un extrémiste !

samedi 29 mars 2014 à 10:01
Moscow city council member Inna Svyatenko warns against "extremist" blogging about Crimea. Images mixed by author.

Inna Svyatenko, membre du Conseil municipal de la ville de Moscou, met en garde contre le blogging “extrémiste” sur la Crimée. Photomontage de l'auteur.

Les législateurs russes caressent l'idée de taxer d'extrémisme les internautes bloguant sur la Crimée qui “incitent à des comportements xénophobes”. Inna Svyatenko, membre du Conseil municipal de Moscou, a proposé d'utiliser le tristement célèbre article 282 du code pénal, article punissant l’incitation à la haine, contre les internautes responsables de “provocations” antipatriotiques au sujet du nouveau territoire russe. Les citoyens convaincus de violation de cet article 282 risqueraient jusqu'à 14 000 dollars d'amende et quatre ans de prison.

“Les services du renseignement ne peuvent contrôler intégralement les internautes”, a reconnu la conseillère municipale, ajoutant que cette lacune de la police nécessitait de rendre plus visible le châtiment des “contrevenants”.

Le premier média à faire mention de la proposition de Svyatenko est le journal russe “Nezavisimaia Gazeta”, qui cite comme exemples de posts extrémistes concernant la Crimée ceux de deux blogueurs anonymes sur LiveJournal, valdt et leisurebocker. Même si pénaliser des individus écrivant sous un pseudo représente en soi un défi, on comprend mal au vu du contenu de leurs posts – loin d'être xénophobe ou violent -, comment ces blogueurs peuvent être soupçonnés d'un quelconque extrémisme. (L'article ne dit pas clairement si ces exemples ont été choisis par la “Nezavisimaia Gazeta” ou Mme Svyatenko.)

Le crime de Valdt, semble-t-il, est de suggérer que l'acquisition de la Crimée va grever le budget de la Russie, n'enrichissant qu'une poignée d'oligarques. Leisurebocker, quant à lui, déclare (sacrilège !) que le seul bénéfice de l'annexion pourrait bien être de voir la fuite des capitaux russes stoppée par les sanctions internationales qui s'ensuivent. (Comme souvent, leisurebocker ne fait en réalité que citer un post de blog paru sur le site Web de l'Echo de Moscou, signé par le journaliste Alexandre Minkine.)

Le projet de criminaliser ce type de blogging est tombé le jour où le ministère des Finances rendait public un plan d'au moins 7 milliards de dollars pour soutenir et développer la Crimée. Dans ces 7 milliards, les investissements privés gelés l'an dernier par le gouvernement dans le système russe des retraites se tailleraient la part du lion. (Voir ici le détail de cette réforme.)

Si les deux blogueurs cités par l'article de la “Nezavisimaia Gazeta” étaient reconnus coupables d'incitation à l'extrémisme, ce pourrait être la porte ouverte à des poursuites en justice visant les blogueurs russes les plus influents. Et en effet, le blogueur politique numéro un du pays, Alexeï Navalny, s'est empressé d'attirer l'attention ce 27 mars sur ce plan du ministère des Finances visant à redistribuer la manne des retraites russes à ses nouveaux ressortissants, et de dénoncer cette opération comme la dernière d'une série d'escroqueries orchestrées par les officiels du gouvernement.

Mme Svyatenko et le conseil municipal de Moscou disposent-ils de l'autorité légale ou des ressources policières pour inculper de violation de l'article du code pénal punissant l'incitation à la haine les internautes bloguant sur la Crimée ? Même au niveau fédéral, ainsi que Mme Svyatenko elle-même le reconnaît, la capacité du gouvernement à contrôler Internet est douteuse. Etant donné cette carence, la meilleure des tactiques à venir est de rendre les poursuites plus visibles. La Russie étant maintenant sur le pied de guerre, et même si ce n'est pas Mme Svyatenko qui en est responsable, il est plus que probable que l'on va assister à une explosion du nombre d'actions en justice contre les blogueurs auteurs de textes politiquement sensibles.

Le Top 10 des Tweets en russe, semaine 13/2014

samedi 29 mars 2014 à 00:03
Top tweets in the Russian twittersphere. Images mixed by author.

Top tweets de la twittosphère russe. Montage d'images de l'auteur.

Nous inaugurons aujourd'hui une nouvelle série de notre projet RuNet Echo consacrée au top hebdomadaire des tweets en langue russe. Chaque vendredi, RuNet Echo va collecter le Top 10 des tweets en langue russe et les présenter pour les lecteurs de Global Voices. Nos sélections se fondent sur l'algorithme des “meilleurs tweets” de Tjournal.ru, consultable et mis à jour en temps réel ici.

#10 — Un vieil homme et sa vieille voiture.

Cet homme a 102 ans. Il n'a pas changé de voiture en 82 ans. Une Rolls-Royce 1028.

#9 — Une plaisanterie macabre.

Le taux d'approbation de Poutine atteint 80 %. Pour qu'il atteigne 100 %, il va falloir fusiller ou arrêter les 20 % restants.

#8 — Comparaison des crimes de guerre de Bush, Obama et Poutine. (Nombre de femmes, enfants et vieillards tués. Civils assassinés dans des guerres inutiles. Pays bombardés. Gouvernements renversés. Centres de torture. Pays menacés d'actions armées. Tentatives de déstabilisation de pays avec des “révolutions de couleur.”)

Subitement ! (L'original en allemand @Fatherland.)

#7 — Des supporters sportifs de Russie solidaires de l'Ukraine.

Oho. Les supporters de l'équipe de foot Zenit de Saint-Pétersbourg ont déployé une bannière en soutien à l'Ukraine.

#6 — Les conseillers municipaux de Moscou envisagent des peines de prison pour les blogueurs embêtants.

A la douma de Moscou on a proposé de coffrer pour quatre ans les blogueurs mécontents des décisions [du Kremlin] sur la Crimée.

#5 — La dernière télévision indépendante de Russie lance son téléthon-SOS.

Comment nous aider en ce moment-même ? 1) Partagez ce lien sur tous vos réseaux de médias sociaux 2) Retweetez ce tweet.

#4 — Le faux compte Twitter du Premier Ministre de fait de la Crimée diffuse une conversation téléphonique enregistrée dans laquelle Ioulia Timochenko dit des obscénités contre les Russes de souche.

Important ! Timochenko sur les Russes en Russe.

#3 — Propos musclés sur le faux compte Twitter de la Procureur Générale adorée de Crimée, Natalia Poklonskaya.

Si tous d'un coup ils [me] cherchent et ne [me] trouvent pas, transmettez aux imbéciles que je suis là [au travail] de 8h00 à 22h chaque jour, 21 rue de Sébastopol, tél. 51-84-26. :)

#2 — Le principal blogueur politique de Russie, Alexeï Navalny, applaudit au journalisme d'investigation qui met au jour la corruption dans le parti au pouvoir en Russie.

Retweetez ceci, si vous voulez que tous les journaux de Russie sortent avec de telles premières pages. [En titre : "Les palais des membres de Russie Unie."]

#1 —  Le propriétaire de TV Dojd, Alexandre Vinokourov, en appelle à la minorité de Russes opposés à la censure des média.

70 % des Russes pensent qu'il est acceptable de déformer l'information dans les médias si c'est dans l'intérêt de l'Etat. [Lien vers les résultats d'un sondage.] Retweetez, si vous n'êtes PAS d'accord.

Le Thrive Show : pour vivre mieux avec une maladie chronique

vendredi 28 mars 2014 à 21:51

Alitée car affectée par une maladie chronique mal connue et très invalidante (myalgic encephalomyelitis), Jen Brea utilise les médias sociaux en virtuose et lance une série de vidéos interactives sur Google Hangout, appelée le Thrive Show, sur comment vivre avec une pathologie invisible et chronique. 

Le premier épisode est en ligne aujourd'hui 27 mars et comprend une conversation avec Eva Hagberg, auteur du livre It's All In Your Head (C'est dans ta tête).

Jen Brea est aussi la réalisatrice d'un documentaire en préparation, Canary in a Coal Mine (Le canari dans la mine de charbon), sur les maladies chroniques. Le film a levé plus de 200 000 dollars de financement participatif sur Kickstarter. Jen a été une éditrice de Global Voices  pour les pays francophones jusqu'en 2010.

Après les médias d'opposition, le Kremlin s'attaque aux universitaires contestataires

vendredi 28 mars 2014 à 19:49
Andrei Zubov, left, confronts academic repression reminiscent of the USSR. Images mixed by author.

Andrei Zubov, à gauche, mis à l'écart du monde universitaire russe pour ses opinions : une mise au pas du monde universitaire qui rappelle l'URSS, selon lui. Photomontage de l'auteur.

Le contrôle de la presse en Russie est aussi ancienne que la présidence de Vladimir Putin. Au cours  des deux dernières années, depuis que Poutine est revenu au Kremlin pour un troisième mandat, le processus s'est accéléré. Des médias qui exprimaient le point de vue de l'opposition, comme Gazeta.ru, Lenta.ru et Kommersant, ont perdu les rédacteurs en chef qui pouvaient défendre l'indépendance de ces groupes. TV Dozhd (la Pluie), la seule chaîne de télévision de l'opposition en Russie, est très proche de la fermeture à cause d'une campagne planifiée qui a réussi à ruiner la chaîne.

L'annexion de la Crimée par la Russie et la menace d'une invasion russe de l'Est de l'Ukraine ont certainement aggravé les choses. La censure qui a frappé l'information est en train d'attaquer le monde universitaire.

Il y a trois jours, le 24 mars 2014, l'université MGIMO à Moscou a licencié le professeur Andrei Zoubov pour une prétendue ‘inconduite'. Son délit est la publication d'une lettre ouverte dans le journal Vedomosti, le 1 mars, où il a comparé les actions du Kremlin en Ukraine à la prise du territoire des Sudètes par Hitler. L'administration de l'université a jugé que l'activisme politique de Zoubov (il a parlé de l'Ukraine à plusieurs occasions ces dernières semaines) nuisait à la réputation de l'université, et qu'il serait donc licencié.

Dans ses interviews, Zoubov n'a pas hésité de comparer son licenciement à ceux qui avaient lieu dans le monde universitaire soviétique pour des raisons politiques. « Oui, vous pouvez le comparer avec l'Union Soviétique, puisque c'était la même chose, » a-t-il dit au journal The New Times ce mois-ci. Cependant, Zubov a ajouté que les Russes étaient devenus un “peuple différent” depuis l'époque communiste, comme en témoigne le soutien massif public et privé qu'il a reçu dès que des rumeurs au sujet de son licenciement de la MGIMO ont commencé à circuler.  En effet, c'est le 4 mars qu'un syndicat des professeurs a publié une lettre ouverte pour soutenir Zoubov, dans les heures qui ont suivi la nouvelle de son licenciement. Maintenant qu'il est officiellement licencié de  MGIMO,  Zubov dit qu'il a reçu plusieurs offres d'emplois d'universités à Moscou et à l'étranger.

L'ancienne enseignante de la MGIMO, Ela Kolesnikowa, ne cache pas see convictions politiques. Voici la photo de son profil sur Facebook, qui la montre sur fond d'un drapeau ukrainien. 

Les entretiens avec des journalistes et les invitations dans d'autres écoles suggèrent certainement que la Russie d'aujourd'hui a beaucoup changé depuis l'époque soviétique, il est plus difficile de juger si Zoubov dit vrai quand il dit que le peuple russe est maintenant très différent.

Considérons l'expérience d'une autre enseignante de MGIMO, la conférencière Ela Kolesnikowa, qui a quitté son emploi en signe de protestation contre le licenciement de Zoubov. Le 25 mars, Kolesnikowa a publié un long message sur son compte Facebook, décrivant sa dernière journée sur le campus. Kolesnikowa dit que les étudiants lui ont fait une ovation debout en signe d'adieu, mais ses collègues du département de linguistique ont refusé même de lui parler. « Je n'ai jamais pensé que je deviendrais un fantôme, » a-t-elle écrit.

Sur Facebook, où elle a raconté l'expérience de sa démission, Kolesnikowa n'est pas à court de partisans. Le post mentionné ci-dessus a reçu près de sept mille « J'aime » et il a été partagé près de six mille fois. Des journalistes libéraux éminents comme Ilya Klishin et Filipp Dzyadko ont exprimé leur sympathie, eux-aussi.

Dans ces deux cas, l'attitude du public est radicalement différente de celle des professionnels. Mais quelles sont les réactions plus importantes ? Les étudiants qui applaudissent ? Les utilisateurs de Facebook qui encouragent ? Ou les gens qui se détachent d'un collègue avec qui ils travaillaient depuis des années ? Pour Zoubov, dont l'éminence lui permet de considérer de nombreuses alternatives de carrière, la réaction du public suffit pour suggérer l'émergence d'une nouvelle nation qui a renoncé au pire de l'héritage soviétique. Cependant, l'avenir est beaucoup moins prometteur pour Kolesnikowa et c'est peut-être un meilleur test pour mesurer combien la vie en Russie a changé, ou non.  

Une figure de la contre-culture russe prend parti pour le propagandiste du Kremlin

vendredi 28 mars 2014 à 13:11

Artyom Loskoutov, fondateur d'un mouvement artistique de contre-culture bien connu en Russie, les flashmobs “Monstration” [voir l'article de Global Voices], a fait des vagues sur la blogosphère russe en signant une lettre de soutien à Dmitri Kisseliov, un journaliste que beaucoup considèrent comme le propagandiste en chef du Kremlin. Loskoutov fait partie des quelques dizaines de journalistes russes qui ont signé cette lettre [ru], qui pose des questions précises quant aux récentes sanctions prises par l'UE contre Kisseliov, et pour qui de telles sanctions constituent une atteinte à la liberté d'expression.

Loskoutov travaille pour TV Dojd, une chaîne télévisée d'opposition qui fait actuellement face à des difficultés financières causées par la censure, et semblait donc peu susceptible de prendre parti pour Kisseliov. Le célèbre photo-blogueur Roustem Adagamov a même tweeté [ru] son intention de résilier son abonnement à TV Dojd et de se faire rembourser, suite à la prise de position de Loskoutov. Loskoutov s'est défendu dans un post Facebook [ru], arguant qu'il n'avait pas signé pour soutenir Kisseliov mais bien le principe de la liberté d'expression et les droits des journalistes. Nombre de ses lecteurs ont rétorqué que la liberté d'expression ne devrait pas s'appliquer à des “propagandistes” comme Kisseliov et se sont lancés dans des attaques personnelles contre Loskoutov – s'inscrivant dans la longue tradition de l'intelligentsia libérale russe, habituée à rechercher des traîtres dans ses propres rangs.