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Les opposants à Poutine en Russie se demandent à quel point les choses vont empirer avec Trump

lundi 21 novembre 2016 à 20:53
One of countless Putin-Trump Internet memes.

L'un des innombrables mèmes sur Poutine et Trump.

Dans la foulée de la victoire présidentielle de Donald Trump, les spéculations vont bon train en Russie et aux États-Unis pour savoir si le nouveau dirigeant de l'Amérique sera un ami ou un ennemi du Kremlin.

La semaine qui a précédé le 8 novembre, tous les experts et commentateurs tablaient sur un durcissement de la politique de Washington sous la présidence d'Hillary Clinton. Le monde doit désormais s'attendre à quatre années de leadership d'un homme qui n'a cessé de vanter les exploits géopolitiques de Vladimir Poutine, et qui a indiqué sa volonté de réécrire les engagements des États-Unis en Europe de l'Est, où la Russie est mécontente de l'élargissement de l'OTAN.

Tandis que les opposants à Trump aux États-Unis et dans le monde sont plongés en pleine panique post-électorale, l'opposition démocratique russe se retrouve dans le pétrin : la grande puissance américaine en qui elle croyait trouver un soutien et un modèle a finalement choisi pour président quelqu'un d'apparemment peu concerné par l'état de la démocratie russe.

Même si les opinions des opposants russes au sujet de Trump sont aussi variées que les opposants eux-mêmes, les militants et les politiques veulent savoir si le prochain président des États-Unis les aidera ou s'il fera obstacle à leur projet de mettre un terme au régime de Poutine et de revitaliser les institutions démocratiques russes.

Aussitôt après le scrutin américain, le blogueur anti-corruption Alexeï Navalny a publié un post sur son blog et une vidéo sur YouTube qui posent cette question : Trump est-il bon ou non pour la Russie ? La vidéo a été vue plus d'un million de fois.

Navalny démontre en quatre points que Trump, comme on pouvait s'y attendre, ne saurait être un cadeau pour la Russie: (1) Les promesses de Trump de supprimer les mesures pour la défense de l'environnement et les limitations à l'exploitation des ressources énergétiques vont faire baisser les cours mondiaux du pétrole ; (2) Les déclarations les plus flatteuses de Trump sur Poutine appartiennent au passé, et il est peu probable qu'il puisse mettre un terme aux sanctions, même s'il le voulait ; (3) Trump va entrer dans une nouvelle course à l'armement, ce qui va augmenter les dépenses militaires ; et (4) Trump et Poutine divergent sur les questions de politique intérieure comme l'immigration, le rôle économique du gouvernement, le droit au port d'armes et l'«islamisation» (sur ce dernier point Navalny s'adresse clairement à ses compagnons de route «libéraux-nationalistes», dont les vues politiques sur cette question sont beaucoup plus proches de celles de Trump que de celles de Poutine).

Malgré un million de vues et 38 000 votes en sa faveur, la vidéo de Navalny n'a pas convaincu tout le monde que Trump était une mauvaise nouvelle pour le Kremlin.

Comme Navalny, Vladimir Milov est un éminent libéral-nationaliste de la Russie contemporaine. Contrairement à Navalny, c'est aussi un spécialiste du secteur énergétique. En 2002, il a occupé le poste de vice-ministre de l'Énergie de la Fédération russe. Le dimanche 13 novembre, Milov, dans une interview au projet en ligne «Militant moscovite», dit sa déception après l'élection américaine et sa crainte que l'opposition démocratique russe ait perdu un allié précieux et trouvé un ennemi dangereux.

Что касается российской оппозиции, нам Америка как таковая не нужна. Это наша работа — здесь в России добиваться изменений, и мы помощи от них не ждем, но я скажу вот что.

Трамп вел свою кампанию больше года. Ни разу ни он, ни его вице-президент Пенс не покритиковали Путина по-серезьному. При том, что, Путин развязал войну на Донбассе, где погибло 10 тысяч человек, сбит малайзийский боинг — триста мирных жертв, в России продолжаются и еще усиливаются адские репрессии против политической оппозиции. Все видели, только что было много шума по поводу Ильдара Дадина, которого избили в колонии, а он сидит за то, что просто с плакатом стоял. Убили Бориса Немцова. Ну много чего происходит.

Ни слова плохого про Путина и про режим в России за все это время Трамп не сказал.

Мы же тоже считываем тоже этот сигнал — важно это все для него, или для него важны другие вещи. В этом смысле для нас Трамп выглядит как недружественный лидер, враждебный. Враждебный лидер, который является потенциальным союзником Путина и нашим противником.

То есть по сути он стал лидером недружественного для нас государства на сегодня. Для нас Америка, конечно, была символом свободного мира, она действительно очень много сделала для развития демократии в мире. Но с таким лидером это все меняется как в калейдоскопе, и мы видим в нем союзника диктатора. Вы видите, как все диктатуры бросились его поздравить, все антиглобалистские силы просто счастливы от этой победы. Это совершенно не радует. Я делаю вывод о том, что в ближайшее время Америка — это будет страна, которая будет скорее помогать Путину. А нам крайне неприятно, что все эти безобразия, которые в России происходят, не получили от Трампа ни малейшеи моральной оценки.

Concernant l'opposition russe, nous n'avons pas besoin de l'Amérique en tant que telle. Notre tâche, c'est d'apporter des changements en Russie nous-mêmes, et nous n'allons pas attendre après les Américains. Par contre, je vais vous dire une chose.

La campagne de Trump a duré plus d'un an. Pas une fois, non plus que son co-listier Pence, il n'a critiqué sérieusement Poutine. Et ce alors que Poutine avait déclenché la guerre dans le Donbass, où 10 000 personnes sont mortes, abattu un Boeing malaisien — 300 victimes innocentes — et que sur le sol russe se poursuivent de terribles répressions contre l'opposition politique. Tout récemment, tout le monde a vu la tempête médiatique autour du cas d'Ildar Dadine, tabassé en camp pénitentiaire, et incarcéré juste pour avoir tenu une pancarte lors d'un piquet de manifestation. Boris Nemtsov a été assassiné. Et la liste est longue.

Pendant tout ce temps, Trump n'a pas eu un mot contre Poutine et le régime russe.

Autant de signaux auxquels nous sommes attentifs — ces événements ont-ils ou non de l'importance pour lui, ou bien d'autres ? C'est en ce sens que nous percevons Trump comme un dirigeant inamical, hostile. Un dirigeant hostile qui pourrait devenir l'allié de Poutine et notre adversaire.

En substance, il est maintenant à la tête d'un Etat qui nous est pour l'instant hostile. Pour nous, l'Amérique était bien sûr le symbole du monde libre, et elle a fait réellement beaucoup pour le développement de la démocratie dans le monde. Mais avec un dirigeant de ce genre, tout change sans cesse comme dans un kaléidoscope, et nous voyons en lui l'allié d'un dictateur. Vous avez vu comment toutes les dictatures se sont précipitées pour le féliciter, toutes les forces anti-mondialisation sont proprement ravies de sa victoire.

Nous n'avons pas de quoi nous réjouir. Je soupçonne que l'Amérique va rapidement devenir le pays qui va voler au secours de Poutine. Pour nous, il est extrêmement regrettable que tous ces scandales qui se produisent en Russie n'aient pas suscité le moindre jugement moral de la part de Trump.

Milov a partagé ses commentaires sur Facebook, en les intitulant «Rappels à ces cinglés de l'opposition russe que Trump et “le choix du peuple américain” font saliver». «C'est le diable, probablement, qui les égare», écrit-il.

« Golden Ridicule », quand un artiste de rue pétersbourgeois se moque des hauts-fonctionnaires qui envoient leurs enfants à l’étranger

lundi 21 novembre 2016 à 18:21
Hioshi's "Golden Ridicule (Or, Please Take My Son)" in St. Petersburg. Republished with permission.

“Golden Ridicule (Or, Please Take My Son)” de Hioshi, Saint-Pétersbourg. Reproduit avec autorisation.

Hioshi, le pseudonyme d’un artiste russe anonyme qui est connu pour ses expositions de petites œuvres d’art dans les rues de Saint-Pétersbourg, a réalisé une installation plus tôt cette semaine. « Golden Ridicule (ou prenez mon fils, je vous en prie) » met en scène plusieurs responsables russes placés dans un hachoir à viande doré ; l'un d'eux tient un nouveau-né, suppliant un jeune diplômé d'emmener son fils à l'étranger pour, selon Hioshi, qu’« il ne grandisse pas sous la législation de son père. »

D’une hauteur de 25 cm environ et faite de céramique, de fer et d'acrylique, l’œuvre d’art est apparue il y a quelques jours le long de la Grande Néva à Saint-Pétersbourg.

L'installation « hachoir à viande doré avec fonctionnaires » est apparue à Saint-Pétersbourg.

D’après les propos recueillis par RuNet Echo, pour Hioshi, « Plus les fonctionnaires et les députés proposent des initiatives législatives et réglementaires, plus ils tiennent à envoyer leurs enfants le plus loin possible de la Russie ». Selon lui, l’œuvre d’art met à nu le soi-disant patriotisme des responsables russes ainsi que leurs supposées hostilités à l’égard de l’Occident. Hioshi déclare qu’il a choisi un hachoir à viande doré parce qu’il décrit parfaitement la vie des responsables russes : « Imaginez un marécage ou un sable mouvant qui vous aspire, où il n'y a pas de fond et chaque mouvement et geste effectué, vous fait enfoncer toujours plus profondément. »

D'innombrables fonctionnaires russes haut-placés envoient leurs enfants étudier à l’étranger ; Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, le député de Russie Unie Sergeï Jelezniak, l’ancien président de la Compagnie des chemins de fer russes Vladimir Yakounine, ont entre autres tous des enfants suivant des études en Occident.

Hioshi a réalisé cette installation en réaction à un récent projet de loi visant à empêcher les enfants de fonctionnaires d'étudier à l’étranger. « Mes installations ne vont probablement rien changer en Russie, et encore moins faire réagir les personnes corrompues, ultra-patriotiques ou religieuses. Ceux-là se sont enfermés dans une bulle opaque avec [l’animateur sur la chaîne de télévision d’Etat et propagandiste Dmitri] Kisseliov et [le député et militant anti LGBTQ Vitali] Milonov et crachent leur haine de l’Occident depuis leur cocon protégé », déclare Hioshi. « Mais je veux que mon art transmette un message à tous ceux qui voient à travers les nuages de mensonges et la haine infondée des programmes télévisés étatiques, à ceux qui continuent de croire désespérément en des élections libres : il ne faut jamais dire jamais. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, vous n’êtes pas seuls ».

Deux des installations les plus importantes de Hioshi sont « Studio Rules of Composition » (2016), représentant les appartements inconfortables et hors de prix en Russie et «TV Dinner» (2015), qui montre une famille de quatre personnes subjuguée par la télévision d'Etat Perviy Kanal.

Entretien exclusif avec les hauts-responsables de l'ONU: Trump, changement climatique, migrations, eau

lundi 21 novembre 2016 à 12:45
M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l'ONU, avant son interview avec le lauréat de la bourse Dag Hammarskjöld, journaliste et auteur de Global Voices, Abdulfattoh Shafiev. Photo des Nations Unies, publiée avec la permission.

Ban Ki-moon, Secrétaire général de l'ONU, avant son interview avec le lauréat de la bourse Dag Hammarskjöld, journaliste et auteur pour Global Voices, Abdulfattoh Shafiev. Photo des Nations Unies, publiée avec la permission.

Le journaliste et contributeur de Global Voices Abdulfattoh Shafiev, lauréat de la bourse Dag Hammarskjöld, a interviewé Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations Unies et Peter Thomson, Président de l'Assemblée générale des Nations Unies le 10 et le 11 novembre respectivement dans leurs bureaux au siège des Nations Unies à New York.

Les deux responsables de l'ONU ont répondu aux questions concernant l'impact de l'élection surprise de Donald Trump comme président des États-Unis sur le travail de l'organisation dans des domaines clés tels que le changement climatique et les migrations, ainsi que sur d'autres sujets comme l'autoritarisme et les politiques d'accès à l'eau.

La victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine n'a pas seulement posé des questions sur l'avenir de la plus grande économie du monde et de l'acteur international le plus puissant. La promesse faite par Trump à la Convention nationale républicaine en juillet, selon laquelle “américanisme, et non mondialisme, sera notre credo” a jeté des ombres sur l'avenir même du multi-latéralisme et des organisations internationales qui ont émergé des débris de la Seconde guerre mondiale, des migrations et ldu réchauffement climatique.

Mais au siège des Nations Unies à New York, il n'y avait aucun signe visible de panique suite à l'élection de M. Trump et ces personnalités de haut rang de l'organisation sont apparues détendues lors de la présentation de leurs points de vue sur certaines des questions les plus importantes en ce moment.

Les conversations de l'auteur avec le Secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon et le Président de l'Assemblée générale de l’ ONU Peter Thomson ont commencé par un examen des déclarations du président-élu américain sur deux des dossiers les plus importants gérés par l'organisation ces derniers temps, et se sont poursuivies par l'autoritarisme, les flux migratoires et la gestion de l'eau en Asie centrale.

Comment comprendre les déclarations de M. Donald Trump sur l'Iran et le changement climatique ?

Une question qui a eu beaucoup de place lors de la campagne présidentielle de M. Trump a été l'idée qu'il pourrait abroger [fr] l'accord conclu entre l'Iran et le groupe appelé 5 + 1 (Grande – Bretagne, France, Allemagne, Russie, Etats-Unis et Union européenne) sur son programme nucléaire controversé.

Sur ce sujet, le secrétaire général de l'ONU M. Ban a déclaré:

Il s'agit d'un accord qui a été approuvé par cinq membres du Conseil de sécurité et l'Allemagne et qui est pleinement soutenu par le Conseil de sécurité. Les États-Unis ont joué un rôle crucial parmi les membres et l'ONU a appuyé pleinement cet accord. Bien sûr, cet accord ne pouvait pas être un accord parfait, mais nous ne vivons pas dans un monde parfait. S'il y a quelque chose qui pourrait ne pas être satisfaisant pour le président nouvellement élu, il devrait en discuter avec les parties concernées. Ce qui est important, c'est la mise en œuvre de cet accord de manière fidèle. Quoi qu'il ait pu dire dans sa rhétorique politique pendant la campagne présidentielle, je suis sûr qu'une fois qu'il assumera ses fonctions en janvier, il sera engagé par l'accord. Depuis que l'ONU a été créée, nous avons vu de nombreux changements dans l'administration américaine du parti démocrate aux républicains. Mais tous ont honoré de tels accords.

Le Président de l'Assemblée générale des Nations Unies, Peter Thomson (à droite) et l'auteur de Global Voices, Abdulfattoh Shafiev (à gauche). Photo de l'ONU. Réutilisée avec la permission.

Le Président de l'Assemblée générale des Nations Unies, Peter Thomson (à droite) et le contributeur de Global Voices, Abdulfattoh Shafiev (à gauche). Photo de l'ONU. Réutilisée avec la permission.

Refusant d'être entraîné dans le débat sur les propos spécifiques de M. Trump sur le réchauffement climatique et l'accord de Paris sur le climat (avant de devenir candidat à la présidentielle, dans des déclarations enregistrées M. Trump soutenait que le réchauffement planétaire était un canular inventé par les Chinois [fr], commentaires qu'il a niés pendant la campagne), Peter Thomson, Président de l'Assemblée générale des Nations Unies doute qu'un seul homme soit capable de renier un consensus international croissant sur ce sujet :

Je ne veux pas spéculer sur ce qu'il croit et ce qu'il va faire, mais ce que je dirais, c'est qu'il est très évident que des maires, des groupes communautaires, des individus, une grande partie des Américains, réalisent que l'intérêt de l'Amérique et de l'humanité résident dans l'avenir de l'énergie propre. Si vous êtes le maire de Miami, vous n'avez pas besoin que quelqu'un vous dise que le niveau de la mer monte, il vous suffit de descendre dans la rue, pour voir l'eau venir à travers les grilles dans la rue et vous verrez que vous devez faire quelque chose à propos de ça. Ce que je veux dire, c'est que si les gouvernements sont évidemment extrêmement importants, ce sont les gens qui feront le changement. Nous constatons maintenant que les énergies renouvelables deviennent concurrentielles, voire plus appropriées que les énergies fossiles dans certains cas, et ce qui est bon pour les entreprises sera bon pour ce pays et pour le monde. Je ne suis donc pas trop inquiet quant à tout cela.

Ban Ki-moon aux présidents : Laissez les constitutions en paix, donnez le pouvoir aux peuples

Il y a deux mois, s'exprimant à l'ouverture de la 71 e session de l'Assemblée générale, M. Ban Ki-moon a profité de l'occasion pour faire son dernier grand discours en tant que secrétaire général de l'ONU pour inviter les tyrans du monde à ne pas bricoler les constitutions afin de s'accrocher au pouvoir [fr].

Global Voices a demandé à M. Ban de développer ces propos :

Un des regrets et des déceptions que j'ai éprouvés au cours de mes dix années en tant que Secrétaire général, c'est que j'ai vu certains dirigeants qui ne sont pas attachés aux principes démocratiques et essaient de s'accrocher au pouvoir contre la volonté populaire. Il est important que les dirigeants écoutent attentivement la voix, les attentes et les préoccupations de leurs peuples. Mais quand vous leur enlevez la parole pendant des années cela devient une source de griefs et si ceux-ci ne sont pas traités correctement, ils peuvent se transformer en manifestations, en résistance et même en violence populaires.

La plupart des problèmes que nous voyons dans le monde ne sont pas causés par les peuples. Malheureusement, ils ont été causés par les dirigeants eux-mêmes, parce qu'ils n'écoutent pas la voix du peuple. Chaque fois que j'allais à des réunions et des sommets très importants, chaque fois que je pouvais parler aux dirigeants, je leur disais : Quand votre mandat constitutionnel arrive à sa fin, s'il vous plaît, n'essayez pas de changer la constitution, s'il vous plaît, ne vous accrochez pas au pouvoir. Cela a été mon message constant.

 M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l'ONU, répond aux questions lors de l'interview d'Abdulfattoh Shafiev de Global Voices. Photo de l'ONU. Réutilisée avec permission: Défendre la dignité des réfugiés et des migrants: Non à la xénophobie, Non à la discrimination!

M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l'ONU, répond aux questions lors de l'interview d'Abdulfattoh Shafiev de Global Voices. Photo de l'ONU. Réutilisée avec permission : Défendre la dignité des réfugiés et des migrants: Non à la xénophobie, Non à la discrimination!

Le mandat de M. Ban se termine le 31 décembre, date à laquelle il sera officiellement remplacé dans ses fonctions de Secrétaire général de l'ONU par l'ancien Premier ministre portugais Antonio Guterres, élu en octobre. Le patron de l'ONU a déclaré à Global Voices le 11 novembre qu'il pensait que M. Guterres sera l'homme idéal pour formuler la réponse de l'organisation au défi des réfugiés et des migrations qui sont devenus les principaux sujets d'actualité ces dernières années.

L'auteur de ce billet provient d'un pays, le Tadjikistan, où plus d'un million de ressortissants sont contraints par la conjoncture économique à chercher du travail en Russie. Un manque de protection des migrants à l'étranger a conduit à d'innombrables tragédies avec des conséquences sur des millions de familles à travers le monde, tandis que des politiciens tels que M. Trump et des partis nationalistes émergent en  Europe les utilisant comme chair à canon politique.

M. Ban a déclaré à Global Voices qu'il pensait que l'ONU avait un rôle clé à jouer pour assurer la dignité humaine des migrants et des réfugiés :

Mon successeur, Antonio Guterres, a servi pendant dix ans comme Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. C'était donc l'homme le  plus expérimenté, le plus capable et le plus engagé dans la résolution des problèmes des migrants et des réfugiés. Il y a actuellement 65 millions de réfugiés et de migrants. Il s'agit du plus grand nombre de réfugiés depuis la Seconde guerre mondiale. Sans entrer dans des cas précis, nous sommes profondément préoccupés par la tendance à discriminer et à violer les droits humains des migrants et des réfugiés qui ont dû quitter leur foyer à cause de la persécution, du danger et des menaces pour leur vie, ainsi que l'espoir d'un avenir meilleur et de meilleures opportunités. Non à la discrimination, non à la xénophobie et non au mauvais traitement des réfugiés – c'est un principe fondamental des droits de l'homme.

Accès à l'eau : “Une préoccupation croissante pour l'humanité”

Un défi final auquel font face de nombreuses régions du monde, y compris la région d'origine de l'auteur en Asie centrale, est l'utilisation et la gestion des ressources en eau de plus en plus rares. Le Tadjikistan, qui est l'un des pays de l'Asie centrale comparativement riches en eau, a constamment soulevé ses craintes sur les questions régionales de l'eau à l'Assemblée générale des Nations Unies.

Global Voices a demandé à M. Peter Thomson, à la veille de sa participation au prochain Sommet de l'eau à Budapest du 28 au 30 novembre, comment il envisageait l'avenir de la politique mondiale de l'eau.

C'est précisément pour cela que je vais assister au Sommet de l'eau à Budapest. La Hongrie, le Tadjikistan, la Finlande et quelques autres pays ont vraiment joué un rôle fondamental dans le progrès pour la poursuite de l’objectif de développement durable N° six [fr] (assurer la disponibilité et la gestion durable de l'eau et de l'assainissement pour tous). Je reconnais que la politique de l'eau douce constituera un domaine important du 21e siècle et il est important de comprendre que tout soit fait dans le monde sur le partage d'une manière inclusive à ce sujet. Je sais que le Tadjikistan a bien pris ses responsabilités dans ce domaine et c'est l'une des raisons pour lesquelles il prend les devants en matière de l'ODD 6 parce qu'il a un tel intérêt en jeu.

Il y a de gros problèmes en Asie centrale dans le domaine des ressources en eau. Les glaciers fondent à un rythme effrayant et avec l'affaiblissement de la mousson indienne, cela a des implications pour les approvisionnements en eau dans la région à l'avenir. Ce sont toutes ces choses que nous allons discuter à Budapest. Mais je pense que le monde commence à se réveiller à propos des problèmes auxquels l'Asie centrale est confrontée et ce seront des problèmes qu'on rencontrera dans le monde entier. C'est pourquoi j'ai organisé une réunion en dehors de la Conférence au sommet à Budapest où nous parlerons de ce que nous pourrons pratiquement faire au sujet de l'ODD6 en termes de coopération en matière de politique de l'eau, qui sera une préoccupation croissante pour l'humanité, sur toute la planète.

L'auteur exprime sa sincère gratitude à l'ex-correspondante de Reuters et actuelle correspondante du Huffington Post, Mme Evelyn Leopold, ainsi qu'à son équipe de la Fondation Dag Hammarskjold pour les journalistes, ainsi qu'à l'Association des Correspondants des Nations Unies pour lui avoir organisé des réunions officielles et non officielles avec le Secrétaire général de l'ONU M. Ban Ki-moon et le président de l'Assemblée générale des Nations Unies, M. Peter Thomson.

“Le Sommet de la francophonie écarte l’âme de Madagascar: sa population”

dimanche 20 novembre 2016 à 22:08
Rassemblement du collectif citoyen Wake up Madagascar via Facebook Wake Up Madagascar

Rassemblement du collectif citoyen Wake up Madagascar via Facebook Wake Up Madagascar

Le 16ème sommet de la Francophonie aura lieu les 24 et 25 novembre à Antananarivo, Madagascar. Les Sommets de la francophonie sont des rencontres des chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’Organisation internationale de la francophonie qui se tiennent tous les deux ans depuis 1986. Lors de ces sommets, les chefs d’État ou de gouvernement discutent de politique internationale, d’économie mondiale, de coopération francophone, de droits humains, d’éducation, de culture et de démocratie. Pour préparer l'arrivée des nombreux chef d'états, le gouvernement malgache a tenu à assainir la capitale malgache et la montrer sous son meilleur jour à ses nombreux invités étrangers.

Pour se faire, l'administration malgache a pris des mesures drastiques: construire de nouvelles routes mais aussi déplacer les nombreux sans-abris qui se trouvent dans la capitale. Felaniaina Diamante a publié de nombreuses photos montrant les sans-abris déplacés pendant la nuit en amont du Sommet. Elle écrit:

Afindra monina vonjy maika(…) aloha ireo”mahantratsika”fa manimba mason'ny vahiny@frankofonia…Noraofina t@camion ben'ny CUA.

On deplace urgement (..) nos indigents parce que leurs présences pourraient choquer les invités de la francophonie. Un camion-benne de la mairie les a transportés.

 

Emsemble de photos montrant l'evacuation des sans abris a Antananarivo, madagascar

Emsemble de photos montrant l'evacuation des sans abris a Antananarivo, madagascar

Pamela habite à Antananarivo et témoigne aussi dans ce sens:

J'étais outrée de voir comment ces personnes ont été transportées en pleine nuit, entassées dans un camion. Les SDF ne pouvaient pas vraiment refuser l’offre faite, les policiers leur ont proposé des vivres et des couvertures. Mais dès le lendemain matin, quelques-uns sont revenus à la case départ expliquant que le lieu ne leur convenait pas. Pourquoi a-t-on laissé le nombre de SDF s'accroître dans ce quartier, pour subitement décider de les embarquer, quelques jours avant ce sommet ?

Le mouvement citoyen Wake Up Madagascar a tenu à faire connaître la réalité du quotidien des malgaches. Le mouvement a organisé un “sit-in” sur une place de la capitale pour interpeller les dirigeants qui vont assister au Sommet et décrit l'objectif de cette manifestation dans une lettre ouverte à la Secretaire Générale de la Francophonie:

Madame La Secrétaire Générale,
Nous, citoyens malgaches, sommes honorés d’être les hôtes du 16e Sommet de la Francophonie, bien que l’organisation de l’événement et les mesures prises pour son déroulement sont loin d’avoir acquis l’adhésion de tous. Nous vous souhaitons la bienvenue dans notre humble pays.
Malheureusement, ce Sommet qui se veut fédérateur écarte l’âme même de Madagascar qu’est sa population. Les mesures prises au nom du confort et de la sécurité des prestigieux invités ne servent qu’à cacher la réalité du Malgache de 2016 et pour certains d’entre nous, alourdissent la précarité quotidienne durant la semaine consacrée à la Francophonie.
Par ailleurs, un budget faramineux a été mis à disposition de l’Etat pour l’organisation de l’événement. Cependant, les dépenses occasionnées dans la préparation du Sommet restent opaques et les détails, jalousement gardés par l’Administration. Malgré les incessantes demandes de la société civile et de simples citoyens, le budget y affecté et ses sources sont volontairement laissés flous, laissant planer des doutes et des inquiétudes légitimes.
La lettre ajoute:
Dans le quotidien malgache, nos citoyens meurent chaque jour dans des cambriolages, dans des attaques à main armée, dans des attaques de dahalo. L’Etat, qui se plie en quatre pour recevoir le sommet francophone, n’agit pas pour les administrés.
Nous nous sentons exclus de notre propre vie, de notre propre ville, de notre propre pays. Et c’est injuste !
Quelle est notre réalité, en 2016 :
- 92% des malgaches vivent en dessous du seuil de pauvreté. Un chiffre terrible qui s”illustre par la difficulté du Malgache lambda à trouver quotidiennement son besoin le plus basique : la nourriture.
- 1.400.000 personnes sont en état d'insécurité alimentaire dans le Sud, dont 840.000 personnes au plus haut niveau d'insécurité alimentaire
- Une insécurité galopante en milieu urbain et en milieu rural
- 7 personnes sur 10 n'ont pas accès à l'eau potable
- Les coupures d'eau et d’électricité sont quotidiennes sur tout le territoire, pour ceux qui y ont accès.
Lors du sit-in, de nombreux messages ont été affichés par les manifestants, comme celui-ci, porté par Jentilisa, contributeur à Global Voices:
"Je suis lq liberté d’expression bafouée" par Jentilisa

“Je suis la liberté d’expression bafouée” par Jentilisa

Ketakandriana Rafitoson, porte-parole du collectif, explique à RFI le pourquoi le sit-in et les messages portés par les participants:

Et quand il y a un sommet où il s’agit d’inviter des étrangers, l’Etat se plie en quatre pour les accueillir. Mais nous, alors qu’on demande des services publics de base, -par exemple des problèmes d’électricité, de délestage qu’on a au quotidien, l’eau boueuse, les routes qui ne sont pas réparées-, personne ne nous écoute.(La teneur des messages?) : « Je suis les milliers de sans-abris », « Je suis celui qui n’a pas de travail », « Je suis les 1 400 000 Malgaches qui souffrent d’insécurité alimentaire dans le sud ». Les dirigeants veulent jeter de la poudre aux yeux à la communauté internationale tandis que le peuple se meurt.

Aucun chiffre officiel n’a été communiqué non plus sur le coût des dépenses relevées à ce jour. Cette opacité fait partie des réalités malgaches que le mouvement souhaite faire savoir aux  visiteurs de la Francophonie.

Le combat d'une mère pour la garde de son fils et contre le sexisme institutionnalisé du Liban

dimanche 20 novembre 2016 à 21:11
Activists marching to demand Fatima's freedom on November 7, 2016. Photo taken by Whard Sleiman.

Marche pour exiger la libération de Fatima, le 7 novembre 2016. Photo : Whard Sleiman, reproduite avec son autorisation.

Après une semaine passée en prison, Fatima Ali Hamzeh refuse toujours de céder la garde de son fils à son mari, qui a pris une seconde épouse sans vouloir divorcer de la première. C'est lui qui a fait appel à la police, qui s'est empressée d'arrêter Fatima, une institutrice, lorsqu'elle a “enfreint la loi” en disant qu'elle ne renoncerait pas à la garde de leur enfant.

Le 5 novembre 2016, des  femmes et des hommes ont marché ensemble à travers Beyrouth pour exiger la remise en liberté de Fatima.

Rahal, qui enseigne dans la même école que Fatima, a dit à Global Voices que celle-ci rentrait de l'école lorsqu'elle a trouvé son mari qui l'attendait avec la police à leur maison :

Quand elle est arrivée chez elle avec le bus scolaire ce jour-là, son mari l'attendait avec la police pour la faire arrêter.

Deux jours après la manifestation, Fatima a été libérée sous caution, dans l'attente de son procès. L'organisation “Protecting Lebanese Women” (PLW, ‘Protection des Femmes libanaises’) a filmé sa remise en liberté et publié les images sur Facebook, où elles ont été vues plus de 37.000 fois. Dans la vidéo, Fatima dit à l'assistance : “A présent j'ai lancé une révolution contre l'oppression des femmes. Ma cause est celle de toutes les femmes”.

Fatima and her son Ali. Photo by 'Protecting Lebanese Women' on Facebook.

Fatima et son fils Ali. Photo “Protecting Lebanese Women”sur Facebook.

La cause de Fatima, c'est la réforme des lois du statut personnel au Liban. Comme l’expliquait Human Rights Watch en 2015 :

Les lois du statut personnel du Liban basées sur la religion discriminent les femmes au-delà du spectre religieux et ne garantissent pas leurs droits fondamentaux […] Le Liban a 15 lois différentes de statut personnel pour ses religions reconnues mais pas de code civil traitant des questions comme le divorce, les droits de propriété, ou la garde des enfants. Ces lois sont administrées par des tribunaux religieux autonomes avec peu ou aucune supervision de l'Etat, et souvent une jurisprudence portant atteinte aux droits humains des femmes.

Le cas de Fatima n'est que le plus récent exemple de l'effet que peuvent avoir de telles lois sur les gens ordinaires. Son fils Ali a quatre ans. Elle était “supposée” renoncer à son droit de garde quand il a atteint deux ans, mais elle a refusé et continue à refuser de le laisser partir jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge adulte.

Balsam Haidar, une collègue de Fatima à l'école, a dit à Global Voices qu'elle souffre depuis quatre ans :

Elle a été en même temps une mère et un père. Elle élève son fils et pourvoit à tous ses besoins, son père ne donne pas un sou pour lui.

En réaction, une manifestation a été organisée par PLW, et a attiré des centaines de Libanais réclamant des réformes.

Une des organisatrices, Nadyn Jouny, a dit à Global Voices que la manifestation a drainé plus de monde que prévu :

Après quatre ans de souffrances et d'impossibilité de voir mon fils, voici la première année où je peux crier et élever la voix. J'avais assez de force en moi pour Iaisser sortir toute la douleur en moi dans un cri. Pendant une seconde, j'ai levé la tête pour voir Ie contact des autres avec moi, et j'ai été étonnée de voir le nombre de femmes pleurant douloureusement devant mes yeux.

Elle a répété un des slogans de la manifestation : “Nous ne renoncerons pas !” ajoutant :

Toutes les larmes que nous avons versées se changeront en espoir, dans les yeux de ma mère, de mes frères et soeurs, de tous ceux et celles qui luttent pour cette cause, et notamment mon fils Karam.

Une autre militante féministe qui défend les droits des femmes depuis des années, a expliqué en quoi cette manifestation était spéciale : 

Je pense que cette manifestation était une des plus importantes pour les droits des femmes au Liban, car elle a été organisée et menée par des femmes chiites, et menée par des femmes qui ont été exclues de la scène militante au Liban.

La jeune militante ajoute :

Pour la première fois, on a vu des femmes et des hommes parler de patriarcat comme jamais avant. On a entendu des femmes et hommes défendre les droits des femmes, et parler de la façon dont la religion a empêché les femmes d'obtenir leurs droits.

Des sources proches de l'affaire ont dit à mercredi 16 novembre à Global Voices qu'il devrait y avoir un accord à l'amiable entre les parties :

Demain, jeudi 17 novembre, Fatima retrouvera son mari au tribunal, et les juges ont proposé une “conciliation”.

Global Voices a appris que Fatima serait prête à renoncer à ses droits pécuniaires après avoir divorcé, pour garder son fils. Ce qui revient, dit la source, à un chantage car cela exempte son mari de ses responsabilités envers elle et leur fils.

Une autre source, qui a également préféré garder l'anonymat, a dit à Global Voices que Fatima a demandé une toute petite pension alimentaire, puisqu'elle s'est chargée de toutes les dépenses depuis plusieurs années. et d'ajouter :

Pourquoi le père ne prend-il pas soin de son fils ?… Il lui suffit de pleurer dans une émission télé et de dire qu'il lui manque ?

Le tribunal ne s'est pas prononcé sur les dépenses du couple depuis 2015. Au long des années, d'ailleurs, il a ignoré les diverses requêtes de Fatima.

Ça l'a laissée déboussolée, ne sachant pas si elle obtiendra ou non le divorce. Exactement ce que son mari voulait qu'elle soit.

Au moment de l'écriture de cet article, la première audition de Fatima a été fixée. Selon sa soeur :

A l'audience d'aujourd'hui qui devait porter sur la conciliation, ni Fatima ni son mari n'étaient présents. Seuls leurs avocats étaient au tribunal. L'audience a été reportée à jeudi prochain, et Fatima et son mari y sont attendus pour trouver une solution définitive. Aujourd'hui, cependant, l'avocat du mari a proposé une solution au litige portant uniquement sur la partie en rapport avec l'enfant, tandisque l'avocate de Fatima (sa soeur Fadia Hamza) a demandé que le conflit soit résolu complètement, y compris la partie en rapport avec la responsabilité du père dans la prise en charge des dépenses de la mère et de l'enfant. L'avocat du père a demandé que le garçon passe trois jours par semaine avec le père et quatre avec la mère, alors que le juge a proposé que l'enfant passe cinq jours avec la mère et deux avec le père. Mais la mère estime que le garçon serait désorienté si cette solution était mise en oeuvre, surtout qu'il doit aller à l'école.

On ignore encore les prochains développements de l'affaire. Est-ce la renaissance d'un mouvement pour les droits des femmes au Liban ?