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Des Russes s'engagent dans la défense de l'environnement, à leurs risques et périls

mercredi 11 juin 2014 à 00:21
Canadian Greenpeace members support their colleagues held in Russia. Photo by Victor Biro, 27 September 2013. Copyright: Demotix.

Des membres de Greenpeace Canada manifestent pour libérer 30 collègues et membres d'équipage arrêtés en Russie pour ‘piraterie’ car suspectés d'avoir tenté d'aborder une plateforme pétrolière russe au cours de leur campagne Save the Arctic en 2013. Photo de Victor Biro, 27 Septembre 2013. Droit d'auteur : Demotix.

Dans cet article, Angelina Davydova, spécialiste des questions environnementales et journaliste, relate la montée du militantisme environnemental local en Russie. La version originale de cet article a été écrite par la Fondation Thomson Reuters, et est publiée ici avec l'accord de l'auteur à partir de 350.org, une organisation visant à mobiliser au niveau mondial pour résoudre la crise climatique.

Nina Popravko figure parmi les rares avocats spécialistes de l'environnemental en Russie, et défend en justice un groupe comptant une douzaine de militants dans la petite ville de Kozmodemiansk, dans la République des Maris sur la Volga. Les militants se battent depuis des années contre des projets de construction d'une décharge d'ordures ménagères, qui selon eux serait trop près d'une immeuble résidentiel.

Immédiatement après les audiences, Me Popravko a pris le train pour Oufa, une ville de plus d'un million d'habitants au sud de l'Oural, où plusieurs centaines de personnes tentent d'organiser une audition publique indépendante au sujet de la construction d'une usine de transformation du bois.

Et de retour chez elle près de St. Pétersbourg, où Nina Popravko vit et travaille pour l'organisation non  gouvernementale environnementaliste Bellona, un autre combat est en cours. Un groupe de militants a commencé à se mobiliser depuis l'abattage de près de 200 gros pins pour laisser place à un ensemble résidentiel de luxe. Afin d'empêcher un empiètement encore plus important sur l'espace forestier, les militants engagent des poursuites contre le promoteur immobilier, qui d'après eux aurait acquis la parcelle de terre illégalement.

“Je constate vraiment l'engagement croissant de beaucoup de gens ordinaires pour la cause environnementale”, dit Mme Popravko.

Les citadins de toute la Russie s'organisent pour la défense de leurs droits environnementaux de manière plus professionnelle qu'avant. En plus de l'installation de campements contestataires et l'occupation des chantiers, ils apprennent à faire des procès, organisent des discussions publiques et travaillent avec les journalistes et les réseaux sociaux.

De nombreuses initiatives locales similaires suscitent le soutien d'ONG environnementalistes plus grandes et expérimentées comme Greenpeace et WWF Russie, mais beaucoup se débrouillent aussi par elles-mêmes — avec un succès variable.

Ce qui fonctionne

Il n'y a pas de recette miracle pour gagner, dit Alexander Karpov, un expert du centre ECOM qui a passé plus de dix ans à soutenir les initiatives environnementales et urbaines locales à travers la Russie.

Karpov travaille depuis peu comme consultant auprès du Parlement de St. Pétersbourg, en rédigeant des projets de lois et effectuant d'autres activités juridiques, ainsi qu'en apportant si nécessaire son point de vue et son expertise aux parlementaires locaux.

Karpov affirme que la réussite de toute cause environnementale dépend du volume de temps et d'énergie que les militants sont prêts à donner pour protéger leurs droits. Il assure aussi que l'expertise est primordiale et que, plus les militants échangeront “de manière professionnelle” avec les autorités locales, rédigeront des documents juridiques et mèneront un lobbying à valeur ajoutée pour leurs causes, meilleures seront leurs chances de réussite.

La considération du public pour les questions environnementales s'est accrue en Russie au cours des dernières années. Certains experts établissent un lien avec le bien-être financier croissant des Russes, qui permet à plus de gens de pouvoir voyager à l'étranger ainsi que de planifier leur avenir et celui de leurs enfants.

Lien entre corruption et pouvoir

D'autres experts y voient une réaction à la corruption massive et à la mauvaise gouvernance, souvent à l'échelle locale, impliquant les autorités locales qui contractent des alliances troubles avec des entreprises locales ou nationales aux frais des résidents locaux.

La pression en faveur d'un militantisme environnemental plus fort a rencontré une réponse contrastée des dirigeants russes.

Nikolaï Goudkov, un porte-parole du ministère russe des ressources naturelles et de l'environnement, a dit que ce ministère “travaille activement avec les citoyens, les initiatives environnementales et les défenseurs — à la fois par le biais de notre bureau de liaison national et à travers davantage de ressources en ligne”, tel que le site Nacha Priroda (“Notre Nature”). Le site a été lancé fin 2013 et permet aux gens de toutes les régions de Russie de faire état d'infractions à l'environnement dans leurs voisinages, en utilisant la technologie de la géolocalisation.

Goudkov a indiqué que les représentants du ministère ont aussi organisé des réunions avec les défenseurs environnementaux travaillant sur les conflits locaux connus du public, tel celui concernant l'installation de l'usine de transformation du bois à Oufa, et un dossier litigieux en Russie centrale où les résidents se battent contre les projets de création d'une mine de nickel et de cuivre.

Mais la Douma d'Etat, le Parlement russe, a récemment mis en chantier un certain nombre de projets de loi qui menacent d'entraver les droits des militants locaux et de limiter les chances d'une participation publique plus importante au niveau des projets de la ville et du développement régional.

Fin décembre, les députés ont tenté de faire voter un projet de loi supprimant les procédures d'auditions publiques concernant un certain nombre de projets de construction d'infrastructures. Suite à une campagne civique engagée par des militants et des avocats environnementalistes, le projet de loi a néanmoins été “suspendu”, selon Nina Popravko. Mi-mars, un autre projet de loi réduisant de manière significative le nombre d'instances dans lesquelles les audiences publiques doivent se tenir a été voté en premier examen. Les avocats environnementalistes  disent que cette loi contrevient aux règles de droit russes et internationales.

“Le Parliament russe accumule les projets de loi qui limitent de manière préoccupante la participation publique”, disait un groupe d'avocats environnementalistes au cours d'une intervention publique. Une campagne contre cette loi est en cours.

Gros plan sur l'urbanisme

L'un des enjeux environnementaux les plus populaires en Russie actuellement est l'écologie en milieu urbain, qui étudie les aspects environnement du développement urbain. Les écologistes en milieu urbain s'intéressent aux problématiques telles que les transports propres, la qualité de l'air et de l'eau, la protection des espaces verts et des parcs, ainsi qu'une consommation et des modes de vie durables.

De tels mouvements sont principalement concentrés dans de grandes villes de plus d'un demi million d'habitants, mais ils ont aussi commencé à éclore dans de petites villes. 

En gros, la plupart de ces initiatives civiles se répartissent en deux groupes selon les spécialistes.

Le premier comporte des actions de contestation contre une nouvelle construction d'infrastructure ou d'habitations par exemple, ou la destruction d'un parc. De tels groupes se constituent rapidement et leur réussite dépend souvent de la solidarité et de l'énergie de leurs participants, autant que des ressources qu'ils peuvent apporter.

Des groupes de ce type engagent des procédures judiciaires ou des audiences publiques, travaillent avec les médias et les réseaux sociaux et organisent des manifestations. Le groupe se dissout presque toujours après que la procédure est gagnée, ou perdue.

Les efforts les plus compliqués sont ceux au long cours qui durent plusieurs années, ce qui peut conduire les militants à l'épuisement, la perte de motivation et d'intérêt pour la procédure.

Une affaire risquée

Les militants affrontent diverses menaces, dont la violence physique et des poursuites judiciaires. Le militant Evgeny Vitichko, originaire de Tuapse dans le sud de la Russie, a été emprisonné trois ans pour avoir écrit des slogans contestataires et collé des affiches sur une grille autour de la villa du gouverneur  du Krasnodar. 

Vitichko prétendait que la villa avait été construite illégalement dans une réserve forestière et que son propriétaire avait clôturé une partie du littoral.

Une campagne de soutien pour Vitichko a été lancée. “Il est particulièrement important que nous obtenions aussi un soutien au niveau international pour cette affaire”, dit Dmitry Chevtchenko, un militant à Krasnodar pour l'ONG Observatoire Environnemental du Caucase nord. “Autant pour Evgeny Vitichko lui-même que pour le mouvement environnementaliste grandissant en Russie.” 

Combler le vide

Un autre groupe au sein du mouvement environnementaliste grandissant en Russie est composé de militants locaux et de la société civile qui essaient de faire émerger des initiatives locales au niveau national pour remplacer la régulation inefficace de l'Etat, en l'absence d'un agenda environnemental et d'un mécanisme d'action publique tant au niveau fédéral que régional.

Ces groupes développent des réseaux environnementaux et bénévoles dans des domaines tels que la collecte des ordures, le recyclage, la plantation d'arbres, la préservation des parcs et cours d'eau, et la promotion d'une agriculture éco-compatible et de modes de vies écologistes. L'un des plus connus est le mouvement Moussora bolche niet (signifiant “[On ne veut] plus d'ordures”), qui a commencé sous forme d'initiative bénévole pour enlever les ordures des forêts et bords de rivières. Aujourd'hui c'est une organisation à grande échelle, active dans des projets allant du recyclage local à l'éducation à l'environnement.

De tels groupes se réunissent annuellement aux Sommets Delaï Sam (Faire soi-même), pour échanger des pratiques, technologies et compétences. Ces événements se tenaient au départ à Moscou mais désormais aussi dans d'autres villes.

Et cela ne concerne pas seulement le jeune branché qui participe à ce genre d'initiatives citadines. Dans certaines villes, les groupes sont dirigés par des habitantes qui consacrent leur temps libre à la mise en place de groupes locaux de bricolage.

Les militants déplacent parfois le centre d'intérêt d'une problématique à une autre. Tatiana Kargina, originaire d'Irkoutsk et vivant aujourd'hui à Moscou, est l'une des militants environnementalistes les plus connues de Russie. Mme Kargina a été le fer de lance du premier projet d'éco-habitation à Moscou, l'un des premiers réseaux russes pour l'habitat et la consommation éco-compatible, ainsi que d'autres initiatives. Mais au cours des deux dernières années, elle s'est aussi engagée en faveur d'une action de contestation émanant de la société civile contre des projets visant à exploiter le nickel dans la région de Voronej en Russie centrale, une région agricole avec des terres noires fertiles, riches en réserves de biodiversité.

Les villes soutenables

Le militantisme environnemental grandissant en Russie s'est aussi intéressé à la nécessité d'un développement urbain et régional durable et inclusif. Une initiative Open Urban Lab réunissant près de 30 jeunes professionnels impliqués dans la planification urbaine, l'architecture, la participation locale et le développement durable essaient de mettre en place des méthodes participatives dans la planification de la ville et son environnement dans les les villes russes.

L'organisation travaille avec les autorités et entreprises régionales et considère la participation comme “une technologie pour transformer des groupes sociaux, auparavant exclus des procédures de décision, en parties-prenantes, afin de créer et garantir le bien commun”, d'après son porte-parole Oleg Patchenkov.

Le processus de développement de la société civile n'est ni aisé ni rapide, mais tend véritablement à la hausse, selon les experts.

“Très souvent, les citoyens ordinaires ne veulent pas vraiment devenir des militants, ne veulent pas passer tout leur temps libre à faire campagne, manifester, parler aux médias, défendre un sujet sur les réseaux sociaux 24h sur 24”, disait l'avocate Nina Popravko. “Mais en réalisant qu'ils ne peuvent pas vraiment faire appel à quiconque —ni aux autorités municipales, ni à la possibilité de contrôler les organismes— ils ne peuvent que devenir acteurs eux-mêmes et essayer d'agir sur la situation, dont ils savent qu'elle affecte leurs vies et l'environnement dans lequel ils vivent.” 

Pourquoi les Taïwanais devraient-ils se souvenir de Tian'anmen ?

mardi 10 juin 2014 à 22:15

Malgré la prédominance d'Hong Kong comme lieu de commémoration du massacre de Tian'anmen, d'autres communautés sinophones à travers le monde organisent chaque année des veillées aux chandelles en mémoire de l'incident, et ce notamment à Taïwan.

En 1989, des milliers de Taïwanais avaient exprimé leur soutien aux manifestations étudiantes qui se déroulaient alors sur la place Tian'anmen de Pékin. Le mouvement avait été écrasé par le gouvernement chinois, dans une démonstration de force militaire qui avait fait de nombreuses victimes parmi les étudiants et les civils présents. Cette année aussi, des centaines de Taïwanais se sont rendus à la veillée sur Liberty Square à Taipei, afin de marquer le 25ème anniversaire du massacre.

The backdrop of the candle-light vigil shows two tanks in front of the Gate of Tiananmen. The slogan said, "Passing-by Tiananmen, Everyone can be the Tankman". Photo from event organizer.

L'affiche de la veillée sur Liberty Square montre deux tanks arrivant sur la place Tian'anmen. Le slogan proclame: “De passage à Tian'anmen, nous sommes tous Tank Man”. Photo fournie par les organisateurs de l'événement.

Cette année, la veillée avait pour thème “De passage à Tian'anmen”. Une affiche géante y montrait des tanks entrant sur la place,  le message sous-jacent étant que le peuple peut arrêter les véhicules qui dans ce cas symbolisent le système autoritaire chinois. Les trois groupes qui organisaient l'événement, l'Association taïwanaise pour les droits de l'homme en Chine, l'Association des étudiants taïwanais pour l'avancée de la démocratie en Chine et la Nouvelle École pour la démocratie, ont expliqué dans leur manifeste pourquoi il était si important que la société taïwanaise se souvienne du massacre de Tian'anmen:

馬政府上台後積極推動兩岸經濟統合,逐漸走向政治談判,使台灣與中國關係日益密切。台灣人可以摀住耳朵,幻想不統、不獨、不武的維持現狀,但很難扭轉政府逐漸向中國靠攏的政策。[...]六四事件並沒有過去,它形塑出現在此時此刻我們所正經歷的「中國因素」。因此,紀念六四,是對以壓制人權為代價的「中國模式」和「大國崛起」的嚴正抗拒,是對依附在中國黨國體制下的東亞政商權貴聯盟的徹底批判。[...]六四的議題,就在不只是遙遠他國「天朝」的問題,而有著在地的政治意涵。紀念六四,對台灣人,已經不再只是關心中國民主化,也是防止台灣再度極權化。

Sous l'égide du Président Ma Ying Jeou, le gouvernement taïwanais s'est efforcé de renforcer les liens économiques avec la Chine, et cette alliance a progressivement évolué vers des négociations politiques qui renforcent le lien entre les deux pays.

Le peuple taïwanais peut se voiler la face et croire que le status quo actuel du “pas d'indépendance, pas d'unification et pas de confrontation armée” reste inchangé. Mais la politique du gouvernement taïwanais sera toujours de renforcer les liens avec la Chine.

L'incident du 4 juin n'est pas seulement un événement historique. C'est l'acte fondateur du “facteur chinois” auquel nous sommes confrontés aujourd'hui. Se souvenir du 4 juin, c'est résister au modèle chinois et à l'émergence d'un État fort qui a pour base la répression des droits de l'homme. C'est aussi critiquer le capitalisme de copinage appliqué par certains pays d'Asie de l'Est, dont la richesse et les intérêts reposent sur l'existence du système politique chinois à parti unique. [...]

Le 4 juin n'est pas seulement un problème qui concerne le lointain “royaume”. Il a également une portée politique au niveau local. Se souvenir du 4 juin, ce n'est pas seulement se soucier de la démocratisation de la Chine, c'est aussi être conscient qu'il faut empêcher le gouvernement taïwanais de retomber dans l'autoritarisme.

Cette déclaration a trouvé un écho auprès de nombreux militants des droits de l'homme. Yang Hsien-hung, un défenseur des droits civils des Chinois, exhorte ses compatriotes à ne pas oublier [chinois] :

台灣社會如果有一天不再紀念六四,台灣就完了。美國社會如果有一天不再紀念六四,世界就完了。還好,這不是事實,真正的狀況是,不論台灣或美國,紀念六四都已經承傳,新的學運世代,已在台灣生根,他們在台灣發起「路過天安門,人人坦克人」的活動。

Si un jour la société taïwanaise oublie le 4 juin, ce sera la fin de Taïwan. Et si un jour la société américaine oublie le 4 juin, ce sera la fin du monde tel que nous le connaissons. Heureusement, ce n'est pas encore le cas puisque c'est la tradition tant à Taïwan qu'aux États-Unis de commémorer Tian'anmen tous les ans. Taïwan est entré dans l'ère des mouvements étudiants, et cette fois-ci les étudiants ont lancé le rassemblement “De passage à Tian'anmen, nous sommes tous Tank Man”.

En réponse aux critiques sur ses six années de silence vis-à-vis de Tian'anmen, le Président taïwanais Ma Ying-jeou a publié une “réflexion” cette année. Au lieu de condamner fermement l'incident, il a préféré décrire les événements du 4 juin comme une tragédie et une “blessure historique très profonde”, mais a fait part de son optimisme quant au développement d'un État de droit et d'une démocratie en Chine. De son côté, le DPP (Parti Démocratique et Progressiste), parti d'opposition, a fait un point sur la situation actuelle des droits de l'homme en Chine [chinois] et a condamné l'arrestation et la poursuite des dissidents à la veille de l'anniversaire du 4 juin.

Hundreds of people attended the candle-light vigil at liberty square, Taipei. Photo taken and provided by Paul Huang. Used with permission.

Des centaines de personnes étaient présentes à la veillée sur Liberty Square, à Taipei. Photo prise par Paul Huang. Utilisée avec permission.

Malgré les efforts fournis pour établir des liens entre la condition des droits de l'homme en Chine et les inquiétudes du peuple taïwanais, il y a eu très peu de discussions en ligne à propos des commémorations de Tian'anmen.

Jeff Huang, qui a participé à la veillée, observe un détachement émotionnel des Taïwanais [chinois] par rapport à cet événement historique:

臺灣人對於六四只是歷史課本上的必考題,缺乏認同感,想起我之前在香港做的中國人調查,這種國家認同感在香港還是非常強烈,年年六四晚會都有上萬人參與。臺灣關心六四不是來自認同感,而是對民主與自由的堅持,不把民主送給中國,中國會把獨裁送給臺灣。不管地球上哪個角落的人權問題,我們都應該站出來聲援。

A Taïwan, le 4 juin n'est qu'une question d'examen inscrite dans les livres d'histoire. Il n'y a aucun sentiment d'identification. Je me souviens avoir conduit une étude sur les Chinois de Hong Kong, et là-bas ce sentiment d'identification était très fort. Pour preuve, des dizaines de milliers de personnes participent aux veillées du 4 juin chaque année.

Les Taïwanais se soucient du 4 juin non pas par identification, mais plutôt parce qu'ils persistent à croire en la démocratie et la liberté, n'abandonneront pas l'idée d'une démocratisation de la Chine et n'accepteront jamais l'autoritarisme chinois envers Taïwan. Peu importe de quelle région du monde il provient, l'idéal des droits de l'homme doit être promu d'une seule et même voix par nous tous.

Lin Feifan, un des leaders du Mouvement Tournesol (un mouvement mené par une coalition d'étudiants et de groupes civils du 18 mars au 10 avril dernier, en opposition à l'accord de libre-échange sino-taïwanais), explique [chinois] pourquoi la jeunesse taïwanaise paraît apathique quand on parle de Tian'anmen:

台灣人不是對六四無感,而是對『中國』沒有特別的感情,特別是年輕一代,這當然有他的歷史成因。

Les Taïwanais ne sont pas apathiques aux commémorations du 4 juin, c'est plutôt qu'ils ne ressentent pas de connexion avec “la Chine”. Les jeunes en particulier ne se sentent pas concernés, et cela a bien sûr une raison historique.

Néanmoins, vu le nombre de personnes présentes à la veillée aux chandelles, il est évident que de nombreux Taïwanais ne sont pas indifférents. Au contraire, ils veulent se souvenir des événements de Tian'anmen à la fois pour défendre les droits de l'homme en général, mais aussi pour s'assurer que Taïwan garde ses valeurs démocratiques et ne s'engouffre pas sur “le chemin chinois”.

Les djihadistes ont pris Mossoul, deuxième plus grande ville d'Irak

mardi 10 juin 2014 à 20:53
Thousands of Iraqis flee their homes as Mosul falls under ISIS control today. Photo source: Twitter user @mohsinani

Des milliers d'Irakiens fuient Mossoul tombé sous le contrôle de l'EIIL aujourd'hui. Source photo : compteTwitter de @mohsinani

Mossoul, la deuxième plus grande ville d'Irak, est tombée aujourd'hui aux mains des insurgés islamistes (10 juin). Selon les informations, il s'agit de militants de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), une scission d'Al Qaida, qui combat aussi en Syrie.

Les combats pour la ville ont mis sur les routes des milliers d'Irakiens. Sur Twitter, la blogueuse irakienne Maryam Al Dabbagh, qui se trouve dans les Emirats Arabes Unis, relate les tribulations de sa famille au long de l'épreuve.

Voici ses tweets du 7 juin :

Mossoul sous le feu. On entend des explosions et des tirs dans plusieurs quartiers et les média internationaux n'en parlent pratiquement pas.

On voit circuler sur les plate-formes de médias sociaux plusieurs campagnes de solidarité pour sensibiliser sur la situation à Mossoul

La blogueuse relève des actes de bienveillance :

Rapporté que les hôtels de Mossoul ouvrent leurs portes pour héberger les familles déplacées à Ninive

Les boulangeries dans les quartiers d'(Adan, Al thubbat et al sukkar) distribuent gratuitement du pain à Mossoul Ninive

Alors que les combats se poursuivent pour la ville, les tweets de Maryam Al Dabbagh s'adressent à sa famille, restée en Irak :

Je n'ai pas vu mes parents scotchés ainsi à la télé depuis 2003. Je prie pour la sécurité de ma famille et des Irakiens à Mossoul et en Irak.

Elle compare avec les combats en cours dans la Syrie voisine :

Les récits des médias embrouillent les masses en ce moment en Irak. Mêmes schémas que la guerre syrienne

Et de se remémorer l'histoire récente à la recherche de comparaison pour la terreur qui a saisi sa ville natale :

Cet exode est une première dans l'histoire de Mossoul, même en 2003 la ville n'a pas connu de telles extrémités.

Le 9 juin, ses tweets prennent une autre tournure. Elle rapporte :

Infos de la famille à Mossoul qu'il n'y a plus d'électricité. Coupure totale. 

Bientôt, sa famille prend la décision de se joindre aux milliers de gens qui fuient la ville :

[La] famille évacue ses foyers à Mossoul. 

Et…

Les informations confirment que dans quelques heures la ville tombera complètement sous le contrôle des insurgés en armes. L'armée a fui ce matin

Ses tweets d'aujourd'hui montrent sa famille perdue du côté de la frontière kurde. Elle explique :

La famille coincée en voiture à la frontière vers Duhook, aucune voiture ne peut passer. On rapporte que des tentes sont préparées pour les déplacés

La zone d'Al Kharez sur la frontière vers Irbil complètement bouclée. Chaos ! Lignes téléphoniques coupées. Les gens sont coupés du monde.

Pendant ce temps, elle essaie de s'y retrouver dans les informations contradictoires :

Le premier ministre kurde dit que le Kurdistan est ouvert aux réfugiés de Mossoul. Mais les informations des Irakiens sur place affirment que les frontières sont fermées

Zaid Benjamin est devant son poste et est surpris que la télévision irakienne passe une chanson au moment où la deuxième plus grande ville du pays tombe aux mains des djihadistes :

Le journaliste Hassan Hassan commente :

La télévision publique irakienne passe un entretien avec le chanteur Abdulhusain Allami pendant que Bagdad perd le contrôle d'une deuxième ville

Le monde arabe suit le chaos des yeux.

A Bahrein, Huda Al Mahmood s'interroge [arabe] :

Une nouvelle catastrophe tombe sur le monde arabe. Je ne pense pas que le contrôle de Mossoul par Al Qaida aide qui que ce soit. Où sont donc toutes les actions du contre-terrorisme ?

Le Palestinien Maath Musleh demande :

L'EIIL libère 2725 détenus d'une prison de Mossoul. Combien s'engageront dans l'EIIL ?

Et le journaliste saoudien Jamal Khashoggi de formuler l'évidence :

L'EIIL prend le contrôle de Mossoul. Je suppose que cette nouvelle aura des répercussions hors d'Irak

Les seniors écrivent Wikipédia

lundi 9 juin 2014 à 15:14
Image by Flickr user Coleccionando Cámaras. CC BY-NC-ND 2.0.

Image sur Flickr de Coleccionando Cámaras. CC BY-NC-ND 2.0.

Abattre les barrières entourant la technologie est le premier pas pour impliquer les membres les plus expérimentés de la société : les personnes âgées. C'est précisément ce que se propose de faire le projet de Wikimédia Tchèque Les Seniors écrivent Wikipédia.

Le projet est né quand le Wikipédia tchèque a remarqué un déclin ces dernières années des rédacteurs actifs et compris quels sont les contributeurs (et rédacteurs potentiels) qui ont suffisamment de temps libre pour contribuer : les seniors.

A la recherche de nouveaux rédacteurs de Wikipédia, ils expliquent :

Le but du projet est de mettre sur pied des programmes de cours sur Wikipédia pour les personnes âgées de Prague, organiser plusieurs conférences indépendantes en divers lieux et aussi établir le contact avec un groupe que nous appelons les ‘professeurs retraités'.

Les seniors restent souvent sous-représentés en ligne, avec une connaissance restreinte de l'accès à la technologie. Inspiré par le programme à succès les Etudiants écrivent Wikipédia [cz], le but du projet est de dépasser cet accès lacunaire et d'enrichir ses sites du savoir étendu de cette génération. Wikipédia peut ainsi devenir une plate-forme où les anciens peuvent transmettre leur savoir aux plus jeunes.

Le projet se centre sur la population tchèque mais n'exclut pas une extension future : 

Le projet vise particulièrement la communauté Wikipédia tchèque [...] Mais elle bénéficiera aussi à une communauté Wikimédia plus large en apportant, nous l'espérons, un exemple actif de “programme éducatif Wikipedia senior”.

De tels sous-projets en direction des seniors comporteront :

- Un atelier Wikipédia hebdomadaire au centre troisième âge d’Elpida [cz] à Prague-Pankrác, un club très fréquenté de nombreuses personnes âgées qui en lisent le bulletin d'information régulier.

- Un cours Wikipédia composé de séminaires réguliers à l’ ‘Université du Troisième Âge’ de la faculté de Philosophie de l'Université Charles à Prague. 

- Un système de recrutement de professeurs d'université ou de lycée retraités à travers un réseau de contacts existants.

Le projet espère apporter non seulement un trésor supplémentaire d'information en ligne, mais aussi un nouvel éventail de compétences à une catégorie qui a beaucoup à partager.

Pour participer à ce projet, envoyez un e-mail à seniors@svgwikimedia.cz. Pour plus d'informations sur la Fondation Wikimédia, et savoir comment proposer votre propre projet, rendez-vous sur wikimedia.org

La campagne ‘Pas de paix sans les femmes’ en Colombie

lundi 9 juin 2014 à 10:32
Historiadora, documentalista e integrante del colectivo H.I.J.O.S. Afiche del proyecto No habrá paz sin las mujeres.

Alejandra Garcia Serna, historienne, documentaliste, et membre du collectif  H.I.J.O.S. Affiche du projeto’ No habrá paz sin las mujeres.’

(Liens en espagnol) Le centre de documentation No habrá paz sin mujeres permet à des survivantes du conflit armé en Colombie de s'exprimer et de témoigner “pour que leurs vies consacrées à la paix ne tombent pas dans l'oubli”, comme l'explique le site d'une exposition photographique et d'entretiens filmées avec ces femmes.

Le projet, crée par l'Agence Asturienne de la Coopération et du développement, donne la parole aux femmes colombiennes “pour apprendre de leurs expériences et stratégies de survie, pour reconnaitre leur rôle dans la lutte pour la construction d'une société plus juste et pour faire connaître leurs propositions pour la  paix dans les processus de réconciliation, reconstruction, réparation et justice “.

Le projet “Il n'y aura pas de paix sans les femmes” est né de l'expérience des femmes en Colombie pendant le conflit armé qui sévit depuis plus de 50 ans. Le groupe soutient que même si les  pourparlers en cours à la Havane, à Cuba, entre les FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie) et le gouvernement, apportent de l'espoir, “les femmes  sont néanmoins absentes du processus de pacification : ni leurs problématiques, réclamations, ou propositions ne sont écoutées”. 

Elles expliquent que les pourparlers n'ont pas pris en compte la résolution 1325 des Nations Unies [pdf] qui cherche à introduire une perspective féminine dans la résolution des conflits. 

Et précisément, ce sont  les femmes  qui souffrent le plus des conséquences de la guerre : la violence sexuelle a été utilisée par les trois acteurs de la guerres, les paramilitaires, l'Etat et la guérilla. Le recrutement des mineurs a affecté les petites filles en tant que combattantes mais aussi comme esclaves sexuelles ; les femmes représentent le plus grand pourcentage de population déplacée et la majeure partie avec famille à charge…

Le projet s'appuie sur un site officiel où les interviews filmées sont accessibles. Une de ces interviews est celle de l'artiste Patricia Ariza, qui a trouvé dans l'art un moyen de faire connaître la réalité colombienne. Elle utilise aussi son art pour exorciser l'injustice dont elle a été victime : sa famille a du fuir à cause de la violence.

Une autre vidéo présente une campagne de femmes colombiennes qui se sont engagées à prendre soin de leur territoire et de ne pas en permettre l'exploitation par des mines d'or de la multinationale AngloGold Ashanti. Une vidéo propose l'interview de la cultivatrice Judith Pérez Gutiérrez, habitante de La vereda Piedras dans la commune de Cajamarca, Tolima, où la résistance pour la défense des terres s'organise.

Judith parle de ses craintes et de celles de ses voisins, vulnérables et sans soutien de la part des autorités colombiennes. Des affrontements sérieux les ont déjà opposés aux forces de l'ordre :

 

Ester Carmen Martínez, professeure à Pitalito, Huila, raconte son histoire et celle de ses voisins de la campagne, assassinés, délogés ou déplacés de leurs terre par les milices paramilitaires.

 

Le projet contient par ailleurs des textes comme celui-ci, expliquant les différents dangers auxquels s'exposent les femmes du fait de leur engagement et de leur activisme.

A Bajo Cauca, au moins quatre activistes ont été menacées et forcées à abandonner la région dans les quatre dernières années. La restitution n'avance pas, et la peur empêche les victimes de se réunir.

[...]

“Nous, les victimes, nous sommes acculées”, dit un témoin. “Il y a de nombreuses menaces. Le dernier exemple en date : une femme a été victime d'un déplacement forcé, elle est partie dans le quartier París. Là-bas, elle a mené l'assemblée d'action communale et les canailles l'ont de nouveau menacée. Ils voulaient attenter contre sa vie et elle a dû partir de la ville. Le plus triste c'est que ni l'administration de la commune ni les forces publiques ne s'occupent de nos plaintes. Vous croyez que l'un d'entre nous, malgré les menaces, est protégé par un système de sécurité?”

`De nombreuses affiches qui expriment la réalité dont souffre les femmes ont été créées. En fait partie la violence sexuelle perpétrée par les trois acteurs de la guerre : les milices paramilitaires, la guérilla et l'Etat.

 

Superviviente de la matanza de El Salado (Foto: Patricia Simón)

Yoladis Zúñiga, survivante du massacre de El Salado (Foto: Patricia Simón)

Les affiches soulignent aussi le travail de ces femmes qui ont consacré leur vie à la paix et au militantisme. .

Defensora de derechos humanos (Foto: Alex Zapico)

Mari La Negra, défenseuse des droits humains (Foto: Alex Zapico)

Feminista e investigadora integrante de Mujeres Feministas Antimilitaristas (Foto: Alex Zapico)

Marta Restrepo, feministe et enquêtrice de Mujeres Feministas Antimilitaristas (Photo: Alex Zapico)