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Faut-il défendre la liberté d'expression pour les conspirationnistes ?

vendredi 14 août 2015 à 21:32
Port of Sousse under attack by US Air Force, 1943. Photo from US Library of Congress, released to public domain.

Le port de Sousse bobardé par l'aviation américaine en1943. Photo : US Library of Congress, domaine public.

Trente-huit touristes étrangers ont été tués en Tunisie en juin dernier quand Seifeddine Rezgui, armé d'une Kalachnikov, a ouvert le feu sur des vacanciers à la plage.

Un mois après, un enseignant de mathématiques a été convoqué devant un juge d'instruction pour avoir prétendu sur Facebook que l'attentat de Sousse était un complot.

Abdelfatteh Saied a utilisé et modifié des images de l'émission télévisée de France 2 Envoyé Spécial pour affirmer que Rezgui avait été recruté par des agents de sécurité après l'attentat au musée du Bardo afin de tester l'efficacité des mesures de sécurité prises dans les hôtels. A en croire sa théorie sans fondement, le jour de l'attentat de Sousse, Rezgui n'a tué personne, ce sont “les chefs de la sécurité qui ont commis ce génocide.”

Dans les semaines qui ont suivi l'arrestation de Saied, l'opinion tunisienne s'est divisée entre l'approbation des poursuites contre lui d'une part, et la dénonciation d'une inutile violation de la liberté d'expression d'autre part.

Le journaliste Haythem Mekki a tweeté le 25 juillet :

Papillon voit les choses autrement :

Les théories du complot ne sont pas une nouveauté dans le monde arabe, et ne sont pas près de disparaître dans le contexte des révoltes actuelles. Elles imaginent, entre autres, que Abou Bakr al-Baghdadi, le calife auto-proclamé de l'auto-proclamé Etat islamique, est un agent du Mossad ; que le massacre de Charlie Hebdo est l'oeuvre (là encore) du Mossad ou de la CIA pour attiser l'islamophobie en Europe ; et que le soi-disant Printemps arabe était un complot des Etats-Unis.

Le conspirationnisme n'est pas l'apanage du monde arabe. Aux Etats-Unis, de nombreuses théories affirment que les attentats du 11 septembre étaient un “inside job” [un montage]. En Grande Bretagne, des hypothèses conspirationnistes fleurissent encore autour de la mort de la princesse Diana, 18 ans après les faits. En 2013, une théorie imaginait une implication de l'armée britannique dans sa mort.

Les psychologues disent qu'une théorie du complot reflète le sentiment de perte de contrôle d'un individu. Maître de conférence en psychologie à l'université de Winchester, Michael Wood a expliqué à VICE que “les gens qui croient aux thèses conspirationnistes ont tendance à sentir le contrôle de leur vie leur échapper. Cela les rassure de croire que le monde peut être contrôlé, même si cela en fait un endroit déplaisant”. Des arrières-pensées politiques peuvent aussi motiver ces théories.

L'ère d'Internet facilité une propagation plus rapide qu'autrefois des théories du complot, tout comme de n'importe quel contenu, vers des auditoires plus étendus. Les autorités publiques doivent-elles les censurer ? Dans quelle mesure ces thèses doivent-elles bénéficier des protections de la liberté d'expression ? Nous avons posé la question à la communauté Global Voices, et voici trois réponses.

Pour Anna Schetnikova, une responsable du site Lingua en russe, censurer les théories du complot serait “hypocrite”. Elle explique :

Dans mon pays (la Russe), et autant que je sache dans quelques autres, il y a des gens qui ont dit que l'homosexualité était un péché voire un crime, nous avons donc maintenant une loi contre la soi-disant “propagande gay.” Ceux qui disaient aux ados gays qu'ils sont normaux et essayaient de les aider dans leurs difficultés à l'école et avec leurs parents sont désormais des criminels. Du point de vue des promoteurs de cette loi, ceux qui soutiennent les droits des LGBT ne valent pas mieux que les conspirationnistes, parce qu'ils traitent les revendications sur les droits humains d’ “infondées et grotesques”. Eh bien, cette loi a été largement considérée comme une violation de la liberté d'expression et de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Je pense qu'il serait hypocrite de s'y opposer ainsi qu'à d'autres lois oppressives dans divers pays, tout en soutenant l'arrestation de conspirationistes. Certes, leurs idées peuvent être bizarres ou même insultantes de notre point de vue, mais qui sait ce qui les a amenés à penser ainsi, et c'est leur droit de dire à d'autres ce qu'ils pensent.

Pour la directrice de Global Voices Advocacy Ellery Biddle, les théories du complot ne doivent pas être censurées en tant que telles, sauf si elles relèvent d'un discours interdit, tel qu’ une incitation sans ambiguïté à la violence.

Même si ce que dit une personne ne nous plait pas, son droit à la libre expression doit être protégé, à moins que [son discours] ne s'aventure dans une incitation active à la violence contre une autre personne ou groupe. Il existe bien-sûr d'autres mesures à la disposition des autorités dans tous les cas de figure : les poursuites pour diffamation ou accusation calomnieuse, selon la manière dont le message est prononcé et qui est affecté.

“On ne peut pas arrêter les gens pour leurs croyances. Ce devrait être la règle”, répond l'auteur tunisien Ahmed Medien, avant d'ajouter :

Hélas, en Tunisie le discours anti-terroriste dominant est devenu ignoblement démagogique ce qui les a amenés à ce genre de mesures. Toute la manière d'aborder les actions terroristes en Tunisie est basée sur le discours que les jeunes impliqués dans des attentats sont “désinformés” ou “dévoyés” par des idées et des pratiques étrangères à ce pays. La principale tâche du gouvernement est donc de protéger la jeunesse de ce “dévoyement”. L'interprétation de ce genre de tâche peut conduire à réprimer tout ce que quelques-uns parmi les autorités pourraient désapprouver.

Saied est en détention depuis le 16 juillet. Selon Human Rights Watch, il est accusé de complicité de terrorisme sous la loi anti-terroriste de 2003, et aussi d'avoir “accusé, sans preuve, un agent public d'infraction à la loi” sous l'article 128 du code pénal, pour avoir partagé et commenté une image photo-shoppée du premier ministre Habib Essid. La photo, qui montre Essid une pelle à la main, avait été postée à l'origine par un autre internaute. Saied a partagé cette photo sur son mur Facebook le 12 juillet avec un commentaire sur la décision du régulateur audio-visuel de fermer un certain nombre de radios et télévisions religieuses. Il écrivait : “comme s'ils [le pouvoir] attendaient et appelaient de leurs voeux le crime de Sousse, fermer toutes les sources de l'islam modéré. Comme un don qui leur est tombé du ciel”.

Les autorités tunisiennes paraissent vouloir réprimer tout discours qu'elles estiment soutenir et encourager le terrorisme, après une poussée de militantisme radical visant les touristes étrangers et les forces armées. Trois mois avant le massacre de Sousse, un autre attentat au Musée du Bardo à Tunis avait coûté la vie à 21 touristes et un policier.

Une nouvelle loi anti-terrorisme adoptée par le Parlement le 25 juillet instaure une peine de prison allant jusqu'à cinq ans contre quiconque serait reconnu avoir “publiquement et clairement fait l'éloge” d'un crime terroriste, de son auteur, d'une organisation ou coalition liée à des crimes terroristes, leurs affiliés ou leurs activités.

Voilà ce que donne Michael Jackson chanté en quechua

vendredi 14 août 2015 à 20:34

A 14 ans, la jeune péruvienne Renata Flores Rivera fait sensation sur les réseaux sociaux grâce à ses reprises de tubes fameux qu'elle interprète en langue quechua. Sa version de “The way you make me feel”, du défunt Michael Jackson, dont le clip a été tourné sur le site des ruines incas de Vilcashuamán, à Ayacucho, totalise un demi-million de vues sur YouTube.

En Amérique, sept millions de personnes parlent le quechua, ce qui en fait la deuxième langue la plus pratiquée. Cependant, bien qu'étant considérée comme langue officielle au Pérou, au même titre que l'espagnol, seulement 19 % de la population le parle dans ce pays.

Sa mère, Patricia Rivera, travaille pour l'Association culturelle Surca, un programme de prévention contre les drogues et de diffusion de cette langue andine ancestrale intitulé “Nous aussi les jeunes on parle quechua” auprès d'adolescents d'Ayacucho. C'est ce qui a permis à Renata de faire partie de l'initiative.

L'association a été fondée il y a 11 ans dans le but d'amorcer un changement positif chez les jeunes et les enfants à travers l'art. Comme signalé dans le journal El Comercio, sa volonté est de préserver le quechua en tant que langue ancestrale.

Dans un article intitulé, le quechua peut-il survivre?, Ana Saroly affirme qu'il y a 600 ans le quechua était devenu la langue unificatrice de l'Empire inca mais qu'il risque aujourd'hui de perdre de son importance. Il est donc essentiel que les nouvelles générations l'apprennent et en soient fières.

Les commentaires sur la page Facebook de la jeune chanteuse sont, en grande partie, positifs. Ricky Anthony Ascoy Velarde annonce par exemple : “Nous soutenons tous et sans discriminaton notre langue maternelle, qui est unique, merci PEROU, pour ta grandeur”.

Sur Twitter, la reprise en quechua d'un autre grand classique du rock interprété par Renata est déjà partagée :

La chanson de The Animals, “The house of the rising sun” en langue quechua par une jeune adolescente, Renata Flores Rivera

La prochaine reprise qu'elle prépare est “Fallin”, d'Alicia Keys.

L'avocate de Jason Rezaian empêchée de répondre aux accusations du procureur iranien

vendredi 14 août 2015 à 15:29
Jason's wife Yeganeh Salehi and mother Mary Rezaian at the courthouse. Image from ICHRI and used with permission.

Yeganeh Salehi, la femme de Jason, et Mary Rezaian, sa mère, au tribunal. Photo de ICHRI avec leur autorisation.

Cet article initialement publié sur iranhumanrights.org est repris ici en collaboration avec la Campagne Internationale pour les Droits humains en Iran (ICHRI).

On assiste ces jours-ci au refus flagrant d'une procédure équitable lors du procès de Jason Rezaian le 10 août 2015. En effet, son avocate a été empêché de présenter ses conclusions devant le procureur, ce qui confirme le caractère politique et pré-arrangé de l'accusation du journaliste du Washington Post, en prison en Iran depuis un an.

“Lors de la séance de lundi, j'ai présenté oralement la défense de mon client, mais je n'ai pas pu répondre à l'intervention du procureur qui a suivi. J'ai donc soumis mes conclusions par écrit à la cour,” rapporte Leila Ahsan, l'avocate de Rezaian, à l'ISNA (Agence Iranienne des Etudiants en Journalisme)

Un journaliste rapporte à la Campagne Internationale pour les Droits Humains en Iran (ICHRI) que la mère de Rezaian a informé les journalistes que personne ne pouvait interviewer la femme de Jason, Yeganeh Salehi, interdite de parole sur les médias.

Le juge Salavati préside la Chambre 15 de la Cour Révolutionnaire chargée du cas de Rezaian. Salavati a un passé reconnu de coopération avec les services de renseignement des Gardiens de la Révolution en Iran. Il est régulièrement désigné par le pouvoir judiciaire pour juger les dossiers politiques et bien connu pour la sévérité des peines qu'il requiert.

L'interruption de la présentation de la défense du fait de Salavati et son refus de laisser la femme et la mère de Rezaian assister au procès à huis-clos donnent de nouvelles indications sur l'impartialité de la procédure judiciaire et sur la nature politique de l'accusation contre Rezaian.

Pendant tout le temps qu'il a passé en prison, Rezaian n'a jamais eu accès à un semblant de procédure légale. Il a été arrêté et détenu pendant plusieurs mois sans être informé des charges retenues contre lui, on lui a refusé  le choix d'un avocat, et son avocat n'a pas été autorisé à le représenter complètement et efficacement pendant son procès.

Un ancien activiste, qui a eu affaire au Juge Salavati lors de son procès lié la répression de la manifestation pacifique qui a suivi l'élection présidentielle contestée de 2009, rapporte à l'ICHRI que, “Lors de mon procès le procureur s'est appuyé sur des faits erronés et quand mon avocat a commencé à s'exprimer le juge Salavati lui a coupé la parole après quelques minutes… A ce moment-là j'ai compris qu'il étai inutile que mon avocat présente ma défense et j'ai eu la conviction que le juge connaissait le verdict avant le début du procès.”

L'agence de presse iranienne Fars News Agency, le journal Vatan, et d'autres organes de presse liés aux Gardiens de la Révolution en Iran et autres factions dures, accusaient Rezaian d'espionnage et de crimes contre la sécurité nationale bien avant le début de son procès – accusations sans fondement qui sont devenues l'essentiel du réquisitoire.

Le verdict de la cour sur les accusations retenues contre Rezaian, c'est-à-dire “espionnage” et “coopération avec les ennemis de l'Etat”, sera rendu lundi prochain, rapporte Leila Ahsan, son avocate, à l'ISNA.

En faisant référence à l'accord nucléaire qui vient d'être signé et la probable amélioration des relations entre l'Iran et les gouvernements occidentaux, la mère de Rezaian est optimiste et espère que son fils va bientôt être libéré. “Jason était journaliste au même titre que vous et ses sources étaient les mêmes que les vôtres,” dit l'ISNA en citant Mary Rezaian.

“Il est temps maintenant pour les dirigeants iraniens d'en finir avec ce ‘processus judiciaire’, mélange de farce et de tragédie. Jason et sa femme, Yeganeh, en liberté surveillée, méritent d'être innocentés et de retrouver leur liberté et leurs vies,” dit Martin Baron, rédacteur en chef du Washington Post, dans une déclaration qu'il a faite le 10 août 2015.

Jason Rezaian est âgé de 38 ans. Il a la double nationalité américaine et iranienne, et il est correspondant pour le Washington Post à Téhéran depuis 2012. Rezaian et sa femme Yeganeh Salehi, qui travaille pour The Nation, quotidien des Emirats Arabes Unis, en tant que correspondante à Téhéran, ont été arrêtés à Téharan le 22 juillet 2014. Salehi a été libérée en octobre 2014, mais Rezaian reste emprisonné depuis.

Embargo et destruction : La Russie en guerre contre les fromages occidentaux

jeudi 13 août 2015 à 11:52
A Boston Tea Party of sorta, brought to you by Vladimir Putin. Image edited by Kevin Rothrock.

La Boston Tea Party, version Poutine. Photo-montage de Kevin Rothrock.

Sur oukase de Vladimir Poutine, la Russie s'est embarquée dans une campagne de destruction des produits alimentaires sous embargo confisqués sur son territoire. Ecrasement au bulldozer, incinération et enfouissement se font devant les caméras, un spectacle supposé traduire la volonté de Moscou de punir les producteurs agro-alimentaires étrangers pour les sanctions occidentales contre la Russie, et une démonstration de force de son auto-suffisance vis-à-vis des importations d'Europe et d'Amérique du Nord. RuNet Echo a réuni quelques unes des blagues et déclarations les plus émouvantes du Twitter russophone sur cette nouvelle guerre de la nourriture illicite.

De nombreuses plaisanteries sur l'éradication des produits alimentaires importés et confisqués jouent sur l'imagerie, sacrée en Russie, de la deuxième guerre mondiale, cultivée à dessein par le Kremlin ces dernières années dans sa confrontation avec l'Occident sur l'avenir de l'Ukraine. La destruction de nourriture fait l'objet de moqueries (les internautes substituent aux héros soviétiques des morceaux de fromage), et suscite la colère (l'idée de gaspiller la nourriture dans un pays où les souvenirs de famine restent vivaces offense beaucoup de monde).

Alors que de nombreuses mesures du gouvernement russe semblent pensées pour exploiter la mémoire de la deuxième guerre mondiale, en encourageant le patriotisme pour faire accepter des sacrifices au pays, la décision de Poutine d'incinérer, écraser et enfouir par centaines de tonnes de la bonne nourriture colle mal avec le respect usuel des souvenirs de la guerre. De fait, à passer en revue les tweets les plus repris sur la nouvelle politique alimentaire de la Russie, on ne peut que constater la discrétion des sympathisants du Kremlin la semaine passée. Jusqu'à présent, ce sont les critiques qui jouissent d'un quasi monopole sur le sujet, du moins sur Twitter.

La troisième guerre mondiale, c'est la bataille contre fromages et autres

L'image suivante revisite le fameux tableau représentant Zoïa Kosmodemianskaïa, l'héroïne soviétique révérée, pendue par les nazis :

L'interrogatoire d'une parmesane [jeu de mot sur “partisans”—les résistants russes qui combattaient l'occupation nazie]. Huile sur toile, Moscou 2015.

Alexeï Venediktov, le rédacteur en chef d’Echo de Moscou, la dernière radio indépendante russe encore debout, s'est étonnée que les anciens combattants russes de la deuxième guerre mondiale tolèrent cette nouvelle politique gouvernementale de destruction de nourriture importée. Venediktov compare le relatif silence d'aujourd'hui au scandale de janvier 2014 qui a presque tué la télévision indépendante TV Dojd, quand celle-ci a demandé à son auditoire si Léningrad aurait dû capituler plutôt que de subir un siège qui a fait mourir de famine des centaines de milliers d'habitants.

Les anciens combattants qu'indignait la question [de TV Dojd] sur le blocus [de Léningrad] sont indifférents à la destruction des aliments [importés]. C'est quoi ?

Personnalité des médias penchant généralement pour le Kremlin, Vladimir Soloviev, qui s'aventure parfois à critiquer le pouvoir (il a récemment taxé d’ “incompétence” les officiels qui nient la crise économique en Russie), a été aussi choqué que Venediktov :

Je ne comprends pas que dans un pays ayant survécu à une épouvantable famine et aux affreuses années d'après la révolution, l'on puisse détruire des produits alimentaires.

Le caricaturiste politique Sergueï Elkine s'est amusé quant à lui de l'aspect militaire de la “guerre” totale de la Russie contre la nourriture sous embargo :

D'autres ont partagé les souvenirs personnels de proches qui ont combattu pendant la guerre, et comment cela a façonné leur attitude vis-à-vis de la nourriture :

Mon arrière grand-père me tapait sur la tête avec une cuiller quand je jouais ne serait-ce qu'une seconde avec la nourriture à table. J'imagine la raclée qu'il donnerait à Poutine aujourd'hui.

Dites non (aux importations laitières illicites)

Sur un ton peut-être plus badin (ou peut-être pas), de nombreux internautes ont blagué que la méthode russe contre la nourriture illégalement importée paraît plus intraitable que celle pour combattre les drogues illicites :

Curieux que personne n'ait encore jamais eu l'idée d'installer des équipements d'incinération des stupéfiants de contrebande. Le fromage, voilà le véritable mal.

A propos, dans notre pays on n'incinère pas ni n'écrase au bulldozer la drogue en public.

A quoi reconnaître que votre enfant fait usage de parmesan.

Buvez du lait !

Parmi les internautes russes évoquant l'opération de destruction de nourriture, nombreux sont ceux qui disent leur honte de voir leur pays gâcher de grosses quantités de produits comestibles pour des raisons politiques. Un plan précédent consistant à alimenter le bétail avec la nourriture confisquée plutôt que de la détruire, a produit les mêmes réactions :

“Les services vétérinaires et phytosanitaires de la Fédération de Russie projettent de nourrir le bétail avec les produits sanctionnés”. Ça dit tout de l'Etat russe contemporain.

Le pays est devenu complètement maboul, c'est sûr. Hélas. [Le titre : “Une riche récolte—Notre réponse à l'Occident ?”]

Boston Tea Party version pétrole

Alors qu'en Russie la hausse des prix alimentaires et la récession économique promettent de durer encore quelques mois pour le moins, beaucoup d'internautes pensent que le pays ne peut se permettre d'enfouir ou brûler une nourriture de plus en plus hors de portée de nombreux foyers. Le compte Twitter satirique très suivi “KermlinRussia” a plaisanté que les Russes pourraient tomber de haut si les réserves publiques (destinées à équilibrer le budget quand le prix du pétrole baisse) venaient à se réduire encore :

Les gens vont maintenant prendre du recul sur ces informations à propos de la nourriture [importée] et demander : Mais où sont les dollars et les euros du Fonds de stabilisation ? Et Poutine dira : Ah, je Ies ai aussi incinérés.

Protection des consommateurs

D'autres ont blagué que les producteurs agro-alimentaires locaux (en l'occurence, de fromage) se frottent sûrement les mains de la répression des importations, qui élimine la concurrence européenne et leur permettra d'appliquer des normes sanitaires plutôt laxistes :

Les fromagers d'Omsk se réjouissent de la destruction du bon fromage et vous passent à tous le bonjour directement de la cuve.

Une nation frugale

Certaines allusions concernent un passé russe plus récent que la deuxième guerre mondiale. L'échec retentissant de Mikhaïl Gorbachev à faire baisser la consommation d'alcool a inspiré quelques saillies sur l'effort supposé de Poutine pour réduire celle de nourriture :

Le pays a accompli un long chemin : du “NE BUVEZ PAS” des débuts de Gorbachev au “NE MANGEZ PAS” du Poutine tardif.

Tu es fait, fromage

D'autres blagues parodient la rhétorique politique russe de ces derniers temps, fortement anti-occidentale, souvent sur le terrain des moeurs. Le compte “Tout va mal” a caricaturé ce que dirait un patriote russe en colère aux monceaux de fromage européen écrabouillé et brûlé dans les décharges de tout le pays :

BIEN FAIT POUR TOI SALAUD DE FROMAGE, MAUDIT FROMAGE DE L'EUROPE RICAINE, BRÛLE EN ENFER FROMAGE

Les enfants de l'élite au travail

Dans un mélange de souvenirs de la deuxième guerre mondiale et de critique de l'élite russe contemporaine (connue pour fulminer contre la décadence de l'Europe tout en envoyant ses enfants étudier et vivre en Occident), KermlinRussia a plaisanté que ces jeunes pourraient être enfin être mis au service du pays depuis l'étranger :

La Russie va créer des groupes de sabotage avec les enfants des députés et des bureaucrates, qui s'activeront à détruire sur le territoire de l'ennemi les produits sanctionnés.

Priorités

Les tonnes de nourriture écrasées et enfouies ont rappelé à certains utilisateurs de Twitter les soldats tués en Ukraine, réexpédiés dans leurs villes d'origine en Russie. Le secret qui enveloppe ces morts était le sujet de l'enquête menée par Boris Nemtsov avant son assassinat. Un article basé sur ses découvertes a été publié à titre posthume.

La Russie, le pays où on enterre les soldats furtivement et honteusement, et le fromage, en grande pompe et avec fierté.

Opportunités

A la manière d'une petite annonce informelle gribouillée dans des toilettes publiques (“pour un moment agréable”), ou d'un musicien à la recherche d'engagements, des commerçants en fromage entreprenants (ou, plus probablement, des plaisantins inventifs) cherchent déjà à se positionner sur le marché noir des nourritures européennes prohibées :

J'attendais l'apparition de ce genre de publicité, nous y voilà…

Marcell Shehwaro, qui écrit pour Global Voices, est en finale pour un prix de journalisme 2015

jeudi 13 août 2015 à 11:25

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C'est avec une grande joie que nous annonçons la nomination de Marcell Shaehwaro parmi les finalistes du prix du Journalisme en Ligne 2015  (OJA), pour son article “En Syrie nous sommes tous devenus des meurtriers“, tiré d'une série Nouvelles de Syrie: à Alep Marcell Shehwaro est vivante.

Depuis 2000 les Prix du Journalisme en Ligne (OJA) récompensent l'excellence du journalisme digital dans le monde entier et sont gérés par l'Association de l'Information en Ligne. Voici un extrait de l'annonce du lancement du prix 2015, par l'Association de l'Information  en Ligne qui précise également que les finalistes “font la promotion de l'innovation et de l'excellence du récit et de la diffusion numériques”.

Un groupe de 134 journalistes de renom de l'industrie de l'information et professionnels des nouveaux médias se sont réunis pour étudier 994 dossiers et sélectionner les semi-finalistes. 15 juges représentatifs de l'industrie de l'information se sont ensuite retrouvés pour élire les finalistes et les gagnants.

En Syrie nous sommes tous devenus des meurtriers

En apprenant que le poste de contrôle où sa mère avait été tuée par les soldats du régime syrien avait été bombardé, Marcell écrit, dans l'article retenu pour sa nomination, “Ma capacité à survivre dépend de la mort des autres…voilà comment maintenant ce régime meurtrier finira par gagner, sans considération des changements politiques qui attendent la Syrie.”

Marcell a été aidée par la communauté Gobal Voices pour mettre en place les 12 chapîtres de la série Alep publiée en 2014. Ses récits ont été édités par Georgia Popplewell, directrice générale, et Almira Hussaini, rédactrice de MENA. Le texte original en arabe a été traduit en anglais par Amira AlHussaini et Lara Al Malakeh. Et de nombreux membres de notre communauté linguistique Lingua les ont traduit en espagnol, en hébreux, en arabe, en français, en chinois, en coréen et en allemand.

Ivan Sigal, notre directeur exécutif, explique l'importance et la pertinence de la nomination de Marcell pour un Prix du Journalisme en Ligne. En voici un extrait:

Marcell fait partie d'une communauté d'écrivains et d'activistes du numérique qui participent au mouvement de réforme non-violent en Syrie. Ce sont des journalistes de l'information numérique et des activistes étroitement liés aux mouvements réformistes du Moyen Orient, et leurs habitudes de communication et leurs communautés sont basées sur internet. Dans ce sens, le travail de Marcell est emblématique de l'idée du journalisme en ligne –  il nous permet d'avoir accès à des voix et des récits de personnes qui ont fait l'objet de récits de la part d'étrangers. La voix de Marcell est celle de quelqu'un qui a eu l'expérience de la guerre de l'intérieur et qui fait partager cette expérience. Contre toute attente, elle et ses pairs continuent à se battre pour la dignité humaine et pour l'importance des récits de vie au quotidien face à la violence extrême et aux manipulations géopolitiques.

La composition des textes de Marcell va à l'encontre d'une présentation de la guerre en Syrie où les récits mettent l'accent sur l'extrémisme et la polarisation. On entend rarement parler des nuances complexes de la vie de chaque syrien. Dans ses écrits, Marcell déroule au fil des jours les luttes qu'elle doit mener pour survivre et donner du sens à un monde qui s'effondre, à l'assassinat de sa mère à un poste de contrôle du gouvernement, aux dilemmes de ses amis et de leurs familles, aux rêves d'un passé oublié. Elle nous fait prendre conscience de la complexité de la société syrienne, en nous parlant des fractures, des alliances et des choix impossibles pour quelqu'un qui vit en temps de guerre. Ses récits reviennent constamment sur la réalité de ces choix, en sachant pertinemment que des personnes honnêtes, capables de compassion et de bienveillance peuvent être amenées à choisir la violence pour garantir la sécurité.

L'Association de l'Information en Ligne est une organisation à but non lucratif pour les journalistes du numérique. Les prix seront remis le 26 septembre, lors de la Conférence 2015 de l'ONA (Association de l'Information en Ligne) à la soirée de remise des Prix du Journalisme en Ligne.