PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Quatre ans après le meurtre choquant d'une étudiante, l'enseignement supérieur turc désavoue l'égalité de genre

samedi 9 mars 2019 à 10:21

Les organisations féminines jurent de continuer la lutte.

Le meurtre d'Özgecan Aslan a envoyé une onde de choc dans toute la société turque, mais inscrire l'égalité de genre sur l'agenda politique reste un combat de longue haleine. Photo : Voice of America, réutilisée par Wikipédia, domaine public.

Lorsque les longues recherches après la disparition de l'étudiante de 20 ans Özgecan Aslan se sont terminées par la découverte en février 2015 de son corps calciné dans un lit de rivière à Tarse, une ville de Cilicie (centre-sud), la nouvelle a envoyé des ondes de choc dans toute la société turque.

Un chauffeur de minibus de 26 ans, Suphi Altindoken, avoua le meurtre. Selon sa déposition, il avait d'abord tenté de violer Aslan avant de la poignarder à mort quand elle s'est défendue. Après le crime, Altindoken, son père âgé de 50 ans Necmettin Altindoken et son ami Fatih Gokce brûlèrent le corps d'Aslan pour faire disparaître les preuves.

La mort violente d'Aslan jeta une lumière crue sur les violences de genre en Turquie et provoqua un déferlement d'indignation publique.

Les demandes de justice pour Aslan et sa famille s'accompagnèrent rapidement d'exigences d'action pour prévenir les violences contre les femmes et instaurer l’égalité de genre dans le système national d'enseignement.

Le 3 décembre 2015, Suphi Altindoken fut condamné à 27 ans de prison, et Necmettin Altindoken à la prison à perpétuité. Gokce écopa de 24 ans d'emprisonnement.

Coup de théâtre le 12 avril 2016 : le jeune Altindoken était tué dans sa prison et son père grièvement blessé par un détenu du nom de Gultekin Alan, qui justifia son assaut contre les deux hommes par son obsession et sa révulsion pour la tragédie d'Özgecan Aslan.

Yekta Saraç, Président du Conseil de l'Enseignement supérieur (YÖK), reçoit les femmes recteurs des universités turques à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars 2016. Erçin Top pour l'agence d'information Anadolou.

Les espoirs d'un soutien institutionnel à l'égalité de genre avaient été fortement stimulés quelques semaines auparavant, quand Yekta Saraç, le président du Conseil de l'Enseignement supérieur (YÖK), avait rencontré les recteurs femmes des universités turques à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes le 8 mars 2016.

Le principal résultat de la rencontre avait été la confirmation d'une ‘Charte de l'attitude d'égalité de genre dans l'enseignement supérieur’. 

Ce document était en cours d'élaboration depuis l'année de la mort d'Aslan, et stipulait que le régulateur de l'enseignement supérieur allait incorporer l'égalité et la justice de genre dans tout son travail, que les universités allaient mettre en place des cours, des séminaires et des tables-rondes d'égalité de genre, et que les universités allaient garantir des campus sûrs pour les femmes.

‘L'égalité de genre n'est pas dans nos valeurs’

Des craintes avaient toujours existé que la charte garde un caractère symbolique, mais, le 19 février 2019, le YÖK a sidéré les défenseurs de l'égalité de genre en désavouant les fondements mêmes du document.

Saraç, toujours président du Conseil, cité par Cumhuriyet, a invoqué “des perceptions différentes” de l'égalité de genre comme motif de revisiter le document.

2015 yılında hazırlanan bu tutum belgesinde kadına yönelik her türlü eşitsizlik ve adaletsizliği önlemeye yönelik yürütülen bu çalışmalar ‘Toplumsal Cinsiyet Eşitliği’ kavramı adı altında dile getirilmiştir. Ancak gelinen süreçte bu kavrama, murat edilenin dışında farklı anlamlar yüklendiği ve bu yüklemelerin ‘toplumsal değerlerimiz ve kabullerimizle mütenasip olmadığı ve toplumca kabul görmediği’ hususunun göz önünde bulundurulması gereği ortaya çıkmıştır. 

La charte, élaborée en 2015 et envoyée à toutes les universités à fins d'empêcher les inégalités contre les femmes, fut formulée selon les termes ‘Égalité de genre’. Mais, dans ce processus, il s'est avéré que le concept (d'égalité de genre) a différentes significations autres que celles qui sont mises en application. Nous devons prendre en considération que ces significations ne sont pas appropriées à nos valeurs ni acceptées par notre société.

Saraç poursuivait en indiquant que ‘égalité de genre’ serait retiré de la note explicative et que les universités devront en lieu et place se focaliser sur ‘la famille’ :

Bugün itibarıyla tutum belgesinde ‘toplumsal cinsiyet eşitliği’ kavramı çıkarılarak güncelleme yapılmasına ilişkin çalışmalar son aşamasına gelmiş olup yakında üniversitelerimize duyurulacaktır. Kadın çalışmalarına yönelik derslerin müfredatını ‘Toplumsal Cinsiyet Eşitliği’ değil ‘Adalet Temelli Kadın Çalışmaları’ anlayışı içerisinde belirlemeye ve verilmekte olan ders, konferans ve seminerlerde Türk toplumunun aile kavramı başta olmak üzere sahip olduğu üstün değerlerin öne çıkarılmasına özen göstermesi gerekmektedir

A partir d'aujourd'hui, nous retirons les termes ‘égalité de genre’, révisons (la charte) et la renvoyons à toutes les universités. Il est nécessaire d'utiliser ‘Études féminines basées sur le Justice’ plutôt que ‘Études d'égalité de genre’.  Nous devons être attentifs à l'importance de la société turque et du concept de la famille dans les cours et séminaires.

‘Nous ne renoncerons pas’

Les organisations de femmes et les usagers de médias sociaux ont réagi avec indignation aux propos de Saraç paraissant mettre en péril l'avenir même de domaines universitaires comme les études de genre, et sous-entendant que le gouvernement voit largement les femmes comme des ménagères.

Des utilisateurs/trices de Twitter ont argué que le YÖK s'inclinait devant la pression des médias conservateurs, qui attaquent la charte comme étant un texte “déviant” encourageant les relations homosexuelles et portant la marque de la débauche occidentale.

Le Collectif des femmes à l'université, fondé en 2007 par des étudiantes, a manifesté le 1er mars devant le bâtiment du YÖK.

Une bannière brandie par des manifestantes disait : “Ayez vos propres valeurs sociales, l'égalité est la nôtre.”

Les étudiantes disent à Yekta Saraç : Ayez vos propres valeurs sociales qui consistent en harcèlement, viol, violences, nous ne renoncerons pas à nos gains en égalité.

Une autre organisation, l'Association des femmes chefs d'entreprise de Turquie, a fait le 26 février une déclaration demandant au YÖK de reconsidérer sa décision, tandis que le 25 février, le Réseau des chercheuses féministes et queer publiait un texte condamnant les propos de Saraç qui “ont montré que le gouvernement ne renonçait pas aux pratiques patriarcales”.

Le Réseau des chercheuses féministes et queer publie une annonce sur la déclaration du Conseil de l'enseignement supérieur sur l'égalité de genre : ’Nous continuerons à produire de la connaissance à travers le principe d'égalité de genre !’

Le meurtre d'Aslan, glaçant dans sa barbarie individuelle, a signalé une tendance alarmante aux violences mortelles contre les femmes en Turquie qui n'a fait qu'empirer dans les années suivantes.

Gülsüm Kav de la plateforme ‘Nous ferons cesser le féminicide’ a affirmé cette semaine sur Twitter que dans les seuls deux premiers mois de cette année, 74 femmes ont été tuées en Turquie.

Un nombre qui place 2019 sur la voie d'atteindre les 440 féminicides enregistrés en 2018, un total représentant une hausse de 45 % par rapport aux chiffres de 2015, l'année du meurtre d'Aslan.

Nous avons fait serment, en dépit de ceux qui nous ignorent, que nous ferons cesser les meurtres de femmes en luttant nous-mêmes.

Le Venezuela dans le noir, pour combien de temps ?

vendredi 8 mars 2019 à 21:10

Des pannes d'électricité de grande ampleur ont commencé le 7 mars.

Depuis bientôt 24 heures, la plus grande partie du Venezuela est privée d'électricité.

A environ 16:50 heure locale le 7 mars, des coupures d'électricité de grande ampleur dans la capitale Caracas et au moins 22 autres États ont commencé à priver logements, entreprises, administrations et hôpitaux de courant. Le 8 mars en début de matinée, les journalistes et les civils en mesure d'utiliser les données mobiles ont commencé à rapporter en ligne que les générateurs et autres fournitures d'électricité de secours étaient défaillants.

Les responsables du gouvernement aux abois du président Nicolás Maduro affirment que la coupure est le résultat de “sabotages” et parlent de “guerre électrique” perpétrée par le chef de l'opposition Juan Guaidó avec l'appui du gouvernement étasunien. Guaidó a rétorqué que “l'unique sabotage ici est celui de l'usurpateur du peuple vénézuélien”, visant le président Nicolás Maduro, dont les dirigeants de l'opposition disent qu'il a “usurpé” la présidence à travers un processus électoral illégitime.

Les coupures d'électricité n'ont rien d'une nouveauté au Venezuela : au milieu des crises économique, sociale et politique qui engloutissent le pays ces dernières années, les citoyens en subissent de récurrentes. Mais son ampleur et sa durée font la singularité de celle-ci.

Outre laisser les habitants dépourvus d'accès à l'éclairage, à la réfrigération, aux technologies médicales et aux transports alimentés par l'électricité, la panne a aussi précipité une coupure quasi totale des systèmes de communication dans le pays.

Retour aux origines. Dans le quartier autour de chez moi un feu de camp est allumé depuis plus de 6 heures de panne d'électricité.

L'organisme de tests techniques NetBlocks, qui mesure les connexions et les coupures internet dans les pays du monde entier, a publié des résultats de tests montrant que l'activité internet a plongé, et a offert incidemment quelques données concrètes sur l'impact des coupures.

Connectivité de réseau au Venezuela, mars 2019. Image via Netblocks.

Les manifestations publiques et les confrontations entre l'armée loyale à Maduro et les chefs de l'opposition appuyés par les USA surviennent par vagues depuis que Guaidó a ouvertement défié la légitimité de Maduro et s'est déclaré lui-même président sur la base de la constitution.

Lire le dossier spécial de Global Voices sur la crise actuelle au Venezuela

Au Brésil, le carnaval est cette année teinté d'orange pour manifester contre le scandale du “Bolsogate”

vendredi 8 mars 2019 à 18:27

Une participante du Carnaval, Tassiany Pereira, exhibe son déguisement orange pour les festivités de cette année  Photo: @tassianypereira/Instagram, utilisée avec autorisation.

Rien à voir avec une mode ou un revival du look Carmen-Miranda : les Brésiliens qui défilent dans les rues de nombreuses grandes villes en cette époque de carnaval portent des déguisements aux couleurs orange pour envoyer un message au président Jair Bolsonaro.

Au Brésil, le mot portugais pour orange “laranja”, est aussi le terme d'argot qui désigne l'intermédiaire d'une magouille financière, le prête-nom.

Deux affaires impliquent le président du Brésil ou sa famille — du genre des vieilles intrigues de corruption qu'il avait promis de combattre s'il était élu — qui auraient fait appel à des “laranjas.”

En décembre 2018, le procureur de l’État de Rio de Janeiro a ouvert une enquête contre Fabricio Queiroz, un officier de police à la retraite et ami de longue date de la famille Bolsonaro, qui avait touché en liquide des sommes d'argent suspectes entre 2016 et 2017 alors qu'il travaillait comme assistant du fils du président, Flavio Bolsonaro, lorsque celui-ci était encore député de l’État de Rio de Janeiro (aujourd'hui sénateur du même État). L'internet brésilien n'a pas tardé a désigner l'affaire sous le nom de ‘scandale du Bolsogate’.

Et en février, le journal Folha de S. Paulo a révélé que le parti du président avait sans doute détourné des fonds publics de campagne à destination de candidats qui ne se sont jamais présentés pendant toute les élections de 2018. En plein scandale, le président Bolsonaro s'était séparé de l'un de ses alliés les plus importants, le secrétaire général de la Présidence Gustavo Bebbiano.

View this post on Instagram

Laranjou todinha #PSL 🍊🍊🍊🍊 #laranjaldojair #laranjaldopsl #psl #candidatalaranja #bolsonaro #queiroz #énóisqueiroz #carnavalrj #carnaval2019

A post shared by Thaísa Violante (@tataviolante) on

<script async src="//www.instagram.com/embed.js">

Je suis toute orange #PSL
🍊🍊🍊🍊 #orangeraiedejair #orangeraiedupsl #candidatorange #bolsonaro #queiroz #nousvoilàqueiroz #carnavalrj #carnaval2019

L'affaire Queiroz

En décembre 2018, le Conseil pour le contrôle des activités financières (COAF), une agence de régulation fédérale, a révélé que 1,2 million de rrales brésiliens  — plus de 300.000 dollars US — avaient transité sur le compte bancaire de Queiroz à l'époque où il travaillait comme chauffeur et assistant du député Flavio Bolsonaro. Huit employés de celui-ci ont procédé à des versements sur des comptes bancaires appartenant à Queiroz, qui en a retiré lui-même une partie et a ensuite effectué un dépôt — d'à peu près 6.700 US dollars — sur le compte personnel de la désormais première dame Michelle Bolsonaro.

La destination de la plus grosse partie de cet argent reste encore obscure. Vivant dans une modeste maison de la banlieue de Rio, Queiroz ne semble pas avoir profité de cette somme, d’où la suggestion du terme “orange”.

Dans l'intervalle, 48 dépôts en liquide de 2.000 reales (environ 500 dollars) sont apparus anonymement sur le compte de Flavio Bolsonaro en 2017, tous provenant d'un distributeur localisé dans les murs de l'assemblée législative de l’État de Rio de Janeiro. Les institutions financières ne remarquent habituellement pas de si petites sommes, mais les dépôts, se suivant en séries à intervalles de quelques minutes, ont conduit les enquêteurs à suspecter une fraude. Flavio Bolsonaro a prétendu qu'il s'agissait d'un paiement se référant à la vente d'un appartement à un ami.

View this post on Instagram

Carnavalesca #dia2 #B17 #laranja #queiroz #motorista #17 #deusacimadetodos #psl #carnaval #carnaval2019

A post shared by Valesca Zimmermann (@vdevalesca) on

<script async src="//www.instagram.com/embed.js">

Sur son chapeau, cette phrase : Notre drapeau ne sera jamais orange. “Notre drapeau ne sera jamais rouge” est un slogan souvent utilisé par la droite conservatrice au Brésil.

Un père orange, une fille fantôme

Nathália, la fille de Queiroz, l'une des quatre membres de la famille employés par Jair Bolsonaro lui-même, alors qu'il était encore représentant au Congrès, est elle aussi suspectée. Selon The Intercept Brasil, elle n'a jamais mis un pied dans le bureau de Bolsonaro durant les 22 mois où elle est apparue sur le registre des salaires du cabinet (entre 2016 et 2018). Pas même en tant que visiteuse.

Elle est suspectée d'avoir été une “employée fantôme,” quelqu'un qui figure bien sur le registre des salaires mais qui n'effectue pas le travail pour lequel il ou elle a été engagé. Si cela se confirmait, Nathália ne serait pas la première “employée fantôme” associée à Jair Bolsonaro. L'année dernière, le journal  Folha de São Paulo a révélé comment une autre membre de l'équipe vendait des bols d'açaí pendant son temps de travail à plus d'un millier de kilomètres de la capitale Brasilia (où elle était censée travailler pour Bolsonaro).

Les enquêteurs tentent de convoquer Queiroz depuis le mois de décembre afin qu'il s'en explique. Il ne l'a finalement fait qu'en février, et par écrit : dans une lettre aux procureurs, il dit n'avoir fait que tenter “d'augmenter” le nombre d'employés qui travaillaient pour Flavio Bolsonaro, et sans que celui-ci ne le sache. Queiroz, qui avait disparu pendant plusieurs semaines, est réapparu ensuite en alléguant avoir été hospitalisé pour traiter un cancer.  Cependant, dans une interview télévisée, il n'est pas parvenu à se souvenir du nom de son médecin ni de celui de l'hôpital en question.

View this post on Instagram

Dia 02 🧡🇧🇷🍊 Orange is the New Brasil "Oh Pátria Amada, Alaranjada, Salve Salve!!!" . . . . #laranja #orange #patriaalaranjada #repúblicadelaranjas #queiroz #cadêoqueiroz #motoristalaranja #laranjal #laranjaldopsl #PSL #PartidoSucodeLaranja #Bolsonaro #fantasia #fantasiadecarnaval #plaquinhasdecarnaval #inspiração #inspiracaocarnaval #fantasiadecasal #carnaval #carnaval2019 #blocodecarnaval #carnavalderua #blocoderua #olinda #pernambuco #ladeirasdeolinda #frevo

A post shared by Valdenor Júnior (@valdenorjunior) on

<script async src="//www.instagram.com/embed.js">

En janvier 2019, le journal O Globo a révélé que Flavio Bolsonaro avait embauché des parents d'un capitaine de police à la retraite qui est suspecté du meurtre de la conseillère municipale de Rio Marielle Franco ainsi que de son chauffeur Anderson Gomes.

Les femmes-oranges

La Folha de São Paulo a annoncé la deuxième histoire orange en février. Selon la loi électorale brésilienne, tout parti politique se doit de destiner 30% de ses fonds à des candidatures féminines dans le but affiché d'augmenter leur nombre de sièges à l'assemblée législative.

Des membres du parti de Bolsonaro, le PSL (pour Parti Social Libéral) sont soupçonnés de s'être servi de candidatures féminines de façade afin d'empocher l'argent pour leur propre compte. Deux ministres de Bolsonaro connaissaient supposément la combine et l'un d'entre eux a été démis de ses fonctions en plein scandale.

En attendant, le président lui-même ne semble pas apprécier les manifestations et les jeux de mots teintés d'orange qui prennent possessions des rues. Mardi 5 mars, il a tweeté :

Aussi importante que l'économie est la sauvegarde de notre culture, qui a été détruite par des décennies de gouvernement d'inspiration socialiste. Nous poursuivrons (notre quête) du pays de l'ordre et du progrès [“Ordre et progrès” est la devise nationale du Brésil, inscrite sur le drapeau national. NdT]. Bonne journée à tous!

Le retrait de Somalie des troupes burundaises de l'AMISOM cause un nouvel affrontement diplomatique

vendredi 8 mars 2019 à 15:20

L'AMISOM veut retirer toutes les troupes africaines de Somalie d'ici 2021.

Les soldats burundais de l'Union africaine arrivent à l'aéroport de Mogadiscio, Somalie, 9 décembre 2011. AMISOM Public Information via Flickr / Creative Commons.

Depuis 2007, l’AMISOM, une mission de l'Union africaine (UA), est chargée de combattre Al-Shabaab, un groupe insurgé islamiste lié à Al-Qaida. Des centaines de soldats ont été tués parmi des troupes totalisant 21.500 hommes de plusieurs pays, le Burundi ayant fourni le plus grand contingent après l'Ouganda.

En décembre 2018, le Conseil de paix et de sécurité de l'UA a décidé de retirer 1.000 de ses 5.400 soldats burundais d'ici la fin de février 2019, dans le cadre de la réduction progressive des effectifs de l'AMISOM décidée par le Conseil de sécurité de l'ONU en juillet 2018. La résolution 2431 de l'ONU a prolongé le mandat de l'AMISOM mais a décidé de réduire le nombre d'hommes et de transférer finalement la gestion du conflit à l'armée somalienne au plus tard en décembre 2021.

Le président burundais Pierre Nkurunziza a fait objection au retrait tandis que les hauts responsables l'ont dit dangereux pour la sécurité régionale et protesté auprès de l'UA. Les parlementaires burundais se sont particulièrement élevés contre des réductions de troupes uniquement burundaises et ne touchant pas d'autres pays. Ils ont laissé planer la menace de retirer l'ensemble de leurs troupes si l'UA ne reconsidérait pas sa décision. Les parlementaires ont même parlé de complot et de tentative de “déstabiliser” le Burundi.

Le Burundi avait proposé de partager le retrait de troupes avec les autres pays, comme lors d'une précédente réduction en décembre 2017.

Lors de la visite du président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed au Burundi mi-février, les deux présidents avaient appelé dans un communiqué commun à un sommet pour examiner la situation. Néanmoins, les 21 et 23 février, 400 soldats burundais sont rentrés au pays, alors que le gouvernement burundais s'est refusé à procéder au rapatriement des 600 restants, initialement prévu pour être terminé d'ici au 26 février.

Le 28 février, le Burundi a finalement cédé, faute de soutiens ou de levier sur la question, acceptant que les soldats restants rentrent début mars, selon des sources anonymes de haut niveau d'AFP, citées par TV5Monde.

Pourquoi le Burundi conteste la réduction des effectifs de l'AMISOM

La crise politique et économique permanente au Burundi a amené de graves déficits budgétaires liés aux sanctions, à l'exacerbation de la pauvreté, à l'interruption des échanges commerciaux et à de vastes mouvements de réfugiés. L'an dernier, le Conseil de sécurité de l'ONU s'est dit préoccupé par la situation humanitaire, citant 3,6 millions de personnes ayant besoin d'aide au Burundi.

C'est pourquoi les fonds provenant de missions internationales de maintien de la paix sont une source importante de devises pour un gouvernement aux abois. Jeune Afrique indique que l'UA transfère 16 millions d'euros tous les trois mois à la Banque centrale du Burundi.

L'UE, gros bailleur de fonds de l'AMISOM, a tenté en 2017 d’éviter le versement des fonds pour les salaires et équipements des soldats directement au gouvernement, qui prélève un pourcentage soi-disant pour l'équipement et autres dépenses. Ce qui a conduit à une impasse jusqu'à ce qu'un accord soit atteint, bien que RFI ait rapporté que des soldats accusaient l’État de captation.

Les observateurs comme le militant anti-corruption Gabriel Rufyiri voient un lien entre la demande faite au Burundi de réduire ses troupes et ses mauvaises relations avec l'UE d'une part, et le mécontentement de la Communauté d'Afrique de l'Est (EAC) et d'hommes politiques de l'UA, en particulier d’Ouganda, devant l’impossibilité d'un dialogue avec médiation d'autre part.

Un tel dialogue prétendait résoudre l'épuisante crise politique autour du troisième mandat controversé de Nkurunziza en 2015, et les modifications constitutionnelles consécutives. L'intransigeance du gouvernement burundais est considérée comme fortement responsable — à côté du faible engagement international — de la laborieuse mise en route d'un dialogue. Le Burundi n'a même pas assisté à la dernière série de discussions fin 2018.

Depuis 2015, de nombreuses organisations, parmi lesquelles la Commission d'enquête de l'ONU, Human Rights Watch, ou APRODH, documentent des violations de droits systématiques — en particulier conte l'opposition —, la répression des médias et des associations, et des affrontements avec les groupes rebelles. Les officiels rejettent ces informations comme étant manipulées.

En réaction, l'UE et les autres partenaires internationaux on appliqué des sanctions et coupé les aides directes au gouvernement — qui en est très dépendant — en s'efforçant de les réorienter sur les ONG présentes sur le terrain. Ces dernières se retrouvent sous un contrôle et une pression accrus des autorités. En particulier, de nouvelles règles datant de fin 2018 sur le financement et les quotas ethniques ont conduit certaines, comme Handicap International, à quitter le pays.

L'avenir de la sécurité

Le retour des troupes chez elles pose de graves questions sur la sécurité tant en Somalie qu'au Burundi.

D'abord, une réduction de troupes pourrait causer de potentiels problèmes à l'armée du Burundi. Les missions dangereuses de maintien de la paix sont mieux rémunérées et plus attractives en termes de carrière pour les militaires. Beaucoup d'entre eux pourraient être mécontents de perdre les chances liées à l'AMISOM, ce qui est susceptible d'aggraver les divisions politisées intestines de l'armée, nées de la guerre civile au Burundi.

Ensuite, les critiques pointent une apparente contradiction dans l'envoi par le Burundi de troupes pour améliorer la sûreté d’étrangers dans leur pays alors que chez lui la situation des droits humains se détériore, avec des arrestations arbitraires, de la torture et des assassinats. Le blogueur burundais Apollinaire Nkurunziza a rapporté que sur le terrain en Somalie, les habitants apprécient pourtant les troupes burundaises.

Une polémique a pourtant éclaté à propos de soldats de l'AMISOM accusés de tuer des civils.

Enfin, si l’objectif final de l'AMISOM est le retrait et le passage du relais aux forces somaliennes, il existe des inquiétudes sur leurs capacités et la future stabilité, y compris venant d'une partie des responsables somaliens. Al-Shabaab contrôle toujours un territoire et peut lancer des attaques meurtrières, même hors de Somalie, notamment au Kenya.

Cet épisode semble refléter les tensions persistantes avec l'UE et les gouvernements de la CAE sur la crise au Burundi. Les pouvoirs de la région ne parlent pas d'une seule voix non plus, tandis que le Burundi se confronte de façon répétitive avec l'UE, l'UA, et la Cour pénale internationale, entre autres, au sujet des violations de droits et du dialogue avec les opposants. La coalition d'opposition burundaise CNARED en exil elle-même s'est déchirée.

De nouvelles impasses sont probables alors que la crise politico-économique s'éternise – avec des centaines de milliers de personnes toujours dans des camps de réfugiés sans moyens et des guerres par procuration dans l'est de la RDC – et à l'approche rapide de nouvelles élections en 2020.

L'image et le son : rare film d'actualités sur Kyoto en 1929

vendredi 8 mars 2019 à 11:21
Everyday scenes in Kyoto Japan in 1929

Kyoto, au Japon, en 1929. Arrêt sur image de “1929 : premiers films parlants de Kyoto”, édité et téléchargé sur YouTube par Guy Jones.

Un film d'actualités de Kyoto en 1929 a été restauré et téléchargé sur une chaîne populaire de YouTube. Cette vidéo se distingue par ses bandes sons originales de la vie japonaise : d'habitude, les films d'actualités de cette époque sont muets.

La vidéo inclut des scènes de marché, une cérémonie dans un temple shinto et des jeunes femmes jouant à des jeux traditionnels.

Celui-ci n'est que l'un des douzaines de films d'actualités restaurés et téléchargés par le vidéaste Guy Jones, qui édite des enregistrements centenaires pour que ceux-ci correspondent aux critères des vidéos actuelles.

D'habitude, M. Jones ralentit la vitesse originale du film et y ajoute des bruits d'ambiance correspondant à ce qui se passe à l'écran, comme dans sa restauration du film d'actualités de Tokyo de 1913.

Dans ce cas pourtant, les incroyables bandes sons ont été capturées par le procédé Movietone [fr], le dernier cri en 1929. Ce procédé est un système optique d'enregistrement du son sur le film lui-même et destiné à synchroniser le son et l'image.

Cet enregistrement provient des Collections de recherche d'images mobiles l'Université de Caroline du Sud (MIRC), qui conserve les Collections d'actualités Movietone de la Fox.

Note : Cet article a été mis à jour pour inclure que la source de l'enregistrement est le MIRC. Nos remerciements à Dan Streible.