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Les Caribéennes contestent la culture du viol sur les réseaux sociaux

jeudi 2 mars 2017 à 15:07
« Woman behind bars » (« Femme derrière les barreaux »), extrait d'une série d'affiches contre le harcèlement de rue et pro-respect. Photo de l'utilisatrice Flickr Wendy, CC BY-NC 2.0.

« Woman behind bars » (« Femme derrière les barreaux »), extrait d'une série d'affiches contre le harcèlement dans la rue et pro-respect. Photographie de l'utilisatrice de Flickr Wendy, CC BY-NC 2.0.

Un mot-clic puissant, #LifeInLeggings (#VivreEnCollants), dont l'objectif est de donner aux femmes des Caraïbes un espace et du soutien pour partager leurs histoires de harcèlement sexuel, explose en ce moment sur Facebook et Twitter. Créé par deux femmes de la Barbade qui voulaient démontrer le degré inquiétant auquel le harcèlement sexuel fait partie de la culture caribéenne, il a maintenant une visibilité régionale.

Les récits que des femmes de tout âge, origine ethnique et statut économique partagent sont alarmants – passant de récits où les victimes sont humiliées et contraintes au silence, à des histoires d'intimidation, des déclarations d'admiration mal avisées, à l'épidémie d'abus sexuels sur mineurs et la tendance des personnes qui s'en occupent de les balayer sous le tapis.

Cristal Roslyn Mary Granado se souvient de son traumatisme :

#LifeInLeggings He was asked to watch the kids while Mom went to the store. I was three. He told me to come sit on his knee. I said no. You smell. He made me sit on his knee. Pulled apart my baby legs and ripped my panties off and stuck his fat calloused fingers inside of my vagina. I cried. He said he would make my mother beat me. I was afraid. I hate you.

#LifeInLeggings On lui avait demandé de veiller sur les enfants pendant que maman allait au magasin. J'avais trois ans. Il m'a dit de venir m'asseoir sur ses genoux. J'ai dit non. Tu pues. Il me força à m'asseoir sur ses genoux. A écarté mes petites jambes de bébé, déchiré ma culotte et a fourré ses épais doigts calleux dans mon vagin. J'ai pleuré. Il a dit qu'il me ferait battre par ma mère. J'avais peur. Je te déteste.

Les femmes ont également parlé du fardeau porté la vie durant de vivre avec l'abus et de la façon dont la crainte quotidienne d'être aggressée façonne leur comportement.

Cho Sundari témoigne qu'elle est constamment en alerte  :

#lifeinleggings Walking with my key in my hand, ready at all times to be used in self defence. Looking behind me at least 3 times before I reach my car. Checking the back seat before I open the door. Opening the door quickly, slamming myself on the seat. Shut the door and lock doors immediately. Sigh. Start ignition. Drive.

#lifeinleggings Marcher avec mes clés dans la main, prête à tout moment à les utiliser pour me défendre. Regarder derrière moi au moins trois fois avant d'atteindre ma voiture. Vérifier la banquette arrière avant d'ouvrir la porte. Ouvrir la porte rapidement, me lançant sur le siège. Fermer la porte et verrouiller les portes immédiatement. Soupirer. Démarrer la voiture. Conduire.

Un utilisateur de Twitter trouvait difficile de lire tous les messages  :

Rien que lire #LifeInLeggings brise le cœur. J'ai du arrêter par moments parce que je ne pouvais plus tenir.

Beaucoup ont parlé d'avoir été abusées quand elles étaient très jeunes, souvent par des amis proches et membres de la famille. D'autres ont parlé de harcèlement au travail et le sentiment connexe de privilège masculin.

L'avocat trinidadien Justin Phelps a commenté que les récits inondant les médias sociaux allaient au delà d'un mot-clic, et devraient porter les gens à réfléchir plus profondément sur les implications sociétales :

#LifeinLeggings is the story of women AND girl children btw. A large number of the stories are of childhood events. Add the stories of our male children. Add the stories of our dead children. Measure the country's level of civilization against that. Hold that up to the debates you hear in Parliament […] the disrespect and contempt meted out on top of that. Match it against ‘civil society’ who is about ‘country first’, the police service which features negatively in many of the stories, the parents who watch and stay silent, the parents who just stupid, the deviants, the pretenders. Maybe we can muster enough energy for something other than money and vanity to ‘riot’ after all. Nah, too risky.

#LifeinLeggings est le vécu des femmes ET des filles, au fait. Un grand nombre de ces récits sont survenus durant l'enfance. Ajoutez les histoires de nos garçons. Ajoutez les histoires de nos enfants morts. Mesurez le niveau de la civilisation du pays contre cela. Contrastez avec les débats que vous entendez au Parlement […] le manque de respect et de mépris infligées par-dessus cela. Mettez ça face à la « société civile » qui insiste sur la « nation d'abord », le service de police qui a mauvaise mine dans plusieurs de ces récits, les parents qui voient et restent silencieux, les parents simplement stupides, les pervers, ceux qui nient. Peut-être que nous pouvons rassembler assez d'énergie pour autre chose que de l'argent et la vanité pour « faire l'émeute » après tout. Ben non… c'est trop risqué.

Les histoires, entrelacées si puissamment grâce au hashtag, brossent en grandes lignes une image de la culture du viol dans les Caraïbes. Une utilisatrice des médias sociaux, communicant sur la page Facebook du groupe féministe Womantra, a offert des conseils pour contrer cette attitude:

Be gross. Today a man in the maxi [a minivan-type taxi in Trinidad] had the audacity to tell me that my p*ussy must be fat […] I LOUDLY and NAIVELY explained that it is not indeed fat, I have my period and it is soooooo heavy that I have to layer my pads creating the illusion of a hefty p*ssy. “I doh want to hear bout dat!!!” He was disgusted
Again, I had to educate him, “thats what p*ssies do!!! Thats how it prepares us to have your babies!!!” […]
The maxi is extremely quiet. It starts with a giggle. Then the entire maxi is laughing at the man's discomfort. #LifeInLeggings
Be gross. Pick up space. Attack using any and all weapons in your arsenal: cussing, humour, disgustingness, anger, shyness, needing a friend, tears…. I the Feminist Fairy grant you the power….

Soyez répugnantes. Aujourd'hui, un homme dans le maxi [un taxi-type monospace à Trinidad] a eu l'audace de me dire que ma chatte doit être grasse […] J'ai annoncé HAUTEMENT et NAÏVEMENT qu'il n'y a pas en effet tant de chair, j'ai mes règles et et elles sont siiiiiiiiiiiii abondantes que je dois mettre mes serviettes en plusieurs couches créant l'illusion d'une chatte bien grasse.. « Je veux rien entendre de tout ça !!!” Il était dégoûté
Je renchéris, car je devais bien lui expliquer, “c'est ce que font les ch*ttes !!! C'est comme ça qu'ils nous préparent pour avoir vos bébés  !!!” […]
Le maxi est extrêmement silencieux. Ça commence avec un petit rire. Ensuite, l'ensemble du maxi se moque du gêne de l'homme. #LifeInLeggings
Soyez dégoûtantes. Prenez de la place. Attaquez en utilisant toutes les armes dans votre arsenal : les grossièretés, l'humour, le dégoût, la colère, la timidité, le besoin d'un ami, les larmes…. Moi, fée féministe, je vous octroie ce pouvoir….

Les femmes internautes ont été extrêmement visibles dans leur soutien des courageuses qui partageaient leurs récits. Face à la vague de témoignages, un mouvement de solidarité féminine prenait pied — tant de femmes se voyaient reflétées dans les expériences, avaient des vécus semblables elles-mêmes.

Whitney Francois note quelques expériences déchirantes :

#LifeInLeggings
Having a female friend in primary school who tried to kiss on lips and touch your V because she loved you.
And thats how ‘love’ was shown in her home.
To everybody.
Mind you she was 5.

#LifeInLeggings
Avoir une amie à l'école primaire qui a essayé de t'embrasser sur les lèvres et toucher ton V parce qu'elle t'aimait.
Et c'est comme ça qu'on montrait son « amour » chez elle.
À tout le monde.
Faut savoir qu'elle avait cinq ans.

#lifeinleggings
Watching a friend trying to be strong after being called a sellout and a traitor and even threatened for ‘snitching’ on her bf after he raped her.
Who really betrayed whose trust?

#lifeinleggings
Regarder une amie essayer d'être forte après avoir été targuée de vendue et de traîtresse et même avoir été menacée parce qu’elle aurait commis une « délation » sur son copain après qu'il l'a violée.
Mais qui a vraiment trahi la confiance de qui ?

Christine Sankar a partagé un example du type de harcèlement de rue que la plupart des femmes des Caraïbes ont vécu à un moment ou un autre :

Ignoring men when they're cat-calling and calling out to you as ‘Beautiful’ ‘Sexy’ ‘Family’, and as soon as you pass them, they further disrespect you by telling you that ‘You not that nice anyways’ or ‘One day someone would f*ck that stink attitude out of you’ with some of them even going to the extent of yanking on your shoulder or following you #lifeinleggings

Ignorer les hommes quand ils te harcèlent dans la rue en gueulant « Jolie fille » « Sexy » « Chérie » , et dès que vous les dépassez, ils vous manquent encore plus de respect en te disant que « T'es même pas si belle » ou « Un jour, quelqu'un corrigera ta sale gueule avec une bonne vraie baise », certains d'entre allant même jusqu'à te tirer sur le bras ou te suivre sur ton chemin #lifeinleggings

Malaika Brooks-Smith-Lowe explique que le comportement inapproprié est sans bornes :

#lifeinleggings is having to tell a group of grown ass men to stop harassing me while I teach children in an outdoor yoga class.

#lifeinleggings c'est avoir à dire un foutu groupe d'hommes adultes d'arrêter de me harceler pendant mon cours de yoga en plein air pour enfants.

Antonya Pierre renchérit :

#Lifeinleggings. When ‘Good morning beautiful’ is no longer a pleasant greeting or compliment because it is usually the preamble for some form of harassment.

#Lifeinleggings. Quand « Bonjour ma belle » n'est plus une salutation agréable ou un compliment, car c'est généralement le préambule à une certaine forme de harcèlement.

Alors que la plupart des internautes n'avaient que des éloges pour les créatrices du hashtag, saying qu'il était « temps de briser ce tabou », une jeune femme trouvait curieux que la discussion – sous le thème « leggings » – soit sexuée, faisant valoir que les hommes sont également victimes d'abus sexuels.

Avec la diffusion du hashtag, il y eut des appels pour que les hommes expriment leur soutien à la cause. Plusieurs l'ont fait — mais d'autres avaient tendance à prendre ça à la légère et à invalider les témoignages des femmes. La réaction fut violente, directe et immédiate, surtout lorsque les hommes ont utilisé le prétexte de la tenue vestimentaire des femmes comme justification de l'abus sexuel.

Denica Shute met les choses au clair :

‘Women are deserving of respect regardless of what we wear, and we refuse to subscribe to the notion that men simply cannot help themselves to sexually harass or abuse a woman because of what she is wearing.’
#lifeinleggings

« Les femmes sont dignes de respect, indépendamment de ce que nous portons et nous refusons de souscrire à l'idée que les hommes sont incapables de s'empêcher de harceler ou d'abuser une femme à cause de ce qu'elle porte. »
#lifeinleggings

Raeesa Francis-Ochoa ajouta :

Men who have an issue with the hashtag #LifeInLeggings are the reason why this hashtag exists.
In 2016, why is it still not okay for a woman to vent about the abuse at experienced from childhood to adulthood which still affect her daily and she may never be fully healed?
Additionally, why are women also finding issues with the hashtag? Just because you don't have an experience or feel like sharing your own, doesn't mean you can be Petty Patty and stop others from participating in the trend.

Les hommes qui ont un problème avec le mot-clic #LifeInLeggings sont la raison pour laquelle ce mot-clic existe.
En 2016, pourquoi est-il toujours pas correct qu'une femme témoigne des abus qu'elle a subit depuis l'enfance jusqu'à l'âge adulte qui l'affectent encore tous les jours et dont il se peut qu'elle ne guérisse jamais complètement ?
En outre, pourquoi est-ce que des femmes aussi ont des problèmes avec le mot-clic ? C'est pas parce que vous n'avez pas vécu vous-même une expérience ou que vous n'avez pas envie de partager la votre que vous pouvez jouer les empêcheuses de tourner en rond et dire aux autres de ne pas participer au mouvement.

En effet, il a été largement convenu que le machisme à la base de la socialisation des garçons caribéens ferait partie du problème.

La situation a dégénéré quand un homme trinidadien a tenté de créer un mot-clic #lifeinpants, partant de sa perception que #lifeinleggings « impliquait tous les hommes dans une atrocité sociale ». Ses messages avec le mot-clic ont ensuite été enlevés. Les femmes l'ont fustigé, ébahies et dégoûtées.

Rhoda Bharath commenta :

#LifeInLeggings: When from hairless babies to balding grannies get raped, but you feel attacked by a hashtag.

#LifeInLeggings : lorsque des bébés tout lisses jusqu'aux mémés chauves sont violées, mais que vous vous sentez agressé par un mot-clic.

Carima Nemai a posté :

#lifeinleggings made it as easy and common to demonize men as it has been easy and common over the years to objectify and sexually assault women. #whenthetablesareturned yes feel uncomfortable, and feel attacked and feel responsible even if you aren't, most importantly FEEL!
Obviously not every man is guilty and not every woman would have been a victim, but the rape culture is bigger than every one of us! See and feel that!

#lifeinleggings a rendu ça aussi facile et courant de diaboliser les hommes qu'il a été facile et courant depuis toujours de réduire les femmes à des objets et de les agresser sexuellement. #whenthetablesareturned (quand on renverse la donne) oui sentez-vous mal à l'aise, sentez-vous attaqués et tenez-vous responsable, même si vous ne l'êtes pas, en encore plus important RESSENTEZ !
Évidemment chaque homme n'est pas coupable et ce n'est pas chaque femme qui a été victime, mais la culture du viol est plus grande que chacun d'entre nous ! Il faut le voir et le ressentir !

Dion Boucaud ajoute :

You cannot decry a legitimate movement by making the issue somehow about yourself and then, when you are called on your bullshit, berate and chastise everyone […] who disagrees with you. Then today you're crying oppression, stating that you're attacked by perceived feminist because they don't agree with your useless opinion. All that makes you is a special kind of stupid.

Vous ne pouvez pas dénoncer un mouvement légitime en faisant en quelque sorte que le débat se centre sur vous-même et puis, quand on vous interpelle à propos de vos conneries, réprimander et châtier chaque personne […] qui n'est pas d'accord avec vous. Alors aujourd'hui tu joues à l'opprimé, prétendant être attaqué par des personnes que tu vois comme des féministes parce qu'elles ne sont pas d'accord avec votre opinion inutile. T'es simplement une variété bancale d'imbécile, c'est tout.

Le photographe Mark Lyndersay a ajouté:

The #lifeinleggings hashtag is a challenge for men. Some to confront the horror of these stories, others to know their place and to understand that these are women's stories to tell, whatever their tone and sentiment. […]
These stories are about a line ignored, crossed and trampled on.
If you are a man, read them without making it about you.

Le mot-clic #lifeinleggings est un défi lancé aux hommes. Certains pour affronter l'horreur de ces récits, d'autres pour reconnaître leur rôle et de comprendre que ce sont aux femmes de raconter leur vécu, peu importe le ton ou l'émotion. […]
Ces récits racontent une frontière ignorée, traversée et piétinée.
Si vous êtes un homme, lisez-les sans pour autant retourner le sujet sur vous.

Le mot-clic a contribué à relancer une conversation régionale nécessaire depuis longtemps, et il y a déjà eu des retombées importantes – que la culture du viol de la région est un héritage générationnel, que le silence des victimes ne fait que donner plus de pouvoir aux prédateurs ; et surtout, que via l'éducation et législation, plus de filles et de femmes pourraient être épargnées le traumatisme de la violence sexuelle.

Deux ans après le meurtre du chef de file de l'opposition russe, sa fille lui écrit une lettre

mercredi 1 mars 2017 à 22:40

Boris Nemtsov et sa fille, Janna. Photo: Facebook

Il y a deux ans, Boris Nemtsov, ancien vice-premier ministre de Russie devenu chef de file de l'opposition politique, était abattu à Moscou. Il avait 55 ans, et il a été tué de quatre balles dans la tête, le coeur, le foie et l'estomac alors qu'il traversait le pont Bolchoï Moskvorestski, à deux pas du Kremlin.

Dimanche, veille du deuxième anniversaire de l'assassinat de Nemtsov, des milliers de personnes ont défilé à Moscou en hommage à sa vie et en mémoire de sa mort. A l'endroit où il a été assassiné, sur la passerelle du pont Bolchoï Moskvorestski, des militants entretiennent un mémorial artisanal qui tient lieu de plaque commémorative que la ville a refusé de poser. Les employés municipaux enlèvent régulièrement les fleurs, les bougies et les photos, mais les partisans de Nemtsov remettent toujours le mémorial à neuf dès le départ des équipes de nettoyage.

Lundi, l'une des quatre enfants de Nemtsov, Janna Nemtsova, a publié sur Facebook une lettre à son père. Janna vit aujourd'hui en Allemagne et travaille en tant que journaliste pour Deutsche Welle. Elle dit avoir quitté la Russie en juin 2015 après avoir reçu des menaces de mort. Voici la traduction de la lettre à son défunt père.

Письмо отцу
Нет ни единого дня, чтоб я не думала о тебе. И я могу совершенно определенно сказать, что спустя два года ты ,мой отец- для меня главный и самый любимый человек в моей жизни. Таковым ты был при жизни и таковым остался после своей трагической гибели.
Эта потеря стала для меня совершенно неожиданной и я до сих пор не могу смириться с твоей гибелью. Этого не должно было случиться, но это случилось. Внезапно и навсегда.
Я неверующий человек, но тем не менее я надеюсь, что придет день, когда мы с тобой поговорим обо всем на свете.
Но сейчас тебя нет среди нас. Ты обладал магической силой, ты притягивал к себе совершенно разных людей и делал это не из надобности. Просто так получалось.
Тебе нравилось общаться, тебе нравились люди и ты страстно любил жизнь. Часто бывало так, что кто-то не соглашался с тобой, не одобрял твою деятельность,но тебя это не так волновало. Само человеческое общение было ценностью. Ты совмещал в себе невероятное: верность принципам и понимание тех, кто думал и поступал по-другому в силу разных причин.
Папа, я знаю, что ты не хотел и не думал, но ты стал героем. Героем нашего времени.
Твое имя стало именем нашей страны, которые вписано в нашу историю твоей жизнью и твоей кровью. Ты знаешь, как мало мы можем сделать, но мы делаем все что можем, чтобы реализовать то, во что ты верил и за что тебя убили. Я хочу, чтобы ты знал, а ты сомневался- для меня большая честь и везение быть твоей дочерью. И я надеюсь, что я хотя бы частично оправдала твои ожидания.
Жанна

Lettre à mon père

Pas un jour ne passe sans que je ne pense à toi. Deux ans plus tard, c'est avec la certitude la plus absolue que je peux dire que toi, mon père, es toujours la personne la plus importante et celle que j'aime le plus dans ma vie. C'était le cas quand tu étais en vie, et ça l'est encore après ta mort tragique.
Je ne m'attendais absolument pas à te perdre, et je n'arrive toujours pas à accepter ta mort, même maintenant. Ça n'aurait jamais dû arriver, mais pourtant c'est arrivé. Ce fut brutal et ce fut pour toujours.
Je ne suis pas croyante, mais je n'en espère pas moins qu'un jour viendra où nous pourrons discuter tous les deux des choses de ce monde.
Mais à présent tu n'es plus parmi nous. Tu étais magicien. Tu attirais des gens absolument différents, et ce sans jamais en avoir besoin. C'était juste comme ça que ça se passait.
Tu adorais discuter avec les gens ; tu adorais les gens ; et tu étais passionné par la vie. Maintes fois, quelqu'un n'était pas d'accord avec toi, ou n'appréciait pas ton travail, mais ça ne t'inquiétait jamais vraiment. Pour toi, le plus important, c'était la relation humaine. Tu savais faire quelque chose d'incroyable : avoir des principes tout en comprenant les gens qui pensaient et agissaient différemment pour différentes raisons.
Papa, je sais que tu ne le voulais pas, et je ne pensais pas que tu deviendrais un héros, mais tu étais un héros de notre temps.
Ton nom est devenu celui de notre pays ; il fait aujourd'hui partie, avec ta vie et ton sang, de notre histoire. Tu sais bien que nous ne pouvons pas faire grand-chose, mais nous mettons tout en œuvre pour accomplir ce en quoi tu croyais, ce pourquoi ils t'ont tué.
Je veux que tu saches (même si tu en doutais) que, pour moi, c'est un grand honneur et un merveilleux coup de chance que d'être ta fille. Et j'espère que tu es au moins un petit peu fier de moi.
Janna

Kazakhstan : un homme arrêté pour avoir distribué de l’argent

mercredi 1 mars 2017 à 12:33

Le billet de 10.000 tenge vaut 29,50 €. Wikimedia commons.

Nous sommes à Almaty, la plus grande ville du Kazakhstan. Un homme sur un trottoir, des billets de la monnaie locale, le tenge, collés sur le blouson, une pancarte à la main invitant quiconque dans le besoin à se servir. Le résultat de ce qui s’avère être une expérience sociale conduite dans cet État policier d’Asie centrale était à prévoir, malheureusement.

Il se peut que les agents de police aient procédé l’arrestation consécutivement à la plainte d’un passant, mais il se peut également qu’ils aient agi spontanément. « On l'a arrêté », voilà les mots prononcés en russe par la radio de police que l’on peut entendre dans l’enregistrement, comme s’il était difficile d’« arrêter » un homme sur un trottoir distribuant de l’argent.

Vers la fin de la vidéo, les agents de police demandent à l’homme s’il est en possession de papiers prouvant que son but est bel et bien d’aider la population et qu’il ne fait pas partie d’une secte. Ce à quoi il rétorque : « Une secte ? Depuis quand ai-je besoin de papiers pour aider les gens ? »

L’enregistrement ne relate pas ce qui s’est passé après l’arrestation, mais la plupart des youtubeurs ont témoigné leur soutien envers l’homme :

менты всего боятся….Ну и завидуют тоже)

Les policiers, ils ont peur et sont envieux de tout.

Ironie du sort, l’une des principales chaines kazakhes a été récemment saluée pour avoir distribué gratuitement du pain et d’autres produits à base de farine aux pauvres, dans la mesure de leurs besoins. Le Kazakhstan est encore aujourd’hui en proie à une récession économique causée par le prix déprimé du pétrole, dont la valeur a fondu de 50 pour cent en 2014, comme pour d'autres matières premières exportées.

Podcast de Global Voices : les visages de la résistance

mardi 28 février 2017 à 21:36

Vous allez me dire, attendez une minute : je croyais que ce podcast s'appelait The Week That Was at Global Voices ? Vous avez raison. Nous l'avons renommé Are You Listening? [Écoutez-vous?], en clin d’œil à l'ancien slogan de Global Voices : “Le monde parle, l'écoutez-vous ?” Mais ne vous affolez pas, nous portons toujours notre attention sur quelques histoires récemment issues de notre rédaction.

Dans cet épisode, nous vous emmenons en Inde, au Japon, en Australie, au Mexique et à Trinité-et-Tobago et vous présentons aux visages de la résistance dans un monde globalisé.

Plus précisément, nous parlons de la célèbre coiffure de la princesse Leia et expliquons pourquoi les femmes de plus de trente villes indiennes ont manifesté ; nous vous parlons d'une publicité télévisée australienne qui pose la question “Ne sommes-nous pas tous des boat people ?“[en] et vous présentons un résident afghan d'Okinawa pris dans une tourmente vicieuse de rumeurs, fausses informations et peur des “musulmans”[en]. Nous concluons avec un essai plus personnel de notre directrice générale trinidadienne Georgia Popplewell, qui raconte à quel point entrer aux États-Unis peut être difficile et éprouvant.

Dans cet épisode, les récits nous viennent de Vishal Manve, Nevin Thompson, Gabriela Garcia et Kevin Rennie. Les titres suivants sont diffusés sous licence Creative Commons et proviennent de The Free Music Archive : Please Listen Carefully par Jahzaar ; Anniversary Song par Blanket Music ; Day Bird par Broke For Free ; Parody 3 et Chords par David Szesztay ; We Always Thought the Future Would Be Kind of Fun par Chris Zabriskie et Perceptible Shift par Andy G. Cohen.

La photographie utilisée en tête de cet article est une version modifiée d'une photographie de l'utilisateur de Flickr Marx Dixon, prise à Washington DC pendant la Marche des femmes du 21 janvier 2017. CC BY 2.0.

En visite officielle, Marine Le Pen ne fait pas grande impression au Liban

mardi 28 février 2017 à 21:24

Manifestation contre Marine Le Pen à Beyrouth, 21 février 2017. Source : Al Manshour.

Marine Le Pen, chef de file du parti d'extrême-droite français, le Front National (FN), et candidate à l'élection présidentielle, a beaucoup fait parler d'elle lors de sa brève visite de deux jours au Liban les 20 et 21 février 2017.

Elle a rencontré le président libanais Michel Aoun, le premier ministre Saad Hariri, le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, le patriarche maronite Bechara Boutros Al-Rahi, une délégation de parlementaires, le président des Forces libanaises Samir Geagea, ainsi que le chef des Phalanges Sami Gemanyel.

Marine Le Pen était également censée rencontrer le grand mufti Abdel-Latif Derian, mais l'entretien n'a pas eu lieu puisqu'il aurait été annulé après le prétendu refus de celle-ci de porter le voile avant la rencontre.

Elle a déclaré, en français face aux caméras, ne pas avoir été obligée de porter le voile lors de sa rencontre avec le grand mufti d'Égypte. Le porte-parole du grand mufti du Liban, que l'on peut voir s'adresser à elle, lui a répondu “aucun problème” en anglais, puis en arabe : “nous faisons les choses différemment ici, comme nous vous en avions informé.”

Comme on pouvait s'y attendre, l'incident a fait les gros titres de la presse internationale et nombreux ont été ceux à s'en réjouir, particulièrement ceux qui comptent déjà parmi les soutiens de Marine Le Pen. Florian Philippot, vice président du FN, a déclaré sur Twitter :

Jérôme Cochet, cadre du FN, a ajouté :

En France, certains ont vu les choses différemment. Le site d'actualités les Répliques a, par exemple, mis en ligne une capture d'écran de deux tweets de figures du FN afin de mettre en lumière leurs contradictions.

Il s'agit de celui de M. Philippot, déjà mentionné plus haut, et de Marion Maréchal-Le Pen, nièce de Marine Le Pen. Celle-ci a déclaré : “Lorsqu'on entre dans notre pays, on doit en respecter les lois, mais aussi nos mœurs et notre culture.”

Le post des Répliques a été aimé plus de 8 000 fois et partagé plus de 1 400 fois sur Facebook. On peut lire en légende : “Hier au Liban, Marine Le Pen, qui avait prévu de rencontrer le grand mufti à Beyrouth, a refusé de porter le voile pour s'entretenir avec lui et l'a clairement fait savoir face caméra.” 22 février 2017 Source : page Facebook. 

Dans le même ordre d'idée, pour de nombreux libanais le “refus” de Mme Le Pen n'aura été qu'un simple coup de pub voué à faire les gros titres de la presse internationale.

Sur State of Mind, son blog très fréquenté, le blogueur libanais Elie Fares a publié le billet suivant :

Marine Le Pen a été informée hier [20 février] que le mufti la recevrait seulement si elle portait le voile, mais elle est venue quand même dans le seul but de faire autant de bruit que possible.

Ce n'est rien qu'un coup de pub, qui a marché. Voici les meilleurs résultats à propos de Marine Le Pen sur Google :

Il a ensuite publié une capture d'écran d'une recherche sur ‘Marine Le Pen’ pour démontrer qu'effectivement, l'incident avait été largement relayé, comme prévu.

Capture d'écran d'une recherche Google sur ‘Marine Le Pen’ peu après l'incident. Source : State of Mind

La seule chose plus prévisible que le petit numéro de Mme Le Pen aura été la réaction du mufti. Autrement dit, les opinions du mufti ne sont un secret pour personne et ne l'étaient certainement pas pour Marine Le Pen ni pour son équipe, et ce bien avant qu'elle ne pose le pied sur le sol libanais. Comme l'a déclaré le chroniqueur Halim Shebaya :

Ce n'était que pure mascarade politique. Et “mission accomplie” pour Marine Le Pen !

Il a ajouté :

Un porte-parole du grand mufti a répliqué en évoquant le fait qu'elle veuille que les immigrants respectent la culture française tout en refusant de montrer elle-même l'exemple au Liban.

Mais cet incident n'est pas la seule raison derrière cet emballement médiatique. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Marine Le Pen suscite la controverse au Liban.

Dès l'annonce de sa visite, de nombreux militants libanais ont lancé une pétition, signée par 400 personnes, pour que sa visite ne soit pas reconnue comme officielle. Quand il a été annoncé que ce serait néanmoins le cas, ils ont organisé une manifestation.

Le 20 février, l'écrivain indépendant franco-libanais Edwin Nasr a tenté de replacer la visite de Marine Le Pen dans son contexte.

Il a d'abord évoqué le fait que Michel Aoun serait le premier chef d’État à accepter de la rencontrer. Selon lui, cette rencontre “démontre la volonté de Marine Le Pen et Michel Aoun de créer un réseau de solidarité internationale autour du régime Assad”, rappelant au lecteur le soutien sans faille de Marine Le Pen au très isolé président syrien Bachar Al-Assad. En effet, “Marine le Pen a été la seule personnalité politique non-arabe à s'être entretenue avec SAMAA TV, chaine basée à Damas qui, depuis le début de la révolution syrienne, ne cesse d'inciter à la violence contre les civils et sert de porte-parole au régime.”

De plus, des dix-sept mille électeurs franco-libanais vivant au Liban, plus de soixante-dix pour cent ont voté pour un candidat de droite ou d'extrême-droite à l'élection présidentielle française de 2012. Nasr cite ensuite Jean-Marie Le Pen, fondateur du parti et père de Marine, qui a récemment déclaré lors d'un entretien avec le quotidien Le Monde que “nous avons une tendresse particulière pour le Liban. […] Il existe d'indéniables parallélismes idéologiques et politiques entre [le Front National] et les partis chrétiens libanais.”

Nasr a ensuite fait la liste des nombreux cadres du Front National ayant des liens avec le Liban.

Tout d'abord, Wallerand de Saint-Just, trésorier national du parti, “est l’ancien avocat du chef de la milice chrétienne Samir Geagea.” Ensuite, Thibault de la Tocnaye, membre du comité central du FN, était “officier d'artillerie au sein des Forces libanaises (FL) en 1982. Il a activement participé à la Guerre de la montagne (1982-83) et a reçu une médaille d'honneur de la part de Geagea lui-même. Plus tard, il a rejoint la contre-révolution au Nicaragua contre les Sandinistas marxistes en apportant ses connaissances militaires à divers Contras d'extrême-droite ou anticommunistes.” Et enfin, Elie Hatem, “avocat libanais et membre actif du violent mouvement royaliste et national-catholique ‘Action Française’, qui a été conseiller en chef de Jean-Marie Le Pen et est actuellement député FN pour le 4e arrondissement de Paris.” Nasr insiste sur le fait que monsieur Hatem a été “à l'origine du voyage de Marine Le Pen à Beyrouth tant en termes de médiation que d'organisation.”

Nasr a également évoqué le mouvement “Chrétienté-Solidarité”, très populaire auprès des membres du FN et mis en place par “Bernard Antony, fasciste bien connu” qui a quitté le parti en 2003. Ce mouvement “a fourni du matériel militaire et des combattants aux Forces libanaises ainsi qu'à d'autres milices chrétiennes dans les années 80 sous couvert d'aide humanitaire.”

SOS Chrétiens d'Orient“, son successeur, “s'installe régulièrement devant des églises parisiennes et envoie fréquemment en Syrie des militants et des représentants, dont la plupart sont des élus locaux FN ou des membres du mouvement explicitement raciste “Génération Identitaire“, dans le but de normaliser les relations entre la France et le régime Assad.”

Il est important de garder en tête le lien avec les Forces libanaises, pour la simple raison que le soutien sans faille au régime Assad de Marine Le Pen n'a pas été du tout apprécié par Samir Geagea.

Celui-ci a déclaré à Marine Le Pen qu'Assad ne valait pas mieux que l’État Islamique. Il a plus tard annoncé à la presse :

J'ai pris le temps d'expliquer à madame Le Pen le problème des messages contradictoires qui arrivent en occident et que nous sommes tous opposés au terrorisme, qui n'a pas de religion. Ainsi, Bachar Al-Assad est l'un des pires terroristes de Syrie et de la région. N'oubliez pas les opérations militaires qu'il a menées pendant des décennies. N'oubliez pas les actions terroristes qu'il a commanditées. Il ne peut pas rester en Syrie, c'est pourquoi (nous disons) non aux islamistes et non à Bachar.