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A l'approche des élections, tournant démocratique pour le pays, le Myanmar se tourne vers les médias sociaux

samedi 26 septembre 2015 à 10:41
Profile Picture of Vote for Myanmar Facebook page.

Traduction du texte: “Votons”. Photo: Vote for Myanmar / Facebook.

A l'approche des élections générales, la société civile se mobilise pour créer des pages Facebook et développer des hashtags dans les médias sociaux qui incitent les gens à voter. Les hashtags les plus populaires du moment sont: #MyanmarVotes, #maepaysoh (#Let'sVote), #CheckVoterList, et #ivotebecause.

Pour la seconde fois une élection générale se déroulera au Myanmar le 8 novembre et opposera le parti de la Ligue Nationale pour la Démocratie (NLD), mené par la lauréate du Prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi, et le parti actuellement au pouvoir, le Parti pour la Solidarité et le Développement (USDP). Cette élection est un test pour le gouvernement qui doit prouver son intention d'organiser des élections justes et honnêtes mais c'est aussi un pas important pour la transition du pays vers une démocratie moderne.

Avec la campagne qui commence, les partisans des deux partis se sont mis à inonder le web de matériel de promotion. C'est ainsi que des pages Facebook comme Vote for Myanmar, Mae Pay Soh (#Let'sVote), et Let's Check Voter List sont devenues des plateformes populaires où l'on peut s'informer sur les élections. Ces pages rappellent aux gens leurs droits de citoyens et d'électeurs.

En raison des rumeurs sur de fausses listes électorales, les contrôleurs électoraux rappellent aux citoyens qu'ils doivent vérifier leur inscription sur les listes électorales officielles. Pour encourager cette campagne de contrôle, des vedettes  locales incitent leurs fans à diffuser ce rappel.

L'infographe ci-dessous indique au électeurs comment s'assurer que leur nom est bien inscrit sur la liste électorale officielle:

Infographe sur la page Facebook Let's Check Voter List (Vérifie la Liste Electorale).

La page Facebook de Let's Check Voter List demande aux gens de télécharger une photo après avoir contrôlé que leur nom était bien sur la liste. Une activiste LGBT a téléchargé une photo d'elle tenant une affiche avec le message suivant:

မဲစာရင်း ကြည့်ပြီးပြီလား ။ တို့တော့ ကြည့်ပြီးပြီ၊
မဲစာရင်း ဆိုတာ နိုင်ငံသားတစ်ယောက်ရဲ့ အခွင့်အရေး ဖြစ်ပါတယ် ။
LGBT (လိင်စိတ်ခံယူမှု ကွဲပြားသူ)တွေကလည်း နိုင်ငံသားတွေဖြစ်ပါတယ် ။ ကဲ LGBT အသိုက်အဝန်းမှ လူများ မဲစာရင်း ကြည့်ပြီးကျပြီလားရှင့်။
ကျမတို့ရဲ့ အခွင့်အရေး တွေကိုဆောင်ရွက်ပေးနိုင်မယ့် အမတ်လောင်း ကို ရွေးချယ်မဲပေးနိုင်ဖို့ မဲစာရင်းကြည့်ဖို့လိုအပ်ပါတယ်။
မဲစာရင်းသွားကြည့်စို့။ မဲစာရင်းသွားကြည့်အောင် တိုက်တွန်းကြစို့။
#CheckVoterList

Tu a contrôlé que tu étais sur la liste électorale? Oui j'y suis.

La liste électorale est un droit du citoyen.

Les LGTB sont aussi des citoyens. La communauté LGTB a-t-elle vérifié qu'elle était sur les listes électorales?

Nous devons choisir un candidat qui défendra nos droits.

Alors il est important de vérifier son inscription sur les listes électorales et d'inciter la [communauté] à le faire et à [voter].
#CheckVoterList

Même l'actrice d'Hollywood Angelina Jolie a pris le temps d'enregistrer un message vidéo -rapidement devenu viral- pour inciter les habitants du Myanmar à aller voter. De son côté, le gouvernement, par l'intermédiaire de la Commission Electorale de l'Union, a partagé les vidéos de différents artistes sur Facebook pour informer les gens sur leurs droits électoraux.

Le Président du Myanmar, Thein Sein, a aussi souligné l'importance des élections de 2015 pour l'avenir du pays. La page Facebook de Vote for Myanmar partage un résumé de l'allocution du Président:

မဲဆန္ဒရှင်ပြည်သူလူထုအနေနဲ့ အခြေခံကျတဲ့ နိုင်ငံသားတာဝန်ဖြစ်တဲ့ ဆန္ဒမဲပေးခြင်းဆိုတဲ့တာဝန်ကို မပျက်မကွက် ထမ်းဆောင်ဖို့ တိုက်တွန်းလိုကြောင်း၊ ဆန္ဒမဲပေးတဲ့အခါမှာလည်း မိမိတို့ကိုယ်အမှန်တကယ်ကိုယ်စားပြုမဲ့၊ ပြည်သူလူထုရဲ့ လိုလားချက်များကို အမှန်တကယ်ဖော်ဆောင်ပေးနိုင်တဲ့၊ အရည်အသွေးရှိတဲ့ လူထုကိုယ်စားလှယ်များကို ရွေးချယ်တင်မြောက်ပေးကြဖို့ အထူးအရေးကြီးကြောင်း၊ ဒါမှသာလျှင် ကျွန်တော်တို့အားလုံးရဲ့ မျှော်မှန်းချက်ဖြစ်တဲ့ ဒီမိုကရေစီထွန်းကားပြီး ပွင့်လင်းလွတ်လပ်တဲ့ လူ့အဖွဲ့အစည်းတစ်ရပ်တည်ဆောက်ရေးကို ၂၀၁၅ အထွေထွေရွေးကောက်ပွဲများကနေ ဆောင်ကြဉ်းပေးနိုင်မှာ ဖြစ်ကြောင်း နိုင်ငံတော်သမ္မတဦးသိန်းစိန်မှ ပြောကြားသည်။

Le Président Thein Sein fait appel à la responsabilité du public d'exercer son droit de vote et insiste sur l'importance de choisir les candidates qui représenteront au mieux les intérêts du peuple, répondront aux besoins du peuple, et auront les meilleures compétences. C'est la seule façon de voir se développer la démocratie  que nous souhaitons et d'avancer pour le développement d'une société ouverte et libre.

Le repas de midi au Japon : un rôle central dans l'éducation

vendredi 25 septembre 2015 à 18:01

Toute personne ayant déjà étudié ou enseigné dans une école au Japon pourra vous confirmer que le repas scolaire du midi (給食, kyuushoku) y est le moment le plus important de la journée.

Non seulement il s'agit d'un moment important d'un point de vue nutritif, mais il permet également aux élèves et aux enseignements de tisser des liens en mangeant ensemble.

Des cuisiniers travaillant à temps-plein s'occupent de la préparation des repas dans de grandes cuisines situées soit directement dans l'école, soit dans un établissement central chargé de distribuer les repas dans tout le district scolaire. Cependant, ce sont les élèves eux-mêmes qui s'occupent de servir leurs camarades.

Basé à New York, Cafeteria Culture (CafCu) a pour mission de travailler de façon créative pour atteindre un niveau zéro déchet dans les cantines des écoles publiques et dans les collectivités soucieuses de l'environnement. CafCu a réalisé une vidéo informative très intéressante pour présenter les dessous des cantines scolaires au Japon et vous montrer à quel point le repas de midi fait partie intégrante de l'éducation (vidéo en japonais avec sous-titres en anglais).

Ibrahim Maalouf, le trompettiste franco-libanais, réinvente « Alice au pays des merveilles » en opéra hip-hop

vendredi 25 septembre 2015 à 13:07

Cet article et le reportage de la radio par Betto Arcos pour l'émission The World, paru à l'origine sur RI.org le 24 août 2015, est republié ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Ibrahim Maalouf dit qu'il a toujours aimé l'histoire de « Alice au pays des merveilles », parce qu'elle parle avant tout de la liberté d'imaginer.

Listen to this story on PRI.org »

« Alice au pays des merveilles est comme un hymne à la créativité » dit-il. « Il n'y a rien de moins logique que l'histoire de « Alice au pays des merveilles ». Lewis Carroll a écrit quelque chose qui était complètement hors de ce monde. Il a inventé une histoire qui n'a pas de sens si vous la lisez comme elle est, mais il faut tout analyser afin de comprendre pourquoi il dit ceci ou cela et c’est comme s'il ne s'était rien interdit lors de l'écriture. »

Alors, quand Maalouf a eu l’occasion de composer une pièce pour le Festival d'Île-de -France en 2011, il a décidé de ré-imaginer Alice.

L'enregistrement de « Au Pays d'Alice » fait intervenir l'orchestre de jazz de Maalouf, un orchestre classique et un chœur d'enfants. Il suit le même scénario qu’Alice au pays des merveilles avec les mêmes personnages. Mais le monde fantastique de Carroll est remis à jour pour la France d'aujourd'hui à travers les paroles de l’artiste hip-hop malien-français Oxmo Puccino.

Ibrahim Maalouf dit que même si Alice a été écrite il y a 150 ans, l'histoire résonne encore pour lui. « Je pense que nous vivons dans une société où de plus en plus de choses sont interdites et ça me fait peur », dit-il.

Ces dernières années, Maalouf explique qu'il a beaucoup réfléchi sur le climat d'intolérance en Europe, et l'humeur anti-immigration croissante, notamment en France. « Vous ne pouvez pas porter ce vêtement-ci, ce vêtement là, vous ne pouvez pas penser comme cela, vous n’avez pas le droit de dire cela. Ils essaient de trouver une solution aux problèmes et à la crise à travers des choses qui divisent les gens, au lieu de trouver des solutions avec les choses qui unissent les gens ».

Enfin, Maalouf a voulu utiliser l'histoire de « Alice au pays des merveilles » pour faire un point sur le droit de s'exprimer. Et dans le monde d'après le massacre de Charlie Hebdo, c'est encore plus important, dit-il.

Le film “L’Homme qui répare les femmes, La colère d’Hippocrate” interdit en R. D. Congo

vendredi 25 septembre 2015 à 11:05
Capture d'écran du documentaire "L'homme qui réparait les femmes"

Capture d'écran du documentaire “L'homme qui réparait les femmes”

Le film  L’Homme qui répare les femmes, La colère d’Hippocrate que la journaliste Colette BRAECKMAN  et le cinéaste Thierry MICHEL ont réalisé sur le travail du Dr. Denis Mukwege a été projeté depuis mars 2015 à La Haye, à la Cour pénale internationale, à Bruxelles, à Paris et à Montréal. Mais, dans son pays natal, la République démocratique du Congo, la projection a été interdite sur  tout le territoire national, y compris à l’Institut français de Kinshasa, où elle était prévue les 8 et 9 septembre 2015.

Le film avait été téléchargé sur Youtube  et en une semaine, avait été visionné 13 000 fois.( Le film n'est désormais plus disponible sur la plateforme pour des raisons de copyright).

Dans un billet publié sur le site Lubumbashi Infos intitulé RDC : LA GUERRE D’IMAGES ET LE FILM “L’HOMME QUI RÉPARE LES FEMMES“, Didier Mukaleng-MAKAL Kanteng, journaliste et blogueur depuis Lubumbashi en République Démocratique du Congo, en présente une synthèse et explique la partie controversée:

Dr Mukwege accueilli par des applaudissements, à son entrée dans une grande salle, passe à la tribune. « Témoin des atrocités commises contre les femmes et sur les femmes, depuis 15 ans », il prononce ces paroles :

« Dans les zones en conflits, poursuit-il, les batailles se passent sur les corps des femmes. Les viols se commettent avec extrême brutalité. Une véritable arme de guerre, si pas même, une stratégie de guerre mais qui est beau marché. Mais redoutablement efficace. »

  • A partir de « une véritable arme de guerre… », dans ce discours, le film montre en panoramique, un paysage de désolation, presqu’enflammé. Une image presqu’apocalyptique. Apparaissent alors une camionnette de l’armée congolaise ; des militaires bien armés, en alerte.
  • Dans le même discours, à partir de de la séquence « arme redoutablement efficace », est lancé un mortier. Des civils en fuite apparaissent en dessous de la trajectoire des tirs, et s’entend cette voix d’un « commandant ? » : « un peu en bas », comme pour atteindre ces civils. Enfin apparaît une colonne des déplacés de guerre… puis, retour au discours du médecin.

Sur base de ces images (bien sûr limitées mais pourtant mises en exergue!), les violences sexuelles semblent liées à l’armée.

Le docteur Denis Mukwege, le réalisateur liégeois Thierry Michel et Mme Hillary Clinton. Source: mobile.sudinfo.be

Par la bouche du ministre de  la Communication et porte-parole du gouvernement, M. Lambert Mende, le gouvernement congolais a justifié cette interdiction en accusant le film de calomnie, de volonté manifeste de nuire et de salir l’image de l'armée congolaise.

Le Scam.fr est une association dont l’objectif est de faire reconnaître le statut des réalisateurs de documentaires et d’obtenir la protection et la répartition de leurs droits à chaque diffusion de leurs œuvres, regroupe plus de 37.000 auteurs de documentaires et journalistes. Cette association déplore l'interdiction de diffusion du film en R.D. Congo et explique pourquoi cette censure est néfaste:

La vague mondiale de réactions politiques et professionnelles s'alarmant de cette interdiction devrait suffire à faire comprendre au Gouvernement congolais qu'il est essentiel pour sa crédibilité  interne et externe qu'il accepte que se réalise un travail nécessaire de mémoire pour rétablir l'honneur des femmes concernées et plus encore pour protéger toutes les femmes de nouvelles exactions.

De plusieurs sources, il est documenté que ce sont des membres de groupes de rebelles locaux et étrangers ainsi que des forces régulières qui commettent ces odieux crimes. L'ancien Président Laurent-Désiré Kabilapère de l'actuel Président Joseph Kabila Kabange, étant arrivé au pouvoir en faisant la guérilla et en ayant gouverné pendant environ 4 ans, est très vulnérable dans cette histoire. Que l'on attribue ces atrocités aux forces rebelles ou régulières, l'ancien président a commandé successivement les deux catégories de gens armés qui sont accusés de viols.

On peut comprendre, alors, que le gouvernement congolais soit embarrassé par le travail remarquable et les dénonciations du Dr. Denis Mukwege soutenu par la société civile internationale. Le 30 mai dernier, soit bien avant l'interdiction de ce film, journeefemmeafricaine.com écrivait:

De nombreuses personnes se mobilisent depuis quinze années, dénoncent, se mobilisent, hélas, pour bien peu de résultats. Est-ce une raison pour abandonner ? Certainement pas, bien au contraire. Nous gardons à l’esprit l’exemple d‘Aoua Keita initiatrice de la Journée Internationale de la Femme Africaine et fort de cette femme inspirante que nous nous disant que nous ne pouvons pas ne pas faire quelque chose, aussi infime que cela semble face au traitement inhumain que subissent les femmes dans les zones de combats en République démocratique du Congo.

Nous nous pensions impuissantes parce que nous ne pouvions nous impliquer sur le terrain, mais c’est faux, chaque geste compte dans de tels cas. Et il faut pouvoir faire à sa mesure, là ou l’on se trouve avec les moyens dont on dispose…

Dans une pétition lancée par Me Hamuli Rety, ancien président de l’Association des avocats du Tribunal pénal international pour le Rwanda, signée par plus de 50 000 personnes, rappelle que:

L’UNICEF a ainsi rapporté avoir pris en charge 38 000 cas de violences faites aux femmes pour la seule année 2007. La FIDH (Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme) parle de 3 300 cas en 2012 pour la seule province orientale, soit environ dix cas par jour. L’ONU, quant à elle, affirme qu’en moyenne 48 femmes sont ainsi violées toutes les heures en République Démocratique du Congo. Les constats sont là mais les solutions restent désastreuses : aucune de ces autorités n’a pris de mesures efficaces pour faire cesser ces crimes.

Ces chiffres, sur le nombre de femmes violées, sont toutefois à prendre avec précaution car en réalité il pourrait être beaucoup plus élevé. Le site wikistrike.com cite une étude publiée dans le Journal américain de santé publique (American Journal of Public Health), selon laquelle plus de 400 000 femmes et jeunes filles de 15 à 49 ans ont été violées en 12 mois, entre 2006 et 2007. C'est 26 fois plus que les chiffres annoncés par l'ONU au cours de la même période.

Pour son action humanitaire visant à restituer leur honneur aux femmes et aux enfants violées, le Dr. Denis Mukwege a reçu une vingtaine de prix et distinctions nationales et internationales dont le prix des droits de l'homme des Nations unies, le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit, décerné par le Parlement européen, le prix de la Fondation Clinton, le prix Olof Palme, l'Inamori Prize for Ethics 2014 (Japon-États-Unis), le prix Primo Levi (Italie), le prix Solidaris de l'hôpital Saint-Pierre de Bruxelles (Belgique) et la médaille de l’académie royale des sciences d'outre-mer des Pays-Bas.

Mais dans son propre pays, le gouvernement continue à l'ignorer et certains groupes terroristes à  menacer Mukwege. Il ne se déplace que sous escorte des soldats des Nations Unies dans son pays.

Que faire avec les déchets plastiques de l'agriculture ?

vendredi 25 septembre 2015 à 07:45
A greenhouse in Torrazza, Lombardy, Italy. Photo by Flickr user Neimon. CC-BY-NC-SA 2.0

Une serre à Torrazza, Lombardie (Italie). Photo de Neimon, utilisateur Flickr. CC-BY-NC-SA 2.0

Ce post d’Elizabeth Grossman a été publié à l'origine sur Ensia.com, un magazine qui met en avant des solutions environnementales appliquées au niveau international, et fait l'objet d'une nouvelle publication ici, conformément à un accord de partage de contenus.

[Tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en anglais.]

« Caissettes à semis, tuyaux goutte-à-goutte, films de paillage, systèmes de canalisations, bâches de serres tunnel, bouts de ficelle, tuyaux divers, sacs d'engrais, caisses, manches à outils ainsi que toutes sortes d'équipements étanches. » Sous la pluie, un après-midi de mars, Kara Gilbert, copropriétaire de l'exploitation agricole Vibrant Valley Farm, énumère les différentes applications des plastiques en milieu agricole tout en marchant, souillant ses bottes de boue.

Au cours d'une visite de l'exploitation agricole de deux hectares sur l'île Sauvie, au confluent de la rivière Willamette et du fleuve Columbia près de Portland (Oregon), Madame Gilbert me donne un aperçu des plastiques agricoles. Les champs viennent d'être préparés pour la saison, mais du plastique noir est déjà disposé sous une serre tunnel. Les canalisations en PVC sont mises en place et les tuyaux goutte-à-goutte prêts à l'emploi, tout comme les sacs plastiques d'engrais. À l'extérieur, dans les champs verdissants, de petites étiquettes en plastique rose orangé accrochées sur des piquets, plantés à hauteur des chevilles pour indiquer les allées de jeunes pousses de petits pois, claquent dans la brise humide.

À l'échelle industrielle, il s'agit d'une toute petite exploitation. Elle vend des produits bio à environ 15 restaurants locaux et à travers un système de parts de récolte d'un programme d'agriculture soutenue par la communauté ; elle cultive également des fleurs vendues en gros. Pourtant, même sur cette petite exploitation, madame Gilbert nous confie qu'elle dépense entre 4 000 USD et 6 000 USD par an dans les matériaux plastiques agricoles. Peut-être plus. Il s'agit d'un compromis environnemental, explique-t-elle : en utilisant du plastique, on économise de l'eau.

« En cette période de climat incertain, si on veut avoir un mouvement en faveur de l'alimentation locale et qu'on veut suivre face à la Californie et au Mexique, le film plastique noir est presque indispensable », argumente madame Gilbert. « Le film plastique ou toile hors sol constitue un barrage aux mauvaises herbes », nous explique la copropriétaire de l'exploitation Elaine Walker. « Le film plastique noir retient la chaleur et l'humidité, ce qui signifie moins d'arrosages et la possibilité de faire pousser des produits hors saison. »

Plastic buckets, barrels, tubing and more are a huge part of modern agriculture. Photo courtesy of Vibrant Valley Farm.

Seaux en plastique, tonneaux, tuyaux ou autres occupent une place considérable dans l'agriculture moderne. Photo reproduite avec la permission de l'exploitation Vibrant Valley Farm.

 

Qu'il s'agisse de cette petite exploitation agricole bio réussissant à atteindre des rendements impressionnants sur quelques hectares en Oregon ou d'une grande exploitation conventionnelle ailleurs dans le monde, le plastique occupe une place énorme dans l'agriculture moderne — un marché international de plusieurs milliards de dollars, d'après le réseau d'enseignement Penn State Extension. On en utilise des tonnes chaque année dans le monde, dont la majeure partie en une saison seulement.

De plus en plus d'agriculteurs ou autres acteurs de la communauté agricole reconnaissent la nécessité de mettre en place des solutions responsables de traitement de ces matériaux. Reste à savoir, toutefois, comment y parvenir face à un matériau conçu pour résister à la pluie, au soleil et à la chaleur, et qui — une fois brûlé ou arrivé à un stade de décomposition — présente des risques écologiques pour la santé.

Des chiffres considérables

Obtenir les données réelles quant à la quantité de plastique consommé en agriculture reste une tâche ardue, cependant des experts du secteur, dont Gene Jones du centre d'informations Southern Waste Information eXchange, estiment que rien qu'aux États-Unis le secteur agricole emploie près de cinq cent mille tonnes de plastique par an. Cela inclut le film — destiné au paillis, aux bâches de serres, et à la mise en balles, aux tuyaux et canalisations. Ce chiffre comprend également le plastique consacré à la fabrication de godets, de bidons de pesticide, de boudins d'ensilage, de bâches de stockage, de ficelles, etc.

Des produits spécialisés figurent également sur la liste. Les agriculteurs de régions plus froides font appel au plastique pour augmenter la chaleur, par exemple, pendant qu'au Sud des États-Unis les agriculteurs l'utilisent pour garder les plantes et les sols frais. « Il en existe des réfléchissants, en couleurs, mais tous présentent une propriété particulière en rapport avec le soleil à différentes périodes de l'année », raconte Jeremy Nipper, commercial pour Kennco Manufacturing, une entreprise de machines agricoles basée en Floride dont les produits incluent des équipements dédiés à l'installation de plastiques agricoles, la collecte et le traitement des plastiques usagers issus des champs. Les films plastiques déposés sur les rangées de plantations permettent en outre d'éviter que les engrais soient déversés hors des champs lorsqu'il pleut. Et, comme monsieur Walker l'explique, les films plastiques de paillage contribuent à l'élimination des mauvaises herbes.

À l'échelle mondiale, le marché du film plastique dédié à l'agriculture a été évalué à lui seul à une valeur de 5,87 milliards de dollars en 2012. La demande mondiale de cette année-là, selon un spécialiste de l'étude de marchés, s'élevait à plus de 9,7 millions de livres, dont environ 40 pour cent consacrés au paillage. On estime que la Chine est le plus gros consommateur mondial de films plastiques agricoles, employant près de 60 pour cent de ces films plastiques.

« L'horticulture et les légumes en consomment une quantité incroyable », raconte Nate Leonard, coordinateur de terrain pour le Programme de recyclage des plastiques agricoles de l'université Cornell.

Réduire, réutiliser, recycler

Que faire de tout ce plastique usagé ? Voilà le défi actuel.

« [Il] y a beaucoup d'intéressés qui souhaiteraient réduire les impacts environnementaux », explique Scott Coleman, vice président du développement stratégique pour Delta Plastics, entreprise située en Arkansas spécialisée dans les tuyaux d'irrigation agricole.

Autrefois les déchets agricoles usagés étaient transportés vers des décharges, incinérés ou enfouis, souvent près de l'exploitation agricole. Mais la plupart des états américains ont désormais adopté des lois à l'encontre de l'incinération des plastiques en extérieur ; ce qui a suscité de l'intérêt en faveur d'autres alternatives.

On essaie d'abord d'utiliser moins de plastique – souvent en réemployant les plastiques sur plus d'une saison. Par exemple, monsieur Nipper explique que certains producteurs peuvent tenir deux saisons avec un jeu de films plastiques de paillage en le réutilisant pour une autre récolte.

Seulement 10 pour cent des plastiques agricoles sont actuellement recyclés.

Monsieur Walker remarque qu'au lieu d'utiliser des films plastiques fins difficiles à réutiliser, l'exploitation Vibrant Valley Farm emploie des toiles hors sol plus robustes qui serviront sur plusieurs saisons à éliminer les mauvaises herbes et retenir l'humidité et la chaleur. De la même façon, tandis que les producteurs de pastèques de Floride utilisent des matériaux plastiques fins à usage unique, les producteurs de fraises peuvent faire deux saisons avec des matériaux plastiques à peine deux fois plus épais.

Le recyclage reste toutefois, et de loin, le meilleur moyen de réduire les déchets plastiques agricoles. Seulement 10 pour cent des plastiques agricoles sont actuellement recyclés. Augmenter ce chiffre dépendra de notre capacité à réduire l'utilisation du plastique et d'un plus large choix d'options visant à donner au plastique une seconde vie.

Dans l'état de New York, où l'on a voté en faveur d'une interdiction d'incinérer du plastique sur les exploitations agricoles ou dans les jardins en 2009, le Programme de l'université Cornell collabore avec le Département local pour la Sauvegarde de l'Environnement dans le but de lancer le recyclage des plastiques agricoles et d'éduquer les populations aux options de recyclage, par le biais de programmes de vulgarisation et d'associations régionales de protection de l'eau et des sols.

Tandis que la collecte pour le recyclage représente déjà un défi, la préparation et le traitement des plastiques agricoles nécessaires au recyclage ainsi que la détermination d'un marché pour chaque type bien distinct de plastique agricole compliquent davantage le projet.

Cubes of brightly colored plastic twine dwarf a worker at an Agri-Plas recycling facility in Brooks, Ore. Photo by Elizabeth Grossman.

Bottes de rubans de plastiques aux couleurs vives se dressant face à un employé dans les installations de recyclage d'Agri-Plas à Brooks (Oregon). Photo d'Elizabeth Grossman.

« Les professionnels [de la gestion] des déchets solides nous ont pris pour des fous de nous engager dans cette voie car il n'y avait pas de marché pour ce type de plastique », raconte monsieur Leonard. « Lorsqu'on a trouvé quelqu'un qui pouvait le traiter, cela a été une découverte extraordinaire », rappelle-t-il. L'une des premières entreprises à pouvoir traiter ce matériau, dénichée par le Programme de recyclage de l'université Cornell, était un fabricant de matériaux plastiques destinés à la construction et au pavage des rues.

La saleté et les débris constituent un autre problème majeur pour le recyclage des plastiques agricoles. « Le problème des matériaux hautement souillés, c'est que la saleté encrasse la machine » explique monsieur Coleman. Le transport de contaminants tels les agents pathogènes dans ces débris génère également des préoccupations.

Agri-Plas, une entreprise de recyclage des plastiques agricoles à Brooks (Oregon), traite la plupart des plastiques, de ceux conçus pour la mise en balle à ceux des sacs d'engrais, en passant par les plastiques rigides et ceux des tuyaux goutte-à-goutte. D'énormes piles de plastiques triés sont stockées dans les installations d'Agri-Plas, situées au coeur de la vallée de la Willamette, en zone agricole : des bottes de rubans colorés, des amas de caissettes à semis et de tuyaux goutte-à-goutte noirs, des monticules blancs de sacs et emballages plastiques, puis, dans une zone réservée, des seaux à pesticides bleus et blancs rincés à trois reprises avant la collecte.

Agri-Plas est également l'une des neuf installations à travers le pays à s'associer avec le Conseil de recyclage des récipients agricoles (Ag-Container Recycling Council), un programme de récupération et de recyclage des bidons de pesticides usagés initié par 20 des plus importants fabricants de produits chimiques agricoles en 1992. Les entreprises membres soutiennent le programme financièrement et des entrepreneurs désignés transforment le matériel collecté en produits en plastique que le programme a jugé adaptés à un usage « post-pesticide ». Il s'agit de matériel avec lequel la population n'entre pas en contact au quotidien, comme des tuyaux de drainage, précise Mary Sue Gilliland, vice-présidente des opérations et de la prospection commerciale. On préfère prendre cette précaution même si selon les tests du Conseil de recyclage des récipients agricoles (ACRC), il ne reste pratiquement plus de résidus de pesticide suite aux opérations de nettoyage intense et de transformation. Le programme a été selon nous couronné de succès avec un taux de recyclage d'environ 33 pour cent, annonce le directeur général de l'ACRC, Ron Perkins.

Aussi complexe que le recyclage des bidons de pesticides puisse paraître, les rubans de plastiques semblent supposer des défis bien plus importants. Ce matériau, décrit madame Gilliland, « est très abrasif et abîme la machine ». Dans une des installations extérieures d'Agri-Plas, les salariés s'emploient à séparer le foin des rubans de plastique, à la main. « On n'a pas d'autre solution pour l'instant » se justifie madame Gilliland.

Trouver un nouvel usage

Agri-Plas propose des opérations de transformation in situ, de déchiquetage et de broyage. Mais celles-ci constituent les étapes les plus faciles du recyclage des plastiques, explique madame Gilliland ainsi que d'autres acteurs de l'industrie. Le réel défi c'est de trouver une entreprise qui utilise le plastique recyclé.

Une entreprise du nom de Encore à Salinas (Californie) fabrique à présent des sacs à provisions réutilisables à partir des plastiques agricoles recyclés. Delta Plastics emploie ces plastiques pour élaborer des sacs poubelles conformes aux exigences de l'agence américaine de protection de l'environnement (EPA) et explore des méthodes de transformation des plastiques usagés pour produire des tuyaux goutte-à-goutte neufs.

« Il y a vingt ans, alors que nous produisions des tuyaux [d'irrigation agricole] et que nous avons constaté les déchets qui en découlaient, notre directeur y a vu la nécessité de trouver une solution » raconte monsieur Coleman. « Nous avons finalement déposé une méthode brevetée de traitement des tuyaux souillés ». L'entreprise Delta Plastics réemploie la plupart de son matériel dans sa propre activité, toutefois elle le vend également à d'autres fabricants sous forme de granulés qui serviront surtout à la fabrication de nouvelles bâches ou de films plastiques.

Une alternative testée actuellement par certaines entreprises consiste à transformer les déchets plastiques agricoles en fioul.

Pendant ce temps, d'autres entreprises fabriquent des produits tels que des dalles en plastique, des matériaux de contruction pour usage extérieur ainsi que d'autres articles qui ne requièrent pas une technique aussi complexe que l'élaboration de bâches en plastique.

Trouver l'entreprise capable de transformer n'importe lequel de ces plastiques pour un usage domestique reste aussi un défi, explique madame Gilliland. Elle estime qu'environ 40 pour cent ou plus des plastiques agricoles collectés dans le but d'être recyclés sont exportés, communément en Chine ou dans d'autres pays asiatiques.

Une alternative testée actuellement par certaines entreprises — dont Agilyx, comprenant des sociétés de capital risque et comptant Richard Branson parmi ses investisseurs — consiste à transformer les déchets plastiques agricoles en fioul. Cette voie a tout de même soulevé des problèmes pour bon nombre de raisons, parmi lesquelles la façon dont les gouvernements fédéraux et locaux sont censés contrôler ces procédés, précise madame Gilliland. Selon elle, cette solution pourrait malgré tout, à condition d'être mise en place dans le respect des normes, devenir dans un premier temps l'option environnementale privilégiée, étant donné les difficultés logistiques à redéployer les énormes quantités de plastiques agricoles usagés et souillés.

Dehors, sur l'île Sauvie, une grosse averse est passée et un aigle téméraire ainsi qu'un groupe d'oies cacardant volent dans les environs. Kara Gilbert s'agenouille sur le sol boueux printanier à côté d'un petit drapeau en plastique orange et cueille une pousse de petit pois. À quelques mètres, des sacs plastiques destinés à l'amendement du sol et la toile hors sol en plastique noir de la saison dernière, qui attend d'être déposée pour les plantations de 2015 — témoignage de la complexité des intrants à gérer de nos jours, même pour produire la nourriture la plus élémentaire. « Goûtez-moi ça » dit-elle en me tendant de minuscules légumes-feuilles, « ils sont extras ».

Elizabeth Grossman est auteur et journaliste indépendante, spécialiste des questions environnementales et scientifiques. Elle est l'auteur de Chasing Molecules, High Tech Trash, Watershed ainsi que d'autres ouvrages. Son œuvre est également accessible dans de nombreuses publications, dont Ensia, Scientific American, Yale e360, the Washington Post, TheAtlantic.com, Salon, The Nation, et Mother Jones. Retrouvez-la sur Twitter :  @lizzieg1.