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Malgré la pression exercée par la Chine, Taïwan trouve moyen de participer sur la scène internationale

mardi 22 août 2017 à 23:23

«Light Chang, en provenance de Taïwan, visite les États-Unis, le drapeau de Taïwan flottant fièrement à l'arrière de son vélo de randonnée surchargé tandis qu'il pédale d'une côte à l'autre.» crédits  photo et description: Mark Stosberg. Recadrée. Initialement partagée sous CC BY-NC-SA 2.0.

Les Taïwanais qui souhaitent participer à une organisation internationale rencontrent un obstacle de taille connu sous le nom de Politique d'une seule Chine, dont se sert la Chine pour les en empêcher.

De quoi s'agit-il donc exactement ? En résumé, la politique d'une seule Chine signifie qu'il n'y a qu'un seul État appelé «Chine». Mais il y a deux pays au monde qui portent ce nom, la République Populaire de Chine (RPC) et la République de Chine (RDC), la communauté internationale doit donc choisir l'un ou l'autre.

Le gouvernement de la RDC, le nom officiel de Taïwan, a régi les territoires de la Chine continentale et de Taïwan de 1912 jusqu'en 1949, quand il a perdu la guerre civile au profit des forces communistes de la République Populaire de Chine. En conséquence, la RDC a transféré sa capitale à Taipei. Elle a cependant continué à représenter la Chine aux Nations-Unies jusqu'en 1971 quand l'organisme l’ a contrainte à renoncer à son siège au profit de la RPC (Résolution 2758).

Depuis lors, la RPC a régulièrement tiré parti de son influence dans le monde afin d'isoler les Taïwanais au nom de la «Politique d'une seule Chine ».

Avec les années, de plus en plus de Taïwanais préfèrent voir la Chine et Taïwan séparés plutôt que deux Chines ou une Chine unie. Néanmoins, la RPC est résolue à absorber Taïwan dans un futur proche, elle s'oppose donc à toute initiative visant à formaliser l'autonomie de Taïwan. Pékin préfère même que Taïwan utilise le nom République de Chine car elle peut ainsi accuser tout pays soutenant l'indépendance de Taïwan d'interférer avec les affaires internes de la Chine.

La RPC est devenue une super-puissance non-négligeable de par sa croissance économique et militaire de ces dix dernières années, et le pays a utilisé son influence internationale afin d'augmenter encore la pression sur Taïwan. Par exemple, le médecin chinois Margaret Chan a occupé le poste de directrice générale de l'Organisation Mondiale de la Santé de 2006 à 2017. En 2010, elle a réaffirmé le protocole d'accord entre l'OMS et la RPC, un document signé en 2005, qui stipulait que Pékin devait donner son accord pour toute participation de Taïwan aux activités de l'organisation. En outre, elle a spécifiquement demandé à ses membres de désigner Taïwan comme une province de la Chine.

De plus, Fang Liu, qui est devenu le secrétaire général de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) en 2015, et Meng Hongwei, qui a été élu président du Comité exécutif de l'Organisation de police internationale (INTERPOL) en 2017, sont deux autres Chinois occupant des postes à hautes responsabilités dans des organisations internationales.

Alors il n'est sans doute pas surprenant que les candidatures de la RDC pour devenir membre de l'Assemblée mondiale de la santé, de l’ OACI, et d’ INTERPOL en 2016/2017 ont toutes été rejetées malgré le soutien obtenu aux États-Unis  et dans l'UE. De plus, les journalistes taïwanais ont été exclus de l'OACI, et les représentants taïwanais des ONG ont été informés que les Taïwanais ne seraient pas autorisés à participer à l’ Assemblée Mondiale de la Santé même avec un passe valide d'observateur.

« Les 23 millions de personnes à Taïwan ne devraient pas être tenues à l'écart »

Malgré la pression intense exercée par la Chine, les Taïwanais ne cessent de trouver des moyens de participer sur la scène internationale. Taïwan prend part aux Jeux Olympiques depuis 1984, à la Coopération Economique de l'Asie-Pacifique depuis 1991, et à l'Organisation Mondiale du Commerce depuis 2002. Et en 2016, l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est a ouvert son premier dialogue officiel avec Taïwan surt le commerce.

Dans les événements listés ci-dessus, Taïwan participe en tant qu’ organisme sportif et organisme économique, étant donné qu'il n'est pas reconnu en tant qu’État. Les Taïwanais espèrent qu'à l'avenir ils pourront aussi participer sur d'autres arènes, en tant qu’ organisme de santé (à l'OMS) et en tant qu’ organisme culturel ( à l'UNESCO).

En 2003, par exemple, suite à l'épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en Chine, à Hong Kong et à Taïwan, plusieurs pays ont appuyé la candidature de Taïwan pour participer à l'Assemblée Mondiale de la Santé. Ce à quoi le diplomate de la Chine Sha Zukang a riposté que cela n'était pas nécessaire, la Chine prenant en charge les questions de santé à Taïwan.

Cependant, durant l'épidémie, c'étaient en réalité les Centres pour le contrôle des maladies des États-Unis et non pas la Chine, qui envoyaient leurs experts à Taïwan afin d'assurer la liaison entre l'OMS et les autorités taïwanaises. Yu-Chen Tsai  a participé à l'Assemblée Mondiale de la Santé en 2003 quand il était le vice- président pour les affaires internes à la Fédération Internationale des Étudiants en Médecine. Il a écrit sur son blog :

幾年來,看著台灣政府跟非政府組織對加入世衛組織的努力,我也衷心的希望,不管世衛組織的未來將面臨多大的挑戰,台灣的兩千三百萬人,都不應該缺席。

J'ai vu les efforts déployés par le gouvernement taïwanais et les ONG afin de participer à I'OMS. J'espère sincèrement que quelles que soient les difficultés auxquelles l'OMS aura à faire face à l'avenir, les 23 millions de personnes à Taïwan ne seront pas tenues à l'écart.

La succession de Margaret Chan par Tedros Adhanom en 2017 au poste de directeur-général de l'OMS permet aux Taïwanais d'espérer la révision du protocole d'accord entre l'OMS et la RPC.

« Le monde est l'eau dans un aquarium, et dans cet aquarium, nous sommes tous des poissons»

Taïwan est un lieu remarquable par la richesse de son patrimoine culturel. Par exemple, en contraste avec sa taille, Taïwan arbore un des plus importants musées au monde : le Musée National du Palais, parfois appelé «Le Louvre de l'Art Chinois». La culture indigène de Taïwan joue aussi un rôle important dans l'histoire polynésienne. Et sa langue écrite conserve les caractères chinois traditionnels abandonnés par la RPC.

Mais Taïwan n'est pas membre de l’ UNESCO, et par conséquent, ne peut solliciter le statut de Patrimoine Mondial ou de Patrimoine Culturel Immatériel.

Les artistes et chercheurs taïwanais trouvent tout de même des moyens de travailler avec le reste du monde. L’OISTAT, l'Organisation Internationale des Scénographes, Techniciens et Architectes de Théâtre, est une ONG parrainée par l’ UNESCO, et c'est une des rares organisations internationales à compter Taïwan comme membre à part entière. De plus, l’ OISTAT a transféré son siège des Pays-Bas à Taïwan en 2006.

Et le Fonds mondial pour les monuments, une organisation internationale non-gouvernementale, a inclus en 2016 le village ancien de la tribu des Rukai, Kucapungane àTaïwan dans son programme d'observation des monuments mondiaux.

Dans un forum diffusé sur la TV locale de Taïwan, Hui-Chen Lin, professeur au Département de l'Architecture et de l'Héritage Culturel de l'université nationale des arts de Taipei, a déclaré que peu importe si Taïwan est membre de l'UNESCO ou non, les Taïwanais doivent préserver leur héritage culturel , et peut-être qu'un jour celui-ci pourra être présenté au reste du monde de façon officielle :

因為我們現在不是(聯合國)會員,所以我們在國內,先把台灣很有價值的東西,先把它安排好,準備有一天,可以把它指定世界遺產。

Parce que nous ne sommes pas membre des [Nations-Unies], nous devons préserver cet héritage précieux à Taïwan et nous préparer à ce qu'il devienne un jour héritage mondial.

Wan-Jung Wei, la directrice générale de l’ OISTAT, a partagé sur Facebook son point de vue sur l'intervention de Taïwan dans l'espace international :

是的,大部分的時候,我們需要努力「走出去」。
是的,大部分的時候,我們常常被擋在門外。
慢慢地,我們忘記,我們也是「國際」的一份子,沒有我們,「國際」終將缺一角。[…]
「國際」不是窗戶外面的世界,
「國際」是魚缸裡的水,我們都是水裡的魚。

Oui. La plupart du temps il nous faut nous éclipser.
Oui. La plupart du temps nous sommes bloqués à la porte.
Lentement nous oublions que nous faisons aussi partie du monde, et que sans nous, il manquera une pièce au monde. […]
«Le monde» n'est pas le monde que l'on voit de sa fenêtre.
«Le monde» est l'eau dans un aquarium, et dans cet aquarium, nous sommes tous des poissons.

Les populations de l'Europe arctique sont sur la ligne de front du changement climatique

mardi 22 août 2017 à 18:42

Photo: Mose Agestam

Ce billet est basé sur un article écrit par Melanie Mattauch pour 350.org, une organisation qui met sur pied un mouvement climatique mondial. Il est publié ici dans le cadre d'un partenariat avec Global Voices. Traduction française revue par Suzanne Lehn.

Les Samis sont un peuple autochtone qui vit dans les régions arctiques de la Suède, de la Norvège, de la Finlande et de la Russie, et qui est directement exposé au changement climatique. Dans ces quatre reportages [les sous-titres des vidéos sont en anglais], des représentants du peuple sami disent leurs vérités sur la signification pour eux de la justice climatique.

« Les éleveurs de rennes dépendent étroitement de la nature »

Jonas Vannar, éleveur de rennes. Photo: Mose Agestam

L’Arctique se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Depuis 1900, les températures moyennes ont augmenté de 3,5 ℃.  L’hiver dernier, en raison des records de température, les scientifiques ont parlé de « vague de chaleur arctique ».

La hausse des températures et le caractère de plus en plus imprévisible des conditions météorologiques menacent les moyens de subsistance du peuple sami.

Le changement climatique représente une menace énorme pour les rennes qui ont du mal à trouver de quoi se nourrir lorsque le gel et le dégel recouvrent le sol de multiples couches de glace. Les rennes ont souffert de famine généralisée ces dernières années.

Ces problèmes sont aggravés par le développement de l’industrie forestière et des infrastructures de grande envergure telles que les parcs éoliens ou les centrales hydroélectriques qui interrompent les itinéraires de pâturage des rennes. Les infrastructures d’exploitation minière et d’énergie renouvelable de grande ampleur se développent fortement au Sápmi [NdT, le nom en same de la Laponie], avec des répercussions graves sur les moyens de subsistance des Samis.

Jonas Vannar fournit un témoignage sur son expérience d’éleveur de rennes traditionnel sami : « Les éleveurs de rennes dépendent étroitement de la nature. C’est à la fois leur plus gros problème et  leur plus grand bonheur. »

Remarque : « Sameby », traduit par « village sami » dans cette vidéo, est une coopérative économique d’éleveurs de rennes qui se partagent une zone géographique. Cette expression d’origine coloniale est issue de la loi édictée pour les exploitants agricoles et les nouveaux arrivants que le gouvernement suédois a imposée au peuple nomade sami.

« Il y a un risque de “colonialisme écologique” »

Áslat Holmberg, pêcheur et responsable politique. Photo: Mose Agestam

Le nombre de Samis qui perpétuent les méthodes traditionnelles de pêche diminue rapidement. Áslat Holmberg est l’un des rares jeunes Samis qui utilisent toujours ces méthodes. La pêche lui a permis d’acquérir des connaissances traditionnelles et d’apprendre la langue samie.

Cet été, il ne sera pas autorisé à pêcher dans les rivières où sa famille l'a toujours fait. Les nouveaux règlements sur la pêche imposés par la Norvège et la Finlande interdisent la pêche traditionnelle des Samis. Bien que la nature soit plus respectée que toute autre chose dans la tradition samie, les méthodes de pêche traditionnelles sont actuellement celles qui font l’objet des restrictions les plus fortes.

Áslat explique comment cette forme de « colonialisme écologique » rend de plus en plus difficile la préservation des moyens de subsistance, du patrimoine traditionnel et de la culture des Samis : « […] il y a un risque de “colonialisme écologique”, au titre duquel les vastes étendues, souvent utilisées par des peuples autochtones tels que les Samis, […] sont considérées comme des territoires vierges utilisables à d’autres fins. »

« La constante exploitation de la nature à nos latitudes »

Anne-Maret Blind, journaliste. Photo credit: Mose Agestam

Les Samis subissent de plein fouet les effets du changement climatique et des activités d’exploitation des ressources naturelles, alors qu’ils font partie de ceux qui y ont le moins contribué. Ils sont pourtant capables de trouver des solutions à ces crises.

Anne-Maret Blind fournit dans son témoignage des explications sur ce que son grand-père lui a appris à propos du mode de vie, des valeurs et des principes des Samis :

Il ne reste que 2 % de forêts primaires en Suède. C’est tout ce qu’il nous reste. Cette situation m’affecte profondément, corps et âme, dans tout mon être. Il ne faut pas trop y penser pour ne pas désespérer. Mais je sais que la nature est constamment exploitée ici.

« Les Samis ne sont pas les seuls à en payer le prix »

Sarakka Gaup, actrice. Photo: Mose Agestam

L’exploitation des ressources naturelles, le racisme et les règles imposées par des structures de pouvoir colonialistes motivées par le profit sont extrêmement préjudiciables pour le peuple sami comme pour beaucoup d’autres peuples autochtones. Le changement climatique, la disparition des ressources naturelles et la perte d’identité sont ainsi les principales causes des taux de suicide élevés.

Mio Negga et Sarakka Gaup sont en tournée avec une pièce dans laquelle les artistes se confient avec sincérité sur ces problèmes en Sápmi, un moyen de trouver l’apaisement et avancer vers un avenir meilleur. Des problèmes qui nous concernent tous, explique Mio :

Il faut que ça cesse de tourner autour de l’argent. Il faudrait plutôt se préoccuper de prendre soin de ce qui nous reste […] Les Samis ne sont pas les seuls à en payer le prix. Nous allons détruire notre planète.

Mio Negga, producteur de musique et acteur. Photo: Mose Agestam

Et Sarakka explique :

Il y a déjà tellement de choses qui ont été faites et qu’on ne pourra pas défaire. Pour beaucoup de gens et à de nombreux égards, c’est déjà trop tard. […] Mais en tant que jeune, qui espère en l’avenir, il faut décider de croire que les choses peuvent changer […]Ensemble, nous pouvons y arriver !

Toutes les vidéos ont été filmées et produites par Mose Agestam, k13 filmproduktion.

Chers cinéphiles tanzaniens, votre industrie cinématographique a besoin de votre soutien

mardi 22 août 2017 à 09:21

Participer aux festivals locaux est un bon début

Le casting et l'équipe de tournage de T-Junction, un film tanzanien qui a remporté trois prix lors de la 20ème édition du Festival international du film de Zanzibar. Photo de l'auteur.

Le casting et l'équipe de tournage de T-Junction, un film tanzanien qui a remporté trois prix lors de la 20ème édition du Festival international du film de Zanzibar. Photographie de l'auteur.

Le 16 juin 2017, la 20ème édition du Festival international du film de Zanzibar (ZIFF) s'est terminée par une grande nuit de récompenses qui a vu mon film, T-Junction [en]honoré par le plus important prix : Meilleur long métrage. Au total, nous avons remporté trois prix, dont celui pour la meilleure actrice décerné à Hawa Ally, la protagoniste du film.

Compte tenu du nombre de films internationaux présentés à ce festival et des nombreux délégués ou cinéastes qui y ont assisté, j'aurais dû déborder de joie après un tel succès.

L'histoire cinématographique en Tanzanie remonte aux années 1980 avec les productions financées par le gouvernement, mais le phénomène des “Films Bongo“, comme nous appelons nos films artisanaux, est apparu au début des années 2000. L'industrie du film en Tanzanie est, maintenant, seconde seulement à celle du Nigeria en ce qui concerne le volume de production, et certaines sources suggèrent qu'environ 500 films sont produits localement chaque année [en]. C'est pour ces raisons que je m'attendais à voir beaucoup plus de mes concitoyens au festival.

Je suis arrivé à la production cinématographique par hasard. Je voulais être journaliste. Alors que je me préparais à aller à l'université, mon attention a été attirée par une annonce de bourse d'études pour les étudiants africains à l'Université York à Toronto. J'ai postulé et j'ai reçu à temps un courriel m'informant que j'avais été sélectionné. Ce que je n'avais pas réalisé, c'est qu'au lieu du journalisme, j'avais choisi le cinéma comme mon sujet principal.

J'ai fini par aller au Canada de toute façon, et il ne m'a pas fallu longtemps pour tomber amoureux du cinéma. J'ai dévoré le travail de magiciens cinématographiques tels que les maîtres sénégalais Ousmane Sembène et Djibril Diop Mambéty, de l'Italien Gillo Pontecorvo, du cubain Tomás Gutiérrez Alea, du soviétique Sergei Eisenstein sans parler du génie britannique Charles Spencer Chaplin, mieux connu comme Charlie Chaplin.

Lorsque je me suis plongé dans l'histoire du film, mon intérêt s'est déplacé vers le Third Cinema [en] (Troisième cinema), le mouvement révolutionnaire mondial pour le cinéma des pays marginalisés qui a émergé dans les années 1960-1970 en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Ces films des années soixante ont été un véritable reflet de la privation de droits des personnes, et les cinéastes qui ont grandi dans cette tradition ont vraiment utilisé l'image animée pour lutter contre l'oppression. Cette prise de conscience m'a poussée à faire de même pour cette époque et pour mon pays, d'autant plus que je crois que nous vivons dans une ère d'agressions néolibérales et de diminution des espaces de plaidoyer.

Le Festival international du film de Zanzibar est devenu pour moi le lieu d'accueil pour ce type d'histoires. Il offre, à moi ainsi qu'autres cinéastes tanzaniens, un refuge sensible à nos besoins de producteurs d'images visuelles. Ainsi, avec l'absence de nombreuses stars des films “Bongo” au festival, celles dont je rencontre régulièrement les visages sur les couvertures des DVD dans les rues de Dar es-Salaam, je me demande si nous pouvons vraiment qualifier notre production cinématographique d'industrie. En l'étiquetant en tant que telle, alors que nous manquons encore des structures fondamentales et cohérentes requise pour une réelle industrie cinématographique, nous risquons de mettre la charrue avant les boeufs.

L'éducation est clé. J'enseigne le cinéma à l'Université de Dar es Salaam, mais la plupart de mes étudiants n'étaient pas au festival. Certains diront qu'aller à Zanzibar coûte cher, et cela peut très bien être vrai. Mais une fois que vous avez accepté le fait que vous souhaitez passer votre vie à faire des films, vous devez également vous habituer à ignorer l'affirmation selon laquelle “le financement est un problème”. Le mot-clé de notre monde aujourd'hui est “entreprendre”, et je trouve que beaucoup de mes étudiants ou de jeunes ont l'habitude d'utiliser ce verbe trop facilement. Pourtant, ils refusent de faire de ce mot et de ce qu'il signifie une réalité. Entreprendre nécessite une passion implacable et une attitude positive : c'est la seule façon de faire avancer les choses, avec ou sans argent. Dans l'industrie du film, la volonté de raconter nos propres histoires devrait être comprise comme une forme d'entrepreneuriat.

Nous cinéastes et artistes tanzaniens, nous refusons de faire face au fait critique que la poursuite d'une passion est difficile et exige de la patience ainsi que de la persévérance. La situation critique du secteur cinématographique est dûe à cette attitude. Il faut du temps pour produire un film qui raconte une bonne histoire. Pourtant, combien de nos cinéastes se précipitent sur le marché avec des projets incomplets en raison de leur insécurité et de la volonté de gagner de l'argent rapidement?

En outre, le secteur du film en Tanzanie est occupé par des distributeurs qui dictent la direction des projets en signant des contrats draconiens avec les acteurs, en déplaçant des réalisateurs et des producteurs créatifs comme bon leur semble, créant ainsi des obstacles qui empêchent les nouveaux talents et les productions créatives d'émerger. Pouvons-nous vraiment appeler cet état des choses une industrie du cinéma?

Il est grand temps de réfléchir et de décider sur quoi concentrer notre énergie. La Tanzanie est pleine d'innombrables histoires et de jeunes désirant les raconter. Si nous voulons vraiment construire une industrie cinématographique, nous devons aller au-delà des ambitions individuelles et penser à un avenir plus collaboratif et collectif.

Soutenir les festivals nationaux comme le ZIFF est un moyen pour commencer.

Un nouveau logiciel aide les aveugles à ‘voir’ l'éclipse solaire

lundi 21 août 2017 à 12:26

Le prototype de la “rumble map” de l'applicatif. Crédit: Carolyn Beeler/PRI

Cet article de Carolyn Beeler est initialement paru sur PRI.org le 11 août, 2017. Il est publié à nouveau ici dans le cadre du partenariat entre PRI et Global Voices.

Cela ressemble au début d'une devinette. Comment un aveugle pourra t-il “voir” la prochaine éclipse de soleil qui traversera les États-Unis le 21 août ?

C'est une question à laquelle l'astrophysicien solaire Henry “Trae” Winter a commencé à réfléchir depuis quelques mois après qu'une collègue aveugle lui demanda de lui décrire la nature d'un éclipse.

“J'étais complètement pris au dépourvu,” dit Winter. “Je n'avais aucune idée sur la manière de communiquer à quelqu'un qui n'a jamais vu de sa vie sur ce qui se passe durant une éclipse.”

Winter s'est souvenu d'une histoire qu'un ami lui avait raconté sur la façon dont les criquets pouvaient commencer à chanter au milieu de la journée lorsque la lune couvrait le soleil durant une éclipse. Alors, il raconta cette histoire à son collègue.

“Sa réaction a été forte, et j'ai voulu reproduire cette capacité d'étonnement et d'émerveillement sur autant de personnes que je pouvais à travers le pays” dit Winter.

Alors Winter, qui travaille au Centre d'Astrophysique Harvard-Smithsonian à Cambridge, Massachusetts, décida de créer un applicatif pour faire précisément cela: permettre aux aveugles de vivre l'éclipse de cet été.

Les gestes de l'astrophysicien solaire Henry “Trae” Winter en direction du mur de la vidéo décrivant une image du soleil au Centre d'Astrophysique Harvard-Smithsonian de Cambridge, Massachusetts. Credit: Carolyn Beeler/PRI

La communauté “[malvoyante] a été traditionnellement exclue de l'astronomie et de l'astrophysique,” dit Winter, “et je pense que c'est une omission criante qu'il est temps de corriger.”

Paysages sonores de l'éclipse, lancé pour les iPad et iPhone le 10 août, produit un récit en temps réel des différents aspects de l'éclipse selon la situation géographique de l'utilisateur.

Une “carte rugueuse et vibrante” permet aux utilisateurs d'entendre et de sentir le phénomène lorsqu'ils touchent les photos des éclipses précédentes.

Les zones sombres des photos, comme la solide face noire de la lune, sont silencieuses quand vous les touchez. les fins rayons de soleil émanant de derrière la lune émettent des vibrations plus faibles. Et toucher des zones plus brillantes, comme les éclats de lumière qui percent du creux de la lune, produit des fréquences plus élevées.

Les sons sont associés aux vibrations, légers pour les zones plus sombres et plus intenses aux points plus lumineux.

“Nous avons fait en sorte de créer des fréquences qui résonnent avec le corps du téléphone,” dit l'ingénieur du son du logiciel Miles Gordon, “de ce fait l'ensemble du téléphone vibre en utilisant le haut-parleur.”

Un prototype pour de futurs outils

“Le but du logiciel n'est pas de faire vivre à un aveugle ou à une personne malvoyante exactement la même expérience que celle d'un voyant,” dit Winter. “Mon espoir est que ce soit une première étape, un prototype,sur lequel on peut apprendre pour préparer la prochaine boîte à outils.”

D'autres outils permettant aux aveugles de vivre l'expérience de l'éclipse existent, comme les cartes tactiles et les livres, mais ils sont largement considérés comme phénomène visuel.

Ce que l'on connaît moins bien, ce sont les changements météorologiques et thermiques, et les comportements de la faune qui accompagnent les éclipses totales.

Chancey Fleet, la collègue qui d'abord demanda à Winter de décrire une éclipse lors d'une conférence quelques mois auparavant, était sceptique lorsqu'elle eut vent de l'idée de l'applicatif.

“La première fois que j'ai entendu que l'on demandait aux aveugles de prêter attention à l'éclipse, j'ai ri en moi-même, et j'ai essayé de contenir ma réaction vraiment condescendante”, dit Fleet, qui est une éducatrice en technologie adaptée dans une bibliothèque à New York. “Cela ressemblait à une blague.”

Wanda Diaz Merced convertit les données lumineuses en sons pour sa recherche sur les explosions de rayons gamma. Elle a travaillé sur la navigation et l'accessibilité du logiciel Eclipse Soundscapes. Crédit: Carolyn Beeler/PRI

Mais après avoir appris sur les sons associés à l'éclipse, elle a voulu essayer le logiciel de Winter.

“J'ai l'intention de l'essayer moi-même, et pas de me contenter d'en entendre parler ou de lire à son propos” dit Fleet. “Rien n'est définitivement que visuel. Et [ceci] le prouve encore une fois”.

L'équipe des développeurs du logiciel a été appuyée par Wanda Diaz Merced, une astrophysicienne qui est aveugle, pour s'assurer de la facilité de navigation de l'applicatif.

Elle croit que le logiciel va montrer aux gens qu'une éclipse représente plus qu'une lugubre obscurité de midi.

“Les gens vont découvrir qu'ils peuvent aussi entendre et toucher [un phénomène]'”, dit Diaz Merced.

Elle apprécie aussi le logiciel comme un outil pouvant amener les jeunes aveugles à plus s'intéresser à la science.

“C'est extrêmement important”, dit-elle.

Un héritage plus durable

L'équipe de Eclipse Soundscapes, qui est soutenue financièrement par une bourse de la NASA, a recruté des scientifiques du National Park Service, de l'Université Brigham Young, pour enregistrer les sons des réactions des personnes et de la faune durant l'éclipse.

La deuxième phase du projet consiste à confectionner une base de données libre d'accès de ces enregistrements, de sorte que les aveugles puissent l'utiliser facilement. C'est l'aspect du projet qui enthousiasme le plus Diaz Merced du point de vue scientifique.

Après avoir perdu la vue à la fin des années 2000, elle a eu à programmer elle_même sur son ordinateur une application pour convertir les données du télescope en fichiers sonores afin sz pouvoir poursuivre ses recherches (voici sa présentation à la conférence TED ).

Elle espère que ce projet va susciter plus d'intérêt à rendre les données plus accessibles aux chercheurs comme elle.

“Mon espoir est que les bases de données dans les sciences utilisent [ce] modèle de base de données … pour nous permettre d'avoir un accès significatif à l'information,” dit Diaz Merced. “Et que peut-être grâce à la [la base de données], nous ne serons plus victimes de ségrégation”.

Ce faisant, elle espère que l'impact de cette éclipse s'étendra bien au delà d'une journée.

L'ex-prisonnier politique angolais Luaty Beirão lance un livre au Brésil

lundi 21 août 2017 à 11:05

Activismes en Afrique, la conférence Internationale organisée par le Centre pour les Etudes Internationales. Photographie de Hugo Alexandre Cruz (utilisée avec sa permission)

Le rappeur et activiste angolais Luaty Beirão a lancé son livre intitulé Sou Eu Mais Livre, Então [Je Suis Plus Libre, Maintenant], à l'Université de São Paulo (USP) ce 3 août. En 2015 Beirão ainsi que 16 autres activistes angolais ont acquis leur notoriété du fait de leur emprisonnement, suivi pour un temps par Global Voices.

Les activistes s'étaient réunis pour discuter de la politique angolaise à partir de l'adaptation du livre Da Ditadura à Democracia, [De la Dictature à la Démocratie] de l'écrivain nord-américain Gene Sharp, reconnu pour avoir proposé dans son œuvre des formes pacifiques de combattre la dictature.

Le résultat de cette réunion fut leur accusation de conspiration contre le gouvernement de José Eduardo dos Santos, président du pays depuis 1979. Durant la période où ils ont été emprisonnés au pénitencier de Calomboloca, Beirão fit une grève de la faim pendant 36 jours en signe de protestation.

Malgré son état de faiblesse, l'activiste a relaté dans un journal ses jours de prison, ceci donna lieu au livre qui sera lancé maintenant à l'USP.  Dans la publication qu'il a faite sur Facebook pour annoncer le lancement de son livre, plusieurs personnes l'ont félicité et encouragé à continuer à lutter pour la liberté en Angola. Josefina Barros a commenté :

Tu es un homme intelligent, cultivé et qui aime l'Angola. Je te souhaite bonne chance dans ta vie et que tu puisses contribuer à une société juste et démocratique en Angola. Augusto Curry nous a appris à ne pas renoncer à nos rêves.