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Des grenades brésiliennes contre des Turcs

mardi 11 juin 2013 à 23:41

Ce billet écrit par Bruno Fonseca et Natalia Viana, de Agência Pública, a été publié à l'origine sous le titre “Bomba brasileira na pele turca” (des grenades brésiliennes contre des Turcs) (tous les liens ouvrent des sites en Portugais), il fait partie d'une enquête spéciale sur le lobby et l'industrie des armes au Brésil  #IndústriaBrasileiraDeArmas. Ce reportage fera l'objet de trois articles publiés sur Global Voices online. Voici le premier de ces trois articles.

En 2012, l'inscription:”made in Brazil” a été retrouvée sur les grenades lacrymogènes utilisées contre des manifestants pro-démocratie au Bahreïn. Des militants ont dénoncé la mort d'un bébé, victime supposée du gaz brésilien, et le ministre des affaires étrangères du Brésil a déclaré qu'il vérifirait des irrégularités éventuelles au niveau de l'exportation de ce produit. Et pourtant, un an après, le ministère des affaires étrangères (Palais de l'Itamaraty), annonçait qu'il avait seulement pris note de l'événement sans engager une enquête ou pris une quelconque mesure. Rasheed Abou-Alsamh, militant américano-saoudien, auteur de cette accusation, a cette réponse indignée : 

L'Itamaraty doit penser que nous sommes bien ingénus….

En l'absence de toute restriction sur l'exportation des armes non létales, ce même gaz fabriqués par l'entreprise Condor S A de Rio de Janeiro, est aujourd'hui employé par la police turque pour réprimer les protestations croissantes contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, qui ont éclaté dans plus de 60 localités du pays provoquant des centaines de blessés et l'arrestation d'environ 2000 personnes.

Amnesty International confirme l'usage du gaz lacrymogène brésilien pendant ces événements qui ont commencé par une manifestation pacifique contre l'abattage de 600 arbres sur la Place Taksim, à Istanbul. Suzette Grillot, une enseigante américaine qui y assistait, a photographié un des projectiles utilisés par la police et fait une déclaration à Agência Pública :

Un membre de notre groupe a trouvé cette grenade dans la nuit d'hier ( le 3 juin) à Ankara.

 

Bomba Made in Brazil Turquia

Une enseigante américaine a photographié un des projectiles utilisés par la police turque pour le gaz lacrymogène. Photo Suzette Grillot/ sous licence Creative Commons

Le gaz lacrymogène brésilien a été utilisé depuis le début des manifestations, le 31 mai, à Istanbul. Un membre du mouvement Occupy Gezi, qui préfère rester anonyme par crainte de représailles, raconte :

Ce jour là il n'y avait sur la place qu'un petit groupe d'écologistes. La police a investi le parc à cinq heures du matin alors qu'ils dormaient dans des abris de fortune. Les policiers ont brûlé les abris et tiré contre les manifestants des grenades lacrymogènes. Ils auraient dû les lancer par dessus eux mais ils ont fait du tir à bout-portant. Certains ont perdu la vue en étant atteints directement par les projectiles, d'autres ont été touchés aux bras ou aux jambes. On trouve des centaines de vidéos montrant les effets du gaz lacrymogène : larmoiement, nausées, vomissements, troubles respiratoires.

Le bureau des droits de l'homme à l'ONU a demandé à la Turquie de déclencher une enquête indépendante sur l'attitude de ses forces de sécurité face aux manifestants. Cécile Pouilly, porte-parole du Haut Commissariat des Nations unies pour les droits de l'homme, a fait la déclaration suivante :

Nous sommes  préoccupés par des informations signalant l'usage excessif de la force par les policiers contre les manifestants.

 

http://www.youtube.com/watch?v=cqIiWHMnM94

Des armes “non létales” qui peuvent tuer

La douille photographiée par l'Américaine  Suzette Grillot est ce qui reste d'un projectile lacrymogène à longue portée ( GL 202) fabriqué par l'entreprise Condor, leader de la production de ce type d'arme en Amérique latine. Ce projectile peut atteindre une distance moyenne de 120 mètres et possède la capacité de passer par-dessus des obstacles comme des murs ou des barricades pour “déloger les personnes et disperser des groupes de contrevenants à la loi”, selon les termes utilisés par le fabricant. Néanmoins, l'entreprise Condor, explique sur son site, qu'une mauvaise utilisation de ces projectiles peut causer de sérieux dommages à la santé allant jusqu'à la mort. 

Une autre photo prise par des manifestants, montre une grenade lacrymogène aux mouvements erratiques (GL 310), connue sous le nom de “danseuse” . En touchant le sol celle-ci rebondit dans toutes les directions éparpillant le gaz sur une vaste zone et empêchant que la personne ciblée puisse la renvoyer vers les forces de l'ordre. Le site de l'entreprise  signale qu'au contact de matériaux inflammables, la grenade peut provoquer des incendies.

Bomba Made in Brazil na Turquia

Sur cette photo diffusée par des manifestants, on voit la GL 310 e Gl 202 de Condor (1º et 3º première et troisième de gauche à droite ). Le deuxième projectile de gauche à droite vient de Nonlethal Technologies, une entreprise des USA qui est la principale exportatrice d'armes “non létales” vers la Turquie avec la brésiliennne Condor. Sous  licence Creative Commons.

 

 

 

Reports et troubles politiques, fléau de Madagascar à l'approche des élections

mardi 11 juin 2013 à 09:38

Impasse politique, problèmes de financement et freins logistiques menacent de faire capoter l’élection présidentielle à venir, tant de fois reportée, la première depuis que le coup d'Etat de 2009 a plongé l'île dans la crise politique [anglais].

Le scrutin était initialement fixé au 24 juillet 2013, mais confronté à la vérification de la légitimité de certains candidats contestés, le gouvernement a de nouveau remis l'élection et déplacé la date d'un mois, au 23 août.

Madagascar n'a plus de président élu depuis le printemps 2009, lorsque Marc Ravalomanana a été contraint à la démission par l'armée, à la suite de violents heurts entre les autorités et les manifestants anti-gouvernement. L'armée a rapidement confié les rênes du pouvoir au chef de l'opposition Andry Rajoelina, qui a aussitôt dissous les deux chambres du parlement.

Pendant les fonctions de Rajoelina à la tête du gouvernement de transition, les élections présidentielles ont été repoussées trois fois depuis la première date prévue, le 26 novembre 2010, et les législatives, quatre fois depuis le 20 mars 2010. A cause de cet immobilisme politique, l'Union Européenne, les Etats-Unis et d'autres pays ont suspendu [anglais] leur aide à l'île et l'Union Africaine a suspendu l'adhésion de Madagascar jusqu'au retour de l'état de droit.

Cartoon about the ever-eluding elections in Midi Madagasikara paper edition posted by @Aline_Tana on twitter

Les élections toujours fugitives, dessin sur l'édition papier de Midi Madagasikara, publié par @Aline_Tana sur Twitter (reproduit avec sa permission)

Plus de deux ans après le renvoi de son prédécesseur, Rajoelina et trois des quatre principaux partis d'opposition du pays signèrent [anglais] une feuille de route politique le 16 septembre 2011 interdisant aux anciens présidents et au président actuel de la transition de briguer un nouveau mandat présidentiel. La feuille de route [anglais], en outre, affirme que les candidats doivent démissionner de toute fonction de gouvernement pour faire valider leur candidature.

Ce qui n'a pas empêché trois des 50 candidats de se lancer dans l'arène, en violation de dispositions de la feuille de route et malgré la pression internationale pour leur retrait : l'actuel président de la transition, Andry Rajoelina ; l'ancien président à deux reprises de Madagascar Didier Rastiraka, en poste de 1975 à 1993 et de 1997 à 2002 ; et Lalao Ravalomanana, l'épouse du président renversé. M. Rajoelina avait initialement déclaré ne pas briguer de mandat présidentiel, mais a depuis changé d'avis.

Avec l'impasse politique provoquée par les trois candidatures mentionnées ci-dessus, tous trois et leurs conjoints sont maintenant interdits d'entrée dans l'Union Européenne avec un visa Schengen.

Quant aux reste des candidats qui se préparent aux élections depuis 2011, ce photo-montage en montre quelques-uns :

Presidential candidates in Madagascar posted by Candidats Fifidianana on facebook

Candidats à la présidentielle à Madagascar, publié par Candidats Fifidianana sur Facebook

La crise de direction à la tête du pays a fait sentir ses effets bien au-delà de l'arène politique. Un rapport de la Banque Mondiale indique que les conséquences de la crise politique [anglais] sont à multiples volets :

  • L'économie a stagné, le revenu par tête a chuté
  • La pauvreté a fortement augmenté
  • Les résultats sociaux empirent
  • Les finances publiques sont de plus en plus contraintes
  • L'aide étrangère reste paralysée
  • Les infrastructures se sont détériorées
  • La capacité à aréagir les chocs exogènes est gravement restreinte
  • La résilience de l'agriculture a aidé jusqu'à présent à éviter une crise alimentaire
  • Les vieux problèmes de gouvernance de Madagascar n'ont fait que s'exacerber
  • La résilience du secteur privé est de plus en plus à l'épreuve
Madagascar GDP over the last decade posted on twitter with permission

Le PIB de Madagascar depuis dix ans, publié sur Twitter, avec permission

Plus de 92% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. A cause du déclin abrupt du nombre d'emplois [anglais] depuis la crise, la pauvreté a conduit les femmes à la prostitution [anglais] avec 29.000 travailleuses du sexe enregistrées dans la ville de Toamasina en 2012, contre 17.000 en 1993. Un documentaire de Journeyman Pictures détaille la vie de celles qui sont contraintes de faire commerce de sexe pour survivre :

Pour compliquer une situation déjà tendue, le pays vient d'être frappé par le cyclone Haruna qui en a ravagé la plus grande partie du sud. Une invasion de sauterelles a suivi, dévastant une agriculture déjà fragilisée [anglais].

Inondations à Tuléar - Domaine public via The Nation

Inondation à Tulear, Madagscar – Domaine public via The Nation

Locust invasion in down town Fianaratsoa, Madagascar

Invasion de sauterelles au centre de Fianaratsoa, Madagascar via @lrakoto sur Twitter (avec la permission de l'auteur)

Des élections transparentes, crédibles et en temps voulu sont, aux yeux de beaucoup, le premier pas conditionnant une sortie de la crise, mais le scrutin paraît toujours encore en péril. Combien de temps les Malgaches pourront-ils encore endurer de telles épreuves ?

Conversation avec Anne, une des interlocutrices du journal vidéo “Comment ça va à Bamako ?”

lundi 10 juin 2013 à 22:53

La France est en guerre au Mali. Anne Morin à Paris et son amie Awa Traoré à Bamako ont décidé de publier sur YouTube un journal vidéo de leurs conversations sur Skype. Au départ, l’ambition était d’en faire un chaque jour ; il n’a été possible de maintenir cette cadence que quelques jours. Elles sont donc passées à un rythme hebdomadaire et il y a eu un long silence après la neuvième édition.

La dixième vidéo de la série vient d’être mise en ligne.

J’en ai profité pour poser quelques questions à Anne.

Anna Gueye (Global Voices): Pourquoi cette série ?

Anne Morin: Je ne pouvais pas juste rester là à attendre des infos de la presse et je voulais rester en lien avec les amis du Mali et Awa en particulier qui est une amie récente mais avec laquelle je partage beaucoup de choses car elle est aussi réalisatrice de documentaires.

C’est une conversation entre Awa et moi; ce qui moi me soucie c’est par rapport à notre projet d’adoption d’un enfant malien.

Pourquoi le Mali ?

Mes beaux-parents (70 et 75 ans) font de l’humanitaire dans le pays Dogon depuis 10 ans. Ils ont créé une association Jean d’Argile qui en association avec via Sahel a monté un laboratoire biologique dans l’hôpital de Sangha. Cela fait donc des années que je vais au Mali.

Dans les vidéos ci-dessus vous dites que les adoptions internationales se sont arrêtées au Mali. Quelle en est la raison ?

Tout a commencé avec la promulgation du nouveau code de la famille, en janvier 2012, dont l’article 540 limite l’adoption-filiation aux seuls ressortissants maliens. Pendant quelques mois, malgré tout, l'adoption a continué comme avant. Mais en novembre, la Ministre de la Promotion de l’Enfant, de la Femme et de la Famille, Madame Alwata Ichata Sahi, a décidé d’arrêter les adoptions internationales. Il s’agissait alors de répondre à une lettre du Secrétaire de la Convention de La Haye, traité international régissant l’adoption et dont le Mali est signataire. Cette lettre demandait aux autorités maliennes de se mettre en concordance avec le traité international [qu’elles ont signé] et proposait deux alternatives : (i) soit arrêter les adoptions internationales vers des non-Maliens puisque la  nouvelle loi nationale l’interdisait ; (ii) soit de modifier la loi. Les autorités maliennes ont choisi la première alternative, et sans préavis aucun.

Cela concerne combien candidats à l'adoption ?

A l'époque, environ 150 dossiers de candidats étrangers à l'adoption (Français en majorité, Italiens, Espagnols, Canadiens…) avaient été dûment sélectionnés sur des critères moraux et matériels. Leur probité avait alors été reconnue. Ces candidats sélectionnés, attendaient, en confiance, parfois depuis des années, que le Mali leur confie un enfant abandonné. Existait alors un engagement mutuel entre eux et le Mali.

Une politique transitoire a-t-elle été envisagée ?

Malheureusement non. La Convention de La Haye est pourtant très précise : “Retarder le placement familial permanent d'un enfant, surtout dans les cas de transition pourrait être contraire  au principe supérieur de l'enfant”. Or, aucune politique transitoire n'a été mise en place. Les placements n'ont pas été retardés, ils ont brutalement cessé. Et ce qui était cyniquement prévisible advient désormais: l'adoption par les ressortissants maliens étant dérisoire, les pouponnières souffrent d'un effectif pléthorique. Autrefois financées en grande partie par des ONG étrangères de parents adoptifs et candidats à l’adoption, elles ont vus, avec l'arrêt de l'adoption internationale, leur budget fondre. Ce qui signifie, très pragmatiquement qu'elles manquent de tout : eau, lait, nourriture, l'essentiel pour survivre, sans parler de couches ou de biberons ; cela signifie qu'elles ne peuvent plus rémunérer leur personnel, que les enfants manquent de soins (*).

En outre, on soupçonne une recrudescence des infanticides, l'abandon étant interdit au Mali et les pouponnières étant surchargées.

Ce constat ne vient pas de nous. Il est admis de tous les acteurs de l'adoption au Mali qui se sont rassemblés du 16 au 18 mai à Bamako, à l'initiative du Ministère de la Promotion de la Femme et de l'Enfant, lors de l'Atelier de concertation sur l'adoption. Tous se sont accordés sur la nécessité absolue de solutions d'urgence humanitaire.

Comment peut évoluer la situation ?

La seule recommandation que préconise le ministère est une modification de la loi et ce après les prochaines élections, prévues  en juillet. Au mieux, ce ne serait donc pas avant de nombreux mois que les apparentements et les adoptions reprendraient.

Les enfants sont déjà en attente et manquent de tout depuis 8 mois. Dans la vie d'un nourrisson, 8 mois sont une éternité. La temporalité de la démarche législative, pour légitime qu'elle soit, ne doit pas venir en opposition avec la temporalité d'un nourrisson.

La solution humanitaire d'urgence est pourtant à portée de main : apparenter les candidats déjà sélectionnés,  ceux-là même qui se sont engagés à aimer et élever dans leur foyer un enfant du Mali dans le respect de sa culture d'origine.

C'est peut-être une lecture interprétative de la loi mais elle a déjà été faire au début du mois de mai 2013 : 8 jugements d'adoption d'enfants apparentés avant octobre 2012 (et la mise en vigueur du nouveau code de la famille) auprès de familles européennes, ont enfin eu lieu. Dans l'intérêt supérieur de l'enfant, et parce qu'il y a urgence, qu'il y a non-assistance à personne en danger, cette interprétation-là est la bonne.

 

(*) On envoie régulièrement des dons aux pouponnières et là, on a préparé 4 m3 de lait, de couches et de vêtements qui devraient pouvoir partir la semaine prochaine. Il y a 100 enfants adoptables à Bamako.

Offrez-un-Arbre.rf : Le projet de reforestation collectif russe

lundi 10 juin 2013 à 20:23

Lors d'une récente interview avec Evgeny Voropai de « Social Technologies Greenhouse », Sergey Skorobogadov, directeur de « Podari-Derevo.rf » [russe] (Offrez-un-Arbre.rf) explique comment un projet socialement engagé peut être rentable et comment les indicateurs quantitatifs peuvent inciter les gens à agir.

E.V. : Sergey, vous être l'auteur du concept EcoChristmasTree [ru] [Arbres de Noël Ecolos] et maintenant vous êtes associé à « Offrez-un-Arbre.rf », pourquoi un tel intérêt pour la verdure ?

 

S.S. : Un environnement propre et l'écologie sont deux notions importantes à mes yeux. Lorsque vous faites quelque chose d'important pour vous, celle-ci vous trouve tout naturellement. Pendant plusieurs années, j'ai travaillé avec le thème de la collecte des déchets triés et j'ai convaincu ma famille et mes amis d'y participer. J'ai même organisé la collecte de déchets triés dans l'immeuble où je vis. Maintenant mes voisins soutiennent aussi l'idée de la collecte des déchets triés.

En ce qui concerne les arbres, ce sujet et les initiatives que j'ai observées ou auxquelles j'ai participé se sont toujours recoupés. Vous pouvez dire que tout à commencé avec la collecte et le recyclage de déchets dans les forêts, puis c'était la foret en elle-même avec « EcoChristmasTrees. » Grâce à celle-ci, nous avons pu proposer ce qui semble être une alternative simple à la coupe d'arbres : nous avons loué des arbres de Noël vivants en pots, afin qu'ils puissent être replantés en plein sol au printemps. Cette initiative est très importante pour la conservation des forêts et des plantes. La période de Noël est passée mais le désir de continuer avec ce sujet est resté. « Offrez-un-Arbre.rf » est une suite logique à ce projet.

Offrir un arbre en cadeau–je ne pense pas qu'on puisse mieux faire. Au lieu de babioles et choses inutiles qui prennent de la place, les utilisateurs ont la possibilité d'offrir quelque chose d'utile.

E.V. : Les forêts sont en train de disparaitre et c'est un fait, mais les terres disponibles pour les forêts disparaissent aussi. Des hectares de forêts sont converties en mètres cubes de de bois ou mètres carrés « d'espace utilisable. » Combien d'arbres devraient être plantés chaque année pour contrecarrer le nombres d'arbres coupés ?

Sergey Skorobagatov, directeur de “Подари-Дерево.РФ”

S.S. : Vous savez, je ne vais pas citer de chiffre. Il y a un large éventail de données différentes et provenant de différentes sources. De plus, je ne pense pas que la situation puisse être évaluée de manière objective.

Mais ce serait formidable si chaque personne pouvait d'elle-même planter deux ou trois arbres par an. Ceci n'est pas valable uniquement pour la Russie mais s'applique au monde entier. C'est important car c'est la quantité d'arbres qu'une personne « jette aux ordures » chaque année.

E.V. :  Offrez-un-Arbre.rf  fait partie de la campagne « Un Milliard d'arbres ». Est-il réaliste de pouvoir planter autant de jeunes arbres ? Y a-t-il suffisamment d'espace en Russie pour en planter autant ?

S.S. : « Un Milliard d'arbres » [ru] est une campagne de l'ONU que nous avons rejoint.  C'est une campagne mondiale qui prouve que le simple fait de planter un arbres suscite une réponse et unit les gens. Aujourd'hui, c'est précisément cette solidarité qu'il est nécessaire de démontrer au niveau national à travers le monde.

« Un Milliard d'arbres » est un bon point de référence, un bon objectif à atteindre. Voyez-vous, dans ce que nous faisons il n'y a pas de résultat final, il n'y a pas de fin à cette mission. Donc un milliard est le nombre devant vous, il permet la mise en route du mécanisme.

E.V. : Votre projet comporte de nombreuses nuances qui doivent être prises en compte lors de la plantation. Il y a le type d'arbre, le temps et la saison de plantation, le climat approprié, le type de sol et le paysage naturel. Qui s'occupe de tout cela ?

S.S. : Ceci est probablement le stade le plus simple dans ce que nous faisons. « Offrez-un-Arbre.rf » travaille avec des forestiers et ce sont les forestiers eux-mêmes qui recommandent quoi, quand et comment planter. Dû au manque de ressources nécessaires, notre projet est d'un intérêt spécial pour eux.

Quelque part un parasite détruit des sapins, ailleurs il y a une coupe illégale de chênes ou un feu de forêt–tous cela n'est pas forcément résolu par les efforts des forestiers. Ainsi, lorsque c'est possible, nous nous joignons à eux. Ils nous aident grâce à leur expérience et nous les aidons avec la reforestation. Dans les espaces urbains, nous voulons travailler avec la devise : « Là où il y a un terrain vague-il y aura un parc. »

A l'heure actuelle, le projet est actif à Moscou et dans sa région ainsi que dans les régions de St. Pétersbourg et Leningrad. Nous pensons commencer à planter des pins autour du Baïkal, nous avons presque terminé nos préparations techniques pour cette initiative. Je suis certain que beaucoup de russes trouveront ceci intéressant.

Il y a une autre option qui pour l'instant n'existe que sous forme d'idée. La directrice de initiative « Save a tree » [Sauvez un arbre], Nadya Tverdaya, qui est aussi impliquée dans le projet, mais qui vit en Thaïlande, a suggéré d'y planter des palmiers.

E.V. : La plantation d'arbres à distance est un très bon exemple de l'extension du monde virtuel dans le monde réel, une façon de déléguer. Mais les bénévoles ne vont pas planter des arbres après chaque commande passée en ligne. Quel est le déroulement de l'ensemble du processus ?

S.S. : Nous plantons les arbres à l'automne et au printemps, mais nous vendons les certificats toute l'année. L'utilisateur peut choisir de sponsoriser un arbre que nous avons déjà planté, ou si il/elle le souhaite, de participer à la prochaine plantation de jeunes plants.

C'est très simple. Les bénévoles plantent les arbres, leur donnent un numéro et les marquent avec un signe correspondant, ils enregistrent les coordonnées GPS exactes de l'arbre et toutes ces informations sont enregistrées dans le système. Grâce à l'achat d'un certificat, l'utilisateur reçoit un arbre avec un numéro individuel, ses coordonnées GPS, des photos du processus de plantation et un joli certificat personnalisé qui peut être imprimé, encadré et accroché au mur.

Capture d'écran de l'interface de “Подари-Дерево.РФ”.

E.V. : Dans votre profile sur « Offrez-un-Arbre.rf vous écrivez : « Il est intéressant d'essayer de combiner deux choses qui sont pratiquement incompatibles– être rentable et faire de bonnes actons.” Avez-vous réussi ? Est-ce un modèle d'affaires efficace ?

S.S. : Oui. Nous sommes satisfaits des résultats. Bien entendu, comme toutes les start-ups, « Offrez-un-Arbre.rf » a nécessité certains investissements. Et jusqu'à présent le projet n'est pas rentable. La bonne nouvelle c'est que les plantations commencent petit à petit à rentrer dans leurs frais. Je ne l'ai pas encore analysé, mais je pense que lors de la dernière, mous avons peut être réussi à équilibrer les comptes.

E.V. : La motivation des gens qui achètent ou font don de certificats est-elle importante pour vous ? Quelle proportion de celle-ci est due à la tendance et au divertissement et quelle proportion est due à la responsabilité sociale ?

S.S. : De nos jours c'est très tendance. C’est cool d'offrir un arbre. Je pense qu'aujourd'hui les tendances sont un motivateur efficace. C'est pour cela qu'il est important pour les histoires écologiques de devenir populaire.

Nous avons été contactés par certaines entreprises commerciales. Les gens voient une bonne initiative, voient le potentiel, et veulent y participer. Pour eux, c'est à la fois une bonne action et un coup publicitaire. C'est super lorsque le monde des affaires commence à remarquer les initiatives constructives. L'avantage du secteur « vert » es que celui-ci est proche du monde des affaires et des activistes politiques et sociaux.

E.V. :  Offrez-un-Arbre.rf  est un projet saisonnier, que prévoyez-vous de faire pendant l'hiver? Comptez-vous revenir au projet au printemps prochain ?

S.S. : La vente de certificats va effectuer toute l'année. Personne ne prévoit d'arrêter. Comme je l'ai dit, nous avons déjà planté des arbres, la tache maintenant est de trouver des propriétaires pour ceux-ci. Il n'y donc pas de saisonnalité.

Le site Web continuera de fonctionner de la même manière à la fin de l'automne, pendant l'hiver et jusqu'au début du printemps prochain. La plantation des arbres se déroule plusieurs fois par année et prend moins de temps que de gérer le site Web et de servir nos clients.

 

Cette interview a été menée par Yevgeny Voropai. Mai 2013. Vous trouverez l'interview d'origine [ru] sur le site Web de Teplitsa de Social Technologies.

 

Australie : Tempête sécuritaire autour d'un demandeur d'asile égyptien supposé terroriste

lundi 10 juin 2013 à 15:11

Des accusations de ‘terrorisme djihadiste’ à l'encontre d'un demandeur d'asile égyptien alimentent une échauffourée politique dans la perspective des élections australiennes du 14 septembre 2013. Sayed Abdellatif est maintenu depuis près d'un an en détention de basse sécurité, en dépit d'une alerte rouge Interpol sur les condamnations sous le régime Moubarak en 1999.

Parmi les promesses électorales des partis de l'opposition, il y a le refoulement des bateaux de réfugiés et l'accroissement des crédits pour les services de renseignement et de sécurité. La Premier Ministre Julia Gillard a répliqué en ouvrant une enquête interne sur l'apparente faille de sécurité.

Beaucoup de choses ont été écrites sur le terroriste supposé Sayed Ahmed Maksoud Abdellatif. Entre autres, des accusations d'implication dans le financement d'Al-Qaida.

Mais il existe aussi un angle plus positif. Le 14 février 2012, IRIN, une agence d'information à but non lucratif financée par le Bureau de l'ONU pour la coordination des affaires humanitaires a tracé un portrait bien plus héroïque de ce réfugié, se péparant en Indonésie à s'embarquer pour une traversée périlleuse :

Sayed Ahmed Abdellatif, demandeur d'asile égyptien, marié, père de six enfants, dit qu'il est prêt à tout risquer pour atteindre l'Australie, et même sa famille.

…pour Abdellatif, 41 ans, qui encourt une possible extradition et une peine de 15 ans de travaux forcés en Egypte pour son appartenance religieuse, le risque en vaut la peine.

Le correspondant de Reuters pour la région Australie/Pacifique Rob Taylor a tweeté :

‏@ReutersTaylor: L'Egyptien Sayed Ahmed Abdellatif était si “dangereux” que son cas a été décrit par l'ONU comme une histoire de malchance ! http://www.irinnews.org/report/94852/i

Ian Rintoul de la Refugee Action Coalition Sydney conteste également le dossier Abdellatif :

Un défenseur des réfugiés a appelé le chargé de l'Immigration de l'opposition Scott Morrison à cesser sa chasse aux sorcières du “terrorisme”, et le gouvernement à enquêter sur la divulgation d'informations par la police fédérale australienne.

Affirmer que ‘un assassin condamné’ a été en rétention dans des installations de basse sécurité de l'immigration est une contre-vérité pure et simple. Ce demandeur d'asile n'a jamais été condamné pour meurtre ni pour aucune charge particulière de terrorisme.

La vendetta de Scott Morrison contre l'ASIO et le gouvernement travailliste conduit au ‘procès médiatique’ d'un demandeur d'asile égyptien dont le droit à protection n'a pas encore été examiné par le département de l'Immigration.

A l'inverse, le blog du vétéran du Vietnam Kev Gillett y va de sa mise en garde d'ancien militaire qu'il faut défendre les frontières :

Tous ceux qui y jouent leur peau ou ont un intérêt dans la sécurité de l'Australie clament unanimement que laisser entrer dans le pays les gens qui arrivent par bateaux et ont détruit leurs papiers d'identité en cours de route est dangereux. Ces ‘boat people’ ne sont pas tous ce qu'ils veulent faire croire.

La twittersphère australienne a relevé le gant. Après avoir lu Doutes sur les condamnations d'un demandeur d'asile égyptien au coeur d'une tempête politique par le nouveau Guardian Australia le 7 juin, Andrew Watson a accusé le chef de l'Opposition Tony Abbott et son Parti libéral :

‏@Andy_Downunda: #auspol On peut raisonnablement penser que Sayed Abdellatif est un #patsy [victime] de Hosni Moubarak. http://www.guardian.co.uk/world/2013/jun/07/conviction-egyptian-asylum-seeker?CMP=twt_gu@TonyAbbottMHR #myliberal

Une attaque qui a laissé froid Todd Kirby :

‏@toddkirby: oh là là pourquoi tous les gauchistes s'excitent sur cet article du Guardian à propos de Sayed Abdellatif ? http://m.guardian.co.uk/world/2013/jun/07/conviction-egyptian-asylum-seeker?CMP=twt_gu

En attendant, c'est l'impasse pour les demandeurs d'asile exaucés en Australie qui n'obtiennent pas l'autorisation de sécurité de l'ASIO (l'Australian Security and Intelligence Organisation, l'Agence australienne de sécurité et de renseignement)

Amnesty International expliquait en 2012 :

…ils doivent passer une évaluation de sécurité de l'ASIO, mais cette procédure est problématique. L'ASIO est notoirement cachottière sur ses conclusions, et les réfugiés avec une évaluation de sécurité négative n'ont aucune possibilité de la contester.

Que se passe-t-il pour ceux qui ne se voient pas accorder l'autorisation de sécurité ?

C'est très simple : ils sont bloqués en détention, et ce peut être à perpétuité. L'administration australienne ne peut pas les renvoyer chez eux à cause de leur statut de réfugié, et ils ne peuvent entrer en Australie.

Comme l'indiquait Amnesty, il existe à présent une procédure indépendante d'examen, mais si celle-ci échoue, les réfugiés sont maintenus indéfiniment en détention de sécurité.

Rally to support refugees

Manifestation de solidarité avec les réfugiés
Photo avec la permission d'Indymedia licence CC BY-NC-SA

L'inévitable absence de transparence qui enveloppe le travail des services de renseignement et de sécurité s'applique au réexamen par un ancien juge du tribunal fédéral. Takver s'est joint en avril 2013 à la critique permanente sur Indymedia :

55 demandeurs d'asile ont le statut de réfugiés mais sont dans les limbes de l'immigration à cause d'évaluations de sécurité négatives par l'ASIO sans droit de faire appel ni possibilité de contester les sources de l'ASIO.