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Facebook reconnaît sa lenteur à traiter le discours de haine en Birmanie

mercredi 22 août 2018 à 00:23

“Un moine utilise son téléphone à la pagode Shwedagon à Yangon, en Birmanie.” Photo et légende par Remko Tanis. Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)

Facebook a écrit le 15 août 2018 que son action contre la désinformation, les fausses nouvelles et le discours de haine a été lente et inadéquate :

The ethnic violence in Myanmar is horrific and we have been too slow to prevent misinformation and hate on Facebook

La violence ethnique au Myanmar est horrifiante et nous avons été trop lents à prévenir la désinformation et la haine sur Facebook.

L'entreprise a invoqué des problèmes techniques et d'autres raisons ayant fait qu'elle n'a pas réussi à traiter efficacement la désinformation en Birmanie (Myanmar) :

The rate at which bad content is reported in Burmese, whether it’s hate speech or misinformation, is low. This is due to challenges with our reporting tools, technical issues with font display and a lack of familiarity with our policies.

Le rythme des signalements en birman de mauvais contenus est lent, qu'il s'agisse de discours haineux ou de désinformation. Cela est dû à des difficultés avec nos outils de signalement, à des problèmes techniques d'utilisation de polices de caractères et à un manque de familiarité avec notre politique.

Lors de son audition par le Sénat des États-Unis en avril 2018, le directeur général de Facebook Mark Zuckerberg a vanté les progrès de sa compagnie pour résoudre la propagation de discours de haine dans des pays comme le Myanmar (Birmanie).

Pourtant, six collectifs de la société civile ont signé une lettre contredisant l'affirmation de Zuckerberg tout en soulignant les “failles intrinsèques” dans la capacité de Facebook à réagir aux urgences. Zuckerberg a été prompt à s'excuser et s'est engagé à en faire plus pour empêcher des groupes d'utiliser Facebook pour promouvoir la violence et la discrimination religieuses en Birmanie.

L'utilisation de Facebook connaît un essor depuis les dernières années, mais a aussi mené à une vaste dissémination de fausses rumeurs, de discours de haine et d'autres formes de désinformation visant la minorité musulmane du pays, et particulièrement la population apatride des Rohingya.

Les groupes extrémistes bouddhistes ont été accusés de fomenter la haine et l'intolérance contre les Rohingya, entraînant des affrontements violents, l'exode des habitants musulmans de l'État Rakhine, et l'intensification de la persécution en ligne contre les minorités.

Le gouvernement du Myanmar refuse de reconnaître les Rohingya comme l'un des groupes ethniques du pays, et les considère comme des immigrants illégaux.

Des responsables de l'ONU n'avaient pas attendu le témoignage de Mark Zuckerberg devant le Sénat des Etats-Unis pour reprocher à Facebook son échec à empêcher le discours de haine en Birmanie.

Marzuki Darusman, qui préside la Mission internationale indépendante de recherche des faits sur le Myanmar a rapporté le 12 mars 12 :

[H]ate speech and incitement to violence on social media is rampant, particularly on Facebook. To a large extent, it goes unchecked.

Le discours de haine et l'incitation à la violence sont endémiques sur les réseaux sociaux et surtout sur Facebook et restent en grande partie incontrôlés.

Le rapporteur spécial sur les droits humains au Myanmar Yanghee Lee a déclaré aux membres de la 37ième session du Conseil des Droits de l'Homme :

[T]he level of hate speech, particularly on social media, has a stifling impact on asserting sensitive and unpopular views.

Le niveau du discours de haine, en particulier sur les médias sociaux, a un effet inhibiteur sur l'affirmation d'opinions sensibles et à contre-courant.

Une récente information de Facebook permet de visualiser les mécanismes mis en oeuvre dans les cinq derniers mois pour traiter les discours de haine et la désinformation, avec les programmes suivants exécutés par Facebook :

In the second quarter of 2018, we proactively identified about 52% of the content we removed for hate speech in Myanmar.

As of this June, we had over 60 Myanmar language experts reviewing content and we will have at least 100 by the end of this year.

We proactively identified posts that indicated a threat of credible violence in Myanmar. We removed the posts and flagged them to civil society groups to ensure that they were aware of potential violence.

Au deuxième trimestre de 2018, nous avons identifié de façon proactive environ 52 % du contenu que nous avons supprimé pour discours de haine au Myanmar.

Depuis juin dernier, nous avons 60 spécialistes de langues du Myanmar pour examiner les contenus et nous en aurons 100 d'ici la fin de l'année.

Nous avons identifié de façon proactive les posts indiquant une menace de violence crédible au Myanmar. Nous avons retiré les posts et les avons signalés aux groupes de la société civile pour assurer qu'ils aient connaissance de leur potentiel de violence.

Le communiqué de Facebook a été émis au lendemain de la publication par Reuters d'un article consacré aux ‘maigres’ ressources allouées par la compagnie pour répondre aux plaintes relatives au discours de haine en Birmanie. Reuters a aussi identifié un millier de posts avec du contenu de discours de haine toujours accessibles sur Facebook pendant la première semaine d'août.

Maintenant que Facebook reconnaît le lien entre le discours de haine et les violences infligées aux groupes minoritaires en Birmanie, reste à savoir dans quelle mesure les actions de la compagnie vont mettre fin à la propagation de contenus haineux. Cela devrait en tous cas enhardir les groupes de la société civile et les autres défenseurs des droits humains pour accroître la pression sur Facebook et les autres plates-formes numériques afin d'empêcher la publication et la diffusion sur les ondes de la désinformation en Birmanie et dans le reste du monde.

Au Pakistan, des animaux torturés pour la communication des politiciens en période électorale

mardi 21 août 2018 à 03:11

Un chien enveloppé dans la bannière d'un parti politique est abattu. Capture d'écran d'une vidéo publiée sur Facebook et partagée par l'ONG protectrice des animaux Innocent Pets Shelter Welfare Society.

[article d'origine publié le 13 août 2018] Plusieurs images et vidéos partagées en ligne montrent que pendant et après les élections législatives du 25 juillet 2018, des animaux ont été torturés par des militants pakistanais cherchant à transmettre de clairs messages politiques.

Des animaux vêtus aux couleurs d'opposants politiques ont été peints, battus ou tués au coeur d'une campagne déjà bien marquée par la violence. Différents attentats à la bombe visant des rassemblements politiques ont en effet coûté la vie à plus de 150 personnes en amont du vote du 25 juillet.

Les sondages électoraux promettent actuellement une majorité de sièges au parti Pakistan Tehreek-i-Insaf (“Mouvement du Pakistan pour la Justice”, PTI), qui vaincrait ainsi les anciens dirigeants de la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N). Cela devrait propulser le fondateur du PTI et ex-joueur de cricket Imran Khan au rang de Premier ministre.

Dans une vidéo [Avertissement : contenu violent ou explicite] devenue virale sur les réseaux sociaux le 27 juillet, un chien enveloppé dans un drapeau du PTI se fait tirer dessus à trois reprises par un homme portant le drapeau du Parti Qaumi Watan (QWP), apparemment entouré d'autres partisans du candidat perdant.

Face à la colère des internautes, la police de la province de Khyber Pakhtunkhwa a réagi et arrêté deux suspects dans la ville de Bannu – où la vidéo a été tournée – puis a rendu publique la confession des deux hommes.

La police de Bannu a répondu dans les 12 heures et travaillé toute la nuit pour finalement arrêter à 6h45 les 2 coupables, accusés d'avoir torturé et tué l'animal et d'en avoir fait une vidéo. La police de KP remercie les internautes d'avoir dénoncé cet acte.

Adoptée en 1890, la Loi sur la prévention de la cruauté envers les animaux au Pakistan avait justement été amendée un peu plus tôt cette année, permettant de sanctionner les coupables par des amendes plus élevées et jusqu'à trois mois de prison ferme. Ces nouvelles sanctions ont donc pu être appliquées pour la première fois dans le cadre de cette affaire.

Depuis, le candidat perdant – dont la photo se trouve sur le drapeau porté par les tireurs – a publié une vidéo (en pachtou, langue parlée par 15 % de la population pakistanaise) dans laquelle il condamne cet acte et affirme qu'il n'est en aucun cas lié aux hommes présents dans la vidéo.

Il a également soulevé l'idée que cette dernière ait pu être tournée par ses opposants pour le discréditer et a demandé qu'une enquête soit menée à ce sujet.

Dans son message vidéo, le candidat du QWP de Bannu a déclaré que l'évolution surprenante dans les résultats d'élections certainement truquées ne l'a pas autant affecté que la vidéo de cet anonyme cruel qui tire sur un chien portant le drapeau du PTI et prétend être l'un de ses partisans.

Sur une autre photo qui a également tourné sur Twitter, on peut voir un homme tenir une corneille par les pattes au milieu d'une foule célébrant la victoire locale du PTI :

Arbab Rahim, l'homme politique anti PPP, est appelé “Corneille noire” par les partisans du PPP parce qu'il a le teint foncé. Sur cette photo, des militants célèbrent la victoire du PPP en tuant/torturant une corneille.

A Karachi, des gens ont écrit le nom d'un concurrent politique sur un âne et battu l'animal. Grâce aux vives réactions des internautes, une équipe de la Fondation pour le Sauvetage des Animaux a pu intervenir et a accueilli l'âne dans son refuge, où il a été nommé Héros.

A la veille des élections, personne n'est à l'abri… pas même le plus vulnérable des animaux. Cet acte est un crime de haine. Un âne battu jusqu'au sang, frappé à la tête et dans l'abdomen à plusieurs reprises, le museau cassé, roué de coups jusqu'à ce qu'il s'effondre

Malheureusement, l'âne n'a pas survécu à ses blessures.

Notre Héros vient de nous quitter.
Il allait bien mieux depuis hier, il avait réussi à se lever tout seul, avait mangé de la nourriture en poudre malgré sa mâchoire cassée et réussi à boire par lui-même. Il était sous perfusion, multivitamines et antibiotiques. Ses blessures externes guérissaient.

Beaucoup de personnes ont réagi avec colère sur les réseaux sociaux devant toute cette cruauté à l'encontre des animaux. L'avocat Yasser Latif Hamdani a ainsi tweeté :

Je serais terriblement fier de ce pays si, pour une fois, le juge en chef du Pakistan prenait la bonne décision et réagissait de son propre chef face aux tueries inhumaines d'animaux pendant et après cette campagne électorale.

Durant les précédentes élections, en 2013, un tigre blanc que l'on faisait régulièrement défiler lors des rassemblement organisés par Mariam Nawazz – la fille de Nawaz Sharif, chef du PML-N – est mort d’épuisement par la chaleur.

Cette année encore, le candidat du PML-N a fait défiler un lion dans sa circonscription pendant les élections, suscitant de nouvelles critiques.

Dans une interview accordée à Global Voices, Naeem Abbas, responsable du plaidoyer à la Société Protectrice des Animaux (SPA), réfléchissait aux raisons pour lesquelles les agresseurs ne sont pas punis :

Animals have always been abused but this is the first time police have taken action in an animal abuse case. Also, we have a culture in which if someone is caught they get away by paying a bribe.

Les animaux ont toujours été maltraités mais c'est la première fois que la police réagit dans une affaire de mauvais traitements envers des animaux. Et dans notre culture, le coupable qui se fait prendre s'en sort en versant un pot-de-vin.

“Ce qui suit va vous horrifier au-delà de l'imagination la plus folle” : un témoin raconte les manifestations étudiantes au Bangladesh

dimanche 19 août 2018 à 00:42

Capture d'écran YouTube : des groupes d'étudiants protestataires gérent la circulation à Dacca, au Bangladesh suite à la mort accidentelle de deux adolescents provoquée par des bus se faisant la course.

Par Ahmad Saleh

Comme d'autres élèves du secondaire, Abdul Karim Rajib, 18 ans, et Dia Khanam Mim, 17 ans avaient des rêves et des projets pour leur vie. L'un voulait devenir officier de l'armée, l'autre, banquier. Le 29 juillet 2018, vers midi, les deux adolescents ont été tués dans les rues de Dacca, la capitale du Bangladesh, par trois bus faisant la course dans l'unique but d'arriver en premier et faire le maximum de profit en entassant autant de clients que possible dans leurs intérieurs déjà surchargés.

Il ne s'agissait pas d'un accident isolé. Chaque année, plus de 12.000 personnes perdent la vie dans des accidents de la route au Bangladesh, et ces chiffres ne sont que ceux qui sont recensés. 12.000 morts qui auraient été complètement évitées si les lois avaient été respectées. Qualifier de laxiste le respect du code de la route au Bangladesh est un euphémisme.

Embouteillage près du Nouveau Marché à Dacca, sauf les taxis pousse-pousse, qui n'ont pas le droit d'emprunter cette voie. PHOTO: b k via Flickr (CC BY-SA 2.0)

Toutefois, cette fois,nous avons dit qu'assez c'est assez. Des jeunes bangladais comme moi sont fatigués de craindre pour leurs vies dans les rues—apeurés d'être écrasés par un bus ou un camion tout simplement parce que le chauffeur accorde plus d'importance à gagner de l'argent qu'aux vies humaines. Nous sommes fatigués d'être des chaînes humaines sur les routes ignorées par nos gouvernants. Nous en avons assez des promesses sans suite de gens voyageant en classe VIP, sans jamais affronter la réalité précaire des déplacements sur les routes du Bangladesh.

Nous sommes donc descendus dans les rues pour protester.

Tout a débuté avec les élèves de l'école et du collège Shaheed Ramiz Uddin Cantonment , l'école secondaire de Rajib et Mim, à l'endroit de l'accident sur la route de l’ aéroport, juste quelques minutes après sa survenue. Le lendemain, ils se sont répandus à travers la ville et au troisième jour les manifestations se tinrent à travers toutes ses artères, avec des participants de presque toutes ses écoles.

Des étudiants manifestent contre la mort de deux des leurs dans un accident sur la route de l'aéroport de Dacca. Image via Wikimedia Commons par Asive Chowdhury CC: BY-SA 4.0

En investissant les principales intersections de la ville, nous avons protesté contre la mort de Rajib et Mim, en exigeant du gouvernement des mesures punitives exemplaires et la mise en oeuvre de règles de sécurité, en présentant nos revendications sur une liste de neuf points.

Nous nous sommes emparé de la gestion de la circulation, en veillant à ce que les véhicules restent sur leurs voies, circulent sur le côté droit de la route, et laissent libre la voie prévue pour les véhicules d'urgence. Nous nous sommes assurés peut-être pour la première fois dans l'histoire de notre nation- que les règles de la circulation étaient strictement appliquées, tous étant égaux devant la loi.

Captures d'écran sur Facebook montrant quelques résultats des efforts de gestion de la circulation des protestataires.

Nous avons empêché des membres du cabinet du Ministre du Commerce Tofail Ahmed de conduire du mauvais côté de la route. Nous avons arrêté l'inspecteur général adjoint de la police et avons constaté que son véhicule n'avait pas de certificat d'immatriculation, et son chauffeur pas de permis de conduire. Et lorsqu'un autre policier n'a pas pu présenter son propre permis de conduire, nous nous sommes assurés de sa sanction avec une amende par un de ses collègues. Ce n'est qu'une partie des infractions au code de la route que nous avons relevées parmi les milliers de voitures arrêtées. Et cela a été fait par des élèves à la fleur de l'adolescence, comme indiqué sans remords sur nos pancartes.

Ces protestations, à bien des égards, représentent l”unification majeure des étudiants de notre nation au delà des programmes d'études, du genre, et du statut social. Des étudiants d'Universités se sont joints à nous, et des parents et des tuteurs nous ont soutenus avec de l'eau et de la nourriture. Pour la première fois depuis des décennies, l'on a ressenti cet élan d'optimisme souvent assimilé à la jeunesse.

Un collage de photos prises sur Facebook. Gauche: un étudiant tient une pancarte où il est inscrit: “Nous ne voulons pas de vitesses d'internet à 4G, nous voulons une justice aux vitesses de 4G”; Au Centre: un étudiant tient une pancarte sur laquelle on lit: “Récolte exceptionnelle de citrons à Dinajpur”, sur le logo de BTV, une allusion au fait que la chaîne de télévision BTV n'ait fait aucun reportage sur les manifestations; A droite: Un dessin animé prend en dérision des étudiants ²prenant le contrôle de l'application du code de la route.

Samedi arriva et nous étions plus déterminés que jamais à continuer à protester. Le gouvernement avait alors déclaré qu'à ce stade il accepterait nos revendications, mais pas plus tard qu'en avril 2018, les mêmes dirigeants avaient fait des promesses à un autre groupe de manifestants, pour ensuite déformer les revendications initiales et les qualifier d'irréalisables. Nous avons refusé de quitter la rue tant qu'ils ne commenceront pas à réaliser nos revendications ou à nous présenter un plan d'exécution détaillé et solide. Nous avons continué nos manifestations. Jusqu'à ce que le Bangladesh Chhatra League (BCL), la branche étudiante de la ligue Awami du parti au pouvoir arrive sur les lieux.

Il s'agit officiellement d'encourager les jeunes à s'engager en politique et en changement social. En vérité, ce sont des groupes de jeunes gens fidèles au parti, qui en échange de faveurs politiques, agissent comme des gros bras embauchés par les autorités lorsque celles-ci souhaitent éviter le contre-coup international des répressions brutales des manifestations par ses organes officiels comme la police . Etant de fait une force gouvernementale, ils sont vraiment au dessus des lois, et n'hésitent pas à exercer leur impunité.

Ce n'était pas une surprise. Des rumeurs circulaient selon lesquelles le BCL planifiait d'inciter à la violence et que des imposteurs infiltreraient les manifestations en tenues scolaires. Le Ministre de l'intérieur avait déclaré que les forces de sécurité de l'Etat “n'assumeraient aucune responsibilité en cas d'acte de sabotage au nom du mouvement étudiant.”

Nous nous sommes renforcés en mettant en place certaines mesures. Nous nous sommes constitués en cercles concentriques, ceux étant à l'extérieur vérifiant les pièces d'identité des personnes voulant se joindre aux manifestants. Nous savions qu'il y avait un risque élevé de violence et que la police resterait là passive—ou même aiderait, comme elle le fit le 2 août lorsqu'un groupe d'assaillants non identifiés attaqua des étudiants à Mirpur dans le Nord Est de la capitale Dhaka.

Mais ce qui a suivi nous a horrifié au-delà de l'imagination la plus folle. Jigatola et ses environs dans le centre de Dacca sont devenus le théâtre d'un bain de sang.

L'intervention de la BCL semblait avoir été planifiée non seulement pour disperser la foule mais aussi pour infliger des blessures corporelles : des centaines d'étudiants ont été sérieusement blessés, comme en témoignent les images de cet article du Daily Star .Comme l'a rapporté Al Jazeera, des journalistes de plusieurs médias ont été agressés et même molestés, le BCL s'assurant de détruire autant d'images qu'il pouvait.

Ce qui est encore plus grâve, ce sont les récits non confirmés—en général à partir d'images des réseaux sociaux—sur le meurtre présumé d'au moins quatre étudiants et le viol de quatre étudiantes par le BCL. Des signalements circulaient aussi sur une prise d'otage d'étudiants par le BCL, et un rapport non confirmé mentionnait que les yeux d'une victime avaient été arrachés. Une communauté de vérificateurs de faits sur Facebook dénommée Jaachai (fact-check) a fait savoir que même si les signalements de passages à tabac, d'affrontements et autres étaient vrais, plusieurs images circulant avec des allégations de meurtre étaient fausses. Selon le Guardian britannique la police, avait arrêté une actrice bangladaise “pour diffusion de rumeurs après qu'elle a posté sur Facebook que deux manifestants avaient été tués et un autre s'était fait arracher un oeil.”

Les autorités répondirent rapidement aux signalements de violences. Une conférence de presse fut tenue en quelques heures pour nier que ces évènements horribles avaient eu lieu ou que quelqu'un avait été retenu en otage dans les locaux du BCL. Un porte-parole du BCL prétendant n'avoir joué aucun rôle dans les violences avait été photographié dans les manifestations en train de commettre les actes qu'il niait. Et “le représentant des étudiants” qui s'exprima durant la conférence de presse fut identifié sur des photos comme étant un membre du BCL portant un uniforme scolaire.

A la télévision, il y avait plus ou moins un blackout complet sur les actions du BCL. Le gouvernement avait commencé à sévir au début du mois d'août, évoquant la Politique nationale de radiodiffusion de 2014 et une litanie de lois antérieures, mais le 4 août les médias sont tombés dans l'obscurité. Le débit des données des téléphones cellulaires dans le pays baissa frénétiquement, paralysant les capacités de communication et d'organisation des manifestants .Et le gouvernement continua à nier d'être l'instigateur de la violence, en envoyant le texto suivant à de nombreux téléphones cellulaires dans le pays:

“Les informations faisant état de meurtres et viols d'étudiants à Jigatola dans la capitale ne sont pas fondées. Toute cette histoire est une fiction. Ne vous y fiez pas. Aidez la police en la renseignant sur les personnes qui diffusent ces fausses nouvelles – Le Ministre de l'intérieur”

Dimanche les protestations se sont poursuivies. De crainte pour leur sécurité ,beaucoup d'étudiantes sont restées à l'écart. La Première Ministre Sheikh Hasina, a réitéré lors d'une conférence de presse sur la technologie de la fibre optique, que les articles insinuant que l'État était le commanditaire de la violence, des meurtres et des viols étaient “des fausses nouvelles”.

A midi, ce jour, la plupart des manifestations à travers la ville avaient été réprimées par la police et le BCL, à l'aide de gaz lacrymogène et de cocktails Molotov. Les journalistes avaient été sommés de ne pas exercer de pression sur la police pour l'obtention d'informations. A Uttara, dans le nord de Dhaka, les manifestants ont réussi à contenir les assauts du BCL jusqu'à 16h.

Le gouvernement utilise la palette des pouvoirs de tous les organes dont il dispose pour réprimer les troubles le plus vite possible. Dimanche, le ministre de l'Intérieur a dit que les forces de l'ordre avaient “fait preuve de patience”, et que les manifestants ne devraient pas penser “qu'ils pouvaient dépasser les limites et que nous resterons les bras croisés à les regarder. Nous prendrons des mesures vigoureuses si les limites sont dépassées.” Et le ministre de l'Éducation a menacé de tenir les écoles responsables des manifestations de leurs élèves.

Nous voulons tout simplement des routes plus sûres pour ne pas nous inquiéter pour nos vies à chaque jour. Nous n'avons pas demandé l'adoption de nouvelles lois extraordinaires : tout ce que nous voulons c'est la stricte application des lois existantes adoptées par le Parlement lui-même. Mais le gouvernement a réagi par cette répression brutale. Et voilà que notre optimisme sans limite rencontre la triste réalité de notre pays.

Le lundi 6 Août, Human Rights Watch a publié une déclaration condamnant les actions du gouvernement bangladais et l'exhortant à “poursuivre ceux qui attaquent les enfants avec des bâtons et des machettes, y compris les membres de l'organisation des jeunes du parti au pouvoir.

Ahmad Saleh est un étudiant qui vit à Dacca, au Bangladesh.

La verbalisation du harcèlement de rue est-elle une réelle avancée pour les femmes françaises ?

samedi 18 août 2018 à 16:44

Photo de Magnus Franklin publiée sur Flickr sous licence CC BY-NC 2.0.

Le mercredi 1er août dernier, le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a été adopté définitivement par l'Assemblée Nationale, à l'unanimité des votants.

L’une des mesures phare de la loi, portée par la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa, est de créer une contravention contre le harcèlement de rue, ou « outrage sexiste », défini ainsi :

Imposer à une personne tout propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante (Art. 621-1.-I.)

Les « outrages sexistes » sont désormais passibles d’une amende de 4e classe, allant de 90 euros en paiement immédiat à 750 euros, et même de 5e classe (jusqu’à 3 000 euros) en cas de récidive ou de circonstances aggravantes. Ces faits sont à différencier du harcèlement sexuel, passible en France de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende.

A l'étranger, l’adoption de la loi en France largement applaudie

Aux États-Unis, le groupe WomenForJustice appelle au vote d'une loi similaire :

Il nous faut une loi comme ça !

Le média anglophone AJ+, succursale d'Al Jazeera, fait part de son soutien à la loi à l'aide d'un gif éloquent :

Une nouvelle loi en France punit les sifflements et le harcèlement de rue d'une amende [pouvant aller jusqu'à] 870 dollars en paiement immédiat.

[gif: une femme s'exclame « Yassss [Ouiiiii] » en claquant des doigts]

Au Royaume-Uni, la journaliste et correspondante de The Guardian en Écosse Libby Brooks se félicite de l'adoption de la loi tout et déplore l'attitude de la police britannique vis-à-vis des violences sexuelles et sexistes :

La nouvelle loi française qui bannit le harcèlement de rue place la barre haut. Dommage que la police ait choisi de ne pas enregistrer les crimes haineux à l'encontre des femmes plus tôt ce mois-ci, mais il est peut-être encore temps pour Westminster d'agir ?

La journaliste pakistanaise et fondatrice de l'initiative féministe Laraka Larki, Manal Faheem Khan, appelle à la création d'une loi similaire au Pakistan :

La France vient d'adopter une loi qui punit les harceleurs de rue d'une amende payable immédiatement pouvant aller jusqu'à 870 dollars ! Pourrait-on avoir la même chose au Pakistan s'il vous plaît ? Pourquoi le harcèlement de rue n'est-il pas un crime ici ?

Même son de cloche sur le média en ligne indépendant chilien El Desconcierto :

Et au Chili c'est pour quand ? La France adopte une loi contre le harcèlement de rue alors que la vidéo d'un agression contre une universitaire fait le tour du Net

Au Mexique, le média Nación321 envie cette nouvelle législation à la France :

La loi contre le harcèlement que nous devrions copier à la France

En France, une loi remise en question de toutes parts

Pourtant dans l'Hexagone, de nombreuses voix se sont élevées dès la présentation du projet de loi afin d'en pointer les manquements et de dénoncer des effets d’annonce de la part du gouvernement d'Emmanuel Macron.

Dans l'émission radio de fact-checking Vrai-Faux d’Europe1, la journaliste Géraldine Woessner évoque l'inefficacité de lois similaires adoptées par d'autres pays européens :

Plusieurs pays ont mis en place des lois contre le harcèlement de rue, et les bilans ne sont pas glorieux. Au Portugal, où la loi est en place depuis 2015, les signalements sont nombreux, mais il n’y a eu à ce jour, selon la presse portugaise, aucune condamnation. On recense 31 amendes infligées dans l’année en Finlande, sur 550 affaires, et en Belgique, 3 seulement depuis que la loi est en place (2014). […] selon les policiers belges que nous avons contactés, la loi est dure à appliquer : il n’y a jamais de flagrant délit (les gens se retiennent quand la police est là), et le temps que la victime trouve une patrouille, que cette patrouille arrive : soit les auteurs sont partis, soit ils nient.

Du côté de la police, on remet en cause l'applicabilité d'une telle loi. Dans un entretien avec Le Figaro - média plutôt marqué à droite – la fonctionnaire de police et déléguée syndicale Linda Kebbab fait entendre le point de vue des forces de l'ordre à la veille de l'adoption de la loi :

En matière d'outrage sexiste, il est peu probable que les policiers déjà submergés – allons-nous devoir rallonger leurs journées? – puissent rester planqués au coin d'une rue ou patrouiller à pied dans l'attente de constater, et ce dans le plus grand des hasards, un outrage sexiste en flagrant délit. Croire qu'on pourra mettre en place une police du flagrant délit pour ce genre de contraventions est totalement utopique.

Le magazine féministe en ligne Madmoizelle.com souligne pour sa part que les policiers font parfois partie du problème, comme le prouvent de nombreux témoignages publiés sur le Tumblr Paye Ta Police.

Capture d'écran d'un témoignage anonyme publié sur le Tumblr Paye ta police

Les manquements du projet de loi dénoncés dès l'ouverture des débats

Lors de la discussion du projet de loi en septembre 2017, un article de L'Obs relayait les inquiétudes d'Anaïs Bourdet, fondatrice de Paye Ta Shnek (page Facebook qui recense des témoignages de femmes harcelées) :

  • Le problème de la preuve :

La militante fait remarquer qu'aujourd'hui les femmes qui se plaignent au commissariat font déjà face à cette question. Comment prouver qu'elles ont été harcelées ?

  • Confrontation victime/harceleur

Les militantes craignent qu'on confronte les victimes à leurs agresseurs, avant de relâcher tout le monde dans la rue, exposant ainsi les victimes à une vengeance possible.

  • Délit de faciès

« Le risque, c'est que ce soient toujours des hommes non blancs qui soient stigmatisés. »

  • Former les forces de l'ordre

Quinze chercheuses et chercheurs se sont également positionnées contre la pénalisation du harcèlement de rue dans une tribune publiée sur Libération :

[…] en France, les insultes, le harcèlement et les atteintes physiques et sexuelles sont déjà considérés comme des infractions. Pourquoi alors créer une infraction spécifique quand il suffirait de former les acteurs de terrain pour les amener à changer leurs pratiques ? Alors que la chaîne pénale a déjà du mal à prendre en compte les crimes de viol et d’agressions sexuelles, mieux vaudrait développer la formation des personnels de police, des juges et des avocats pour expliquer les rouages des violences sexuelles et le continuum existant entre toutes ces formes de violence, dans tous les espaces sociaux.

On peut donc légitimement se poser la question de la volonté de pénaliser, alors même que les coupes budgétaires drastiques de ce gouvernement affecteront les associations féministes de promotion des droits des femmes, et notamment celles qui se trouvent au cœur des dispositifs de lutte contre les violences de genre.

Suite à l'adoption du texte au début du mois d'août, l'association Stop harcèlement de rue déplore dans un communiqué une occasion manquée de réellement faire reculer le harcèlement de rue :

En ce qui concerne le harcèlement de rue, nous avions dénoncé depuis la présentation de ce projet le faux-semblant et l’inopérance de la verbalisation, et appelé à une politique de prévention, d’éducation et de formation visant à rendre l’espace public aux femmes. Nous étions sur ce point aligné.e.s avec l’ensemble des associations et autres experts du sujet, mais la Secrétaire d’État, appuyée par sa majorité parlementaire, n’en a tenu quasiment aucun compte, et est même revenue en arrière sur des améliorations amenées par le Sénat, notamment la requalification de l’outrage sexiste en délit, qui aurait au moins permis le dépôt de plainte a posteriori pour ce fait.

Des craintes que cette loi cible en priorité les personnes racisées

Dans un article publié sur Slate, la journaliste américaine Christina Cauterucci alerte sur le danger du délit de faciès :

In France, as in the U.S., police forces have brutalized and killed black men with impunity, making communities of color wary of giving officers of the law more reasons to make arrests. In all likelihood, police officers and prosecutors will disproportionately enforce any street-harassment law against men of color, as they do with every other civil and criminal offense. And they could easily use such a law as pretext for stepping up surveillance and policing of already-marginalized communities.

En France, comme aux États-Unis, les forces de police ont brutalisé et tué des hommes noirs en toute impunité, rendant les communautés de couleur rechignent/XX à donner aux représentants de l'ordre davantage de raisons de procéder à des arrestations. Selon toute vraisemblance, les policiers et les procureurs appliqueront n'importe quelle loi pénalisant le harcèlement de rue de façon disproportionnée à l'encontre des hommes racisés, comme ils le font déjà pour tous les délits et crimes. Et ils pourraient facilement utiliser une telle loi comme un prétexte pour augmenter la surveillance et les contrôles de communautés déjà marginalisées.

Ce raisonnement fait écho au positionnement de l'association féministe Lallab, dont le but est de faire entendre les voix des femmes musulmanes en France, cibles d’une double oppression raciste et sexiste. En octobre 2017, alors que la loi portée par Marlène Schiappa était débattue, Lallab publiait un article intitulé « 8 raisons de s’opposer à la pénalisation du harcèlement de rue », dans lequel l'association évoque entre autres le manque de formation des agents de police, la difficulté de prouver les faits de harcèlement et le risque de renforcer le délit de faciès :

Le harcèlement de rue, bien qu’étant le fait d’hommes de toutes catégories sociales et de toutes origines, est largement et abusivement associé à une population d’hommes de classe populaire et/ou racisés – or, ceux-ci sont déjà fortement criminalisés, surveillés et brutalisés par la police. Nous imaginons aisément que le déploiement de 10 000 agent·e·s supplémentaires ne se fera pas dans le 16ème arrondissement de Paris, mais dans les quartiers populaires, pour ainsi renforcer la surveillance policière sur les populations qui y habitent. […] Refusons que le féminisme soit instrumentalisé pour renforcer les dérives racistes et sécuritaires de l’État français.

Le groupe de réflexion Queer & Trans Révolutionnaires (QTR) et le collectif afroféministe Mwasi s'étaient également opposés à l'idée d'une loi pour pénaliser le harcèlement sexiste dans la rue dans un communiqué publié sur Mediapart :

Les témoignages de femmes dont la police refuse ou décourage les plaintes pour viol sont nombreux, et dans l’expression de sa brutalité, envers les femmes comme les hommes, la police manifeste, en plus de son caractère éminemment raciste, sa dimension profondément sexiste, homophobe et transphobe. C’est donc cette police qui sera en charge de pénaliser le harcèlement de rue ? Quelles catégories sociales de femmes verront alors leurs plaintes entendues ? Contre quelles catégories sociales d’hommes ? Il n’est pas sûr qu’une femme noire migrante puisse faire appel à la police pour que soit pénalisé le harcèlement d’un homme français, blanc, de classe supérieure dans l’espace public.

Au-delà du harcèlement, une loi problématique sur de nombreux aspects

Si la section sur la verbalisation du harcèlement de rue a focalisé le plus d’attention, la loi comprend d’autres mesures — notamment sur les infractions sexuelle sur mineurs ou les délais de prescription des crimes de viol — loin de remporter l’adhésion des groupes féministes.

Sur Twitter, le Groupe F, qui lutte contre les violences sexistes et sexuelles, liste les grands absents de la loi :

Dans un communiqué publié sur leur site, intitulé « Déception », le Groupe F fait part de leur verdict sans appel :

Nous attendions beaucoup de ce texte qui sera sans doute la seule loi du quinquennat d’Emmanuel Macron sur ce sujet. […] Raté. Le texte de loi, accompagné d’un grand renfort de communication, se révèle bien pauvre. Son impact sur nos vies sera minime, voire nul.

La Fondation des femmes renchérit :

En attendant de voir si les inquiétudes exprimées à la fois par associations féministes et intersectionnelles, universitaires, journalistes et militant·e·s se confirment, le mouvement #NousToutes s'organise sur les réseaux sociaux et prévoit d'organiser une « déferlante féministe » le 24 novembre 2018, veille de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

L'Amérique Latine est la région la plus meurtrière du monde. Cette série sur YouTube veut savoir pourquoi

vendredi 17 août 2018 à 11:54

Capture d'écran du premier épisode de la série, disponible sur YouTube.

Avec seulement 8 % de la population de la Terre, L'Amérique Latine compte 33 % de ses homicides, ce qui en fait le continent le plus meurtrier de la planète. Quelque 2,5 millions de personnes ont été assassinées dans la région depuis le début de ce siècle, soit plus de morts que dans toutes les guerres durant la même période.

Les dernières décennies ont vu plus de recherches sur le phénomène que d'essais de diffusion de leurs résultats dans le grand public. La chaîne YouTube colombienne La Pulla (en espagnol, “la vanne”) s'y essaie dans la série en sept épisode series “Tuer : le malheur de l'Amérique Latine” (en espagnol, “Matar, la desgracia de América Latina”).

Réalisée par des jeunes reporters du journal colombien plus que centenaire El Espectador, La Pulla creuse les sujets complexes en combinant analyses rigoureuses et humour mordant. Destiné à l'origine à destination des jeunes Colombiens, la chaîne parle à un auditoire de tous les âges, à l'intérieur comme à l'extérieur de ce pays particulier d'Amérique Latine.

La série “Matar”, sortie en juin 2017, s'est révélée l'une des plus populaires de la chaîne. Certains épisodes sont sous-titrés en anglais.

Dans le premier épisode, des invités spéciaux traitent du cas du Mexique. Le commentateur politique Jorge Roberto Avilés Vázquez, connu en ligne sous le nom de Callodehacha, explique que le problème ne se cantonne pas aux cartels de la drogue :

Un dato para el presidente Trump: casi la mitad de los vendedores de armas [estadounidenses] dependen de nosotros como clientes. En México, hay armas suficientes para repartir a uno de cada tres hombres […]. Y en la frontera, cada kilómetro hay dos tiendas de armas […] Si tú mezclas una cultura violenta, desigualdad económica y el narcotráfico, esto es lo que nos queda: una montaña de muertos.

Une information pour le président Trump : quasi la moitié des vendeurs d'armes [étasuniens] dépendent de notre clientèle. Au Mexique, il y a assez d'armes pour en distribuer une pour trois hommes. […] A la frontière, il y a deux magasins d'armes au kilomètre. […] Si on mélange une culture de la violence, les inégalités économiques et le narcotrafic, voilà ce que ça donne : une montagne de morts.

Certains épisodes s'attaquent à des aspects spécifiques du phénomène, comme les taux élevés des meurtres de personnes transgenre — l’espérance de vie de cette population dans la région est inférieure à 40 ans — ou aux représentations nocives du trafic et de la consommation de drogue par les médias et l'industrie du divertissement.

Dans un autre épisode, la série zoome sur Medellín, la ville colombienne célèbre pour son cartel de la drogue, mais aussi pour son rétablissement ultérieur, qui s'est traduit par une chute spectaculaire de son taux d'homicides depuis le début des années 2000

Les causes en sont complexes et toutes ne sont pas liées à des initiatives des autorités ou d'individus. Comme l'explique la vidéo, une constellation de facteurs a contribué à la transformation de la ville, faite d'investissements publics, d'engagement de la collectivité et de pactes entre les cartels de la drogue.

Dans cet épisode, artistes et leaders communautaires décrivent, avec leur expérience directe, les effets à long terme des projets artistiques et éducatifs dans leurs quartiers.

Daniela Arbeláez, du centre socio-culturel Casa de las estrategias (en espagnol, maison des stratégies), voit les choses ainsi :

… Nos hemos hecho muy muy duros frente a el tema de la violencia. [Llegamos a hacernos sentir] que no está pasando nada […Nos decimos] “eso es de esta cuadra para allá, no preguntemos, yo a esa cuadra no voy”. “No, se están matando entre ellos, pero yo no soy ellos”. Y los toques de queda, que es encerrar a la gente. Eso lo hacen las bandas ilegales, pero también en muchos momentos los ha hecho el Estado. Eso a mi me parece falta de creatividad, porque el Estado se está equiparando con [los métodos del crimen] y no con los procesos de base comunitaria […], que responden a otras cosas, a pasiones de las personas […a la necesidad de tener] lugares para enamorarse, maneras fáciles de salir del barrio, entrar… y recorrer toda la ciudad…

Nous nous sommes durcis sur le sujet de la violence. [Nous en sommes venus au sentiment] qu'il ne se passe rien. [Nous nous disons] “c'est arrivé dans ce bloc, pas dans celui-ci, ne posons pas de questions, je ne vais pas là-bas”. “Non, ils se tuent entre eux, je ne suis pas des leurs”. Et il y a les couvre-feu, qui revient à enfermer les gens chez eux. Ce sont les gangs qui les imposent, mais souvent, l’État le fait aussi. Ça me paraît un tel manque d'imagination, parce que l’État se fait l'égal [des méthodes des gangs du crime] au lieu des procédures collectives de base, […], [qui] répondent à d'autres choses, aux passions des personnes, [le besoin d'avoir] des lieux pour tomber amoureux, ou d'entrer et sortir facilement du quartier, de parcourir toute la ville…

D'autres vidéos explorer le cas du Venezuela, pris en ce moment dans les rets d'une inextricable crise politique et économique, L'Amérique centrale, avec son complexe problème de gangs, ou le rôle du système carcéral dans la violence et la criminalité urbaine.