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‘Combien êtes-vous payés?’ demandent les jeunes Nigérians à leurs députés

lundi 30 septembre 2013 à 11:40

Le 27 septembre 2013, une centaine de jeunes Nigérians ont manifesté dans les rues, ou plutôt dans les hémicycles de l’Assemblée Nationale pour exprimer leurs doléances sur le revenu et les allocations gonflés de leurs législateurs.

#OurNASS (Notre Assemblée Nationale) était une initiative du groupe de la société civile nigériane Enough is Enough [anglais] (“Ça suffit !”) et quelques internautes nigérians. Ils ont exigé [anglais] une plus grande ouverture financière de la part d’une législature opaque :

OURNASS

DEMANDONS

  1. Une ventilation complète immédiate de leur allocation budgétaire de 150 milliards de nairas pour 2013.
  2. Un compte-rendu des 1000 milliards de nairas reçus depuis 2005 avant les prochains congés en décembre.
  3. Des coordonnées fonctionnelles – numéros, adresses e-mail et adresses physiques de leurs bureaux de circonscription.
  4. TOUS les dossiers des votes sur TOUS les amendements constitutionnels.
  5. Nous exigeons que la liste des présences pour chaque séance plénière soit rendue publique.

Déterminer le montant exact qu’un législateur gagne, comme la plupart des questions qui nécessitent des données précises au Nigéria, est pratiquement “mission impossible”. Toutefois, le blogueur et commentateur nigérian, Akin Akintayo [anglais], offre un aperçu :

Contourner l’impénétrabilité de la rémunération pour les législateurs nigérians a été un exercice tout à fait difficile qu’aucune des organisations chargées de réglementer cette question ne semble comprendre.
 
Cependant, lorsque l’Economist a dévoilé au grand jour les salaires exorbitants des sénateurs nigérians il y a quelques semaines comme je l’ai écrit sur ce blog [anglais], le tumulte qui a suivi en particulier sur les réseaux sociaux a rendu impossible à ignorer et il fallait faire quelque chose.
 

Qu’est-ce que l’Economist a révélé ? En écrivant dans Nigeria Village Square, Femi Ajayi [anglais] explique:

Le magazine Economist a révélé que les législateurs fédéraux nigérians, avec un salaire de base de 189.500 dollars par an (30,6 millions de nairas), sont les législateurs les mieux payés du monde. Il a examiné le salaire de base des législateurs sous forme de ratio du Produit Intérieur Brut par personne dans le monde. Selon le rapport, le salaire de base (qui exclut les indemnités négligeables) d’un législateur nigérian est 116 fois supérieur au PIB par habitant du pays (1.600 dollars).

Dans un autre rapport, les 469 législateurs fédéraux (109 sénateurs et 360 membres de la Chambre des représentants) coûtent au Nigéria plus de 76 milliards de nairas en salaires annuels, indemnités et allocations trimestrielles. Chaque membre des 54 Comités sénatoriaux permanents, reçoit un paiement mensuel allant de 648 millions à 972 millions de nairas par an, alors qu’un membre de la Chambre des représentants reçoit 35  ou 140 millions de nairas d’allocations trimestrielles ou annuelles; ce qui signifie qu’estimativement 25% des frais généraux du budget national vont à l’Assemblée Nationale.

 
Ameh Ejekwonyilo dans un éditorial dans Rise Networks [anglais] (une entreprise sociale nigériane en faveur des  jeunes et des TIC) rappelle que :
[...] on comprendra la raison pour laquelle les membres de l’Assemblée Nationale ont demandé la tête de Lamido Sanusi Lamido, gouverneur de la Banque Centrale, qui a dit un jour que les législateurs fédéraux prennent environ 50% de notre budget national. Si vous juxtaposez les chiffres ci-dessus avec notre budget actuel, vous verrez clairement que les membres de l’Assemblée Nationale sont les fardeaux du Nigeria; parce qu’ils légifèrent sur les fonds publics qu'ils s'approprient, pillant ainsi le peuple aveugle.
 
La réaction des utilisateurs de Twitter concernant les manifestations #OurNASS variait naturellement. Kolawole Osafehinti (@kolaosafehinti), un ingénieur consultant, se demandait :

Comment diable peut-on justifier 300 mil/an en salaires pour 360 personnes au détriment de 120 millions de personnes dans la pauvreté ? Comment?

Royal Amebo (@RoyalAmebo) fait remarquer :

L’allocation trimestrielle de chaque membre de la Chambre des représentants a été augmentée à 27 millions de nairas en mars 2012. Est-ce qu’on surveille encore?

Nnamdi Anekwe-Chive (@nnamdianekwe), un spécialiste de la sécurité, voulait savoir quels sont les réalisations des Parlementaires :

Tous les membres de l’Assemblée Nationale sont un échec collectif. Qu’est-ce qu’ils ont accompli depuis 1999 à part se partager des milliers de milliards?

Zainab Usman (@MssZeeUsman), écrivain et blogueuse, a écrit :

Les jeunes Nigérians exigent de la transparence et de la responsabilité de la part de l’Assemblée Nationale.

Emerie Udechukwu (@emerieconqueror) a partagé un lien vers une vidéo de la manifestation :

Les sénateurs ont remis de vieilles fiches de paie aux manifestants d'#ournass.
 La manifestation a été approuvée par Nuhu Ribadu(@NuhuRibadu), ancien chef de l'agence nigériane anti-corruption :

 Oui, nous avons besoin de transparence et de responsabilité dans tous les secteurs. Je soutiens l’entière divulgation.

“Au Tadjikistan, une femme ne pourra être présidente qu'après la mort du dernier homme”

lundi 30 septembre 2013 à 00:04

[Billet d'origine publié en anglais le 20 septembre]

Au Tadjikistan, le mot “élections” faisait bailler d'ennui ; mais cela pourrait bien changer avec la prochaine course à la présidentielle. Pour la première fois dans l'histoire du pays, une femme brigue [anglais] la magistrature suprême. Oynihol Bobonazarova, une éminente juriste et militante des droits de l'homme, est entrée dans la course présidentielle le 9 septembre 2013, après qu'une coalition de partis d'opposition et d'ONG tadjiks l'a désignée sa candidate.

‘Ce qui pouvait arriver de mieux’

Oynihol Bobonazarova. Image by ASIA-Plus, used with permission.

Oynihol Bobonazarova. Source photo : ASIA-Plus, avec permission.

L'option présidentielle de Mme Bobonazarova – plus le fait qu'elle a le soutien du Parti du Renouveau Islamique du Tadjikistan [anglais] - a galvanisé l'opinion publique dans un pays ou le patriarcat est profondément enraciné. Si peu de gens croient à ses chances de remporter l'élection, de nombreux blogueurs et usagers des médias sociaux se félicitent du simple fait de sa présence dans la course.

Tomiris écrit [russe] sur son blog :

…[Я] думаю, что выдвижение Ойнихол Бобоназаровой единым кандидатом от оппозиции для участия в президентских выборах  это лучшее из всего, что могло произойти на этих выборах.

Я не настолько наивна, чтобы думать, что у ОБ есть хоть малейший шанс победить на этих выборах или хотя бы набрать четверть голосов. Нет, за неё мало кто проголосует. Но её выдвижение все равно лечшее из всего, что могло произойти.

Je pense que Ia désignation par l'opposition de Oynihol Bobonazarova comme candidate unique pour l'élection présidentielle est ce qu'il pouvait arriver de mieux dans ces élections.

Je ne suis pas assez naïve pour croire que OB [Bobonazarova] a la moindre chance de gagner ces élections ou d'obtenir le quart des voix. Non, peu voteront pour elle. Mais sa désignation est tout de même ce qu'il pouvait arriver de mieux.

Tomiris explique [russe] ensuite pourquoi l'entrée d'une femme dans la course à la présidence l'enthousiasme autant :

[Бобоназарова] хотя и проиграет, но покажет своим примером что женщина может претендовать на самые высокие политические должности в стране. Это будет иметь огромные, положительные и долго-срочные последствия для всех девушек и женщин в Таджикистане. У нас появится идеал к которому будут стремиться. А мучжчины возможно поймут, что к девушкам нужно относиться серьёзнее и что место женщины может быть не только на кухне, но и в президентском кресле.

Même en perdant, Bobonazarova montrera par l'exemple qu'une femme peut prétendre aux charges politiques les plus élevées du pays. Cela aura des conséquences immenses, positives et durables pour toutes les jeunes filles et femmes au Tadjikistan. Nous aurons un idéal vers lequel tendre. Et les hommes pourront comprendre qu'il faut prendre les filles plus au sérieux, et que la place des femmes n'est pas seulement à la cuisine, mais aussi dans le fauteuil présidentiel.

‘Seulement quand tous les hommes seront morts’

Si de nombreux usagers des médias sociaux dans le pays ont exprimé leur soutien à Mme Bobonazarova, un rapide coup d'oeil aux commentaires sur les forums d'actualités montre que bien plus nombreux au Tadjikistan sont ceux qui ne sont pas près à voter pour une femme.

Sous un article sur la nomination présidentielle de Bobonazarova paru sur ozodi.org, Sham écrit [tadjik, russe] :

Давлатро зан рохбари кунад? Наход дар байни онхо як мард пайдо нашуд, ки занро пешниход карданд? Это уже слишком!!!

Une femme pour diriger le pays ? Ils [les chefs de l'opposition] n'auraient pas pu trouver au moins un homme parmi eux au lieu de désigner une femme ? Trop c'est trop !!!

Dans la même veine, Mahmadullo affirme [tadjik] :

мардуми мо барои он ки зан сардори давлат шавад таер нест . Мумкин худи он кас таер бошанд аммо фахмиши мо менталитети мо дигар аст барои мо дар айни хол сарвари мард даркор …Хубаст ки занро пешбари мекунанд аммо холо барвакт аст.

Nos gens ne sont pas prêts pour une femme chef d'Etat. Peut être qu'elle [Bobonazarova] y est prête, mais notre mode de pensée et notre mentalité sont autres. Il nous faut un homme pour nous diriger en ce moment. C'est bien qu'ils aient désigné une femme [candidate à la présidence], mais c'est trop tôt maintenant.

Sur news.tj, Tokhir Muzhik ['l'homme'] demande [russe] ironiquement :

Женщина президент??? Разве уже первое апреля???

Une femme président ??? C'est déjà le premier avril ???

Et sous le billet de blog de Tomiris, Gafur affirme [russe] :

Лично я думаю что женщина сможет стать президентом только когда все мужчины вымрут в Таджикистане. Да и тогда навряд ли.

Personnellement je pense qu'une femme ne pourra devenir présidente que lorsque tous les hommes seront morts au Tadjikistan. Et même alors, c'est peu probable.

‘La Margaret Thatcher tadjique’

Il se trouve pourtant des internautes au Tadjikistan pour croire que Mme Bobonazarova pourrait gagner les élections et faire un bon dirigeant.

Réagissant à un commentaire selon lequel un homme devrait diriger le pays plutôt qu'une femme, Ramziya écrit [tadjik] sur ozodi.org :

мо дидем ки мардхо дар давоми хукумронишон ба кучо халку миллатро ватанро бурда расондаанд.

On voit ce que les hommes ont fait à notre pays et à notre peuple pendant leur période au pouvoir.

Benom ['Anonyme'] ajoute [tadjik] :

танҳо зан моро аз ин торики метавонад раҳо кунад.

Seule une femme peut nous sortir de ces temps noirs.

Tandis que Rustam prédit [tadjik] :

[Бобоназарова] Бехтарин номзад. Мо уро аз дилу чон табрик мекунем ва ба у овоз хохем дод. У Маргарита Течер ва Ангела Маркели точикон хохад буд.

[Bobonazarova] est la meilleure candidate. Je Iui adresse mes félicitations et je voterai pour elle. Elle deviendra la Margaret Thatcher et Angela Merkel tadjique.

Victoire improbable

Les attitudes patriarcales ne seront pas seules à empêcher Mme Bobonazarova de devenir présidente. Sur son blog, Mustafo évoque [russe] d'autres facteurs politiques et internationaux de poids qui rendent son succès aux élections hautement irréaliste :

Победить на ноябрьских выборах Бобоназаровой конечно не удастся. Этому есть целый ряд причин. Ну, во-первых, вопрос, который я сам себе недавно задавал: кто она вообще такая? Большинство людей, которые будут голосовать, не знают ее и поэтому не имеют ни малейшего представления о том, что она из себя представляет. Во-вторых, она женщина, а за женщину у нас не многие будут голосовать. Такое уж у нас общество, патриархальное. А в третьих, она довольно немолодой человек. Нашей республикой должен управлять кто-то помоложе, у кого будет достаточно сил ломать и перестраивать. У Бобоназаровой особой энергии не наблюдается.

Есть еще и четвертая причина. Бобоназарова долгое время возглавляла Фонд Сороса, то есть американскую неправительственную организацию, и сейчас возглавляет другую неправительственную организацию, которая занимается правами человека. Не думаю, что Россия позволит такому проамериканскому кандидату прийти к власти в Таджикистане. Да и наши чиновники и силовики не захотят видеть во главе государства человека, обеспокоенного правами человека.

Bobonazarova ne pourra évidemment pas gagner les élections de novembre. Il y a à cela toute une série de raisons. En premier, il y a la question que j'ai moi-même posée récemment : qui est elle d'abord ? La majorité des gens qui iront voter ne la connaissent pas et n'ont donc pas la moindre idée d'à quoi elle ressemble. Deuxièmement, c'est une femme, et peu chez nous voteront pour une femme. La société que nous avons est patriarcale. Et troisièmement, elle n'est pas assez jeune. Pour gouverner notre république, il faut quelqu'un de plus jeune, qui ait assez de force pour casser et reconstruire. Chez Bobonazarova cette énergie particulière n'apparaît pas.

Il y a aussi une quatrième raison. Bobonazarova a longtemps dirigé la Fondation Soros [anglais], une organisation non gouvernementale américaine, et à présent elle dirige une autre organisation non gouvernementale qui s'occupe de droits de l'homme. Je ne pense pas que la Russie permettra à une candidate aussi pro-américaine d'accéder au pouvoir au Tadjikistan. Et nos fonctionnaires et agents des services de sécurité ne voudront pas voir à la tête de l'Etat une personne qui se préoccupe des droits de l'homme.

Développer l'Amérique latine en 2013 : ‘Apps Challenge’ dans le social

dimanche 29 septembre 2013 à 19:36
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“Développer l'Amérique latine”

La Fundación Ciudadano Inteligente va lancer une nouvelle édition de son initiative régionale intitulée Développer l'Amérique latine [espagnol, comme les liens suivants], qui rassemble le travail de développeurs informatiques, spécialistes des questions sociales et d'autres personnes pour utiliser les données ouvertes et créer des applications au service de la communauté latino-américaine. Selon leurs propres mots :

Impulsamos aplicaciones innovadoras, sustentables, escalables y de alto impacto social. Celebramos a la comunidad de emprendedores, tecnólogos, desarrolladores y diseñadores, desafiándolos a trabajar en conjunto con sus gobiernos y organizaciones locales para co-crear soluciones que generen un cambio positivo para los ciudadanos. Fomentamos una cultura de creatividad, innovación y emprendimiento en América Latina.

Nous promouvons des applications innovantes, durables et mesurables, avec un fort effet social. Nous invitons la communauté des entrepreneurs, spécialistes en technologie, développeurs et concepteurs, en les encourageant à travailler conjointement avec leurs gouvernements et les organisations locales pour créer des solutions générant un changement positif pour les citoyens. Nous impulsons une culture de créativité, d'innovation et d'entrepreneuriat en Amérique latine.

Pour sa troisième édition, Développer l'Amérique latine (DAL) se transforme et tend à devenir un Hackathon pour ce qu'ils appellent un Apps Challenge, c'est-à-dire une événement de durée plus longue dans le but de développer de meilleures idées, obtenir des solutions plus concrètes et ainsi, parachever les applications les plus durables et mesurables.

Mais qu'est-ce qu'un Apps Challenge ?

Un Apps Challenge es una competencia entre aplicaciones. En el caso de DAL, es una competencia colaborativa que se realizará a lo largo de tres intensas semanas de desarrollo. Esta etapa está diseñada para dotar a los equipos de las herramientas que permitan desarrollar una aplicación innovadora y disruptiva. Realizaremos varias actividades con el objetivo de generar aplicaciones de alto impacto social.

Un Apps Challenge est une compétition entre applications. Dans le cas de DAL, c'est une compétition collaborative qui se tiendra durant trois semaines intenses de développement. Cet événement vise à fournir aux équipes les outils qui vont permettre le développement d'une application innovante et révolutionnaire. Diverses activités auront lieu dans le but de créer des applications à fort effet social.

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“Partageons nos idées et travaillons ensemble pour développer l'Amérique latine !”

DAL sera officiellement lancé le 5 octobre prochain ; “officiellement” car en réalité la coordination de DAL et les différentes équipes en charge de l'événement dans les pays participants (12 désormais) travaillent à sa préparation depuis plusieurs semaines. En fait, chaque équipe a planifié diverses activités qui auront lieu dans leurs pays respectifs au cours du mois d'octobre et, le 26 octobre, il y aura une journée de démonstration en plus de la sélection des trois meilleures applications par pays.

Mais ce n'est pas tout. Après cette phase, en partenariat avec Socialab, un incubateur de projet spécialisé dans les projets à fort effet social, cinq équipes seront choisies parmi les vainqueurs pour créer leurs projets durant trois mois, en les aidant à élaborer un business plan et trouver des fonds, entre autres :

  • Co-creación “en terreno” con sus potenciales usuarios y clientes.
  • Definición de áreas de impacto que el proyecto tendrá en la sociedad, estos son co-creados con la comunidad y usuarios en trabajos en terreno.
  • Capacitarse en metodología de innovación y emprendimiento (Lean Start-Up, Canvas Business Model, Design Thinking, etc.)
  • Búsqueda de financiamiento para la sustentabilidad de sus proyectos a través de distintos medios: inversionistas, crowdfundings, fondos concursables, entre otros.
  • Generación de redes con distintos actores relevantes para el proyecto.
  • Planes comunicacionales y financieros elaborados.
  • Co-création en situation réelle” avec leurs utilisateurs et clients potentiels.
  • Définition des champs d'intervention que le projet aura dans la société, ceux-ci sont co-créés avec la communauté et les utilisateurs en travail de terrain.
  • Formation à l'innovation et à l'entrepreneuriat (Start-up agile, canevas de modèle d'entreprise, apprendre à concevoir, etc.)
  • Recherche de fonds pour la pérennité de leurs projets par le biais de différents moyens : investisseurs, crowdfunding, fonds de concours, entre autres.
  • Création de réseaux avec divers acteurs pertinents pour le projet.
  • Elaboration de plans de communication et de financement.

Pour en apprendre davantage sur ce à quoi ressemblera DAL cette année et vous familiariser avec le processus des Apps Challenge, notre collaboratrice, Elizabeth Rivera, a rencontré Anca Matioc, Coordinateur régional de Développer l'Amérique latine. Ci-dessous la vidéo de cet entretien :

Dans l'entretien, Matioc relate la décision de DAL de muer d'un Hackathon, généralement de 36 heures, vers un Apps Challenge, qui s'étale sur une durée de trois semaines. En guise de réponse à la croissance de DAL au cours des deux dernières années, Matioc soulignait l'envie d'avoir des participants qui aillent au-delà de la création de prototypes d'applications pour leur donner la possibilité de créer des applications plus efficaces et abouties pour porter le changement social. Avec l’ Apps Challenge, qu'elle décrivait comme un “hackathon prolongé”, chacun des douze pays participants aura son propre calendrier d'activités et d'ateliers de travail, dont l'aboutissement sera les nominations lors de la Journée de démonstration et du Socialab. Actuellement, DAL continue ses préparatifs pour l'événement et la rencontre de ses décideurs pour discuter de leurs rôles en tant que parrains pour chaque équipe de participants.

DAL a déjà suscité de l'intérêt dans la région. Par exemple, ALT1040 cite cet événement et dit :

Este tipo de programas son ideales para impulsar pequeñas startups que pretenden resolver problemas comunes de la región. Lo interesante es que las aplicaciones pueden estar enfocadas tanto en solucionar un problema de tu país como hasta solucionar uno de Latinoamérica en su totalidad. Un reflejo de que podemos y queremos cambiar el mundo en el que vivimos, aunque tengamos que hacerlo una aplicación a la vez.

Ces genres de programmes sont parfaits pour inspirer les petites start-ups cherchant à résoudre des problèmes communs à la région. Ce qui est intéressant c'est que les applications peuvent viser la résolution d'un problème dans votre pays autant que d'en résoudre un dans l'ensemble de l'Amérique latine. Un reflet de l'idée que nous pouvons et voulons changer le monde dans lequel nous vivons, même si nous devons faire cela une application à la fois.

El Becario du blogue Código Espagueti s'interroge :

Sin duda, un gran reto para países en los que no todos tienen un smartphone o una tableta, aún así se trata de un gran esfuerzo que bien podría ayudar a mejorar las condiciones de vida en la región.

Sans aucun doute, un grand défi pour les pays où tout le monde n'a pas de smartphone ou tablette ; ainsi, c'est une initiative forte qui pourrait vraiment aider à améliorer les conditions de vie dans la région.

Si vous êtes un développeur et intéressé non seulement par un défi professionnel mais avez aussi dans le même temps la possibilité d'aider à résoudre des problèmes sociaux dans votre ville ou pays, tels que l'éducation, santé, sécurité publique et transports, entre autres, vous pouvez vous inscrire jusqu'au 4 octobre et participer à cet événement au niveau régional.

De notre côté, nous fournirons une présentation des détails de cette grande initiative.

Autres publications sur le sujet :

2011
Amérique latine en développement – 30 heures pour technologie et la société [espagnol]
“Amérique Latine en Développement” : Un concours de logiciels libres

2012
Developing Latin America 2012
Pour en savoir plus sur les hackathons et les données ouvertes
Developing Latin America Draws Near!
Day 1 of Developing Latin America 2012
Day 2 of Developing Latin America 2012
Winning Applications From Latin America's Biggest Hackathon

Sherman Alexie : “Inquiets concernant la surveillance ? Bienvenue chez les Amérindiens”

dimanche 29 septembre 2013 à 15:41

La version originale de cette publication est parue sur le site du Centre américain PEN (PEN American Center).

Cette semaine, l'auteur Sherman Alexie s'est joint au PEN American Center et à l'association bibliothécaire américaine American Library Association lors d'une discussion en direct sur Google pour fêter la Semaine des livres interdits (Banned Books Week) aux Etats-Unis. Alexie est probablement mieux connu pour son roman de jeunesse Le premier qui pleure a perdu (titre anglais The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian), une autobiographie qui narre la vie d'un jeune étudiant Amérindien quittant sa réserve pour intégrer une école de Blancs. Le roman récompensé par le National Book Award a le double privilège d'être l'un des livres les plus fréquemment interdits et critiqués aux Etats-Unis chaque année depuis sa publication en 2007.

credit: Tulane Public Relations

Sherman Alexie. Photo de Tulane Public Relations, rediffusée avec autorisation.

Alexie n'est pas uniquement un écrivain de fiction mais aussi un poète et scénariste de talent qui s'exprime avec éloquence —et avec humour—sur un large pan de sujets, comme la censure, la sexualité, la pauvreté, la culture amérindienne et les libertés citoyennes. Il s'est senti particulièrement concerné lors des révélations survenues en juin 2013 concernant l'étendue de la surveillance par le gouvernement américain et il a été d'autant plus troublé de l'utilisation des nos données personnelles par des firmes multinationales. D'après lui, la surveillance a toujours été ressentie par les Amérindiens et les minorités américaines aux Etats-Unis, et le programme d'espionnage de la NSA n'est que l'exposition de la majorité des citoyens du pays à ce que les autres vivent depuis longtemps :

Lorsque l'on commence à parler d'un état de surveillance, d'une façon probablement générale, je suis inquiet et suspicieux à ce sujet. Mais je pense aussi : “Bienvenue dans la réalité des Amérindiens !” Tout d'un coup, ces Blancs ressentent un léger goût de ce qu'est être Noir, de vivre là où ils sont observés et jugés et potentiellement considérés comme suspects. Mais bien sûr que le gouvernement nous a espionnés. Je n'ai pas été choqué par la révélation. En fait, j'étais surpris que cela n'ait pas été à plus grande échelle.

La culture et la technologie d'Internet rendu tellement plus facile de nous espionner et nous y contribuons volontairement. Nous souscrivons à ces lieux. Google me fait peur et je suis sur Google. Facebook me fait peur. Je m'inquiète lorsque des intérêts capitalistes contiennent toute notre expression. Ce sont d'importantes entreprises dont la motivation première est l'argent, rien de plus normal, mais quand on parle des intérêts économiques, nous parlons de personnes qui ne sont peut-être pas franches envers leurs usagers. Donc je m'inquiète de tout cela. Je regrette que le plus grand vendeur de livres au monde aille en justice pour récupérer les enregistrements en ligne de la CIA. Souhaitez-vous vraiment acheter vos livres là même où se vendent les enregistrements de la CIA ? D'après moi, cela devient un phénomène mondial qui tend à tous nous contrôler. Je suis devenu un gauchiste, théoricien paranoïaque de la conspiration et cela m'a rendu paranoïaque. Cela m'a conduit à me sentir comme un Amérindien alors que je suis déjà un Amérindien.

La vidéo de la discussion en directe sur Google avec Sherman Alexie est disponible ici sur PEN.org. Vous pouvez écouter Alexie parler de la surveillance à partir la 32è minute.

Kola Tubosun: ¨Un livre électronique reste un livre¨

dimanche 29 septembre 2013 à 15:31

En mars 2013, les locuteurs du Yorùbá, une langue tonale parlée par plus de 30 millions de personnes au Nigéria ainsi qu'au Bénin et au Togo, avaient fait sensation en twittant dans cette langue. Le “Tweet Yorùbá Day” (Journée Twitter en Yorùbá) était une initiative visant à remettre à l'honneur cette langue sur Twitter. Le poète, journaliste et linguiste Kola Tubosun était parmi les organisateurs de cette journée.

Ce défenseur passionné de la littérature africaine et de l'usage des langues locales dans les médias sociaux est aussi éditeur indépendant pour le zine littéraire Author-Me.com et NTLitMag, et rédacteur littéraire pour le site d'opinion NigeriansTalk.org. Tubosun est présent sur Twitter (@baroka) et tient un blog de voyage. Son premier recueil poétique “Headfirst into the Meddle” (La tête la première dans la mêlée) a été publié en avril 2005.

Après une longue correspondance sur Internet, Nwachukwu Egbunike de Global Voices a rencontré Tubosun. Leur discussion a porté sur les langues africaines, la littérature nigériane et la façon dont les nouvelles technologies bouleversent nos idées reçues sur le livre.

Nwachukwu Egbunike (NE): Vous êtes blogueur, journaliste, enseignant et linguiste. Pourtant, on se demande encore qui est Kola Tubosun…

Kola Tubosun (image used with permission)

Kola Tubosun (image reproduite avec sa permission)

Kola Tubosun (KT): Je suis tout ce que vous avez cité, mais pas seulement, bien sûr. J'ai aussi travaillé à la radio.

Je suis le cinquième enfant d'une famille de six. Je suis né à Ibadan, où j'ai été scolarisé, et j'ai grandi dans un contexte où il était facile, ludique et nécessaire de contiuer à s'exprimer, comme je le faisais dans mon enfance. J'ai fait une partie de mes études au Kenya et aux Etats-Unis.

Je suis journaliste parce que l'écriture est mon principal moyen de dialoguer avec le monde. Je suis linguiste parce que c'est ce que j'ai étudié, et ce en quoi je suis compétent. Ces deux activités sont à la fois des professions et des passions. Cependant, j'espère être connu comme quelqu'un qui utilise ses capacités et sa passion pour faire évoluer le monde dans le bon sens.

Je m'intéresse à beaucoup de choses que je trouve fascinantes mais ce qui me fait vibrer au quotidien, c'est de pouvoir créer ou accompagner des innovations dans le domaine de la technologie des langues et/ou la littérature. J'ai grandi au contact d'artistes, donc j'aime le journalisme et la radio. Mon intérêt ou ma passion pour les blogs se rattache à ce passé. Cela explique aussi mon intérêt pour le journalisme littéraire. J'écris des poèmes et je suis en train de finaliser un recueil sur lequel je travaille depuis plusieurs années.

Cela fait un moment que j'ai arrêté de vouloir me plier à une description. J'espère que ça ira.

NE: Vous étiez parmi les organisateurs de la journée Twitter en Yoruba. Quelles ont été les principales victoires de cette initiative?

KT: Pour moi, le premier succès a été d'attirer l'attention de Twitter. Cela s'est produit en mars 2012, lors de la première journée Twitter en yoruba pendant laquelle nous avions mis la pression sur Twitter pour que le yoruba soit inclus dans la liste de langues dans lesquelles la plateforme allait être traduite. La réponse fut une promesse par Twitter de s'en occuper “dans les mois à venir”. Même si cela n'a pas été aussi loin que nous l'aurions souhaité, cela m'a encouragé à continuer de travailler sur ce projet, cette fois pour célébrer l'usage du yoruba au 21ème siècle. Etant linguiste, cela m'intéresse d'observer les tendances dans l'usage contemporain de la langue et la journée annuelle Twitter en Yoruba me donne une occasion de le faire.

Depuis la première journée Twitter en Yoruba, il y a par ailleurs eu plusieurs nouvelles encourageantes : Apple a inclus le yoruba parmi les langues pouvant être utilisées sur les iPhones (et aussi les iPads et iPods, j'imagine). C'est impressionnant de voir des langues africaines enfin représentées et reconnues de cette façon. Le mois dernier, j'ai aussi appris que Google Translate allait ajouter le yoruba à la liste des langues traduites. On peut désormais traduire de l'anglais vers le yoruba et vice-versa. Le système n'est pas encore complètement au point, comme je l'ai écrit dans un billet de blog, mais ces premiers pas sont très encourageants. Je suis heureux de faire partie d'un mouvement qui, en faisant émerger ces sujets, aide à réaliser des avancées.

NE: Comment les locuteurs du Yoruba utilisent-ils Twitter?

KT: Comme tout le monde. Ils alternent avec l'anglais ou toute autre langue répondant à leur besoin du moment. C'est très bien comme ça. Je crois qu'il est important de souligner que notre intention au début du projet Twitter en Yoruba n'était pas de transformer chaque locuteur du yoruba en “twittos” monolingue. Non, c'était plutôt d'encourager l'usage des langues locales partout dans le monde et d'améliorer la perception actuelle de ces langues. Le yoruba se trouve être la langue que je connais le mieux. Je m'intéresse à (et je suis toujours encouragé par) l'usage des langues locales où que ce soit, même en conjonction avec d'autres langues internationales, jusqu'à ce que l'idée selon laquelle l'une d'entre elles serait inférieure du fait du nombre de ses locuteurs soit discréditée.

Mais si votre question porte sur la façon dont les gens qui participent à la journée Twitter en Yoruba utilisent Twitter, je dirais que c'est vraiment impressionnant. Je distinguerai trois catégories d'utilisateurs : les premiers sont des locuteurs très à l'aise en yoruba, capables de tenir des conversations dans cette langue (à l'oral comme à l'écrit) sans faire d'allers-retours entre le yoruba et d'autres langues. Ils ont une compétence de natif et peuvent traduire des textes de leur seconde langue (l'anglais) vers le yoruba. Au deuxième niveau, on trouve des locuteurs qui parlent couramment mais ne savent pas écrire couramment à cause d'un complexe vis-à-vis de l'utilisation des marques de tons [en Yoruba, les tons sont marqués à l'écrit par des accents placés sur les voyelles]. A cause de cela, la plupart d'entre eux participent en lisant et en diffusant les tweets, tout en déplorant leur manque d'aisance à l'écrit. Le dernier niveau concerne ceux qui n'écrivent ni ne parlent couramment pour toutes sortes de raisons. Ils peuvent avoir grandi dans un milieu qui ne les encourageait pas à utiliser cette langue, ou ne pas avoir reçu une éducation adéquate. Certains ont essayé quand même de profiter de la journée Twitter en Yoruba dans la mesure de leurs moyens tandis que d'autres sont restés là à nous insulter. Pour eux, c'était une façon de se venger de ceux qui étaient plus compétents qu'eux en yoruba en les rabaissant. J'ai trouvé tout cela fascinant.

NE: Pourquoi si peu d'Africains communiquent-ils en langues locales sur les médias sociaux?

KT: La raison évidente est le manque d'interlocuteurs. Si vous faites partie d'un réseau de personnes dans le monde entier, il est évident que vous allez communiquer dans une langue que la plupart des gens comprennent. J'espère cependant trouver un fil Twitter sur lequel on s'exprime seulement en Yoruba, ceci dit. En l'absence d'un tel fil, ce serait bien d'en trouver un où vous êtes sûrs d'entrée de jeu que l'audience est pré-sélectionnée. Vous n'irez pas suivre ce fil si vous ne voulez pas lire des tweets en yoruba. C'est simple. (Je viens de vous confier le prochain projet du mouvement Twitter en Yoruba :)). Ce serait bien que la même chose se produise pour les autres langues locales. Je connais beaucoup de Kényans sur Twitter qui twittent principalement en swahili. Cela contribue au dynamisme que représente Twitter. Mais il faut dire que l'usage exclusif du swahili (ou du zoulou, et quelques autres langues africaines) est commun parmi les citoyens éduqués dans ces pays, peut-être parce qu'ils n'ont pas les complexes que nombre d'entre nous avons en Afrique de l'ouest à propos de nos langues. Et la plupart des locuteurs monolingues du yoruba ne savent sans pas ce qu'est Twitter, et ne voient probablement pas l'intérêt de l'utiliser. Cela m'intéresse de créer des opportunités pour combler le fossé entre les personnes considérées comme “illettrées” selon la vieille définition “sachant lire et écrire” et les outils informatiques.

NE: Le Nigéria a produit de grands écrivains et continue d'évoluer grâce aux voix de nombreux jeunes talents. Que pensez-vous de la littérature au Nigéria et sur le continent?

KT: Pour quiconque s'intéresse à la littérature et au développement littéraire, c'est une belle époque, pas simplement à cause de la qualité de la production et du zèle des participants, mais aussi à casue de la présence des nouveaux médias et du dynamisme que cela permet pour la production de nouvelles formes et de nouveaux modes d'expression. Nous avons une nouvelle génération d'écrivains qui font un travail magnifique malgré d'immenses difficultés. C'est un succès. L'an dernier, le prix Caine a récompensé quatre Nigérians sur cinq lauréats (cinq écrivains d'origine nigériane si on considère Pede Hollist). Teju Cole, Chimamanda Adichie, Chika Unigwe, Igoni Barrett se débrouillent très bien et de nouvelles plumes émergent dans leur sillage : Emmanuel Iduma, Dami Ajayi, Ukamaka Olisakwe, Ayodele Olofintuade, etc. La Zimbabwéenne NoViolet Bulawayo a aussi été sélectionnée pour le Booker Prize et elle a des chances de l'obtenir. Je crois que nous sommes sur la bonne voie.

J'espère évidemment que les nouveaux médias gagneront leurs lettres de noblesse dans la critique littéraire établie. Ils ont déjà un impact en termes de nombre de lecteurs et de portée. Tant que le Booker, le NLNG, le Orange Prize, ou tout autre grand prix littéraire n'aura pas récompensé un auteur dont la plateforme est principalement en ligne, nous n'aurons pas atteint cet objectif. Je ne suis pas un chantre de la mort du livre, pas plus que les inventeurs de l'automobile n'ont été tuer tous les chevaux. Mais les juges des prix littéraires doivent commencer à regarder la qualité des productions sur les nouveaux médias et à y prêter attention. C'est l'avenir. Autant s'y habituer.

NE: Les médias sociaux peuvent-ils faire renaître la culture de l'écriture et de la lecture ? Vont-ils plutôt dans la direction opposée?

"The new media is the future. We may as well get used to it." - Kola Tubosun (image used with permission)

“Les nouveaux médias sont l'avenir. Autant se faire à l'idée.” – Kola Tubosun (image reproduite avec sa permission)

KT: Je crois que oui. Comme je l'ai dit précédemment, les médias sociaux facilitent déjà l'accès à la production littéraire pour des publics qui étaient jusqu'à présent ignorés. Les limites de notre temps d'attention dans le monde actuel, et tout ce qui entre en compétition pour cette attention, rendent les plateformes web très commodes pour partager et recevoir. Cela va peut-être changer la façon dont l'information est partagée et consommée. Cela va bouleverser nos idées reçues sur ce qu'est un livre – après tout, un livre électronique est bien un livre – mais l'impact global, c'est que l'information se diffuse à plus de personnes. Les gens qui sont attachés aux modes de publication traditionnels vont déplorer ce qu'ils considèrent comme une régression mais ils auront tort.

NE: Des critiques ont sonné le glas de la littérature africaine du fait de la tendance des auteurs à créer des récits de ‘pornographie de la pauvreté'. Que peut-on faire pour inverser la tendance?

KT: Il faut d'abord reconnaître que la pauvreté est actuellement une réalité et continue de l'être sur le continent africain (et ailleurs aussi). C'est pour cela que la littérature décrivant et reflétant cette réalité continuera d'exister (même longtemps après que la pauvreté aura cessé d'exister). Je vous renvoie aux innombrables films et livres sur les guerres européennes et américaines ou sur le cannibalisme dans les histoires de vampires ou à la littérature sur la royauté. Personne ne se plaint qu'il y en ait trop et ça devrait être la même chose quand il s'agit de la souffrance humaine. Tant que quelque chose nourrit un public et l'imagination, il y aura une production littéraire là-dessus. Si ce n'était pas le cas, des fims tels que Precious, La couleur pourpre, Autant en emporte le vent ou Slumdog Millionaire n'auraient pas eu autant de succès. L'important n'est pas que l'histoire reflète la pauvreté ou se situe dans un endroit où la pauvreté existe ou montre la misère comme cela a sans doute été fait mille fois auparavant. L'important, c'est que l'histoire nous racontre quelque chose d'autre que ce que nous savons déjà ou nous dise la même chose sous une forme émotionnelle et imaginative différente. C'est ça qui est plus important.

Sonner le glas ? Je ne crois pas. La littérature africaine va continuer d'exister tant qu'il y aura des Africains. Elle va également continuer d'être aussi diversifiée qu'elle l'est maintenant, reflétant les réalités et les imaginations du continent.

NE: Vous avez récemment été victime d'une violation de vos droits de propriété intellectuelle quand une de vos photos a été utilisée par un journal nigérian sans votre permission. Avez-vous fait appel à la Justice ?

KT: Non. Je me permets de vous diriger vers une interview que j'ai donnée à Critical Margins à ce sujet. J'ai appris que le dédommagement le plus élevé que je pourrais obtenir – même si je gagnais un procès qui me coûterait une fortune à poursuivre ainsi que plusieurs années productives de ma vie -, ne suffirait même pas à payer un avocat, donc je n'ai pas pris la peine de porter plainte. En revanche, j'ai obtenu une victoire temporaire sous la forme d'une attribution tardive par le journal. Je souhaite que les rédacteurs en chef fassent plus attention aux droits de propriété intellectuelle et que les journaux répondent aux réclamations plus rapidement qu'ils ne le font actuellement. Mais tant que les pénalités pour la violation des droits de propriété intellectuelle ne seront pas dissuasives, il n'y aura pas beaucoup de changement.

NE: Une discussion à l'échelle mondiale se développe autour du droit d'auteur et de la propriété intellectuelle, dont la mort tragique d’Aaron Swartz est un symbole fort. Pensez-vous que le même scénario soit présent sur le continent africain, au vu de votre expérience?

KT: Eh bien, habituellement, j'ai un point de vue progressiste sur l'accès à l'information. Je soutiens à 100% le principe du fair use, qui veut que l'information soit disponible à tout le monde et en tout lieu, pourvu que le créateur du contenu soit crédité. C'est pourquoi mon blog est répertorié sous Creative Commons, indiquant que l'on peut utiliser n'importe quel contenu publié sur le blog du moment que le site qui reprend le contenu mentionne la source. J'ai déjà eu maille à partir sur ce point avec un site populaire chez les jeunes Nigérians. Ils reprenaient des articles écrits pour des journaux nigérians sans mentionner la source. Ce n'est pas simplement répréhensible, c'est criminel, et je les ai mis sur la sellette à ce propos à plusieurs reprises.

Cependant, ce qui est arrivé à Aaron Swartz est une tragédie qui n'aurait pas dû se produire: voir un jeune homme menacé de peines aussi lourdes à cause de sa quête de savoir vous brise le cœur. Je crois que c'était aussi politique, peut-être à cause de son engagement contre SOPA etc. Quand on a pour seule ambition de se procurer des informations, ce qui dans ce cas ne faisait de mal à personne, je ne vois pas pourquoi on devrait être poursuivi en justice de la sorte. Je pense que l'information devrait être gratuite et accessible. Je crois aussi qu'elle devrait être utilisée de façon responsable et inclure la mention des sources. Dans mon cas, il s'agissait d'une violation des droits car le journal a utilisé ma photo sans reconnaître que j'en étais l'auteur et il a fallu plusieurs jours ainsi que la menace de poursuites judiciaires avant d'obtenir que mon nom soit associé à cette photo.
Je comprends l'argument des gains monétaires supplémentaires pour l'artiste provenant d'une interdiction totale de toute forme de partage des œuvres dans l'espace public. On ne me fera pas avaler ça. Si l'art est une activité noble et importante, il devrait pouvoir transcender l'avarice. Sa capacité à émerveiller et à inspirer autant de personnes que possible devrait, je crois, prendre le dessus sur le besoin de privilège exclusif guidé par la cupidité.