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La crainte du groupe Etat Islamique menace la liberté des médias au Kirghizistan

vendredi 19 décembre 2014 à 01:16
Screen capture from video, widely shared on YouTube.

Capture d'écran de la vidéo largement partagée sur YouTube.

[Article d'origine publié en anglais le 11 décembre - sauf indication contraire, les liens dirigent vers des pages en anglais]

Plusieurs semaines après sa publication, un article d'information qui montrait une vidéo sur un camp d'entraînement pour enfants du groupe Etat Islamique au Moyen-Orient, a été bloqué au Kirghizistan. Après des jours d'hésitation, l'Agence Nationale de Communication du pays a fini par demander [ru] aux fournisseurs d'accès internet locaux de bloquer l'article sur Kloop.kg, un site local d'information indépendant très fréquenté. Cette suppression est un coup dur pour la liberté de la presse dans cette démocratie transitoire et une nouvelle preuve des pressions que doivent subir les journalistes qui vivent dans des Etats fragiles en couvrant les agissements des groupes extrémistes.

Le Kazakhstan voisin a bloqué l'accès à cet article depuis longtemps sous couvert d'une loi locale qui autorise la censure de la “propagande extrémiste”. Actuellement le Kirghizistan, habituellement considéré comme moins autocratique, a pris la suite. L'article “Vidéo du groupe Etat Islamique: les enfants du Kazakhstan menacent de tuer les infidèles” contient des “éléments de propagande extrémiste”, a déclaré l'Agence Nationale de la Communication à Kloop.kg le 10 décembre pour justifier le blocage.

Alors que certains fournisseurs d'accès n'ont bloqué que l'article, d'autres, comme Kyrgyztelecom, ont bloqué la totalité du site.

kloop-logo-jpeg-2Les difficultés de Kloop.kg ont débuté le 24 novembre quand l'équipe éditoriale du site a décidé de rediffuser [ru] une vidéo qui avait été publiée le 22 novembre sur le site britannique du Daily Mail. Les images de mineurs du Kazakhstan parlant du djihad et brandissant des kalashnikovs avaient déjà été largement partagées en ligne après leur diffusion par l'agence médiatique du groupe Etat Islamique Al-Hayat.

Un blocage de complaisance?

Le procureur général du Kazakhstan a écrit [ru] à Kloop le même jour pour leur demander de supprimer l'article, citant une loi nationale du Kazakhstan et la résolution 1373 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui impose à tous les Etats “de mettre en œuvre un certain nombre de mesures pour lutter contre les activités terroristes, dont l'échange d'informations avec les autres gouvernements sur tout groupe préparant ou planifiant des actes terroristes.”

Sur le refus du rédacteur en chef de Kloop de répondre à la demande, le Kazakhstan a demandé au Ministre de l'Intérieur du Kirghizistan et au procureur général d'ouvrir une enquête. Le 10  décembre le rédacteur en chef de Kloop a reçu [ru] un courrier de l'Agence Nationale de la Communication du Kirghizistan lui expliquant que les fournisseurs d'accès avaient jusqu'au 12 décembre pour bloquer l'article sous peine d'amende.

D'habitude les fonctionnaires citent des problèmes sécuritaires quand ils ordonnent les blocages, mais pour ce cas précis, la menace que représente l'article pour le Kirghizistan n'est pas claire — la description informative et inoffensive d'une vidéo qui avait déjà largement circulé sur internet. Le 28 novembre les représentants du Ministère de l'Intérieur ont déclaré [ru] que l'on reconnaissait des Kirghizes sur les images, sans donner la preuve de ces allégations.

Eldiyar Arykbaev, le rédacteur en chef de Kloop.kg qui a écrit l'article, a dit à Global Voices que lui et son équipe ne comprenaient pas quels éléments du reportage faisaient la promotion de l'extrémisme :

Мы поговорили с аппаратом Омбудсмена и нам объяснили, что наша статья не имеет элементов пропаганды терроризма на территории Кыргызской Республики, в ней нет мнения автора и там просто говорится о самом факте. И в случае возбуждения уголовного дела, аппарат Омбудсмена будет представлять наши интересы в суде. 

Nous avons interrogé l'Institut Ombudsmen. Leurs juristes nous ont dit qu'aucun élément [de l'article] ne faisait la propagande du terrorisme sur le territoire de la République kirghize, et que le journaliste se contente de présenter des faits sans  prendre parti. Si des poursuites sont mises en place, un avocat de l'institut Ombudsmen représentera Kloop.

 

Comment les journalistes doivent-ils couvrir les activités du groupe Etat Islamique ?

Le débat des journalistes sur la manière de couvrir le groupe Etat Islamique sans renforcer involontairement la propagande mielleuse de l'organisation est devenu d'autant plus d'actualité que l'auto-proclamé Etat “islamique” -désignation qu'aucun Etat et peu de musulmans reconnaissent- continue à produire des vidéos par l'intermédiaire d'Al-Hayat son organe médiatique. Les gouvernements d'Asie Centrale, qui ont tendance à réprimer le moindre soupçon de terrorisme (ou à utiliser le terrorisme comme prétexte à répression sur les citoyens), ont reçu des rapports, qui les ont mis mal à l'aise, sur des ressortissants de leur pays tués lors de combats aux côtés de factions radicales en Syrie.

A Bichkek, le 4 décembre, lors d'une conférence de presse de Search for Common Ground, une organisation qui se consacre à la couverture médiatique des problèmes de religion, un expert kirghize indépendant, Kadyr Malikov, a dit qu'il pensait que des vidéos comme celle re-diffusée par Kloop.kg devraient être accompagnées d'un commentaire de l'Administration spirituelle des musulmans du Kirghizistan [Muftiyat]:

Если подобные ролики попадают в руки журналистов, необходимо хотя бы звонить специалисту, Муфтияту, экспертам, чтобы ролик обязательно сопровождался комментарием осуждения. Обычное вывешивание ролика подразумевает достижение цели террористов. В данном видео, они хотели показать, что у них есть следующее поколение, дети, которые придут вслед за убитыми. 

Quand de telles vidéos tombent entre les mains des journalistes, ils devraient faire appel à des spécialistes, au Muftiyat, à des experts, pour leur demander la rédaction d'un commentaire qui condamne la vidéo. Le fait de diffuser la vidéo sans commentaire permet aux terroristes d'atteindre leur but qui est d'intimider le public dans les médias de masse. Par cette vidéo, en particulier, les terroristes souhaitaient montrer au public que la relève sera assurée par les enfants qui les remplaceront s'ils devaient être tués.

Dans un entretien téléphonique avec Global Voices, Arykbaev, le rédacteur en chef de Kloop, exprime son désaccord sur ce point de vue :

Согласовывать с ними публикацию, мы считаем неправильно, так как нарушает нашу редакторскую политику. Мы представили факт… Мы, наоборот, призываем МВД обращать внимание на такие проблемы.

Faire valider nos articles par des experts religieux est contraire à notre politique éditoriale. Nous ne faisons que présenter les faits… Nous demandons au Ministre de l'Intérieur de surveiller plus étroitement de tels problèmes [le recrutement d'enfants par le groupe Etat Islamique] 

Sur le même événement, Bakyt Dubanaev, un responsable du Ministère de l'Intérieur et représentant du Centre Anti-Terroriste de la Communauté des Etats Indépendants [fr], dit que la vidéo diffusée par Kloop pourrait aider le groupe Etat islamique dans son processus de recrutement :

Такие ролики направлены на поиск жертв. Ими становятся, обычно, две категории лиц. Первое, это люди с ненормальной психикой, которые увидев зверства, творимые террористами, заинтересовываются. И это простые люди, у которых появляется страх беззащитности и паника. Такие ролики направлены на то, чтобы подорвать авторитет правовых органов и показать, что государство не может справиться с ростом экстремизма. И в этом смысле, СМИ – инструмент в руках террористов.

 De telles vidéos peuvent faire des victimes. Habituellement, les victimes sont de deux types. En premier lieu, ce sont des personnes fragiles psychologiquement qui s'intéressent aux atrocités terroristes. En second lieu, ce sont de gens ordinaires qui prennent peur et sont pris de panique. Ces vidéos visent à discréditer les lois et les responsables de leur application et veulent prouver qu'un Etat donné n'est pas capable de régler les problèmes d'extrémisme et de terrorisme. Et, dans ce sens, les mass médias sont des outils pour les terroristes.

Il compare aussi la diffusion des vidéos extrémistes à celle des vidéos de viols :

Многие из вас могут подумать, мол, что тут такого показать видеоролик? Я разговаривал со своим казахской коллегой вчера и обсуждали этот вопрос. Он мне говорит, вот представь, берет насильник насилует свою жертву, девушку. А потом, чтобы ее опозорить, выставляет ее в Интернет. И журналисты, чтобы показать как мы [Министерство] боремся с изнасилованием, берут и полностью показывают в Интернете как насильник изнасиловал свою жертву. То есть насильник добивается своей цели: насилует и позорит жертву. А журналисты помогают этому насильнику позорить эту девушку. То же самое здесь.

Certains d'entre vous pourraient penser, mais où est le problème avec la diffusion d'une vidéo ? J'ai eu une discussion avec mon collègue kazakh hier et nous avons parlé de ce problème. Il m'a dit : imagine qu'un violeur viole sa victime – une jeune fille. Ensuite, pour lui faire honte il va mettre la vidéo sur internet. Les journalistes, pour montrer que la police ne parvient pas à lutter contre les violences sexuelles, vont parler de cette vidéo. Ainsi le violeur a atteint son but : il a violé sa victime et lui a fait honte. Et les journalistes l'ont aidé à diffuser l'information. C'est la même chose ici.

Le rapport 2013 Liberté sur le Net de Freedom House, une ONG basée aux Etats Unis, relève plusieurs tentatives du gouvernement kirghize de blocage de contenus politiquement sensibles ou même de sites complets, comme Ferghana.ru en 2011. En 2012, le procureur général a ordonné aux fournisseurs d'accès de bloquer sur YouTube la bande-annonce de “Innocence des musulmans” [fr], très polémique, et de restreindre l'accès à un festival cinématographique intitulé ‘Je suis gay et musulman'.

Le Kirghizistan a longtemps été considéré comme le pays le plus ouvert d'Asie Centrale, c'est une région connue pour son indépendance. Le blocage de l'accès à des sources d'information réputées et fiables va à l'encontre de ce statut et s'ajoute à d'autres preuves que le pays est entrain de s'aligner sur ses voisins.

Fin de la prise d'otages de Sydney, marques de solidarité avec les musulmans

jeudi 18 décembre 2014 à 22:14

Devant le Café Chocolat Lindt Martin Place – Sydney, pendant la prise d'otages. Photo Demotix/Richard Milnes

La prise d'otages qui a duré 16 heures au Café Lindt, sur Martin Place au coeur du District Financier (CBD) de Sydney, a pris fin avec l'assaut des commandos qui ont tué le forcené solitaire Man Haron Monis, mais les informations sur le siège continuent à montrer le meilleur et le pire des médias généraux et sociaux en Australie.

Parmi les milliers de tweets, les heures de transmission en direct et les centaines de pages web, des faits cités se sont avérés inexacts ou trompeurs, avec de dangereuses connotations islamophobes dans certains traitements de l'information.

Au début, l'homme armé avait forcé les otages à brandir à la vitrine du café un drapeau noir avec des inscriptions en arabe. De nombreux reportages ont eu un angle qui a alarmé des utilisateurs de médias sociaux de Sydney, et ceux-ci ont rejoint une campagne sous le mot-dièse #IllRideWithYou. (‘Je vais voyager avec vous'). Il s'agit de témoigner sa solidarité avec les musulmans de Sydney qui craindraient d'emprunter les transports publics après le siège du café. Le mot-dièse a été employé des centaines de milliers de fois et est devenu viral dans le monde entier. 

Une information bâclée

Le grand quotidien Sydney Morning Herald a titré “Le siège de lundi dans le CBD a vu circuler bon nombre de mythes dans les médias sociaux et la presse”.

Keith Fitzgerald, un spécialiste de négociation de crise, a vu la une d'une édition spéciale de journal, et a demandé aux journalistes d'Australie de dénoncer le Daily Telegraph : 

Les vrais journalistes pourraient-ils svp condamner le Daily Telegraph (Australie) ? Ça n'aide en rien.

Le présentateur de la radio 2GB Ray Hadley a également créé plusieurs rumeurs en direct et sur les ondes pendant son émission quotidienne. Selon le Sydney Morning Herald, la désinformation dans ses propos pourrait être source de discrimination raciale. Le compte Twitter parodique ‘The Daily Rupert‘ écrit :

Tout ce que cette une de tabloïd Murdoch réussit à faire, est de terroriser encore plus les familles des otages du #siègedeSydney

Des titres comme celui-ci publié sur Twitter par un reporter d'ABC News pouvaient provoquer une panique injustifiée :

[Pourquoi le hashtag  ? Il existe quelques endroits dans le monde qui sont véritablement en état de siège. Sydney n'en fait pas partie.]
Un ‘journaliste’ d'ABCNews24 [télévision] a réellement dit “ville en état de siège”. Ça sonne mieux que ‘café en état de siège’ SMH

#IllRideWithYou

Chris Graham, créateur du blog New Matilda a écrit ses dix prédictions pour les suites de la prise d'otage. La première est la “possible montée de la violence dirigée contre les musulmans, et en particulier les musulmanes.” 

Sur Twitter, une blogueuse de 33 ans, Tessa Kum, a lancé le mot-dièse ‪#illridewithyou‪ (‘Je vais voyager avec vous') en solidarité avec les musulmanes qui pourraient se sentir mal à l'aise en empruntant les transports publics en Australie après le traitement à connotations racistes de la prise d'otages de Sydney. 

[Faites savoir aux Australiens musulmans que vous veillez sur eux, tweetez #JeVaisVoyagerAvecVous et votre itinéraire]
Mon essai raté d'image pour faire passer le message

Ce mouvement de solidarité a démarré quand un journaliste a tweeté une capture d'écran d'une note sur Facebook par une enseignante et danseuse de Sydney prénommée Rachael, racontant un fait vécu dans le métro de Sydney au début de la crise de prise d'otages :

[...Et la femme (probablement) musulmane assise à côté de moi dans le train enlève silencieusement son hidjab... Je lui ai couru après dans la station. Je lui ai dit : Remettez-le, je vais marcher avec vous. Elle s'est mise à pleurer, et m'a serrée dans ses bras pendant au moins une minute, puis est repartie seule.]
Voilà ce que font les honnêtes gens.

Elle a expliqué que “la femme musulmane [...] ne voulait pas montrer de signes de sa religion de peur de représailles déplacées d'autres voyageurs en rapport avec l'incident en cours à Martin Place”.

SirTessa a retweeté le tweet de Michael James et ajouté :

Si vous prenez régulièrement le bus 373 entre Cogee et Martin Place, portez une tenue religieuse et ne vous sentez pas en sécurité seule : je voyagerai avec vous. @-moi pour l'horaire. 

Si on lançait un hashtag ? comme #JeVaisVoyagerAvecVous ?

En une heure le mot-clé était adopté.

Suivant l'exemple de @sirtessa, bus N° 426/425 pour Burwood, si vous portez une tenue religieuse et ne vous sentez pas en sécurité seule : je voyagerai avec vous. Vers les 6h30.

[En un jour empli de peur et de haine est arrivé un simple et merveilleusement poignant message d'amour, après qu'une femme a mis en ligne un fait vécu à Sydney.]
La seule bonne chose sortie des effrayants événements d'aujourd'hui au café Lindt.

Au démarrage de l'opération l'enseignante et danseuse dont le billet Facebook avait donné l'impulsion pour le mot-dièse a tweeté :

1/2 #JeVoyageraiAvecVous a tout emporté. Ce que j'ai fait était un petit geste parce que c'est triste qu'on puisse se sentir indésirable à cause de ses croyances 

2/2 Ce n'est pas moi l'important. Quiconque rejoint #JeVoyageraiAvecVous est une extraordinaire source d'inspiration, qui crée un chemin de paix pour nous tous. Merci #sirtesa

Selfies

La police avait évacué la zone et créé un périmètre de sécurité pour les journalistes, qui s'est aussi rempli de gens désireux de rester à proximité de l'action, comme s'ils étaient au cinéma. Sans égard pour la réalité et le danger, certains ont même pris des selfies pour les poster sur Twitter :

 

Des spectateurs prennent des selfies sur la scène de la prise d'otages de Sydney

Aisha Dow du journal The Age, écrit :  “Des spectateurs rigolards se prennent en “selfies” avec leurs téléphones mobiles dans le périmètre du siège de Sydney alors qu'un nombre encore inconnu d'otages restent prisonniers d'un homme armé”.

Les badauds de retour prennent des selfies à 100 m du café Lindt

Au long de l'après-midi cinq otages ont réussi à s'échapper du café, sans qu'on sache si le forcené les avait relâchés ou s'ils avaient pu fuir.

Images des otages échappés

17 otages étaient retenus, quatre ont été blessés. Outre le forcené, deux otages ont été tués dans les tirs croisés. 

Un forcené solitaire

Le preneur d'otages, un demandeur d'asile iranien de 50 ans, vivait en Australie depuis 1996. Les autorités croient qu'il a agi seul. Il était connu de la police et était passé au tribunal récemment. Il avait été poursuivi à maintes reprises pour attentats à la pudeur et agressions sexuelles. En 2013, il a plaidé coupable pour l'envoi de lettres haineuses aux familles de soldats australiens morts [en Afghanistan]. Il a aussi été impliqué comme complice dans le meurtre de son ex-femme. 

La communauté musulmane de Sydney ne la considère pas comme un des siens. Selon certaines informations, il aurait été mis à l'écart par les responsables chiites, qui ont demandé à la police d'enquêter sur ses prétentions à se dire un “ayatollah”, un dignitaire religieux. Des notes de son blog, aujourd'hui fermé, laissent penser qu'il s'était converti à l'islam sunnite la semaine dernière. Il aurait aussi prétendu sur son blog être un expert en astrologie, numérologie, méditation et magie noire.

La Serbie arrête 11 militants étrangers du Falun Gong avant une manifestation

jeudi 18 décembre 2014 à 19:44
Un groupe similaire de militants ont organisé une manifestation près de Downing Street à Londres le 17 Juin 2014 pour condamner la persécution des militants de Falun Gong en Chine. Photo de Reporter#19616. Copyright Demotix

Un groupe de militants ont organisé une manifestation similaire près de Downing Street à Londres le 17 Juin 2014 pour condamner la persécution des militants de Falun Gong en Chine. Photo de Reporter#19616. Copyright Demotix

Onze militants des droits humains provenant de la Bulgarie, de la Finlande et de la Slovaquie qui avaient l'intention de protester en Serbie ont été arrêtés le 14 et le 15 décembre et sont détenus dans un lieu inconnu en dehors de Belgrade par les autorités du pays, selon des informations.

Dans une déclaration publique datée du 17 décembre, l'ONG Amnesty International a exigé leur libération et a expliqué [d'après la traduction en français du site du Falun Dafa Europe, fr.clearharmony.net]:

Les individus, qui avaient fait rapporte-t-on le voyage en Serbie pour participer à des manifestations pacifiques contre les actions des autorités chinoises envers les pratiquants de Falun Gong durant un sommet de dirigeants d’Europe centrale et de l’Est et de la Chine, à Belgrade, la capitale, ont été emmenés de leurs hôtels par la police et détenus. [...]

 Amnesty international s’inquiète que les autorités serbes n’agissent illégalement, et les presse de mettre immédiatement fin à toute détention basée seulement sur l’intention des personnes d’exercer leur droit à un rassemblement pacifique.

Les pratiquants de Falun Gong, un mouvement spirituel chinois, sont persécutés [fr] en Chine depuis 1999. Un rapport d'Amnesty International publié en 2000 décrit les méthodes employées par le gouvernement chinois pour réprimer le Falun Gong et les groupes similaires, y compris des campagnes médiatiques complexes, la conversion idéologique forcée, des arrestations, le travail forcé et la torture.

Les manifestations pacifiques prévues à Belgrade, en particulier, par ce groupe international de militants du Falun Gong devaient coïncider avec la rencontre au Sommet CEE-Chine tenue à Belgrade les 16 et 17 décembre 2014 [fr]. C'est la troisième édition de ce sommet, au cours duquel les 16 dirigeants des anciens pays communistes d'Europe centrale et orientale et les dirigeants communistes de la Chine se rencontrent pour discuter de coopération économique.

D'après les témoignages, neuf des militants ont été arrêtés le dimanche 14 décembre, deux autres plus tard et au moins deux autres personnes ayant des liens avec le groupe ont été interdites d'entrée dans le pays à leur arrivée à l'Aéroport international de Belgrade Nikola Tesla. En raison de l'insuffisance des informations disponibles dans les médias ou en ligne, les faits sont encore, cependant, peu clairs. La déclaration d'Amnesty International fournit quelques détails sur l'un des militants détenus:

Une de ceux détenus, Lihua Lan, une citoyenne finlandaise, a été autorisée à entrer en Serbie, mais a été par la suite arrêtée à son hôtel le 15 décembre, et emmenée au Centre de détention de déplacement à Padinska skela. Elle a été informée qu’elle ne serait pas relâchée pour quitter le pays jusqu’à au moins ce vendredi, date de son vol de retour. Alors qu’Amnesty International comprend qu’elle est en possession des documents de voyage nécessaires, elle, ainsi que neuf Bulgares et un Slovaque, a été détenue sous l’Article 49 de la Loi sur les Etrangers, laquelle prévoit la détention jusqu’à l’expulsion pour “Un étranger dont l’identité n’as pas été confirmée ou qui ne possède pas de document de voyage. “

 

Des sites d'informations indépendants et des blogueurs locaux ont couvert l'histoire, remettant en question la légalité de l'action des autorités serbes. Le site d'informations indépendant OzonPress.net de Čačak a rapporté dans un article que les autorités avaient interdit la manifestation prévue des militants:

… Četiri uredno prijavljena skupa koja su ovim povodom trebalo da se održe na Trgu Republike u Beogradu ovih dana, pre dva dana su zabranjeni su od strane policije na nezakonit način i bez navođenja razloga, a prijavljivač skupa je podneo žalbu.

Sinoć, nešto pre 23 časa, beogradska policija je uhapsila 9 praktikanata Falun Gonga iz Bugarske, koji su se nalazili u hostelu u kojem su bili smešteni. Niko od njih nikada nije imao problema sa zakonom, a poznato je da su skupovi Falun Gong praktikanata uvek mirni i u skladu sa zakonom.

Policija nije dala razlog za hapšenje, a prema posljednjim nezvaničnim informacijama iz bugarske ambasade, ovih devet osoba se nalazi pritvoreno negdje izvan Beograda.

… Quatre manifestations régulièrement déclarées qui devaient avoir lieu sur la Place de la République à Belgrade ces jours ont été interdites il ya deux jours par la police d'une manière illégale et sans donner aucune raison, tandis que l'organisateur des rassemblements a introduit un appel [contre la décision].

Hier soir, un peu avant 23 heures, la police de Belgrade a arrêté neuf fidèles de Falun Gong provenant de la Bulgarie, qui avaient été localisés à l'auberge où ils logeaient. Aucun d'entre eux avait jamais eu auparavant de problèmes avec les autorités et il est de notoriété publique que les manifestations de Falun Gong sont toujours pacifiques et en conformité avec la loi.

La police n'a donné aucune raison pour ces arrestations et, selon les dernières informations non officielles de l'ambassade de Bulgarie, ces neuf personnes sont détenues quelque part en dehors de Belgrade.

Selon un article publié sur le site officiel de la Coalition internationale Docteurs contre le prélèvement forcé d’organes en Chine [fr], une coalition d'avocats, de professionnels de la santé et de défenseurs des droits de l'homme qui lutte pour mettre fin au trafic d'organes en Chine, les militants sont détenus “provisoirement” par les autorités de la Serbie. Des informations non officielles ont également laissé entendre que les militants pourraient être menacés d'expulsion du pays, bien que personne n'ait indiqué s'ils ont enfreint une loi serbe ou internationale, ni exactement quelles pourraient être les raisons de leur détention.

Les médias nationaux et traditionnels serbes ont largement ignoré le cas, et ceux qui les ont couverts ont publié des informations partielles. L'édition en ligne du quotidien Blic, propriété du groupe de presse Swiss Ringier AG [fr], mentionne le cas dans un court article intitulé “questions embarrassantes pour le ministre [de l'UE Intégrations] Joksimović: “Pourquoi six militants de l'UE ont été arrêtés à Belgrade” (le nombre de militants détenus à Belgrade au moment de la publication était, en fait, onze).

Le site web du plus grand réseau national serbe d'informations B92 ne mentionne ces arrestations que dans un article rapportant les déclarations de la ministre Jadranka Joksimović relatives à l'adhésion de la Serbie à l'UE 

Alors que l'agence publique d'informations Tanjug a publié un fil d'informations sur la question intitulé “des militants qui voulaient protester détenus?” l'agence n'a réussi à obtenir que cette réponse de la part de la ministre Mme Joksimović sur l'évènement:

“Obaveštena sam o toj neprijatnoj situaciji, ali još ne znamo sve činjenice”, rekla je Joksimović, odgovarajući na novinarsko pitanje tokom konferencije za medije u Briselu.

J'ai été informée de cette situation regrettable, mais nous ne connaissons toujours pas tous les détails” a dit Mme Joksimović, en réponse à la question d'un journaliste lors d'une conférence de presse à Bruxelles.

Les détails de l'affaire restent flous. Le Comité des avocats serbe de l'ONG pour les droits de l'homme (YUCOM) ont demandé que “le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice fournissent des informations sur les procédures contre les personnes détenues”.

La marche géante de Lima pour le climat, une première en Amérique Latine

jeudi 18 décembre 2014 à 11:52
Indigenous communities at the forefront of the climate crisis led the march in Lima. Photo credit: Hoda Baraka

Les communautés autochtones qui subissent de plein fouet la crise climatique ont pris la tête de la marche de Lima. Photo: Hoda Baraka.

Cet article a été écrit par Hoda Baraka pour 350.org, une organisation œuvrant pour la création d’un mouvement climatique mondial. Il est republié sur Global Voices dans le cadre d’un accord de partage de contenus.

La semaine dernière, plus de 15 000 personnes de toute la région ont défilé dans les rues de Lima, faisant de cette manifestation la plus grande marche pour le climat dans l’histoire de l’Amérique latine.

À l’échelle régionale, le changement climatique est considéré comme touchant à l’environnement, au développement et aux droits de l’homme. Ce n’est donc pas un hasard si la marche a été planifiée le 10 décembre, Journée internationale des droits de l’homme. Appelant à un « changer le système, pas le climat », la marche a réuni de nombreux groupes représentant toutes les couches de la société exigeant des actions réelles et concrètes pour résoudre la crise climatique.

Les groupes participant à la marche étaient les communautés autochtones, les agriculteurs, les travailleurs, les mineurs, les mouvements de jeunes ainsi que les groupes confessionnels. Cette marche du peuple pour le climat fait suite à la récente marche de la société civile pour le climat à New York, qui avait réuni de nombreux manifestants et renforce ainsi l’élan croissant du mouvement climatique mondial.

Ci-dessous une série de photos reflétant la puissance, le dynamisme et la diversité de la marche.

"Let's Save Lake Titicaca" reads a banner held by a woman traveling from the Andes region (border between Peru and Bolivia) calling for action to safeguard the largest lake in Latin America. Photo credit: Hoda Baraka

« Sauvons le lac Titicaca » peut-on lire sur une banderole tenue par une femme venue d’une région andine à la frontière entre le Pérou et la Bolivie et appelant à une action pour protéger le plus grand lac d’Amérique latine. Photo: Hoda Baraka

Thousands of workers from various labor unions also joined the march. Photo credit: Hoda Baraka

Des milliers de travailleurs de divers syndicats ont également rejoint la marche. Photo: Hoda Baraka

Youth showcasing the colourful artwork produced for the march at the art space run by Peruvian climate activist group TierrActiva Peru. Photo credit: Hoda Baraka

Des jeunes présentant l’œuvre colorée créée pour la marche à l’espace de création artistique dirigé par le groupe activiste climatique péruvien TierrActiva Peru. Photo: Hoda Baraka

Women peasants from Central Latin America travelled from afar for the chance to put a spotlight on the environmental plights in their region. Photo credit: Hoda Baraka

Des femmes des régions rurales d’Amérique latine et centrale sont venues de loin pour avoir une chance d'attirer l'attention sur la situation critique de l’environnement dans leur région. Photo: Hoda Baraka

"Desde El Yasuni Para El Mundo." Indigenous environmental activists from Yasuni, Ecuador relay a message to the world for the urgent protection of the Yasuni Amazon region from oil drilling. Photo credit: Hoda Baraka

« Depuis le Yasuni pour le monde ». Les militants écologistes autochtones de Yasuni, en Équateur, transmettent un message au monde pour que la région amazonienne Yasuni soit protégée d’urgence de l’exploitation pétrolière. Photo: Hoda Baraka

Argentine : Derrière les murs des prisons, la violence contre les femmes est souvent ignorée

mercredi 17 décembre 2014 à 20:31
Photo by Flickr user Rock & Rejas: Sonidos de la Cárcel (Gira 2003). CC BY-NC-ND 2.0

Photo par l'utilisateur de Flickr Rock & Rejas: Sonidos de la Cárcel (Gira 2003). CC BY-NC-ND 2.0

Les droits des femmes dans les prisons argentines, où l'inégalité des sexes, la violence et l'exclusion peuvent proliférer, sont systématiquement violés. La violence de genre derrière les barreaux peut souvent entrainer des agressions sur le corps d'une femme.

Une étude réalisée par Procuración Penitenciaria de la Nacion en Argentine a révélé que la violence institutionnelle est un problème croissant en prison, étant donné que le nombre de femmes en prison a augmenté. Plusieurs études portant sur la situation dans laquelle elles vivent ont montré que très peu de mesures y ont été prises pour protéger les droits des femmes. 

Comunicar igualdad est une organisation civile argentine qui vise à développer les questions de genre dans les médias comme une stratégie pour obtenir une société équitable. Dans un billet intitulé “Femme en prison“, différents cas de violence à l'égard des femmes privées de liberté ont été analysés : 

La violencia es simbólicamente mayor cuando es ejercida por las instituciones. ¿Por qué no pensar entonces que la invisibilización hacia las mujeres es muchísimo más potente cuando hablamos de aquellas que se encuentran privadas de su libertad? El enfoque de género aplicado al sistema carcelario podría ser una herramienta eficaz que amplíe y diversifique la concepción vigente de derechos humanos y proponga un ámbito no tan recorrido por donde transitar hacia un estado cada vez más democrático.

La violence est symboliquement plus grande lorsqu'elle est exercée par les institutions. Pourquoi ne pas penser alors que l'invisibilité à l'égard des femmes est beaucoup plus forte lorsqu'il s'agit de celles qui sont privées de leur liberté ? L'approche genre appliquée au système pénitentiaire pourrait s'avérer un outil efficace pour développer et diversifier la conception actuelle des droits humains et proposer un cadre moins tracé qui permet une transition vers un État de plus en plus démocratique.

Selon le blog Femmes et prison, la prison affecte différemment les femmes par rapport aux hommes — puisque le nombre de femmes en prison est largement inférieur à celui des hommes, les établissement pénitentiaires pour les femmes manquent d'aménagements collectifs pour les activités sportives ou de loisirs. Les femmes souffrent également d'un manque de contact avec leurs familles, de l'abandon de leur partenaire, et de soins médicaux médiocres.

Parallèlement, si elles sont étrangères, elles font face à des irrégularités telles que le paiement de pécule du fait de la situation fiscale

Le manque d'interprètes est un autre problème auquel sont confrontées les femmes incarcérées en Argentine. Reyna Maraz, une citoyenne bolivienne vivant dans le pays et qui ne parle pas l'espagnol, seulement le quéchua, a été condamnée à la prison à perpétuité pour le meurtre de son mari, après trois ans de prison sans être autorisée à comparaître devant un juge ou avoir accès à un interprète.

Le Comité des Nations Unies contre la torture est un organe composé de 10 experts indépendants, qui surveille la mise en œuvre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le monde entier. Un livre récent publié à l'Université nationale de La Plata en Argentine, ”Coup de pied au portail. Genre, incarcération et accès à la justice : femmes emprisonnées avec leurs enfants dans la province de Buenos Aires” a présenté le rapport du Comité : 

Entre las conclusiones a las que arribó el equipo, subrayan que los jueces legitiman la violencia de género, que solo consideran a las mujeres en tanto madres, y que legitiman la presencia de niños y niñas encarcelados.

Parmi les conclusions de l'équipe, ils soulignent que les juges légitiment la violence de genre, qu'ils considèrent uniquement les femmes comme mères, et légitiment la présence d'enfants emprisonnés.

Le blog Atrapamuros a décrit la situation réelle des femmes privées de liberté : 

La violencia de género es posible dentro de lo que conocemos como sistema patriarcal. Entender políticamente al sistema patriarcal nos permite examinar con mayor profundidad el rol que ha venido jugando el Estado ante los casos de violencia de género que terminan en actos ilegales perpetuados por las mujeres. Siempre ausente en las políticas de prevención y detención de la violencia de género, el Estado hace su entrada en la vida de las mujeres cuando puede juzgarlas y castigarlas. 

La violence de genre est possible dans ce qu'on appelle système patriarcal. Comprendre le système politique patriarcal nous permet d'examiner plus en avant le rôle que l’État a joué dans les cas de violence de genre se terminant par des actes illégaux perpétrés par des femmes. Toujours absent dans les politiques de prévention et la lutte contre la violence, l’État fait son entrée dans les vies des femmes quand il peut les juger et les punir.

Le Bureau du Procureur de la Nation, une institution qui vise à protéger les droits fondamentaux des personnes privées de liberté en Argentine, a écrit dans son rapport annuel de 2012, au sujet des pratiques violentes menées au cours des fouilles humiliantes: 

varias detenidas se vieron obligadas a “sacarse su ropa interior, voltearse y abrirse las nalgas con ambas manos para que el personal penitenciario las observe”. Ello sucedió momentos previos a que las detenidas concurriesen a una actividad académica en la Universidad de Buenos Aires. Varias detenidas desistieron de la salida para evitar este tipo de medidas ultrajantes, incluso una de ellas fue sancionada por negarse a ser revisada en el modo anteriormente mencionado.

plusieurs détenues ont été contraintes d’ “enlever leurs sous-vêtements, se retourner et s'écarter les fesses avec les deux mains pour que le personnel pénitentiaire observe.” C'est ce qui s'est passé avant que les détenues allaient participer à une activité académique à l'Université de Buenos Aires. Plusieurs détenues ont renoncé à leur sortie pour éviter ce genre de mesures outrageantes ; une a été punie pour avoir refusé de se faire examiner dans les conditions ci-dessus.

Dans son enquête sur les femmes en prison, le Centre d'études juridiques et sociales (CELS) analyse non seulement les conditions que subissent les femmes détenues en Argentine, mais également les violations constantes violentes de leurs droits, telle que racontées par les condamnées. Il incombe à l’État d'assumer la responsabilité politique et étique des conséquences :  

La investigación describe minuciosamente todas las violencias, abusos y vulneración de derechos que sufren las presas, así como las gravísimas consecuencias que su encierro provoca en cuanto al desmembramiento de sus hogares y al desamparo de sus hijos. Ello, con el objetivo de abrir un debate que involucre tanto al poder legislativo como al judicial y al ejecutivo, en el marco del cual se evalúen alternativas menos nocivas que el encierro carcelario. Si pese a todo deciden no revertir la situación, ya no podrán alegar desconocimiento de la situación para no asumir la responsabilidad política y ética de sus consecuencias.

L'enquête décrit en détails toutes les violences, abus et violations des droits subis par les prisonnières et les conséquences dramatiques que cette incarcération entraîne avec le démembrement de leurs foyers et l'impuissance de leurs enfants. Ceci, dans le but d'ouvrir un débat impliquant à la fois le législatif, le judiciaire et l'exécutif, dans le cadre de l'évaluation des alternatives moins nocives à l'emprisonnement. S'ils choisissent néanmoins de ne pas remédier à la situation, ils ne peuvent plus prétendre ignorer la situation pour ne pas assumer la responsabilité politique et éthique de ses conséquences.

Voir la couverture spéciale de Global Voices: 16 jours pour mettre fin aux violences à la maison et dans le monde