PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Pourquoi les artistes représentant le Kenya à la Biennale de Venise ne sont pas kenyans

vendredi 27 mars 2015 à 12:40
La Honte à Venise. Acrylique sur toile Technique mixte par Michael Soi. Création utilisé avec sa permission.

La Honte à Venise. Acrylique sur toile. Technique mixte par Michael Soi. Création utilisée avec sa permission.

Le Kenya a-t-il vendu sa scène artistique à la Chine via l'Italie?

C'est la question que les Kenyans et les amateurs d'art du Kenya se posent suite à la révélation que cette année, à la Biennale de Venise, au pavillon du Kenya il n'y aura qu'un seul artiste kenyan, les autres représentants étant principalement des artistes chinois, plus un artiste italien controversé, Armando Tanzini, qui représente le pays pour la deuxième fois à la Biennale.

Les participants du “Kenya” sont répertoriés ici et ici.

Fondée en 1895 comme une exposition internationale d'art, c'est la 56e édition du festival, qui est aujourd'hui l'un des événements culturels les plus prestigieux dans le monde. Il aura lieu du 9 au 22 Novembre.

En 2013, le pavillon du Kenya n'avait que deux artistes kenyans. Parmi les non-Kenyans représentant le pays il y avait une Italo-Brésilienne, l'Italien Tanzini et huit Chinois. La même année, Joyce Nyairo, une analyste culturelle du Kenya, avait demandé aux autorités kenyanes d'expliquer la désastreuse performance du pays aux ‘Jeux Olympiques de l'Art'. Elle voulait savoir pourquoi le Kenya n'a pas profité de cette possibilité pour présenter son art contemporain :

Il y a une indignation largement partagée – localement et internationalement – en raison de la façon désinvolte dont la possibilité de représenter le Kenya à l'un des événements artistiques les plus en vue du monde a été détournée par des charlatans.

Dans une interview par email avec Njeri Wangari, poète kenyane, blogueuse et artiste, à propos du monde artistique contemporain de son pays, Global Voices avait appris que celui-ci était dynamique et en croissance. Cependant, il semble encore dominé par des organisations dépendantes de donateurs étrangers, ce qui est principalement attribuable à l'incapacité persistante du gouvernement kenyan à offrir toute forme de soutien aux institutions artistiques du pays. Elle avait souligné que des intérêts privés avaient repris à leur compte la participation du Kenya à l'événement de cette année, tout comme ils l'ont fait il y a deux ans

Irrités maintenant face à une nouvelle fausse représentation de leur pays, les Kenyans ont lancé une pétition en ligne intitulée “renoncer à une représentation frauduleuse du Kenya à la 56e Biennale de Venise 2015 et s'engager à soutenir la réalisation d'un pavillon national en 2017″ :

Pour la troisième fois, un groupe de personnes bien connectées, qui ne manquent ni de la capacité intellectuelle ni de la capacité créatrice pour représenter l'art contemporain du Kenya sur la scène internationale, se présentent au monde comme les représentants du Kenya à la 56e Biennale de Venise en Italie.

Il convient de noter que la Biennale de Venise porte en elle une signification mondiale profonde. Pour le Kenya, pour sa scène culturelle et ses artistes contemporains, la Biennale de Venise est une grosse affaire et offre beaucoup d'opportunités. Elle représente une opportunité unique pour lancer la carrière des artistes, des conservateurs, des écrivains, des entrepreneurs culturels, des gestionnaires culturels, des collectionneurs, des éducateurs d'art, des mécènes – aussi bien pour les personnes physiques que pour les entreprises et de nombreux autres acteurs du monde culturel kenyan. Elle enrichit nos discours et notre sophistication comme peuple à la fois pour nous et pour le monde en général. Il en va également de même pour vivifier le marché de l'art et pour injecter des capitaux dont on a tant besoin dans nos sociétés.

En raison des défaillances multiples dans nos systèmes, nos plates-formes locales et internationales où les artistes kenyans et notre infrastructure socio-créative peuvent gagner des financements ont été mal gérées, déformées et carrément détournées.

Par conséquent, cette pétition est une nouvelle nécessité fusionner les voix contemporaines du Kenya et d”exprimer l'indignation que nos amis ressentent à la fois localement et internationalement. C'est aussi la recherche du soutien de ceux qui sont à la fois témoins de la vitalité et de la frustration des artistes contemporains du Kenya.

Expliquant les raisons pour soutenir la pétition, Boniface Maina a écrit à ce propos sur le site de la pétition :

Je signe parce que c'est une honte pour notre société d'être à nouveau si mal représentée à la Biennale de Venise comme si ce n'était pas déjà assez que le gouvernement à travers le ministère se tienne à l'écart, comme si rien ne se passait. Cela ne doit plus se reproduire en laissant les vrais artistes kenyans se faire représenter par des Chun Chings qui se présentent comme étant “du Kenya.” Le Kenya a déjà une excellente artiste qui devrait être à cette biennale et clairement celui qui est en charge de cette opération dort profondément au travail … ARRETEZ CETTE FOLIE … !!!!

Une autre signataire, Judith Kibinge a demandé :

N'avons-nous pas honte? Pas de fierté culturelle? N'y a-t-il personne au ministère de la Culture qui ne soit pas malade de dénaturer le Kenya et les Kenyans devant le monde comme une nation de plaisantins ? Les personnes derrière cette manoeuvre doivent être convoquées pour rendre compte – et emprisonnées / licenciées ou sanctionnées si elles sont reconnues coupables de compromettre notre fierté nationale.

Une non-Kenyane qui partage la pétition, Kristina Wright, a écrit :

Bien que je ne sois pas du Kenya, j'y ai passé beaucoup de temps au cours des 15 dernières années et le considère comme ma deuxième patrie. Je suis une admiratrice de longue date de l'art du Kenya, et je suis consternée par la façon dont le Kenya est mal représenté à la Biennale de Venise.

Arnola Lakita a noté l'importance des arts :

Les arts sont le dernier bastion d'expression et nous ne pouvons pas les laisser également emporter par la corruption et le néocolonialisme.

Sur Facebook, l'écrivain kenyan Binyavanga Wainaina avait les questions suivantes :

Ainsi Armando Tanzini [qui est basé au Kenya] est un citoyen kenyan? Un résident légal ? A-t-il un permis de travail ? A-t-il des lettres de créances de notre gouvernement pour nous représenter à l'échelle internationale ? Pourquoi la Biennale de Venise accepte son accréditation à nouveau après le scandale précédent ? Est-ce que quelqu'un de qualifié pour le faire a écrit à Okwi Enwezor le conservateur nigérian de la Biennale de Venise à ce sujet ? Quelle/s action/s nos institutions artistiques ont-elles formellement prises contre tout cela? Je parle de Kuona, Godown et consorts. Quelle est la position de notre ministre de la Culture ? Quand cette position sera-t-elle rendue publique ? Quelle est la position de notre ministère des Affaires étrangères ? De notre ambassade à Rome ? Quelles mesures notre ambassade à Rome a-t-elle prises depuis 2013 ?

Réagissant au billet de Binyavanga, l'artiste originaire du Kenya Phoebe Boswell a identifié le principal problème du pavillon kenyan :

Le problème avec le pavillon du Kenya, c'est le manque odieux d'intention de conservation, du choix des artistes aux titres absurdes. Tanzini est évidemment une force motrice, il est donc nécessaire de se concentrer sur son rôle. dans tout ça.

Mais le problème avec Tanzini est fondé sur le mérite. Tout en étant un résident de longue date du Kenya et producteur depuis longtemps de “choses” (Je ne vais pas dire que tout est “art” mais je le lui concède), son travail n'est pas pertinent à la conversation contemporaine du Kenya. Il est déconnecté. Et franchement, tout simplement pas très bon. En outre, y a de nombreux artistes kenyans qui sont meilleurs et plus pertinents. Plus important encore, et l'essentiel de la chose, ce qui est présenté est un gâchis de conservation. Il n'existe aucun processus de pensée derrière, ni logique et il tourne en dérision le concept de la Biennale de Venise – une occasion pour les pays de présenter de nouvelles façons de voir, progressistes, idiosyncrasiques, vitales et actuelles. Tanzini est un opportuniste, qui l'utilise comme un projet pour sa vanité, embarque de médiocres artistes chinois payant pour cela, parce que qui ne voudrait pas exposer à Venise ! Après avoir vécu au Kenya 45 ans, pourquoi ne voudrait-il pas être autorisé à exposer au nom du Kenya ? Il est important de mettre l'accent sur le fait que son travail c'est de la merde (en un mot), la préparation pour ses travaux est inexistante, et toute l'affaire est exploitée, faible et manque totalement de crédibilité.

Sur Twitter, SkepticAfro s'est demandé pourquoi l'artiste italien Armando Tanzini représente encore le Kenya à la Biennale de Venise alors que l'exposition elle-même sera dirigée par le conservateur d'origine nigériane, Okwi Enwezor [fr].

La Biennale de Venise est dirigée par un patron né au Nigeria (Okwi Enwezor), alors que c'est l'Italo-Mombassa-Berlusconi ‘jambo bwana’ qui représentera encore le #Kenya

(L'expression swahili utilisée dans le tweet ci-dessus, jambo Bwana, était une expression commune des peuples colonisés en Afrique de l'Est pour saluer leurs maîtres coloniaux).

Sur Twitter, Boswell a demandé :

 Pourquoi ne nous sommes pas fait entendre assez fort pour réclamer la restitution de notre pavillon après le fiasco de 2013 ?

Vous pouvez suivre les tweets liés à ce débat sur ​​un Storify organisée par la sœur de la Phoebe Boswell, Frederica.

Chine : Les jeux en ligne doivent respecter les lois qui s'appliquent dans le monde réel

vendredi 27 mars 2015 à 12:03
Ministry of Culture's Online Game Content Censorship Workflow. Via China Digital Times.

 Avancement des travaux pour la censure des contenus des jeux vidéo en ligne,  Ministère de la culture. Extrait du China Digital Times.

Un concepteur chinois de jeux video en ligne, Xu Youzhen, a fait savoir sur son profil Weibo que les autorités chinoises lui avait demandé de présenter, dans son jeu, la gestation de façon conforme avec les lois en vigueur concernant la planification des naissances dans la vie réelle en Chine. Les critères à respecter ont été publiés en 2010 par le bureau de la culture sur Internet  et par l'organisme gérant le marché de la culture dans une présentation powerpoint intitulée: ” Avancement des travaux pour la censure des contenus des jeux vidéo en ligne, ministère de la Culture”.

 Outre la loi sur la planification des naissances , cette ligne directrice donne pour instruction aux développeurs de jeux vidéo de ne pas inclure des contenus qui violeraient la loi sur la protection des animaux et sur le mariage.

Le China Digital Times a repris  [en anglais] cette histoire et se fait le traducteur des réactions de quelques internautes face à cette “ligne directrice”.

Les frappes aériennes menées par l'Arabie saoudite au Yémen font de nombreuses victimes civiles

jeudi 26 mars 2015 à 16:22
Photograph shared by Yemeni journalist Nasser Arrabyee on Twitter  @narrabyee on Twitter

Photo partagée par le journaliste yéménite Nasser Arrabyee
@narrabyee on Twitter

Dix-huit civils au total ont été tués et 24 blessés dans les bombardements par l'Arabie Saoudite et ses alliés dans leurs frappes aériennes contre les rebelles houthis au Yémen au milieu de la nuit, a annoncé le Ministère yéménite de la Santé.

Une coalition de 10 pays, composée des pays suivants : Bahreïn, Qatar, Emirats arabes unis, Koweït, Soudan, Maroc, Pakistan, Egypte et Jordanie, a lancé des frappes aériennes sur le Yémen afin de combattre les rebelles houthis, qui ont pris le controle du pays en janvier. Sous le nom de ‘Tempête décisive', l'opération a l'entière bénédiction des Etats-Unis, allié stratégique des Saoudiens.

Sur Twitter, le coût humain des bombardements est apparu quand les Yéménites ont découvert le carnage dans la capitale Sanaa. La première attaque aérienne a eu lieu juste après 2 heures du matin.

Yemen Updates tweete :

Ministère de la Santé : 18 civils tués et 24 blessés dans l'attaque saoudienne contre Sanaa

L'activiste politique yéménite Ammar al-Aulaqi a tweeté que les familles fuyaient Sanaa après la reprise des frappes aériennes à 6h09 :

Circulation intense sur les routes quittant Sanaa, des familles entières fuient aujourd'hui.

A l'instar d'Ammar el Aulaqui, plusieurs utilisateurs yéménites de Twitter partagent des photos des destructions causées par les frappes aériennes, qui ont atteint plusieurs quartiers d'habitation du nord de Sanaa.

 encore des pertes dans la guerre saoudienne/américaine au Yémen. Annonces de nombreuses victimes dans un quartier au nord de Sanaa.

les habitations détruites à Sanaa visée par la guerre menée par l'Arabie Saoudite et les USA contre le Yémen.

Le journaliste yéménite Nasser Arrabyee a également tweeté sur les maisons civiles détruites par l'attaque.

Maisons et voitures de civils à proximité de l'aéroport de Sanaa au Yémen, détruites par les bombardements saoudiens ce matin.

La blogueuse et militante yéménite Afrah Nasser a tweeté qu'il y a en ce moment à Aden une sanglante guerre de rue avec des morts.

@lina22980 à Aden tweete qu'il y a maintenant une guerre de rue à Aden. Des cadavres jonchent les rues.

Elle souligne aussi que la crise humanitaire ne fera qu'empirer après ces attaques, puisqu'au Yémen plus de 15,9 millions de personnes sont dépendantes d'une assistance humanitaire.

15,9 m de personnes – 8 % de plus que l'an dernier – ont actuellement besoin d'une forme d'aide humanitaire au Yémen.

La vraie tragédie, ce serait une catastrophe humanitaire. Famine et absence de services de base conduiraient à plus de violence

Enfin, les tweets de Hisham Al-Omeisi illustrent que le bilan des morts et blessés civils ne peut qu'augmenter car il n'existe aucune infrastructure pour protéger les civils en temps de guerre, notamment contre les bombardements.   

Pas d'abris anti-aériens ni refuges d'aucune sorte à Sanaa… Nous n'avions jamais prévu de frappes aériennes ou de bombardements et ne sommes pas préparés à y faire face… #Yémen

Restez en ligne pour suivre les événements au Yémen.

La Tunisie défie la peur et reçoit le Forum Social Mondial

jeudi 26 mars 2015 à 13:42
Tunisia hosts the World Social Forum for the second time in a row

La Tunisie accueille pour la deuxième fois de suite le Forum Social Mondial

Moins d'une semaine après le sanglant attentat du Musée du Bardo à Tunis, où sont morts 20 touristes et un policier, la Tunisie accueille la 10ème édition du Forum social mondial (FSM, ou en anglais WSF).

Au lendemain de l'attaque du 18 mars, on a pu craindre une annulation du forum. Mais le comité d'organisation a publié un communiqué déclarant que le forum serait maintenu avec toutes ses activités.

A travers cet attentat, les groupes terroristes ont voulu saper la transition démocratique que vivent actuellement la Tunisie et la région, tout en créant un climat de peur parmi les citoyens qui aspirent à la liberté, à la démocratie et à la participation pacifique dans la construction de la démocratie.

La prompte riposte du mouvement social et de toutes les institutions politiques en Tunisie contre le terrorisme, avec l'appel à l'unité pour le combattre, prouve l'attachement des Tunisiens à leur neuve expérience démocratique. Le mouvement social en Tunisie et dans la région compte sur le soutien mondial des forces démocratiques pour contrer la violence et le terrorisme.

Plus que jamais, la participation massive au FSM (Tunis 24-28 mars 2015) sera la réponse appropriée de toutes les forces de paix et de démocratie vers un monde meilleur, plus juste et plus libre fait de coexistence pacifique.

De fait, le maintien du forum est perçu comme une riposte puissante à l'attentat du Musée du Bardo.

Nessryne déclare :

Malgré le choc et la tristesse, j'attends avec impatience le FSM 2015. Le militantisme, la lutte et la vie doivent continuer. 

Tandis que la Confédération des syndicats progressistes tweetait :

Le Forum Social Mondial 2015 va démarrer à Tunis. La meilleure réponse au massacre du Bardo est de construire un autre monde !

Le Forum social mondial est une rencontre anti-mondialisation et anti-capitalisme d'organisations de la société civile. Il a eu lieu pour la première fois à Sao Paulo, au Brésil, en 2001, en riposte au Forum économique mondial. Il se veut un espace de réflexion pour les associations et mouvements qui s'opposent au néo-libéralisme et recherchent la justice économique et sociale.

La militante des droits humains Rae Abileah explique :

Au Forum social mondial, il s'agit d'apprendre à traduire nos luttes et notre travail en coalition 

Nous ne voulons pas prendre une jolie photo avec les leaders mondiaux à Davos. Nous voulons les tenir responsables à Tunis !

A Dakar, Flamme d'Afrique a tweeté le 24 mars :

Le forum s'est ouvert mercredi après-midi par une marche anti-terrorisme vers le Musée du Bardo.

2015 World Social Forum delegates march to the Bardo Museum, where two gunmen killed 21 people on 18 March. Photo shares on twitter by arabesque_tn

Les délégués au Forum social mondial 2015 se rendent en cortège au Musée du Bardo, où deux hommes armés ont tué 21 personnes le 18 mars. Photo partagée sur Twitter par @arabesque_tn

C'est le deuxième forum de suite hébergé par la Tunisie, après l'édition 2013. Pendant les cinq jours de l'événement, 70.000 délégués de plus de 4.000 organisations représentant des pays du monde entier, vont débattre d’un large éventail de sujets parmi lesquels la justice climatique, les migrations, la liberté des média, les droits des femmes, les réfugiés, l'énergie.

Le gouvernement camerounais voudrait faire passer une photo manipulée pour un piratage

jeudi 26 mars 2015 à 12:32
Photoshopped picture that appeared on government website of president Paul Biya honoring fallen soldiers. Cameroonian government claims the photo was uploaded by a hacker.

L'image photoshoppée parue sur le site internet du  on the gouvernement, où le Président Paul Biya honore les soldats tombés au champ d'honneur. Le gouvernement camerounais prétend que la photo a été postée par un pirate.

Trente-huit militaires camerounais morts en combattant le groupe extrémiste nigérian Boko Haram dans le nord du Cameroun ont été honorés le 6 mars 2015 lors d'une cérémonie conduite par le Ministre de la Défense Edgar Alain Mebe Ngo'o. Le Président Paul Biya y brillait par son absence : il était parti pour l'Europe quelques jours auparavant, pour une “brève visite”.

Le président avait également été absent d’une cérémonie similaire en août 2014 alors même qu'il se trouvait dans le pays à ce moment. Pour de nombreux observateurs, l'absence persistante du président est une marque d'indifférence envers les soldats morts pour défendre le pays. Le francophone Journal Du Cameroun déplorait :

Pas un geste de compassion envers les soldats tombés sur le front dans le grand nord, absence récurrente du chef de l’Etat aux obsèques des soldats tombés dans le grand nord, pas un mot sur ceux qui sont sur le terrain, aucune visite de terrain d'encouragement, moult de questions qui attendent l’appréciation du président de la République dont le silence laisse songeur…

Les critiques n'ont pas tardé à signaler qu'à peine quelques semaines avant, le Président Idriss Deby du Tchad, allié essentiel du Cameroun dans la guerre contre Boko Haram, avait honoré en personne les militaires tchadiens tués par les extrémistes, et même visité les soldats tchadiens blessés à l'hôpital militaire de la capitale camerounaise Yaoundé.

On ne s'étonnera donc pas du débordement d'indignation quand trois jours à peine après la cérémonie de Yaounde, le site internet de la Présidence de la République a publié une image photoshoppée du président s'inclinant devant les cercueils des soldats tués.

“Une insensibilité tout simplement sidérante et inexcusable… Une honte incroyable, et les Camerounais méritent des explications complètes pour cette humiliation”, a écrit le journaliste camerounais vivant aux USA Ekinneh Agbaw-Ebai. Bate Felix, un autre journaliste camerounais, collaborateur de l'agence d'information Reuters, a renchéri dans une série de tweets :

C'était déjà insultant que le Président Biya du Cameroun n'assiste pas à la cérémonie honorant les 39 soldats morts en combattant Boko Haram

C'était même encore plus scandaleux que quelqu'un de l'équipe Biya trouve malin de l'y photoshopper

Exaspéré, Nelson Simo se demande :

Face à l'avalanche de protestations sur les médias sociaux, l'image photoshoppée a été retirée dans les deux heures et remplacée par celle de cercueils couverts du drapeau :

Le pouvoir des médias sociaux. L'image truquée de Biya honorant les militaires tombés remplacée !

Avant que l'article entier disparaisse finalement du site.

‘Pourquoi tu prends les Camerounais pour des cons ?' 

Cela n'a pas suffi à éteindre la polémique, puisque la presse écrite s'est emparée de l'affaire dans les jours qui ont suivi.

Le quotidien en français Le Messager a publié le photo-montage en une, avec le titre “Après avoir déserté… Le Chef des armées nargue les soldats.”

Le grand titre d'un autre journal francophone, Quotidien Mutations, était tout aussi cinglant : “Manipulation: Le scandale qui vient de la présidence”. Des agences d'information étrangères comme France24 se sont aussi emparées de l'affaire.

Confronté à une affaire embarrassante qui refusait d'être oubliée, le gouvernement a finalement décidé de réagir deux jours plus tard. Dans une déclaration en français lue sur les ondes publiques de la Radio Télévision du Cameroun, Issa Tchiroma, ministre camerounais de la communication et porte-parole du gouvernement, a affirmé que l'image était l'oeuvre d'un pirate informatique :

Toutes vérifications faites, la fausse nouvelle attribuée au site officiel de la Présidence de la République résulte d'un grossier montage photographique, qui est l'œuvre d'un pirate informatique entré par effraction sur ledit site, et sans doute mû par la volonté de porter atteinte à l'honneur et à la dignité du Chef de l'État, de nos forces de défense et de sécurité et de la nation camerounaise tout entière.
Cette ignoble manœuvre intervient au moment où le peuple camerounais dans son ensemble, a décidé de former une union sacrée autour du Chef de l'État et des forces de défense et de sécurité dont il est le Chef, pour sans doute créer la diversion et la distraction, tenter de saper le moral des troupes sur le front de guerre et de démobiliser la nation tout entière, dans le formidable élan de solidarité qu'elle est en train de manifester.

Screenshot of flag-drapped confins of dead soldiers which replaced the photoshopped picture after public outcry.

Capture d'écran des cercueils des soldats tués couverts du drapeau, substitué après le scandale à l'image photoshoppée.

La déclaration du gouvernement a été immédiatement tournée en dérision. Felix Bate, incrédule, s'est enquis :

Le ministre Tchiroma va nous faire croire que le site de la présidence camerounaise a été piraté et que quelqu'un a posté cette photo honteuse ?

Pierre Christian se contenait à grand peine :

L'utilisateur de Twitter Jess Dina a demandé au ministre :

Le quotidien francophone Le Jour a rondement démonté l'excuse du piratage :

Le site Internet de la présidence et la page Facebook du chef de l’Etat sont truffés de photos grossièrement montées. Contrairement aux dénégations de Issa Tchiroma, les administrateurs de ces sites sont coutumiers du fait.

Les limiers d'Internet ont confirmé l'assertion de Le Jour après avoir recherché sur les sites de médias sociaux gérés par la présidence les preuves que ce “grotesque photomontage” n'était pas le premier du genre commis par le webmestre :

Suffit de comparer avec cette autre photo tweetée par le compte twitter de la présidence quelques jours avant

Comparez aussi avec celle-ci du site internet de la présidence

Le portail d'actualité Camerooon-info.net a également publié une une vaste compilation d'images photoshoppées en provenance du site internet et de la page Facebook du président.

Arrêtés et relâchés

Malgré les preuves de plus en plus évidentes que le photomontage n'était pas l'oeuvre d'un pirate informatique, mais plus probablement l'ouvrage d'un collaborateur trop créatif de l'équipe de communication du président, le gouvernement s'est obstinément accroché à sa version. Dans un entretien avec le quotidien officiel Cameroon Tribune, le Ministre Tchiroma a juré de débusquer et châtier le coupable.

Selon les informations de presse, l'enquête est menée par des agents du Ministère de la Défense et de la Direction Générale de la Recherche Extérieure (l'appellation inoffensive des redoutés services de renseignement du Cameroun).

Dans leur entreprise désespérée de capture des coupables supposés, les forces de sécurité ont procédé jusqu'à présent à deux arrestations plutôt surprenantes. Le 14 mars, elles ont arrêté un certain Foyet Eric Kennedy à Yaoundé, soupçonné d'être le pirate après sa contestation de la version officielle sur une radio locale. Il a ensuite été remis en liberté. Le même jour à Douala, Gerard Kuissu, un journaliste et militant connu des droits humains a aussi été arrêté et accusé d'être le pirate. La preuve ? Il avait partagé la photo sur sa page Facebook. Transféré à Yaoundé pour interrogatoire complémentaire il a été finalement relâché trois jours plus tard. (Cliquez ici pour le récit glaçant par Kuissi de sa rude expérience de la prison).

Il est intéressant de noter que pendant que les recherches se poursuivent d'un pirate généralement considéré comme imaginaire, les fonctionnaires de la présidence se sont employés à supprimer toutes les images photohoppées du site internet, de la page Facebook et du compte Twitter présidentiels. Les liens qui avaient conduit aux pages contenant ces photos ne sont plus actifs ou ne comportent plus les photos. Pour autant, comme a averti le journaliste camerounais Thierry Ngogang sur sa page Facebook à propos de l'actuelle tentative de maquillage :

La vérité est comme la queue d'un singe: il peut essayer de la cacher entre ses pattes, elle apparaîtra toujours.