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Comment un attentat contre un candidat d'extrême droite à la présidence chamboule la politique au Brésil

mardi 11 septembre 2018 à 19:10

Le candidat à la présidence Jair Bolsonaro est poignardé en pleine activité de campagne électorale | Image: Arrêt sur image/TV Globo

Jair Bolsonaro, le candidat d'extrême-droite à l'élection présidentielle, qui domine les sondages au Brésil, a été agressé le 6 septembre 2018 lors d'une manifestation électorale dans le centre-ville de Juiz de Fora, dans l’État de Minas Gerais.

Porté à bout de bras par des supporteurs, M. Bolsonaro a été soudain poignardé au ventre. Les vidéos enregistrées sur les lieux montrent Bolsonaro se plier, crier et être emmené dans une voiture.

L'agresseur a été roué de coups par les supporteurs du candidat.

M. Bolsonaro a perdu beaucoup de sang et a été opéré. Ses blessures – une perforation de l'intestin et d'autres lésions – sont suffisantes pour l'empêcher pour au moins une semaine de faire campagne à l'extérieur. Les élections brésiliennes sont fixées au 7 octobre.

Le candidat Jair Bolsonaro (PSL – Parti social-libéral) a été victime d'une agression pendant qu'il faisait campagne pour la présidence de la République à Juiz de Fora (MG)

‘L'ordre de Dieu’

Adelio Bispo de Oliveira, qui a reconnu être l'auteur du crime, a dit avoir suivi “l'ordre de Dieu”. Selon son portrait par Buzzfeed, il a été missionnaire pour une Église évangélique et a perdu contact avec sa famille depuis trois ou quatre ans.

Sa page Facebook arborait des photos de lui avec des pancartes affirmant que “les politiciens ne servent à rien” et demandant la démission du président Michel Temer. Une autre photo exprimait un soutien à l'appel pour la remise en liberté de l'ex-président Luiz Inácio Lula da Silva, arrêté en avril sur des charges de corruption et blanchiment, mais  favori de l'élection de cette année – malgré l'invalidation de sa candidature.

La presse a également découvert qu'Adelio Bispo de Oliveira avait été antérieurement affilié pendant sept ans au PSOL, un parti d'extrême-gauche. Celui-ci a aussitôt désavoué l'acte, comme la majorité des autres candidats, qui ont suspendu leurs campagnes, rejeté “la violence comme moyen d'expression politique” et réclamé le châtiment des responsables de l'attentat.

Selon l'avocat d'Adelio, celui-ci a attaqué Bolsonaro parce qu’il s'est senti offensé par le discours du candidat. A 40 ans, l'homme, actuellement chômeur, a prétendu être envoyé par Dieu parce que Bolsonaro est pour “l'extermination des homosexuels, des noirs, des pauvres et des peuples autochtones, qu'il désapprouve fermement.”

Adelio encourt désormais jusqu'à 20 ans de prison.

Qui est Bolsonaro ?

Bolsonaro récemment en campagne | Image: @jairbolsonaro

Bolsonaro est un ex-capitaine de l'armée jugé pour “actes d'indiscipline et de déloyauté” dans les années 1980, avant son élection au conseil municipal de Rio de Janeiro en 1988. Un an plus tard il était élu au Congrès où il a représenté la “caste militaire”.

Au cours des années, il a multiplié les déclarations polémiques : il a défendu le putsch militaire de 1964 qui a entraîné le Brésil dans deux décennies de dictature en l'appelant une révolution, prétendu que l'ex-président Fernando Henrique Cardoso aurait dû être fusillé, justifié l'usage de la torture ou des salaires inférieurs pour les femmes parce qu'elles peuvent tomber enceintes, assimilé l'homosexualité à la pédophilie et utilisé la désinformation au sujet d'un “pack gay” supposément distribué dans les écoles publiques.

Dans une société en colère qui compte 63.000 homicides par an, dont seulement 6 % élucidés par la police, et des taux croissants de vols à main armée, Bolsonaro a insisté sur un assouplissement de la législation sur le contrôle des armes à feu pour que “les bons citoyens puissent se défendre”.

L'attentat va-t-il renforcer la candidature de Bolsonaro ?

Le président du parti de Bolsonaro a déclaré ‘la guerre’ aux candidats de gauche accusé d'être partiellement responsables de l'agression. Cependant Bolsonaro a appelé à “modérer le ton” dans sa réaction à ce qui lui est arrivé.

Les fils et autres alliés politiques de Bolsonaro ont utilisé son lit d'hôpital comme un tremplin de campagne. Le lendemain de l'agression, Flávio Bolsonaro, fils aîné du député et lui-même candidat au Sénat, a publié une photo de son père après son opération et disant :

Jair Bolsonaro est plus fort que jamais et prêt à être élu président du Brésil au PREMIER TOUR ! Dieu vient de nous donner un signe de plus que le bien vaincra le mal ! Merci à tous ceux qui nous ont donné la force dans ce moment très difficile ! Le Brésil par-dessus tout, Dieu par-dessus tous !

Un jour plus tard, dans une autre photo publiée par son fils Flavio, Bolsonaro apparaît sur un lit d'hôpital faisant son geste caractéristique de tirer au pistolet. Il remercie aussi ses supporteurs et tout le monde pour leurs prières.

Mon père continue à se rétablir et a commencé la kiné. Grand merci à tous pour votre soutien et vos prières ! Gens de Rio de Janeiro, demain dimanche 11 h, sur le poste 6, nous aurons une activité pour Bolsonaro à Copacabana. Sans tarder plus de détails, ok ?

L'agression contre Bolsonaro a produit 3,2 millions de mentions sur les médias sociaux en 16 heures. Mais selon une étude de la Fondation Getulio Vargas Foundation, 40,5 % des utilisateurs des médias sociaux ont initialement douté de la véracité de l'attentat.

Fabio Malini, un des professeurs qui ont mené l'étude, a invité à la prudence : la campagne de Bolsonaro pourrait avoir plus à perdre qu'à gagner de l'incident, car il est privé de la rue, d'où il tirait de fait sa force.

Être courtois est impossible. C'est une élection de la revanche (de tous côtés). Bolsonaro n'aura aucune compassion des réseaux auxquels il s'est toujours opposé, au contraire, ils seront encore plus attentifs à son utilisation politique de son agression. Ça sera une surveillance étroite.

Pendant ce temps, des spécialistes interviewés par la BBC pensent que l'attentat peut porter chance à Bolsonaro à travers un “effet tragédie”, mais il peut aussi perdre de l'effet le jour du vote.

Quel que soit le résultat, écrit le sociologue et journaliste Leonardo Sakamoto, “l'attentat a ouvert une nouvelle ère dans la violence politique du pays” :

Torço por uma rápida e total recuperação do candidato e pela punição do responsável por esse crime. Mas torço também para que o país não transforme o ataque em gatilho para aprofundar a guerra que trava contra si mesmo. Porque, se assim for, não sobrará muita coisa após outubro.

J'espère une rapide et totale guérison du candidat et le châtiment de l'auteur de ce crime. Mais j'espère aussi que le pays ne transforme pas l'agression en gâchette pour approfondir la guerre qu'il se fait à lui-même. Parce que, si c'est le cas, il ne restera pas grand chose après octobre.

L'attentat contre Bolsonaro n'a été que le dernier en date dans un environnement politique gangrené par la violence et l'impunité. Lors des élections municipales de 2016, un candidat maire a été abattu pendant qu'il faisait campagne dans l’État de Goiás. A Rio, des milices ont pris le contrôle de la politique locale, menaçant depuis des années les adversaires. En mars de cette année, la conseillère municipale Marielle Franco a été tuée dans sa voiture avec son chauffeur. Avant l'arrestation de Lula, son bus de campagne a essuyé des tirs dans ce que la police a qualifié d’ “embuscade”.

L'attentat a été condamné par l’ONG Human Rights Watch, qui a déclaré que “les divergences politiques et idéologiques ne doivent se résoudre que par des processus démocratiques, et jamais par la violence” ; et le Haut-commissariat aux droits humains de l'ONU, qui a demandé une “enquête prompte et le châtiment des coupables”.

L'injustice et les violations des droits humains aux Philippines illustrés par des artistes lycéens

lundi 10 septembre 2018 à 12:55

Ce croquis représente un adolescent non armé sur lequel fait feu un individu à tête de porc, et illustre les exécutions extra-judiciaires de milliers de personnes, dont des adolescents, par des individus masqués qui seraient liés à la police et à d'autres forces d’État. Source: Collectif d'artistes UGATLahi, utilisation autorisée

Un collectif de lycéens philippins riposte à la dégradation des droits humains aux Philippines par la création d'une puissante imagerie visuelle.

Ces élèves fréquentent le lycée national de Batasan Hills (BHNHS), situé à Batasan Hills, un quartier urbain défavorisé Quezon City, considéré comme l'un des secteurs les plus sanglants de la célèbre campagne “Oplan Tokhang” (“guerre contre les drogues”, en tagalog) du président Rodrigo Duterte.

Le nombre de morts dans la guerre anti-drogue de Duterte a atteint les 20.000 selon un rapport gouvernemental de décembre 2017 sur le succès supposé de la campagne. Ce chiffre a été cependant retiré par la suite, en faveur d'une statistique officielle plus conventionnelle de 4.251 victimes jusqu'en avril 2018.

Les détracteurs de Oplan Tokhang accusent l'administration Duterte d'autoriser les forces de l'ordre à arrêter et tuer les suspects de trafic de drogue en toute impunité.

Le quartier de Batasan Hills a payé un lourd tribut à la sanglante guerre anti-drogue de Duterte : les policiers du poste de Batasan ont tué 108 individus dans des opérations anti-drogue entre juillet 2016 et juin 2017, ce qui représente 39 % de tous les meurtres à Quezon City dans ce laps de temps.

Les élèves ont fréquenté un atelier artistique organisé par le collectif militant Sining Bugkos le 28 août 2018, visant à promouvoir une culture progressiste et populaire qui accroisse la sensibilisation aux droits de la jeunesse en vue d'un avenir dans la paix. L'atelier fait partie d'une opération itinérante sur le thème Kultura Karapatan Kapayapaan (Culture, Droits, Paix).

Fréquenté par 190 lycéens, l'atelier proposait des sessions d'art visuel, théâtre, musique, slam, photographie et danse.

Max Santiago, un des organisateurs et membre du Collectif d'artistes UGATLahi qui a animé l'atelier explique :

Aware ang kabataan sa mga nangyayari sa lipunan. Makikita sa mga larawan ang EJK, Charter change,digmaan at ang agwat sa pagitan ng mahirap at mayaman sa lipunan.

Les jeunes sont au fait de ce qui se passe dans la société. Sur le[ur]s images on voit les exécutions extra-judiciaires, la réforme constitutionnelle (“charter change”), la guerre, et le fossé entre les riches et les pauvres dans la société.

Voici quelques-unes des images numériques réalisées par les élèves et partagées par le Collectif artistique UgatLahi :

Cette image numérique appelle à la fin des exécutions extra-judiciaires en rapport avec les drogues. Elle assemble les images de quelques opérations d'Oplan Tokhang dans les quartiers urbains pauvres. Source: Collectif d'artistes UGATLahi, utilisation autorisée.

Cette image numérique dépeint les meurtres d'étudiants et de jeunes dans la soi-disant ‘guerre contre les drogues’, et les manifestations de protestation générées. Source: Collectif d'artistes UGATLahi, utilisation autorisée.

Cette image numérique est titrée ‘karapatan’ et illustre l'expulsion des familles pauvres dans de nombreux quartiers sélectionnés par les autorités pour des opérations privées de promotion immobilière. Source: Collectif d'artistes UGATLahi, utilisation autorisée.

Cette image numérique illustre les galères de nombreux étudiants, dont le rêve d'obtenir un diplôme se heurte à la pauvreté. Source: Collectif d'artistes UGATLahi, utilisation autorisée.

Google, cédant aux exigences du pouvoir russe, censure une vidéo de publicité pour un rassemblement protestataire

dimanche 9 septembre 2018 à 20:54

Alexeï Navalny purge en ce moment une peine de 30 jours de prison pour organisation d'un rassemblement protestataire. Les vidéos de sa Fondation anti-corruption ont été retirées de YouTube par Google suite à une plainte du gouvernement russe // Mitya Aleshkovsky, CC3.0

A la veille du jour prévu en Russie pour un grand rassemblement contre une impopulaire réforme des retraites, Google a informé ses organisateurs de la Fondation Anti-Corruption qu'il allait retirer leurs vidéos de publicité postées sur YouTube, invoquant leur violation des lois de la Russie.

Le code administratif russe impose une “journée de silence” la veille d'une élection, pendant lequel toute action de campagne politique est interdite. Le rassemblement coïncidait avec les élections municipales du 9 septembre à Moscou ainsi que dans d'autres régions. Des annonces pour plusieurs vidéos promouvant les rassemblements dans les 80 villes de la Russie où ils étaient prévus ont été refusées, et les vidéos elles-mêmes retirées par YouTube.

Quelques jours plus tôt, la Commission électorale centrale russe (CEC) et les services du Procureur général ont adressé une réclamation en bonne et due forme à Google, accusant le géant de la technologie d'ingérence électorale. Selon le membre de la CEC Alexandre Klyoukine, auditionné par la commission temporaire pour la protection de la souveraineté de l'Etat et contre l'ingérence étrangère dans les affaires intérieures de la Russie, les autorités russes sont en désaccord avec la promotion par Google des intentions politiques du fondateur de la Fondation Anti-corruption Alexeï Navalny. La commission temporaire a été créée auprès du Conseil russe de la Fédération (la chambre haute du parlement) l'année dernière. Navalny est un opposant politique de premier plan purgeant actuellement une condamnation à 30 jours de prison pour tentative d'organisation d'un rassemblement supposé non autorisé en janvier 2018.

Leonid Volkov, l'allié de Navalny et son directeur de campagne lors de sa candidature à la mairie de Moscou en 2013, a indiqué sur un billet Facebook que la Fondation Anti-Corruption a déposé une réclamation officielle contre Google et a alerté contre la déférence inconditionnelle de l'entreprise à chaque demande de censure des gouvernements répressifs :

Why is that so important.

This is not the first time when Russian authorities abuse their power to issue unlawful requests to the western IT-corporations. This is the first time, though, when Google decides to comply with such a request.
This sad precedent has to be given high priority and to be reverted. We realise how legal compliance works in large corporations: the lawyers would always advise just to follow local rules to avoid problems with the local authorities. This is a good practice in the countries where the rule of law is well established.
The corporations — including Google — should face the reality. In authoritarian regimes these are the governments who most frequently abuse the law. Not every request signed by a government authority should be automatically considered as a lawful one. Good portion of criticism is necessary to protect the users and their rights.

Pourquoi c'est si important.

Ceci n'est pas la première fois que les autorités russes abusent de leur pouvoir d'émettre des requêtes illégales auprès des sociétés occidentales de technologies de l'information. Mais c'est la première fois que Google décide de déférer à une telle requête.
Ce triste précédent mérite la plus haute priorité et doit être renversé. On comprend comment fonctionne la déférence légale dans les grandes entreprises : les avocats conseillent toujours de se contenter de suivre les règles locales pour éviter les problèmes avec les autorités. Une bonne pratique dans les pays où l'état de droit est bien établi.
Les entreprises – y compris Google – doivent regarder la réalité en face. Dans les régimes autoritaires ce sont les gouvernements qui enfreignent le plus souvent les lois. Il ne faut pas considérer automatiquement comme légitime chaque requête signée par une autorité publique. Une bonne dose d'esprit critique est nécessaire pour protéger les usagers et leurs droits.

Ce nouvel esclandre intervient à un moment où Google se trouve au milieu d'une sorte de crise existentielle, des salariés contestant ce qu'ils voient comme une adhésion à la censure de la part de leur employeur.

La pénurie de pédiatres en Roumanie, signe alarmant d'un système de santé en crise

dimanche 9 septembre 2018 à 15:10

Un bâtiment typique d'hôpital général en Roumanie. Celui-ci se trouve à Roman, une ville de l'Est du pays. Photo : Andrei Stroe, via Wikipedia, CC BY 3.0.

Depuis son adhésion à l'Union européenne (UE) en 2007, la Roumanie fait face à un immense exode migratoire  de ses médecins, à l'origine d'un manque de capital humain dont les soins de santé infantile sont les premières victimes.

Plusieurs hôpitaux des villes autres que Bucarest, la capitale du pays, sont contraints de fonctionner avec un seul pédiatre de garde. S'ils partent en vacances, c'est l'unité entière qui doit fermer, car les remplacements sont de plus en plus difficiles à obtenir.

Selon les données de l'Institut roumain des statistiques en 2017 et 2016, le nombre de médecins dans le pays n'a que très légèrement augmenté depuis 2015. La plupart des médecins ne sont pas disposés à accepter le salaire réduit et les conditions matérielles inadéquates des cliniques des zones rurales. Ils préfèrent donc s'installer dans les grandes villes, ou envisagent les multiples opportunités offertes par l'expatriation.

Alors même que le taux de mortalité infantile en Roumanie est le plus élevé de l'Union Européenne, les dépenses de santé par habitant y sont également les plus basses. Un mauvais classement pour lequel le pays est suivi de près par la Bulgarie, qui a également rejoint l'UE en 2007, et qui fait face à des tendances similaires d'émigration de son personnel médical.

En 2016, le taux de mortalité infantile en Roumanie était d'environ 10 décès pour 1 000 naissances vivantes, une baisse significative par rapport aux 15 pour 1 000 enregistrés en 2003, mais qui reste malgré tout bien supérieur au taux moyen de 3,7 pour 1 000 observé au sein de l'UE.

Ioana Moldovan, une photojournaliste ayant travaillé sur la pénurie de pédiatres, a ainsi écrit sur son site internet l'année dernière :

Romania has a population of almost 20 million. Doctors in rural areas are outnumbered by peers in cities two to one, while half of the population lives in the countryside. The health care sector is overrun with crises and never ending problems. In 27 years since the anticommunist revolution of 1989 the country has had at least 25 health ministers take office. None has so far managed to get Western care standards for patients.

La Roumanie a une population de près de 20 millions d'habitants. Les médecins des zones rurales sont deux fois moins nombreux que ceux des villes, alors même que la moitié de la population vit à la campagne. Le secteur de la santé est dépassé par les crises et les problèmes sans fin. Dans les 27 années depuis la révolution anticommuniste de 1989, le pays a vu défiler au moins 25 ministres de la Santé. Aucun d'entre eux n'a jusqu'ici réussi à faire en sorte que les patients aient accès à des soins de qualité équivalente à ceux offerts dans les pays occidentaux.

Dans une déclaration faite à Global Voices, le Dr Constantin Giosanu, pédiatre et coordinateur de la Fondation IMED, a reconnu que la plupart des hôpitaux publics en Roumanie reçoivent des ressources financières provenant de fonds publics, mais :

.. pas assez pour un fonctionnement normal, les fonds arrivent avec du retard et ne sont parfois pas utilisés de manière adéquate par les gestionnaires de ces hôpitaux.

Pour ne rien arranger, la Roumanie souffre également du plus faible taux d’infirmier(e)s et de sages-femmes par habitant en Europe. Elles ou ils travaillent souvent dans des hôpitaux ne disposant même pas de l'équipement de première nécessité, et où des traitements particuliers ne peuvent être mis en œuvre que si les patients fournissent eux-mêmes le matériel.

Ces conditions tendues et le bas niveau de salaire ont constitué le terreau qui a permis à la corruption de se développer et de devenir une réalité quotidienne dans les hôpitaux publics.  Les cas de patients s’assurant l’accès à des soins vitaux en offrant argent ou autres « cadeaux » aux médecins et aux infirmières sont devenus monnaie courante.

En 2016, selon une enquête réalisée dans le pays par OpenDemocracy, 77 oncologues ont été accusés de corruption pour avoir prescrit à des patients des médicaments anticancéreux en échange de vacances en Inde.

Un pédiatre pour 200 000 personnes

La ville de Tulcea, qui compte plus de 70 000 habitants, ne dispose que de 361 médecins, soit l’un des taux de médecins par habitant les plus bas de toute la Roumanie.

En août 2016, des dizaines de parents ont organisé une manifestation pour protester contre les conditions dramatiques de l'unité de pédiatrie de l’hôpital du comté. L'hôpital, desservant 200 000 personnes de Tulcea et de ses environs, ne compte qu'un seul pédiatre et doit fermer l'unité chaque fois qu’il part en vacances.

En 2017, l'unité est restée fermée pendant près d'un an du fait de l'absence totale de médecin qualifié. Début 2018, un pédiatre a finalement été embauché, permettant enfin à l’unité de reprendre son activité. Cependant, avec un seul spécialiste disponible, les familles doivent encore attendre des heures avec leurs enfants avant d’être prises en charge

Toujours en 2017, l'hôpital a annoncé une pénurie de médecins dans toutes les spécialités. 33 postes étaient à pourvoir, sans qu’aucun candidat ne se manifeste.

Tudor Năstăsescu, directeur de l'hôpital, avait commenté la situation pour F media :

Situaţia este exact ca în restul ţării. Avem probleme în toate specializările. Noi scoatem la concurs şi încercăm să ne comportăm bine cu oamenii care vin, să nu fie un stres în plus pentru ei, le plătim o chirie, dar nu mai interesează pe nimeni. Eu primesc lunar oferte de a lucra în străinătate.

La situation est exactement la même que dans le reste du pays … Nous organisons un recrutement et nous faisons tout notre possible pour bien accueillir les candidats et leur éviter tout stress additionnel. Nous offrons même de payer leur loyer, mais ça ne suffit plus aujourd’hui. Je reçois moi-même chaque mois des offres d’emploi à l'étranger.

La situation est similaire dans d’autres comtés comme Calarasi, Giurgiu et Ialomita. Pourtant, au même moment, plus de 12 500 médecins travaillent à Bucarest, la capitale, soit 22% du nombre total de médecins dans le pays.

Une histoire semblable a été rapportée dans l'hôpital municipal de Drăgăşani, dans le comté de Valcea  où le département de pédiatrie a dû fermer en juillet 2017 quand le seul pédiatre de l'hôpital est parti deux semaines en congés. Avec seulement deux ambulances en état pour toute la ville, le risque de rester en rade en cas d’urgence était extrêmement élevé.

Comment la Roumanie peut-elle sortir de cette crise ? Le Dr Giosanu a une idée :

Je pense qu'il revient aux médecins et aux médias d’éduquer la population et les patients à ne plus accepter la corruption, la gestion désastreuse du système de santé, et la qualité médiocre des soins. De cette manière, le système se développera pour atteindre le niveau de l’Europe occidentale.

Alors que le nouveau gouvernement de Malaisie est au pouvoir depuis 100 jours, la liberté d'expression est-elle toujours menacée ?

samedi 8 septembre 2018 à 23:20

Des militants se rassemblent en soutien à l'avocate et activiste Fadiah Nadwa Fikiri convoquée par la police pour avoir prétendument posté un article de blog séditieux à l'encontre de la monarchie. Photo de la page Facebook de Daniel Mizan Qayyum

À l'approche de ses 100 jours de mandat, le nouveau gouvernement malaisien a t-il tenu sa promesse de protéger la liberté d'expression ?

Le 9 mai 2018, le Pakatan Harapan (PH) a battu le Barisan Nasional (BN) au pouvoir depuis un demi-siècle.

Pendant la période de campagne, le PH a publié un manifeste promettant de réexaminer et, éventuellement, d'abolir les règlementations entravant la liberté d'expression parmi lesquelles la loi sur la sédition de 1948, la loi sur la prévention de la criminalité de 2015, la loi sur la communication et le multimédia de 1998 ainsi que la loi anti-fake news de 2018.

Depuis les élections, les Malaisiens ont observé certaines améliorations. L'accès à certains sites d'information indépendants tels que le Sarawak Report et Medium a été débloqué. L'interdiction de voyager imposée au caricaturiste et activiste politique Zunar, fervent critique de l'ancien Premier Ministre Najib Razak, a été levée. Pourtant, d'autres voix franches sont toujours sous pression.

Une avocate inquiétée pour avoir blogué sur la monarchie

Le Centre pour le Journalisme Indépendant (CIJ) a averti que, malgré les promesses de campagne du PH, « les atteintes à la liberté d'expression continuent à se produire ».

Le groupe a cité le cas de l'avocate et activiste Fadiah Nadwa Fikri qui, en juillet dernier, a fait l'objet d'une convocation par la police pour avoir remis en cause sur son blog le rôle de la monarchie dans la vie politique. Fadiah est désormais visée par une enquête pour avoir posté en ligne un contenu prétendument séditieux.

Le CIJ a conseillé à la police et au gouvernement de cesser d'employer des lois draconiennes alors même que le parlement envisage l'abrogation de ces mesures :

We call upon the Government to make clear its stand on freedom of expression; to condemn this investigation; and to speedily institute a moratorium on all oppressive laws pending their repeal and/ or amendment…If Malaysia is to undergo true democratisation critical, respectful discourse and debate needs to be fostered and protected.

Nous demandons au gouvernement de clarifier sa position sur la liberté d'expression, de condamner cette enquête et d'instaurer rapidement un moratoire sur toutes les lois oppressives en attendant leur abrogation et/ou leur amendement… Si la Malaisie doit connaître un véritable processus de démocratisation, alors on doit encourager et protéger les échanges et les débats critiques et respectueux.

Kua Kia Soong, conseiller de l'organisation de défense des droits de l'homme Suaram, a défendu Fadiah et appelé à la tolérance envers les opinions dissidentes :

The article written by Fadiah certainly did not constitute incitement to hatred or violence. She was expressing an opinion on an issue of public interest.

Her right to freedom of expression as a social activist and intellectual must be respected because such are the demands of pluralism, tolerance and broad-mindedness that our founding fathers and mothers wanted for our democratic society and especially now, the supposedly “new Malaysia”.

L'article écrit par Fadiah ne constituait en aucun cas une incitation à la haine ou à la violence. Elle ne faisait que donner son avis sur une question d'intérêt général.

Son droit à la liberté d'expression en tant que militante sociale et intellectuelle doit être respecté car telles sont les revendications de pluralisme, de tolérance et d'ouverture d'esprit que nos pères et mères fondateurs souhaitaient pour notre société démocratique et, en particulier maintenant, pour la soi-disant « nouvelle Malaisie ».

Les officiels demandent de la patience

Hanipa Maidin, vice-ministre du bureau du Premier Ministre, a réitéré l'engagement du PH à abroger les lois répressives mais a demandé de la patience tandis que le gouvernement se prépare à des réformes plus vastes de la bureaucratie :

I only hope the people can be a little more patient with us, just as we have been very patient with BN over the past 60 years…This is because there is far too much damage left by the previous regime for us and for you. This is not an excuse, but a sincere request from us.

J'espère simplement que les gens feront preuve d'encore un peu de patience envers nous, tout comme nous nous sommes montrés très patients envers le BN au cours des six dernières décennies… La raison est que le régime précédent a laissé beaucoup trop de dégâts pour nous comme pour vous. Ceci n'est pas une excuse mais une demande sincère de notre part.

Un autre officiel a affirmé l'intention du gouvernement de retirer les lois controversées telles que la loi anti-fake news et celle sur les infractions en matière de sécurité (SOSMA).

Abandon des poursuites pour sédition envers le caricaturiste Zunar

La décision du gouvernement d'abandonner les neuf chefs d'accusation de sédition engagés contre le caricaturiste politique Zunar a été la bienvenue. Zunar en personne a confirmé la nouvelle sur son compte Twitter :

ENFIN LIBRE !
Toutes les accusations de sédition (9 en tout) contre moi ont été abandonnées. Le « Combat par le dessin » porte ses fruits. Mais la bataille n'est pas terminée. Le dangereux virus « Dessin-O-Phobia » atteint à présent tous les hommes politiques du monde entier.

Zunar était un caricaturiste prolifique et célèbre qui a critiqué la corruption et autres abus du gouvernement précédent. En plus d'être accusé de sédition, ses dessins ont été confisqués et on l'a empêché de quitter le pays.

La police de Penang a également affirmé qu'elle rendrait à Zunar un ensemble de livres, t-shirts et autres illustrations qu'elle lui avait confisqué en 2017.

Les Malaisiens continuent de faire face à d'importantes difficultés alors qu'ils font campagne pour plus de liberté et de démocratie dans une société en pleine transition gouvernementale. Il est rassurant de constater que le nouveau gouvernement n'a, pour l'instant, pas renoncé à sa promesse de poursuivre les réformes législatives qui renforceront la liberté des médias et la protection des droits de l'homme.

Toutefois, un nombre croissant de citoyens malaisiens et de groupes de la société civile rappellent au gouvernement qu'il doit prendre des mesures décisives. C'est également le message relayé par 36 groupes de la société civile qui ont signé une déclaration demandant le maintien de la liberté d'expression.

We hope this new government is in fact new, and will back up their rhetoric with committed and decisive action. In these crucial early days, as the government sets the tone for its administration, we hope to see a genuine departure from the old oppression, and a transition into a Malaysia where all ideas can be discussed peacefully and our constitutional rights exercised maturely.

Nous espérons que ce nouveau gouvernement sera bien nouveau et qu'il appuiera ses propos par des actions engagées et décisives. Alors que le gouvernement, en ces premiers jours cruciaux, donne le ton à son administration, nous espérons voir une réelle rupture avec l'ancienne oppression et une transition vers une Malaisie où toutes les idées pourront être discutées pacifiquement et nos droits constitutionnels pleinement exercés.