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Mettre fin aux mutilations génitales féminines et excisions en Afrique

mercredi 18 janvier 2017 à 18:55
Capture d'écran de la vidéo stop FGM par Josefine Ekman

Capture d'écran de la vidéo stop FGM par Josefine Ekman

Aja Babung Sidibeh était une mutilatrice génitale féminine (MGF) sur son île natale de Janjangbureh en Gambie. Aujourd'hui, elle participe activement à la lutte contre la pratique des mutilations génitales. Son témoignage:

 Si j'avais su avant ce que je sais aujourd'hui, je n'aurais jamais excisé une seule femme. Nous avons causé beaucoup de souffrances à nos filles et à nos femmes. C'est pourquoi je vous ai dit que ce que je sais aujourd'hui, si mes grands-parents le savaient, ils n'auraient jamais excisé aucune femme. C'est l‘ignorance le problème.

Le rapport des Nations Unies pour l'année 2016 (PDF) examine l’impact sur les droits humains de la pratique des mutilations génitales et excision ( MGF/E) sur les femmes et les jeunes filles qui en sont victimes.

Selon l’OMS, entre 130 et 140 millions de femmes souffrent ou ont souffert des complications des MGF/E. Chaque année, trois millions de femmes risquent encore d’en être victimes. Le rapport fait aussi le bilan des efforts des gouvernements et de leurs partenaires nationaux et internationaux pour lutter contre cette pratique et identifie les principaux facteurs qui limitent l’efficacité des mesures prises à ce jour.

Les MGF/E constituent une pratique fortement ancrée dans certaines coutumes et traditions: en effet, bien qu’interdite par le droit guinéen, la pratique des MGF/E est très largement répandue en République de Guinée où 97 % des filles et des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi une excision.  Les MGF/E sont pratiquées à grande échelle dans chacune des quatre régions naturelles du pays, et dans toutes les ethnies, religions et milieux socioprofessionnels. Alors que la pratique tend à diminuer au niveau international, une enquête nationale démographique et de santé menée en 2012 conclut à une légère augmentation du taux de prévalence des MGF/E en Guinée depuis 2002. Le pays occupe ainsi le deuxième rang au classement mondial en ce qui concerne le taux de prévalence en la matière, derrière la Somalie.

Le Plan de campagne pour la mise en œuvre des Objectifs du développement durable inscrit explicitement les pratiques traditionnelles néfastes telles que les MGF/E dans le cadre de la lutte contre toute forme de violence à l’égard des femmes. Le présent rapport est basé sur des données quantitatives et qualitatives collectées par le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDH) grâce aux Enquêtes démographiques et santé, produites par le gouvernement de Guinée, par les agences des Nations Unies (UNICEF,UNFPA), par les Organisations non gouvernementales (ONG) et les instituts de recherche.

Ces pratiques et attitudes sont ancrées dans la culture de violence contre les femmes et le sujet  est resté tabou jusqu’en 2007 lorsque deux sénateurs américains Joe Biden et Richard Lugar ont introduit l’Acte international sur la violence contre les femmes.
Au Somaliland, le cas d’Edna Adan Ismail illustre la force nocive de cette tradition et les efforts à fournir pour pouvoir l'arrêter. Edna, née dans une famille de médecin de la grande bourgeoisie du pays, avait 8 ans quand elle a été excisée. Le but de cette opération, selon ses proches, était de réduire son désir sexuel quand elle aura grandi, diminuer ainsi la probabilité de promiscuité et assurer donc qu’elle soit “digne d'être mariée”.  Edna raconte que sa mère l’a forcée à être excisée malgré l’opposition ferme de son père qui était absent le jour de sa mutilation. Son père a alors fondu en larmes en constatant l'acte menée en son absence et son impuissance à protéger sa fille. Cet acte a mis à mal le mariage du couple et depuis, Edna est devenue une farouche militante de la lutte contre les MGF/E. Ayant été éduquée, malgré l’inégalité de chances par rapport aux garçons, dans une faculté britannique, Edna devint la première infirmière/sage femme de son pays et plus tard première dame du Somaliland.

Voici une vidéo où Edna explique sa stratégie pour combattre cette pratique:

Edna Adan réussit par la suite à construire un hôpital/maternité, la maternité Edna Adan grâce au soutien de nombreux donateurs. Cette maternité est le symbole de son engagement pour la survie des femmes et contre la violence faite aux femmes (mutilations, mortalité maternelle, fistule obstétricale).  97% des femmes suivies dans cette maternité ont subi une autre forme encore plus atroce de mutilations : l’infibulation. L'infubilation est l'acte de suturer la majeure partie des grandes ou des petites lèvres de la vulve, ne laissant qu’une petite ouverture pour que l’urine et les menstruations puissent s’écouler. Elle est habituellement pratiquée sur une adolescente pré-pubère dans le but de lui empêcher tout rapport sexuel.

Les conséquences sur la vie sexuelle de ces femmes sont un crime contre l’humanité tant au moment des règles que des rapports sexuels et de l’accouchement. Souvent cet acte aboutit à une hémorragie qui entraîne soit le décès de la femme, soit des complications, dues au déchirement des tissus vaginaux lors de l’accouchement.

Prevalence des MGF/E sur la base du rapport de l' UNICEF sur wikipédia license CC-GDFL

Prevalence des MGF/E sur la base du rapport de l’ UNICEF sur wikipédia license CC-GDFL

Les MGF/E sont en général pratiquées dans les familles musulmanes et certaines familles chrétiennes en Afrique. Ces pratiques ne sont pas retrouvées dans les familles musulmanes en dehors de l’Afrique sauf à petite échelle au Yémen, dans le Sultanat d'Oman, en Indonésie et en Malaisie. Une estimation du pourcentage de femmes ayant été victimes de MGF/E par pays se trouve dans ce rapport d'Amnesty International (PDF).  Au Mali et au Sénégal, les femmes de forgerons sont en général celles qui pratiquent cet acte. Ailleurs ce sont les accoucheuses traditionnelles.

Les Nations Unies ont dénoncé cette pratique dès les années 1970. Une quinzaine d’états ont promulgué des lois, des conférences ont été tenues et des rapports ont été écrits ,mais rien n’a vraiment fondamentalement changé d'un point de vue de santé publique jusqu'à récemment.  Par exemple, la Guinée promulgue une loi dans les années 1960 qui condamne toute exciseuse à des travaux forcés à perpétuité. Si la femme meurt dans les 40 jours après l’excision, elle était condamnée à mort. Cependant,  la loi n’a jamais été vraiment appliquée.

L’organisation non gouvernementale Tostan a réussi au Sénégal à enrayer cette pratique grâce à une campagne d’éducation des villageois ,hommes et femmes , dans le but de ne pas les antagoniser dans leur tradition et croyances. L’éducation communautaire, l’introduction de micro-crédits, la gestion du village et l’éducation par les pairs ont produit un effet d’entrainement sur la prévention des conséquences désastreuses des mutilations sur la santé des femmes. Les risques de l’excision sur la santé ont pu être débattues de manière collégiale et pour la 1ère fois en 1997, 35 femmes du village de Malicounda Bambara ont annoncé que leurs filles ne seraient plus excisées.

Cependant, cette campagne d'éducation est certainement un travail de longue haleine car le projet a souvent été perçu comme étant un projet anti-africain et a été montré du doigt par les villages environnants juste après son implémentation.

Depuis le début de la campagne,  plus de 2600 villages ont ainsi annoncé qu’ils ne pratiqueraient plus l’excision. Le gouvernement sénégalais a reconnu la stratégie de Tostan comme étant efficace et l’a adopté comme modèle national. Cette stratégie a par la suite fait tâche d’huile dans la région ouest africaine et dans les organisations communautaires au Ghana.

L’ONG éthiopienne KMG Ethiopia a aussi réussi par cette approche à faire reculer cette pratique en Ethiopie, démontrant ainsi que la capacitation des femmes par l’approche communautaire est la plus effective, bien avant la promulgation de lois et l'annonce de grandes résolutions internationales.

Le hockey américain vu par un Ukrainien

mardi 17 janvier 2017 à 22:17
Photo: Andrew Ivakhov

Photo: Andrew Ivakhov

[Les liens mentionnés sont en russe]

De temps à autre, Global Voices traduit des textes publiés sur l’Internet russe, lorsque les auteurs décrivent des événements particuliers, faisant alors valoir le point de vue des internautes du RuNet. Bien que la majorité de nos contenus concerne la politique et les questions sociales, l’épisode d’aujourd’hui évoque le monde sans pitié du hockey sur glace américain, vu à travers les yeux d’Andrew Ivakhov, un jeune Ukrainien résidant à Los Angeles. Il nous fait part d’une récente rencontre opposant les L.A. Kings aux Pittsburgh Penguins, où il profita d’un spectacle auquel il ne s’attendait pas.

Ce premier texte a été publié à l’origine sur le site russe TJournal, puis traduit en anglais par Kevin Rothrock.

“Sports 2.0, ou comment le hockey américain est venu jusqu’à moi”
par Andrew Ivakhov

Cet article n’apportera rien de nouveau, surtout si vous vous êtes déjà rendu à un match de hockey aux Etats-Unis. Malheureusement, la popularité de ce sport était proche de zéro lorsque j’étais enfant. Ainsi, la première fois que j’ai vu du hockey sur glace, je n’avais que 23 ans.

En arrivant à la salle omnisports locale, le Staples Center, une foule de supporters apathiques traçait son chemin dans le complexe sportif. A l’instar de nombreux lieux du même acabit, le Staples Center peut se transformer en n’importe quelle arène sportive, que ce soit pour accueillir de la boxe, du basket, ou du hockey. Dès que vous achetez votre place, vous pouvez avoir ce que vous voulez.

Vous avez l’habitude d’assister à des matchs de foot ? Eh bien ici, attendez-vous à voir quelque chose de complètement différent. Ne vous donnez pas la peine de cacher votre flasque d’alcool – ils en vendent volontiers à l’intérieur. Whisky. Martini, vodka – vous n’avez qu’à vous rendre au bar.

The bar at the L.A. Kings stadium. Photo: Andrew Ivakhov

Le bar du L.A. Kings stadium. Photo: Andrew Ivakhov

La mention du “2.0” dans mon titre n’est pas anodine, car il me paraît plus difficile de parler de « sports ». Il s’agit davantage d’une industrie financière, à laquelle consentent participer quelques hockeyeurs.

Ainsi, vous verrez des femmes à moitié dénudées – comme celles qui  défilent sur les rings de boxe – distribuant au hasard des tickets de loterie. Une façon de vous attirer vers de futures rencontres sportives. La diversité des plats vendus dans le stade ferait saliver un centre commercial, où je me suis offert le pire taco de ma vie pour 12 dollars.

“Vous ne venez pas ici pour le hockey”, voilà l’impression que j’ai ressentie.

La seule similarité qui relie, à mes yeux, les fans de football à ceux du hockey sont les divers produits dérivés proposés à l’achat.

Etrangement, les supporters se retrouvent rarement les uns en face des autres. A l’occasion, histoire de rester dans l’ambiance, quelqu’un lancera quelque chose de confus, à l’instar des conducteurs du jeu vidéo GTA. Ce sport, dans lequel les athlètes sont des personnes réelles, a des fans plus tendres que la guimauve. Bien sûr, c’est agréable de voir dans les tribunes des spectateurs peu agressifs, mais il vide le jeu d’une certaine énergie.

Assister à un match en short ne s’est pas révélé être la meilleure idée que j’ai eue. Aussitôt que je me fus assis, le match démarra. Les haut-parleurs remplacent la clameur du public, absent. Revêtu d’un maillot de l’équipe locale, Cartman [de la série TV South Park] nous incite à applaudir.

Le rôle habituellement dévolu aux hooligans de football avec leurs chants, leurs bannières etc., est ici endossé par le service marketing. Votre job s’arrête une fois votre place achetée.

Enfin, le hockey commença. Les mouvements, la vitesse, les patins caressant la glace, les premiers moments critiques et… le jeu qui s’arrête le temps d’une pause publicitaire. Aussi inattendu que si l’on m’avait stoppé en plein ébat sexuel.

Les joueurs, tout comme les fans, ne sont pas décontenancés. Assis, la bouche ouverte, j’étais le seul à m’étonner que l’on me parle du dernier produit de nettoyage au lieu de regarder du hockey. A la fin du match, vous n’y prêtez même plus attention.

La dimension athlétique du jeu est démentielle. J’ai investi ma peur de ne pas voir le palet dans un ticket de 90 dollars. J’ai rapidement googlisé les règles de ce sport et voilà !, je pouvais savourer pleinement cette discipline.

Ces joueurs sont incroyablement vifs. Le son de leurs lames sur la glace résonne dans tout le stade. Comme si vous pouviez attraper vous-même ce palet, puis vous déplaciez gracieusement sur vos patins pour faire circuler le palet. Les règles elles-mêmes de ce sport participent au spectacle : je n’avais jamais remarqué à quel point la ligne changeait aussi vite. Les joueurs bougent plus rapidement que le cours du pétrole.

Mais pourquoi se contenter d’un simple arrêt de jeu – même quand c’est réellement nécessaire – quand on peut vous inonder de publicités ?

Le tableau de score de la patinoire se transforme à machine à fric pour les sponsors. Toutes les deux minutes, une banque présente quelques faits historiques, ou une compagnie d’assurance vous teste avec quelques exercices de maths simplistes, vous éloignant du plaisir du jeu.

A trois reprises, nous avons applaudi des soldats surnommés « Les Héros du Jeu », tandis que « Floyd », coiffeur, me demanda de deviner les différentes coupes de cheveux des joueurs, tout en distribuant des coupons. Un grand cirque sans aucune commune mesure avec le sport.

Et tant pis si vous ressentez le besoin de taper du pied lors des moments cruciaux: des effets sonores s’en chargent pour vous. On vous dit même quand applaudir et quand huer. Quel monde fantastique.

Les fans de l’équipe adverse sont mélangés les uns aux autres, tandis que les serveurs courent entre les rangées, bloquant parfois le champ de vision d’un spectateur. Nous ne nous trouvons pas au théâtre, certes, mais où sommes-nous réellement ? Le jeu en lui-même semble secondaire. Les gens montrent le bout de leur nez, boivent quelques verres, et prennent des selfies.

Sans doute tout ce que je viens de vous décrire est typique des rencontres de hockey du coin. Vous avez le sentiment que l’argent vous oppresse, à chaque seconde du match. Les bannières publicitaires qui entourent les terrains de foot me paraissent hilarantes dorénavant. Imaginez ce que le football pourrait réaliser, si ses dirigeants souhaitaient gagner davantage d’argent.

Pour résumer, le hockey est un sport vraiment cool. Les joueurs sont bel et bien réels, et bagarres, vitesse et action s’entremêlent pour votre plus grand plaisir, même si vous n’avez appris à connaître les règles du jeu que cinq minutes auparavant. Mais à Los Angeles, le hockey ressemble bien plus à un spectacle. On essaie sans cesse de vous vendre quelque chose, les distractions sont nombreuses, et vous serez toujours diverti, d’une façon ou d’une autre.

Mais quand les disciplines sportives s’éloignent du sport, ce n’est plus aussi cool.

Un match de championnat, ou un match à moindre enjeu, produirait une énergie qui a désespérément fait défaut ici. Hélas, il ne s’agissait pas de l’une de ces rencontres.

Oh et au fait, les Kings ont gagné 3 à 2.

Ce premier texte a été publié à l’origine sur le site russe TJournal, puis traduit en anglais par Kevin Rothrock.

Déforestation irréfléchie en Inde au nom du développement

mardi 17 janvier 2017 à 15:43
The women of the mountain villages in Rajasthan, India, carry 70 albs of wood on their heads every day for their cook fires. Image from Flickr by Engineering For Change. CC BY-SA 2.0

Les femmes des villages montagneux du Rajasthan portent jusqu'à 30 kg de bois sur leur tête chaque jour pour leurs feux de cuisine. Photographie de Engineering For Change sur Flickr. CC BY-SA 2.0

Cet article a initialement été publié sur Video Volunteers, une organisation internationale primée, centrée sur les médias communautaires et basée en Inde. Une version éditée est publiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

En Inde comme dans de nombreuses parties du monde, la déforestation est l'une des causes premières de la dégradation de l'environnement. D'après une étude récente, l'Inde a perdu 243 447 kilomètres carrés de forêt (28 %) en quatre-vingt ans. La déforestation a causé des dégats irréversibles dans tout le pays, éliminant des habitats naturels et des écosystemes délicats, déclenchant des sécheresses, canicules et autres catastrophes naturelles. Selon une étude publiée dans Scientific Reports, la déforestation est à l'origine d'une diminution des précipitations en Inde au cours des dernières décennies.

Chaque année en Inde, de plus en plus de zones forestières sont converties en terres agricoles, nécessaires pour subvenir aux besoins de populations locales en croissance. L'exploitation forestière et minière, l'urbanisation et l'industrialisation sont les autres causes de la déforestation. Ce récit d'Amita Tutti, correspondante communautaire pour Video Volunteers, montre que des milliers d'arbres ont été coupés à travers l'état de Jharkhand pour élargir des routes et pour faire place à des projets de développement d'infrastructure de l'administration de l'état. De nombreux autres arbres centenaires risquent de subir le même sort.

Des particuliers et certaines organisations citoyennes se sont opposés à l'abattage des arbres dans le but de faire place à de nouvelles routes dans la région. “Les arbres donneraient de l'ombre aux cyclistes et aux piétons pendant la chaleur de l'été”, dit Pinki Kumari, résidente de Khunti.

Alors que les fonctionnaires de l'état affirment qu'une autorisation fut accordée pour le développement routier, un militant insinue que ceux-ci vendent à profit les arbres abattus à des usines.

À Junagarh. Inde. Ce matin. Triste. Déforestation.

Les résidents de Khunti ont réclamé que des espèces locales soient plantées et que la couverture forestière du district soit conservée. En juillet dernier, huit cent mille citoyens de l'état voisin d'Uttar Pradesh ont planté plus de quarante neuf millions d'arbres en 24h pour exprimer leur désaccord envers la déforestation. L'Inde a besoin d'autres efforts de ce type pour équilibrer la perte d'arbres causée par l'urbanisation et le développement.

Les correspondants communautaires de Video Volunteers sont originaires de communautés indiennes marginalisées et produisent des reportages sur des événements non-médiatisés. Ces reportages sont des “actualités racontées par leur protagonistes”. Ils offrent une vision ultra-locale des défis liés aux droits de l'homme et au développement mondial.

Le Nigeria veut donner 5% des sommes récupérées aux dénonciateurs de la corruption

lundi 16 janvier 2017 à 23:02
Un marché local à Abuja, Nigeria. La corruption affecte surtout les plus pauvres. Photo de l'utilisateur de Flickr Jeff Attaway publiée sous licence Creative Commons

Un marché local à Abuja, Nigeria. La corruption affecte surtout les plus pauvres. Photo de l'utilisateur de Flickr Jeff Attaway publiée sous licence Creative Commons

[Billet d'origine publié le 26 décembre 2016] Il y a quelques jours, le Conseil exécutif fédéral (FEC) du Nigeria a approuvé une nouvelle politique pour les lanceurs d'alertes visant à lutter conte la fraude et d'autres crimes connexes dans les secteurs privé et public. Annonçant la politique, la ministre des Finances du Nigeria, Mme Kemi Adeosun a dit :

S'il y a un retour volontaire de fonds ou d'avoirs publics volés ou cachés retrouvés sur la base des renseignements fournis, le dénonciateur peut avoir droit à un minimum de 2,5% (minimum) et de 5% (maximum) du montant total recouvré.

Elle a également noté que la récompense de 5% aux dénonciateurs avait pour finalité d'encourager les citoyens du pays à s'engager dans le système de lanceurs d'alertes.

Pour profiter de ce système, les lanceurs d'alertes sont tenus de soumettre les informations via un portail en ligne. En outre, les personnes qui font des signalements via le portail pourront en suivre l'avancement en ligne. Les soumissions par téléphone et par courrier électronique seront également acceptées.

L'organisation Global Financial Integrity estime que plus de 157 milliards de dollars US ont quitté le Nigeria à cause de la corruption au cours de la dernière décennie. Le pays est à la 136e place sur 175 pays étudiés selon le niveau croissant de perception de la corruption dans l’Index 2015 de perception de la corruption de Transparency International.

Cependant, alors que le nouveau système de dénonciation et la commission d'accompagnement pourraient sembler une incitation pour les citoyens nigérians à participer à la lutte contre les crimes financiers et connexes, le système a provoqué une série de réactions en ligne, allant du sarcasme à la condamnation pure et simple.

Reno Omokri, un écrivain et ancien porte-parole du gouvernement nigérian basé en Californie a tweeté :

Avec la nouvelle politique du président Buhari, @DinoMelaye obtiendra-t-il 13,5 millions de Nairas pour avoir dénoncé le détournement présumé par le SGF de 270 millions en tondeuses à gazon ?

M. Omokri faisait allusion à un scandale impliquant l'utilisation de 270 millions de Nairas (environ US $ 850.000) pour couper l'herbe devant le bureau du Secrétaire du gouvernement de la Fédération (SGF).

Sandy Gold, une célèbre commentatrice des médias sociaux et partisane du principal parti d'opposition nigérian, le Peoples Democratic Party (PDP), avait ceci à dire :

Flash: Le gouvernement nigérian a finalement adopté MMM pour améliorer la vie des citoyens

Dénoncez des Nigérians corrompus et obtenez 5% du butin récupéré

Le ‘MMM’ (Mouvement Mondial Mavrodi, une sorte de pyramide de Ponzi), mentionné par Sandy Gold est un moyen célèbre pour devenir riche rapidement au Nigeria qui promet 30% de profit sur le capital investi après un cycle de trente jours.

Olusegun, un fervent commentateur politique, a tweeté avec humour :

Si vous avez un papa ou maman de sucre qui n'a pas”desserré la bourse” et que vous ayez des informations crédibles sur comment il ou elle a obtenu sa richesse, envoyez-moi un message direct !

Remi Sonaiya, candidate à la présidentielles lors des élections générales de 2015 au Nigeria, était déçue par les récompenses financières offertes par le système des lanceurs d'alertes et avait les questions suivantes :

1. R. 5% du butin récupéré pour les dénonciateurs. Q: Qu'est-ce qui est censé motiver la dénonciation – le gain monétaire? L'amour de la vérité & de l'équité?

2. Ephésiens 5:11 encourage le lanceur d'alertes : et ne prenez point part aux oeuvres des ténèbres, mais plutôt dénoncez-les. Pourquoi ne le faisons-nous pas ?

3. Must everything bring a monetary reward? How about values like patriotism? Primarily, whistle blowers need protection…

— Remi Sonaiya (@oluremisonaiya) December 22, 2016

3. Tout doit-il rapporter une récompense monétaire ? Qu'en est-il des valeurs comme le patriotisme ? En premier lieu, les dénonciateurs ont besoin de protection …

Jackson Ude, un journaliste nigérian et commentateur politique basé à New York, a tweeté avec une certaine dose de sarcasme :

PMB est sur le point de remplir sa promesse en faisant travailler chaque Nigérian à temps partiel pour l'EFCC, la Police & le DSS pour gagner 5% des fonds pillés!

PMB se réfère au Président réformateur Muhammadu Buhari, EFCC est la Commission des Crimes Economiques et Financiers et DSS est le Département des Services de l'Etat (Sécurité de l'Etat).

M. Ahmed Umara a plaisanté :

5% de commission pour dénoncer des fonds pillés 🤔 les gens vont se mettre à dénoncer leurs oncles 😂

Certains Nigérians comme M. Yunus ont vu le projet comme une entreprise commerciale rentable ne nécessitant aucun investissement:

Bonjour membres de MMM, voici une meilleure façon de gagner de l'argent sans investir un kobo. ……

PMB promet 5% des fonds pillés récupérés aux dénonciateurs.

Le kobo est une unité monétaire égale au centième d'un Naira nigérian.

M. Omojuwa, analyste, influenceur et auto-proclamé gêneur certifié, a estimé que la commission de 5% pour les dénonciateurs pourrait être trop élevée, en fonction de la taille de l'actif ou du butin récupéré. Il a tweeté :

5% c'est trop. Il devrait y avoir un plafond. 5% d'un butin de 10 milliards de Nairas est 500 millions. C'est beaucoup. @officialEFCC devrait obtenir ~ 1% du butin récupéré.

Dans l'ensemble, alors que la plupart des Nigérians sont pessimistes sur la façon dont le schéma sera mis en œuvre, d'autres sont optimistes : il motivera les citoyens ordinaires à révéler une corruption endémique. Après tout, il y a peu d'alternatives satisfaisantes pour le moment.

Accès gratuit (limité dans le temps) à une bibliothèque électronique de 100 000 livres pour les Croates

lundi 16 janvier 2017 à 22:00
A woman readin in the painting "A Moment's Distraction" by Croatian artist Vlaho Bukovac (1855-1922). Public domain.

Femme lisant, sur le tableau du peintre croate Vlakho Bukovatsa (1855-1922) “Distraction momentanée”, domaine public.

[Sauf mention contraire, les liens mènent à des pages en anglais].

En décembre, la Croatie est devenue une “Zone de lecture gratuite”, ou “Frez” (Free Reading Zone). Tous les habitants qui ont installé une application gratuite dédiée ont pu accéder à une grande bibliothèque électronique.

Cette Zone de lecture gratuite a été mise en place par la société Total Boox, qui offre à différents publics d'accéder à sa bibliothèque virtuelle au moyen d'applications mobiles. Pour les usagers des bibliothèques et autres sociétés partenaires de Total Boox, l'accès est gratuit. Le modèle adopté pour les autres est de “ne payer que ce qu'ils lisent : si vous ne lisez que 10% d'un livre électronique, vous n'aurez à payer que 10% du prix total”.

En juin 2016, Total Boox avait déjà créé une Zone de lecture gratuite dans l'État du Texas en partenariat avec le Réseau des bibliothèques du comté de Brazoria.

En septembre, une Zone de lecture gratuite croate a été testée dans un café de Zagreb. Courant décembre, la “Frez” a été étendue à tout le pays, en même temps qu'était lancée l'application mobile Croatia Reads, disponible pour Android et IOS.

L'application Croatia Reads permet aux usagers croates d'accéder à 100 000 livres, pour la plupart en anglais. Elle propose les nouveautés à succès de la littérature croate et étrangère. Une section spéciale recense environ 260 livres électroniques d'auteurs croates en langue croate. En partenariat avec les maisons d'édition locales, de nouveaux titres sont ajoutés tous les vendredis.

Les usagers ne paient rien pour utiliser l'application, mais en échange ils autorisent l'accès à leurs données personnelles. Selon les derniers chiffres, l'application a été installée de 10 000 à 50 000 fois.

D'après le premier portail croate du secteur des technologies de l'information, Netokracija [en croate], le fonctionnement de la Zone de lecture gratuite en Croatie a été sponsorisé en décembre par le portail No Shelf Required. La Frez continuera à exister si d'autres sponsors sont trouvés.

Mirela Rončević speaking at 2013 E-Summit organized by New Jersey Public Library. CC BY-NC.

Intervention de Mirela Rončević sur E-summit, organisée par la Bibliothèque publique du New Jersey en 2013. CC BY-NC.

Les Zones gratuites de lecture ont d'ailleurs des origines croates. C'est la spécialiste des contenus et militante du libre accès Mirela Rončević, Croate émigrée aux États-Unis, qui en a eu l'idée. Mirela a grandi dans une petite ville de Dalmatie où il n'y avait pas de librairie. Elle considère l'accès aux connaissances comme l'un des droits humains fondamentaux. Son projet de Zone gratuite de lecture allie volonté de garantir cet accès aux connaissances et approches commerciales innovantes:

Još uvijek pristup knjizi ovisi o tome gdje se nalazite i kojoj instituciji pripadate. Ali kada se knjige svijeta otvore u digitalnom formatu, stvaraju se nove mogućnosti koje svako društvo treba maksimalno iskoristiti.

J'estime que l'accès aux livres dépend de l'endroit où vous vous trouvez ou de votre appartenance à telle ou telle organisation. Mais quand on peut se procurer tous les livres au format électronique, de nouvelles possibilités apparaissent, et la société doit les utiliser au maximum.

L'application fonctionne aussi pour les possesseurs d'iPhone qui se trouvent ailleurs qu'en Croatie. La plupart des livres électroniques sont payants, selon le modèle PPR (“pay per read”, paiement à la lecture), mais les livres croates sont diffusés gratuitement.

Par ailleurs, certains titres de la collection Total Boox sont déjà en libre accès avec l'autorisation de leur auteur, comme le prévoit la licence Creative Commons. Ainsi, par exemple, le roman “Overclocked” de Cory Doctorow, auteur de science-fiction canadien et activiste qui s'intéresse aux questions de confidentialité sur internet, est téléchargeable en plusieurs formats sur le site de l'auteur.