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Le Président ukrainien destitué, le Parlement change de camp

dimanche 23 février 2014 à 10:52

Ce billet fait partie du dossier sp&cial de Global Voices sur le mouvement de contestation #Euromaidan en Ukraine.

Après la violente répression qui a fait cette semaine entre 70 et 100 morts parmi les manifestants anti-gouvernement d'Euromaïdan, le parlement ukrainien a formé une nouvelle majorité et voté la destitution du Président Viktor Ianoukovitch sous la pression croissante des protestataires.

Ianoukovitch avait à ce moment fui la capitale Kiev, dénonçant un coup d'Etat. 

Le vote de la Rada a été accueilli facorablement par les participants du mouvement Euromaïdan, qui s'opposait depuis trois mois au gouvernement de plus en plus répressif conduit par Ianoukovitch depuis qu'il s'était retiré en novembre 2013 d'un accord avec l'Union Européenne. 

Après l'effervescence du 20 février quand les forces de sécurité ont tiré sur les manifestants, un accord [ukrainien] avait d'abord été conclu entre l'opposition et Ianoukovitch, qui mettrait fin aux violences dans le pays, mais l'aurait aussi maintenu à la présidence jusqu'à de nouvelles élections prévues à la fin de l'année. Le compromis incluait encore un retour à la constitution de 2004, avec des pouvoirs présidentiels limités, ainsi que la création d'une commission d'enquête internationale sur les événements de Kiev. L'accord avait été négocié [anglais] par trois ministres européens des affaires étrangères.

Le soir du 21 février, les chefs de l'opposition parlementaire sont venus sur le Maïdan de Kiev (Place de l'Indépendance) – le bastion de la contestation – présenter le compromis signé. Ils sont arrivés au moment où Maïdan rendait hommage [anglais] au grand nombre de vies perdues la veille. Malgré le danger, des centaines de milliers de personnes s'étaient rassemblées sur la place, y compris des policiers qui avaient fraternisé avec les opposants. Les orateurs ont rejeté sur le président et son régime la faute de l'escalade de violence et l'utilisation des armes à feu.

#Maïdan en ce moment

Quand les manifestants ont appris que Ianoukovitch resterait au pouvoir au moins jusqu'aux prochaines élections, ils ont conspué la délégation du parlement. Un membre régulier du service d'ordre de Maïdan (le “sotnyk”) est monté sur le podium et a fait un discours très émotif demandant la démission du président dès le lendemain, sinon Maïdan passerait à l'attaque (vidéo).

Son appel a reçu un soutien unanime de la foule amassée, repris par le leader du mouvement Secteur de Droite [anglais], un mouvement d'opposition de droite, en des termes toutefois plus modérés. Le célèbre journaliste Dmytro Gnap est aussi monté en scène pour accuser les leaders de l'opposition de trahir le mouvement Euromaïdan, avant d'esquisser les voies possibles d'une démission de Ianoukovitch.

Les utilisateurs des médias sociaux, tel @RainFromUkraine, ont eu une réaction similaire :

La voix cassée d'un sotnyk était la voix de tous les Ukrainiens.

Par la suite, un des leaders de l'opposition, l'ex-champion international de boxe reconverti dans la politique Vitaliy Klychko [anglais], a pris la parole à son tour et a présenté ses excuses aux protestataires d'avoir conclu un accord avec Ianoukovitch et “serré sa main“.

Sur ces entrefaites, la nouvelle a circulé que Ianoukovitch quittait Kiev pour Kharkiv, en Ukraine de l'Est. Mais dans la soirée, des activistes des médias sociaux identifièrent un jet privé supposé appartenir au Président, quittant l'Ukraine, grâce au site de pistage de vols FlightRadar24. Comme l'avion se dirigeait vers Sotchi, beaucoup crurent que Ianoukovitch fuyait en Russie.

Cependant l'avion ne s'y posa pas mais poursuivit sa route vers les Emirats Aarabes Unis, avec Ianoukovitch supposé à son bord. Que Ianoukovitch ait réellement quitté l'Ukraine reste pourtant à confirmer.

Au matin du 22 février, le service d'ordre de Maïdan a annoncé qu'il montait la garde autour du Parlement et des autres institutions de l'Etat, tandis que les forces de sécurité du pouvoir avaient complètement abandonné le quartier du gouvernement à Kiev s'attendant apparemment à ce que les opposants le prennent d'assaut et y détruisent les bâtiments. L'utilisateur de Twitter Pedrodon a tweeté cette image des événements :

Les manifestants patrouillent à travers le quartier du gouvernement et gardent le parlement à Kiev

Un journaliste de Bruxelles, @Balliauw, a aussi ajouté cette image :

Les forces d'auto-défense de #Maïdan gardent le bâtiment de l'administration présidentielle à Kiev

Les forces gouvernementales et les vigiles privés avaient également abandonné la résidence de Mejygirya de Ianoukovitch, réputée pour son luxe. Le service d'ordre de Maïdan a encerclé la résidence pour en empêcher le pillage et la destruction, tout en en laissant l'entrée libre aux journalistes et simples citoyens (photos). Des centaines d'Ukrainiens ont visité les lieux tout au long de la journée, inaccessibles depuis des années aux gens ordinaires.

Pendant ce temps, les journalistes ont découvert un amoncellement de dossiers à moitié détruits de montages à grande échelle de corruption.

La reporter de RL/RFE Irtsia Stelmakh [ukrainien] a tweeté plusieurs photos de la résidence :

C'est ça, Mejygirya.

La journaliste Oksana Kovalenko a tweeté :

Trouvé des documents dans l'eau près du bord.

Pendant que de nombreux Ukrainiens visitaient Mejygirya, les députés siégeaient à la Rada et commençaient à voter sur un certain nombre de résolutions essentielles, dont le retour à une république parlementaire-présidentielle (avec des pouvoirs présidentiels limités), élisant un nouveau président du parlement et plusieurs fonctions gouvernementales importantes.

Au milieu de ces événements, une des télévisions pro-gouvernementales a diffusé une déclaration vidéo [ukrainien] du Président Ianoukovitch, qui l'aurait enregistrée à Kharkiv, la deuxième ville du pays, située dans le nord-est. Le président y accusait ses opposants de coup d'Etat, a appelé les protestataires “bandits”, et insisté qu'il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher que le sang soit versé.

Il ajoutait également qu'il n'avait pas l'intention de quitter le pays.

A screencap of President Yanukovych' address released on Feb. 22, 2014

Capture d'écran de l'allocution du Président Ianoukovitch diffusée le 22 février 2014

Tandis que les députés de la Rada s'empressaient de quitter la formation politique du président, le Parti des Régions, plusieurs députés et gouverneurs régionaux pro-président et pro-Russes convoquèrent en hâte une assemblée à Kharkiv. La mesure a répandu l'inquiétude que des déclarations séparatistes ou fédéralistes ne soient adoptées, et des appels faits à la Russie de déployer des troupes en Ukraine.

L'assemblée s'est cependant contentée d’appeler [russe] à l'auto-organisation pour maintenir l'ordre dans les régions orientale et méridionale de l'Ukraine et à des relations amicales avec la Russie. En soutien, un rassemblement de masse des sympathisants du Parti des Régions a été organisé à Kharkiv. Si certains ont participé de leur plein gré, des médias ont rapporté des pressions sur les fonctionnaires et autres employés [ukrainien] pour s'y joindre.

Au même moment, un grand rassemblement de soutien à Euromaïdan eut aussi lieu à Kharkiv [vidéo]. @ShkvarkiUA a tweeté depuis le centre-ville :

Est et ouest sont UNIS ! LIBERTÉ POUR LE PEUPLE ! – scande Kharkiv.

Les militants d'Euromaïdan de Kharkiv ont aussi réclamé le renvoi de leur maire et de leur gouverneur séparatistes. Vers le soir, des informations sont apparues [ukrainien] que les deux hauts-fonctionnaires partaient pour la Russie, alors que le Service de Sécurité d'Etat d'Ukraine ouvrait une enquête criminelle sur leurs prétentions séparatistes.

Sans la soirée, le parlement à Kiev a voté la destitution du Président Ianoukovitch [anglais] et convoqué une élection présidentielle anticipée en mai. Les députés ont aussi approuvé la remise en liberté de l'ex-Premier Ministre d'Ukraine Ioulia Tymochenko, emprisonnée par Ianoukovitch en 2011.

Inutile de dire que la réaction de nombreux Ukrainiens a été l'allégresse. La journaliste et photographe de Kiev Bogdana Shevchenko a tweeté :

FÉLICITATIONS TOUT LE MONDE !!!! #Euromaïdan #Ianoukovitch

L'utilisatrice Olia Riabuha a tweeté :

Merci à tous qui avez combattu pour la justice ! Vive l'Ukraine ! Vivent les héros ! Aujourd'hui nous avons réussi !

Les réactions de la communauté internationale ont suivi. Le Secrétaire aux Affaires Etrangères britannique William Hague a tweeté :

D'accord avec le Ministre des Affaires Etrangères allemand Steinmeier pour soutenir le nouveau gouvernement d'Ukraine et pousser pour un paquet financier vital du FMI

Le Ministre polonais des Affaires Etrangères Radosław Sikorski a ajouté :

Il n'y a pas de coup d'Etat à Kiev. Les bâtiments gouvernementaux ont été désertés. Le président de la Rada a été élu légalement. Le Président Ianoukovitch a 24 heures pour donner force de loi à la constitution de 2004.

A 19h heure locale le 22 février 2014, on continue à ignorer où se trouve Viktor Ianoukovitch.

Une vidéo pro-Maidan devient virale grâce à Pavel Durov, le Zuckerberg russe

samedi 22 février 2014 à 17:53
Screen capture from "Fear Is Not Real." YouTube.

Capture d'écran de “La peur n'existe pas”, sur YouTube.

Sauf indication contraire les liens dirigent vers des sites en anglais

Pavel Durov, créateur du réseau social russe le plus populaire, Vkontakte, est un homme peu commun. Jeune et fabuleusement riche (il a gagné près d’ un demi-milliard de dollars [russe, ru] le mois dernier en revendant ses parts dans VK), Durov a plutôt une célébrité ambigüe. En décembre 2011, il s'est fait connaître pour sa défense des droits civils, en s'opposant à la police qui voulait qu'il supprime de Vkontakte certains groupes d'opposition à Russie Unie, le parti politique majoritaire du pays. Au début de l'année dernière, cependant, Novaya Gazeta, l'un des meilleurs journaux d'opposition en Russie, a fourni la preuve que Durov pourrait avoir collaboré avec les autorités d'une manière occulte. L'année dernière, Durov a été au coeur d'un conflit d'actionnaires avec United Capital Partners, groupe d'investissement qui a apporté 48% à Vkontakte en avril 2013. Le mois dernier, Durov a vendu les 12% d'actions qui lui restaient dans la société à un allié proche d'Alisher Usmanov, pour conserver la majorité de contrôle de Mail.ru Group.

Bien qu'il n'ait plus d'actions dans le site, Durov reste le directeur général de Vkontakte. Ces dispositions pourraient ne plus durer très longtemps. De fait, le bruit court en Russie que Durov serait bientôt forcé de quitter complètement la société. Durov c'est longtemps battu pour rester à Vkontakte, mais la récente vente de ses actions laisse penser qu'il est finalement d'accord pour quitter l'entreprise. (La perte de ce qu'il a créé lui a sans aucun doute fait passer des nuits blanches, mais Durov peut maintenant se retourner sur un lit de 420 millions de dollars grâce à la vente de ses actions).

Outre la vente de ses actions, Durov s'est récemment illustré par une action qui pourrait être révélatrice de son peu d'envie de rester dans les bonnes grâces du pouvoir russe. Le 20 février 2014, Durov a fait suivre une vidéo choc de deux minutes qui montre une séquence d'affrontement à Kiev, sur un texte prononcé par une voix masculine qui prend un ton dramatique pour encourager les manifestants. La vidéo est incontestablement pro-Maidan, et incite les manifestants à surmonter leur peur et les encourage à poursuivre leur lutte. A l'heure où nous écrivons le post de Durov a été vu près de 32 000 fois et a provoqué plus de 17.000 “j'aime”.

Etant donné le climat politique actuel en Russie, la volonté de Durov d'afficher si ostensiblement son soutien à l'opposition dans la crise ukrainienne est surprenante. Durov est à la tête d'une société multi-milliardaire -le “Facebook de l'internet russe”- dont l'avenir dépend des résultats d'une compétition entre deux magnats. Mis à part Vkontakte, les politiciens russes ont entrepris une course effrennée contre tous ceux qui font la promotion de l’ “extrêmisme” (comprenez : tout soutien quel qu'il soit à l'opposition ukrainienne). J'en ai parlé dans des posts précédents sur Golbal Voices, il y a eu des attaques contre les stations de télévision et de radio, des sites internet et des personnes isolées -parfois pour des comportements aussi annodins que des mauvaises plaisanteries. L'audace de Durov est-elle une provocation ouverte ?

La video  ”La peur n'existe pas”

L'artiste Alexander Makedonskiy est à l'origine de la vidéo que Durov a fait suivre sur Vkontakte. YouTube héberge également le clip sur la chaîne de Makedonskiy et sur d'autres comptes. Le commentaire qui accompagne la vidéo est un curieux mélange de deux films hollywoodiens: le film After Earth sorti en 2013, avec Will Smith, et le film Rocky Balboa sorti en 2006, le sixième et dernier épisode de Rocky par Sylvester Stallone. (Le scénario reprend des scènes de chaque film, dont des rencontres père-fils, ainsi que le discours de Rocky devant la Commission d'Athlétisme de Pennsylvanie pour le renouvellement de sa licence de boxeur.)

Voici la transcription [ru] de la vidéo “La peur n'existe pas” sur Maidan, avec le texte original des deux films évoqués ci-dessus. La vidéo elle-même, sous-titrée en anglais, se trouve après le texte.

Страха в реальности нет!
Страх живет в одном закоулке в наших мыслях о будущим.
Страх это плод нашего во брожения.
Он заставляет нас боятся того чего нет! И вероятно не будет ни-ког-да!
Это ж чистое безумия.
Ты только пойми меня правильно!
Опасность это реальный факт, но страх это твой выбор!
Я скажу то что для тебя не новость. Мир не такой солнечный и приветливый.
Это очень опасная и жесткая места.
Если толька дашь слабину, он опрокинет с такой сили тебя что больше уже не встанешь!
Не ты, не я не кто на свете не бьет так сильно как жизнь!
Совсем не важно как ты ударишь , а важно какой держишь удар.
Как двигаешься в перед будешь идти иди если с испугай не свернешь!
Толька так побеждают!
Если знаешь чего ты стоишь?! Иди бери свое!
Но будь готов удары держат!
А ни плакаться и говорит ” я нечего не добился из-за его из-за нее и из-за кого-то. Так делает трусы а ты не трус!!! Быт этого не может!
Если человек сам хочет за что то драться, хочет добиваться своего, кто правы остановит его?! А может кому-то из вас тоже чего-то хотелось.?! Чего-то о чем мечтал, чего-то не обычного. А его не дают “нет” говорят и точка.
Кто имеют права так говорит “кто?” Ни кто !
Человек сам решает в какую сторону ему повернуть. Права каждого быт именно тем кем он захочет быт!

La peur n'existe pas.
La seule existence de la peur, c'est quand on pense à l'avenir.
C'est un produit de notre imagination, qui nous fait craindre des choses qui ni maintenant ni jamais n'existeront.
C'est presque une folie.
Mais ne vous méprenez pas, le danger existe mais la peur est un choix.
Laissez-moi vous dire quelque chose que vous connaissez déjà. Le monde n'est pas que rayons de soleil et arcs-en-ciel.
Le monde est bête et méchant, et je ne connais pas votre résistance, mais il vous mettra à genoux et vous laissera par terre si vous le laissez faire.
Vous, moi, personne ne peut frapper aussi dur que la vie.
Mais il ne s'agit pas de savoir avec quelle force vous pouvez frapper, mais de savoir ce que vous pouvez supporter tout en continuant à bouger.
Ce que vous pouvez encaisser en continuant de bouger.
Voilà comment on gagne !
Maintenant si vous savez ce que vous valez, allez-y et recevez ce que vous valez.
Mais il va falloir accepter de prendre des coups.
Et pas question de dire stop parce que vous n'êtes pas là où vous devriez être à cause d'elle, de lui ou de quelqu'un d'autre!
Les trouillards le font et ce n'est pas vous ! Vous valez mieux que cela !
Parce que si vous voulez traverser tous les combats que vous devez y aller pour arriver là où vous voulez – qui a le droit de vous en empêcher? Peut-être certains d'entre vous avez quelque chose que vous n'avez jamais fini, quelque chose que vous voulez vraiment faire, quelque chose que vous n'avez jamais dit à personne -quelque chose!- et on vous dit “non”, même si vous avez payé ce que vous devez ?
Qui a le droit de vous dire cela ? Qui ? Personne !
C'est votre droit de laisser parler vos tripes. Personne n'a le droit de vous dire “Non” quand vous avez gagné le droit d'être là où vous voulez être pour faire ce que vous voulez faire.

La jeune infirmière d'#EuroMaidan tweete : “Je suis vivante !”

samedi 22 février 2014 à 16:13
Volunteer medics attend to the wounded

Du personnel médical bénévole soigne les blessés au matin du 14 février 2014, quand des tireurs embusqués visaient sans discrimination les manifestants depuis le toit de l'Hôtel Ukraine. Photo d'Alan Turgutoglu © Copyright Demotix

Quand les tireurs embusqués ont tiré sur la foule d'EuroMaïdan le 20 février 2014, une jeune infirmière bénévole a été touchée au cou, mais a réussi à écrire sur Twitter: “Je meurs”. Son message a été partagé par des milliers de gens, jusqu'à ce que, deux heures plus tard, elle tweete qu'elle a survécu.

Une trêve tendue entre protestataires et gouvernement ukrainien a été rompue ce matin-là, et des coups de feu de snipers ont été tirés sur une centaine de personnes [anglais] sur la place. De nombreux tirs visaient la tête ou le cou, dans le but apparemment de tuer. [Il y a des photos et videos - AVERTISSEMENT : images pouvant choquer].

Quand la fusillade a débuté, les volontaires médicaux se sont précipités sur les lieux au mépris du danger. Parmi eux, une infirmière de 21 ans de Ternopil, Olesya Joukovskaya.

Olesya est bénévole sur Maïdan depuis plus de trois mois. Selon l'administrateur d'une page Facebook sur les activistes de Maïdan du nom de “Єлюди – maidaners”, elle était connue de ses camarades volontaires pour sa bravoure. Le 19 février, veille du coup de feu, quelqu'un avait écrit sur la page Facebook pour les inciter à reconnaître Olesya et écrire à son propos.

Олеся Жуковська з Тернополя (Кременець) на Майдані з першого дня. Їй 21 рік, працює за 250 км від дому медиком-фельдшером. На Майдан поїхала як медик-волонтер. Що вона там тільки не бачила. На Грушевського їй згорів одяг, поруч граната впала…..але вона нікуди не пішла, а лишилась допомагати людям. За 3 місяці перебування на майдані захворіла, мала страшну ангіну і лежала в лікарні. кілька днів тому поїхала додому до мами, бо матуся плакала і просила показатись їй живою, а Олеся одна єдина в сім'ї. Поїхала на кілька днів додому. Але вчора, коли побачила, що коїться на Майдані, попри сльози мами, переживання тата та родини, вночі поїхала на Майдан автобусом, в якому були тільки чоловіки, 18 людей і вона сама……Зараз вона на Майдані в медпункті біля йолки. я горджусь такими як вона, думаю, що Олеся варта того, щоб Ви про неї написали».

Olesya Joukovskya est de Kremenets, région de Ternopil, et est sur Maïdan [la place centrale de Kiev] depuis le premier jour. Elle a 21 ans, et travaille comme assistante médicale à 250 km de chez elle. Elle est venue à Maïdan comme volontaire médicale. Elle y a tout vécu. Sur Hrushevskovo [la rue où ont eu lieu les premiers heurts] ses vêtements ont pris feu quand une grenade est tombée à côté d'elle… mais elle n'est pas partie, elle est restée pour aider les gens. Au bout de trois mois sur Maïdan, elle est tombée malade, a eu une une mauvaise angine et a dû rester à l'hôpital.

Il y a quelques jours elle est rentrée à la maison voir sa mère, parce que la maman pleurait et demandait à sa fille unique de revenir vivante. Elle est restée quelques jours dans sa famille. Mais hier, voyant ce qui se passait sur Maïdan, malgré les larmes de sa maman et l'inquiétude de son papa et de la famille, elle a pris un bus de nuit pour Maïdan avec 18 personnes, tous des hommes…. A présent la voilà sur Maidan, au poste médical voisin du “sapin de Noël”. Je suis fier des gens comme elle, je pense qu'Olesya mérite qu'on écrive sur elle [sur votre page].

Le lendemain, les tireurs embusqués ouvraient le feu sur les manifestants. Olesya a tweeté ce matin-là :

VENEZ TOUS À KIEV, DE SUITE, PAR TOUS MOYENS ! On a besoin de votre soutien ! Si un massacre a commencé dans la matinée, le soir il y aura l'horreur ! Surtout si les troupes russes arrivent pour fusiller les extrémistes de l'Occident [le terme employé pour les manifestants par les déclarations officielles de Poutine].

L'horodatage faisant foi, quelque 20 minutes plus tard elle recevait une balle dans le cou, malgré son uniforme médical bien visible. Déjà blessée, Olesya tweetait [ukrainien] :

Je meurs

Son tweet est aussitôt devenu viral. Les média ont même rapporté la mort d'Olesya :

La folle histoire d'une aide médicale avec une balle dans le cou à Kiev qui a réussi à tweeter “je meurs”

Cependant, Olesya n'est pas morte, elle a été emmenée dans un hôpital et opérée. Au moment où Maïdan essayait de se faire une raison de cette mort sans précédent, elle tweetait à nouveau [ukrainien] :

Je suis vivante ! Merci à tous ceux qui me soutiennent et prient pour moi ! / Je suis à l'hôpital. Mon état est stable jusqu'à présent.

Olesya a été appelée “l'héroïne de Maïdan” [ukrainien]. Elle a gagné en un jour quelque 8.000 nouveaux abonnés sur son compte twitter. Des gens du monde entier lui ont envoyé des messages de soutien :

Olesya, bon rétablissement ! Nous sommes à Moscou, mais nous sommes avec toi et nous nous inquiétons pour toi. Tu es formidable.

Reste forte et longue vie à toi Olesya ! Ukrainiens, Turcs, Vénézuéliens, Brésiliens, nous sommes tous ensemble avec vous ! On t'embrasse

<3 d'Allemagne ! Rétablis-toi vite et reste forte. Je crois au pouvoir du peuple. Puissiez-vous gagner la démocratie pour laquelle vous vous battez !

En reconnaissance des services et du sacrifice d'Olesya, la Croix-Rouge de Hongrie a monté une action de solidarité en sa faveur :

200 bénévoles de la Croix Rouge expriment leur solidarité. Prompt rétablissement, Olesya Joukovskaïa !

Pascal Simbikangwa, premier accusé de génocide au Rwanda devant la justice française

samedi 22 février 2014 à 12:28

Il aura donc fallu 20 ans d'efforts sans relâche pour emmener devant la justice française les génocidaires du Rwanda. En dehors du Rwanda, il y a eu des procès dans différents pays étrangers, particulièrement en Europe. Mais en France, aucun individu soupçonné de participation au génocide n'avait encore été porté devant la justice. Mais, depuis le 4 février, pour la première fois, vingt ans après les faits, un personnage rwandais est jugé, en France. Il s'agit du capitaine Pascal Simbikangwa qui est accusé d'avoir joué un role actif dans les massacres qui causèrent la mort d'environ 800 000 Tutsis et Hutus entre avril et juillet 1994. Des doutes persistent sur le rôle que la France aurait joué durant cette tragédie. La vidéo suivante résume les efforts fournis par la société civile pour emmener les participants au génocide devant la justice:

 Les chefs d'accusation contre le capitaine Pascal Simbikangwa sont nombreux et graves. J. Doll les rappelle dans un billet publié sur le blog youmag.com:

Pascal Simbikangwa, paraplégique et qui comparaîtra en fauteuil roulant, est jugé pour complicité de génocide et de crimes contre l'humanité : l'ancien officier de 54 ans est accusé d'avoir incité, organisé et aidé, notamment en organisant des barrages et en armant les miliciens qui les tenaient, les massacres qui firent quelque 800.000 morts en 100 jours, entre avril et juillet 1994, …..

Pascal Simbikangwa- Domaine public

Pascal Simbikangwa- Domaine public

La traduction de l'ex-capitaine Pascal Simbikangwa, en service dans l'armée rwandaise en 1994, devant la justice française est à mettre au crédit principalement de l'ONG, le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR), animé par son Président Alain Gauthier et sa femme. Il avait accepté de répondre aux questions de Global Voices en 2013. Bien que très sollicité par de nombreux journaux et autres médias, Gauthier alimente au quotidien le site du CPCR en informations détaillées sur chaque jour d'audience.

De nombreux témoins, qui occupaient des postes de responsabilité ou qui faisaient partie de l'armée et des milices lors du génocide, se montrent réticents à témoigner contre l'ancien capitaine. Cependant, quelques témoins ont confirmé les accusations contre Simbikangwa. C'est le cas, le 19 février 2014, de Sam Gody Nshimiyimana, qui était rédacteur en chef du Journal Kiberinka (Soleil couchant) en 1992. Il était l'un des rares journalistes à critiquer ouvertement le régime dictatorial du Président JuvénaHabyarimana. Certains de ses articles et éditoriaux font partie des archives sur le génocide, conservés au Centre de Formation et de Recherche Coopératives -( IWACU), une organisation non gouvernementale de promotion et d'innovation coopératives et associatives à Kigali dans le quartier de Nyakabanda. Le journaliste, appelé à témoigner, raconte les tortures contre lui dans un billet publié sur le site du CPCR : 

Pour avoir publié un article qui déplaisait à monsieur Simbikangwa et au régime, il va subir la torture, et de la part de Simbikangwa et de celle de ses acolytes. L’épreuve va durer quatre jours au cours desquels il va se faire frapper sur les pieds après qu’on lui eut bandé les yeux d’un bandeau imprégné de piment. Simbikangwa en personne est accusé d’avoir frappé le témoin avec un fer à béton. 

Maître Eric Gillet, avocat au barreau de Bruxelles, lui aussi, a comparu comme témoin à charge. De lui, dans un billet publié sur proces-genocide-rwanda.fr,  Stéphanie Monsénégo a écrit:

Avocat au barreau de Bruxelles depuis la fin des années 70, Eric GILLET avait un “long passé droits de l’Homme” quand la guerre a éclaté au Rwanda en 1990.

Ancien président d’Amnesty International en Belgique, c’est avec la FIDH Paris qu’Eric GILLET mènera ses premières enquêtes au Rwanda, d’abord pour défendre des journalistes, puis pour informer l’opinion publique internationale sur le massacre des Bagogwe, une petite communauté Tutsi du Nord Ouest du Rwanda, massacrée en janvier 1991 en représailles de l’attaque de la prison de Ruhengeri par le FPR.

Son témoignage jette la lumière sur le cercle restreint des proches de la présidence. Après une mission dans ce pays, il publie un rapport

en mars 1993 dans lequel on parle de “l’Akazu”, une nébuleuse de gens qui ont confisqué le pouvoir, les ressources, les banques. Les membres de cette “organisation” appartenaient pour la plupart au cercle de la famille présidentielle auquel s’agrégeaient des militaires. En 1993, les membres de la commission ont entendu parler entre autres de Pascal Simbikangwa comme étant associé aux escadrons de la mort. Il serait connu pour avoir torturé des journalistes.

Ce qui a surpris plus d'un dans l'audience, ce sont les réparties pleines de sarcasme de l'accusé. 

Lorsque Domitille Philippart, une des avocats du CPCR, lui demande si la date du 2 février lui dit quelque chose, il répond par la négative. “C’est la journée des Justes au Rwanda”, précise-t-elle. “Ah bon! je ne savais pas. Ca fait 20 ans que je n’y ai pas mis les pieds. Mais est-ce que je suis sur la liste? »

Eclats de rire dans la salle. L’audience est suspendue jusqu’au lendemain.

Après la Belgique, la Finlande, la Norvège, la Suisse, les Pays-Bas et l'Allemagne, la France aussi a donc son premier procès d'une personnalité sur laquelle pèsent de sérieuses accusations. Mais, compte tenu du rôle controversé attribué à des militaires français lors de cette tragédie, il est fort possible qu'il y ait d'autres personnalités soupçonnées d'avoir été mêlées au génocide qui sont toujours en liberté dans l'Hexagone. Les verra-t-on un jour aussi devant un tribunal?

Laos : Un centre pour la protection des éléphants

samedi 22 février 2014 à 11:52
Photo from Facebook page of Elephant Conservation Center

Photo de la page  Facebook du Centre pour la  protection des éléphants

On appelait autrefois le Laos “le pays au million d'éléphants“, mais aujourd'hui la population de ces animaux a été réduite à quelques centaines du fait du braconnage et du commerce illégal de l'ivoire. 

On estime le nombre d'éléphants sauvages aujourd'hui à entre 300 à 600 individus :

Éparpillée en petites troupes fragmentées, la population d'éléphants sauvages compte environ 300 à 600 animaux. Comme dans beaucoup d'autres pays, les éléphants sauvages du Laos sont menacés par le comportement des humains. Il comprend la déforestation, le braconnage, l'extension de l'habitat humain et les conflits entre les éléphants et les hommes.

Par ailleurs, il y aurait environ 420 éléphants en captivité :

La triste population des éléphants en captivité est sur le déclin, il y en aurait seulement 420 au Laos. Le nouveau millénaire à apporté avec lui le fardeau de la productivité, les Mahouts (propriétaires d'éléphants), sont obligés pour survivre de faire travailler leur animal sept jours sur sept. Les éléphants sont surtout employés dans les exploitations forestières, une activité très dure et dangereuse. De ce fait les éléphants mâles sont trop fatigués pour se reproduire et meurent souvent à la tâche.

Heureusement, on constate actuellement une prise de conscience croissante de la nécessité de protéger les éléphants dans ce pays. Un des organismes les plus efficaces pour cette sensibilisation est le Centre pour la protection des éléphants.

Le Centre pour la protection des éléphants est bien différent des camps d'éléphants pour les touristes, il possède une unité destinée à la reproduction,  à l'allaitement des “petits” et au diagnostic et traitement des maladies. Ne vous attendez pas à y voir des groupes de touristes montés sur ces éléphants toute la journée…

C'est le premier hôpital pour éléphant qui sert aussi de base d'écotourisme. Il offre une assistance technique et des moyens d'existence aux propriétaires d'éléphants qui comptent sur leurs animaux pour leur revenu quotidien.

Le centre est également un sanctuaire permettant de recueillir des éléphants en détresse. On y a  entre autre récupéré un jeune éléphant appelé d'abord Noy. Après quelques années, l'éléphant choisira  son nouveau nom selon une procédure que décrit la vétérinaire en chef Emmanuelle Chave :

A l'âge de trois ans, les éléphants commencent à s'entraîner avec leur futur mahout, pour apprendre les différents signaux leur permettant de travailler avec des humains. Un chamane accompagne ce voyage crucial pour l'éléphant, du monde de  la forêt à celui des humains. À la fin de sa formation, on offre à l'éléphant trois morceaux de canne à sucre sur lesquels sont écrits des noms. Le nom écrit sur le premier morceau qu'il saisit sera le sien.

Brita a visité le centre et lui reconnaît un rôle positif pour le bien-être des éléphants :

Le Centre pour la protection des éléphants est sans doute un des rares endroits où il n'est pas question d'adapter les éléphants aux rythmes et besoins des hommes, mais au contraire de s'adapter aux rythmes et besoins des éléphants. 

Je suis très difficile quand le moment est venu de “placer” un éléphant car il y a trop d'endroits où ils sont maltraités et s'épuisent en transportant des grumes d'arbres ou en satisfaisant les caprices des touristes.

Jo ebisujima a aussi visité le centre et y a découvert qu'installer un fauteuil sur le dos d'un éléphant est très pénible pour l'animal :

Une des choses les plus importantes que j'ai apprise, c'est que les fauteuils qui sont utilisés pour porter les personnes et les bagages sur le dos des éléphant (hawdah) ne sont pas vraiment agréables pour eux. Ceci est dû à la forme de leur squelette… le plus confortable pour l'éléphant est d'être chevauché par une personne assise sur leur cou, sans aucun harnachement.