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Au Paraguay, vos données personnelles peuvent vous nuire

mardi 29 août 2017 à 15:41

Cet article est une adaptation d'un épisode de la série “El retorno de los pyrawebs”  publié par le média El Surtidor qui analyse les carences de la protection des données personnelles au Paraguay.

Le refus d'un collège catholique privé d'Asunción, capitale du Paraguay, d'accepter la réinscription d'un de ses élèves, illustre clairement ce qu'il peut se passer lorsque des sociétés échangent et vendent des données personnelles. Selon  la presse, il s'agissait pourtant d'une famille qui réglait régulièrement ses frais de scolarité, mais le collège a appris que les parents figuraient sur une liste rouge de mauvais payeurs car ils s'étaient portés caution pour un crédit qui n'avait pas abouti.

Ces données ont été recueillies par l'entreprise privée Inforcomf qui conserve dans sa base de données les informations des activités de consommation de la moitié de la population du pays. Aucun niveau minimum d'endettement n'est requis pour figurer dans ses fichiers.

Le Ministère de l'Education a reconnu qu'il s'agissait d'une affaire de discrimination, mais cela en est resté là. Apparemment, les institutions catholiques sont pilotées par l'archevêché, et ne s'en remettent pas à l'Etat même lorsqu'elles sont mises en cause dans une affaire de discrimination envers une personne mineure.

Ces données sont consultables non seulement par les collèges privés et les organismes de crédit, mais aussi par les employeurs. Par conséquent, en dépit d'une loi adoptée expressément pour éviter ce genre de discrimination, ce sont les personnes endettées qui en pâtissent encore davantage car elles ne peuvent pas trouver d'emploi.

 Les données personnelles de santé sont utilisées pour discriminer

En 2016, un jeune a porté plainte contre sa quasi-expulsion de l'Academia Militar (Institut de formation des officiers de l'armée paraguayenne) car il était porteur du VIH. Après avoir subi des violences et humiliations de la part de ses supérieurs, il s'est trouvé contraint de démissionner.

Bien que ce soit interdit depuis 2009, 27 entreprises ont été dénoncées entre 2012 et 2016 pour avoir exigé que leurs employés présentent des tests de dépistage du VIH. Certaines entreprises ont même fait pratiquer des analyses lors de la visite médicale du travail, sans l'autorisation de leurs employés et à leur insu.

Dans ce contexte, les études faites en 2016 par l'ONG TEDIC qui défend les droits numériques au Paraguay, en partenariat avec la Electronic Frontier Foundation présentent des résultats inquiétants :

Parmi les différents problèmes soulevés par le rapport, celui de l'absence totale de législation en matière de protection des données personnelles des citoyens est un point majeur, et cela est considéré comme une violation grave du respect des standards internationaux des droits de l'homme. En outre, les normes locales sur le contrôle des communications privées ne répondent pas aux principes de nécessité et de proportionnalité ni aux garanties judiciaires exigées par la législation internationale. Cette situation de vulnérabilité est encore aggravée par un important octroi de pouvoirs plus ou moins douteux à des organismes tels que le Servicio Nacional de Inteligencia (SINAI- Système du Renseignement National Paraguayen), sous prétexte de “sécurité nationale”.

En dépit des lois de protections des personnes vulnérables, l'utilisation sans contrôle des données personnelles les discrimine encore davantage, et leur ferme des portes.

Les entreprises chinoises à la pointe de l'intelligence artificielle — mais à quel prix ?

mardi 29 août 2017 à 11:01

Montage d'images par Oiwan Lam. Source via Pixabay

Ce sont des sociétés chinoises qui se trouvent à la pointe du développement des technologies de l'intelligence artificielle (IA). Depuis cet été, elles bénéficient d'un appui solide de l'État pour poursuivre ce travail.

Fin juillet, le Conseil d'État chinois a publié un programme détaillant les encouragements au développement de l'IA jusqu'en 2030 par la création d'un nouveau Bureau de promotion du plan IA au Ministère de la Science et de la Technologie.

Le plan détaillé du gouvernement chinois, baptisé “Intelligence Artificielle 2.0”, s'accompagne de nombreux millions de dollars d'investissements dans la recherche, les start-ups et les projets militaires avancés, tous destinés à faire de la Chine l'épicentre des futurs  développements de l'IA.

Mais un développement aussi rapide peut avoir un coût. Comme le dit l'utilisateur de Twitter @bluebird0605 :

J'ai discuté avec beaucoup de spécialistes d'IA revenus des Etats-Unis. Ils disaient que la Chine avait une attitude plus ouverte envers l'innovation technologique, par exemple la mise en oeuvre de la reconnaissance faciale est beaucoup plus aisée en Chine qu'ailleurs. Le revers de la médaille à leurs yeux est que son succès est bâti sur le manque de reconnaissance des droits individuels.

Certes, la Chine a rattrapé les Etats-Unis ces dernières années s'agissant de la recherche et du développement en IA. Une évidence lors de la conférence annuelle 2017 de l'Association pour le progrès de l'Intelligence Artificielle, une conférence historiquement dominée par les USA, qui comportait cette année une longue liste d'entreprises et de développeurs chinois.

L'universitaire de Hong Kong Willy Wo-Lap Lam a fait écho aux propos de @bluebird0605 en décrivant cette évolution :

Les spécialistes tant chinois qu'étrangers admettent que la Chine a la technologie de surveillance basée sur l'IA la plus avancée — et la moins chère — du monde. La raison en est simple : la Chine a le marché qui croît le plus vite pour la reconnaissance faciale et le savoir-faire similaire. Ceci est couplé avec l'absence de lois et réglementations applicables de protection de la vie privée des citoyens.

Internautes et chercheurs ont connaissance depuis un certain temps de l'usage de l'IA par les autorités étatiques pour faciliter la censure en Chine. Des chercheurs du Citizen Lab de l'Université de Toronto ont relevé dans un article de novembre 2016 que la censure par mot-clé est devenue “dynamique”, reflétant les événements actuels et les questions en vogue sur les médias sociaux, probablement grâce à l'IA. Plus récemment, le Citizen Lab a établi la preuve que la censure au moyen de l'IA a permis le filtrage d'image simultané dans les tchats entre individus.

Mais la surveillance en tous genres est aussi devenue un élément-clé de ce programme. La Chine a lancé un réseau totalement numérisé et universel pour le maintien de la stabilité subordonné à la Commission centrale nationale de la Sécurité (CNSC), l'organe suprême de sécurité créé en 2013 et présidé par le Président chinois Xi Jinping.

En 2014, le Président Xi a install le Comité directeur central des Affaires du Cyberespace, qui relève directement du Comité directeur central de la Sécurité Internet et de l'Informatisation dirigé par M. Xi, pour réprimer les “éléments déstabiliseurs” dans le cyberespace.

La technologie de reconnaissance faciale est depuis lors une source majeure de big data en Chine, comme le rapporte depuis Hong Kong Citizen News :

全國各大城市在過去七、八年間在繁忙的地方如機場、火車站、地鐵、公路與街道交叉點、以及大型寫字樓與商場設置了一億七千多萬個攝錄器;北京準備在2020年前把這些監視與「收料」設備增至四億多台。[…]大陸媒體上最近不少報道各城市交通警察如何利用人臉辨認軟件鎖定不守交通規例的駕駛人士與不看紅綠燈的過路者。但來自民運人士的消息說,異見分子的臉部特徵已進入全國偵查網的信息庫,即使他們採取嚴謹的保密措施,但影像在機場、地鐵或交通要道的間諜攝影器材出現後,附有人臉辨認功能的大電腦便會馬上把資料送到公安部。

Ces sept ou huit dernières années, les principales villes de Chine ont installé plus de 170 millions de caméras de surveillance dans les aéroports, les gares, les métros, sur les autoroutes, les grandes routes, les immeubles de bureaux et dans les centres commerciaux. D'ici 2020, le nombre de dispositifs de surveillance aura augmenté à plus de 400 millions […] Les médias de Chine continentale ont abondamment rapporté que la police de la circulation utilise la reconnaissance faciale pour identifier ceux qui traversent les rues hors des passages piétons. Cependant, des sources militantes affirment que la police chinoise a une base de données de traits faciaux de dissidents, et que si leurs visages paraissent sur les images de caméras dans les aéroports, métros ou d'une route principale, le système envoie cette information au bureau de la sécurité publique.

Avec la pleine coopération des médias sociaux et des plateformes d'e-commerce du pays, ce système donne aux plus hautes autorités sécuritaires de la Chine la capacité d'étendre leur emprise aux données des citoyens et d'établir des calculs fins sur les penchants politiques de tout individu participant à la vie publique, tant en ligne que hors ligne.

Le Plan IA du gouvernement chinois prévoit que d'ici 2020 la valeur de l'activité IA proprement dite dépassera les 150 milliards de RMB (plus de 22 milliards de dollars), et celle des domaines liés à l'IA, mille milliards de RMB (près de 148 milliards de dollars). Pour remplir l'objectif fixé, le plan encourage la collaboration avec les institutions académiques et groupes privés étrangers en apportant des financements pour la recherche et les start-ups. Le temps dira si ces partenariats amèneront de plus grandes protections pour les droits individuels — ou au moins des divergences à leur sujet.

Les Mayas musulmans mexicains donnent un nouveau sens à leur identité indigène

lundi 28 août 2017 à 20:15

Copie d'écran du mini-reportage fait par Zoomin.TV Latinoamérica.

L'état du Chiapas [fr], au sud-est du Mexique, est connu pour sa forte démographie et la densité de groupes ethniques qu'il héberge, tout comme pour la véritable interaction entre personnes de cultures métissées.

Pendant longtemps, les communautés de la région, pour la plupart indigènes, se sont vues convertir au catholicisme tout et au protestantisme évangélique, et la fusion de ces croyances était en accord avec la vision du monde traditionnelle maya. Pourtant, ce sont les communautés tzoztiles [en] converties à l'islam, dans la région de San Cristobal de las Casas, qui ont attiré l'attention des médias au Mexique ces dernières années .

Beaucoup de ces reportages, tout comme les commentaires de téléspectateurs et utilisateurs illustrent l'effarement ressenti face à ces nouvelles communautés. Dans un contexte où les groupes indigènes souffrent de racisme et discrimination, la conversion à l'islam colle à leur complexe identitaire et aux attaques qu'ils subissent de ceux qui pensent que la diversité est un problème :

Il y a longtemps, la TV rapportait que les indigènes musulmans du Chiapas ne se sentaient pas indigènes et ne s'identifiaient pas non plus avec l'EZLN [Armée zapatiste de libération nationale, NdT]

Les communautés tzotziles musulmanes dénoncent la discrimination subie, d'être le centre d'attention de campagnes de dénigration ainsi que d'être victimes de rumeurs et humiliations.

Le site web de Zoomin.TV Latinoamérica a collecté des témoignages qui montrent combien il est difficile de se convertir, comment s'adapter et aussi le parallèle entre les coutumes tzotziles et la pratique de l'islam :

Soraya: Piensan que tenemos algo en la cabeza [por usar el pañuelo]. Un ejemplo de lo que decían es que tenía piojos.

Layla: Cada vez que salgo con el pañuelo… No me hacen preguntas, pero las miradas… Y me dicen que es malo, que soy terrorista.

Manuel: Cambio a musulmán, pero mi comida eso sí no.

Roberto: Teníamos una imagen mala del musulmanismo [sic], pero vemos que son gente muy sencilla. Y sobre todo que le dan cariño y respeto a toda la gente.

Soraya : Ils pensent qu'on a des trucs dans la tête [parce-qu'on porte le voile]. Ils disent par exemple qu'on a des poux.

Layla : A chaque fois que je sors voilée… On ne m'adresse pas la parole, on ne me regarde pas… On me dit que c'est mal, que je suis une terroriste.

Manuel : Je suis devenu musulman, mais je n'ai pas changé mon alimentation.

Roberto : Il y avait de beaucoup de préjugés sur le musulmanisme [sic], mais on voit bien que ce sont des gens très humbles. Et surtout qu'ils sont sympas et respectueux avec tout le monde.

Malgré les problèmes, les membres d'autres groupes religieux et d'autres personnes de San Cristóbal reconnaissent que les musulmans tzotziles sont des membres pacifiques de la communauté et représentent des figures positives contre les stéréotypes islamophobes.

Le nombre de musulmans tzotziles augmente et leurs activités communautaires se renforcent. Les familles étudient le Coran et les nouvelles générations apprennent l'arabe très tôt. Des groupes s'organisent pour faire le Hadj, des croyants font le pèlerinage à la Mecque (Arabie Saoudite) ; et beaucoup d'entre eux, qui n'étaient jamais sortis du Mexique, se sont trouvés pour la première fois avec des musulmans du monde entier.

A l'origine

L'islam est arrivé à Chiapas par des missionnaires du mouvement mondial Mirabitún qui voulaient créer des relations avec les leaders du mouvement zapatiste au Mexique en 1994, le jour de la signature de l’Accord de Libre-Echange Nord Américain.

Au début, le soulèvement armé dirigé par l’Armée zapatiste de libération nationale voulait créer un nouveau modèle d’État et de défendre les populations indigènes dont les droits étaient brutalement bafoués. En accord avec le document envoyé par les missionnaires musulmans, ils ont cherché à s'unir et à avoir un appui des zapatistes, mais il n'y pas eu de réponse de l'EZLN.

Malgré cela, l'invitation de s'unir à l'islam a été acceptée par Salvador López, aujourd'hui Mohammed Amín, le premier musulman originaire de la région. Dès lors, la communauté n'a cessé de s'agrandir et de se renforcer, avec quelques conflits externes et internes qui ont créé des divisions. Actuellement, le Chiapas compte quatre groupes de musulmans.

Identités sur leurs gardes

Le travail de Paulina Villegas, Marcela Zendejas et Lasso de la Vega, publié dans Letras Libres (qui a donné lieu à une partie d'un documentaire) raconte l'histoire de ces personnes et relate la complexité de leur histoire. Des croyances héritées des cultures pré-colombiennes aux mélanges culturels du Chiapas contemporain, les témoignages recueillis par les auteures reflètent un nouveau tournant d'une histoire plus ancienne tout comme une recherche spirituelle et identitaire liée à d'autres coins de la planète :

El entramado de este islam que se extiende en el sureste de México está compuesto por varios ejes, tales como una identidad étnica compartida, condiciones socioeconómicas específicas, elementos de transnacionalismo y multiculturalismo debido a las peregrinaciones y viajes que han realizado, y un fuerte sentido de pertenencia. Los matices y particularidades que definen este islam indígena son precisamente las prácticas, los usos y costumbres resultantes de la adaptación y simbiosis entre los chamulas y “su” islam.

Le fond de cet islam qui s'étend au sud-est du Mexique a différents axes. Une identité ethnique partagée, des conditions socio-économiques particulières, des éléments de trans-nationalisme et de multiculturalisme grâce aux pèlerinages et aux voyages effectués, et un fort sentiment d'appartenance. Les nuances et particularités qui définissent cet islam indigène sont précisément les pratiques, les habitudes et les coutumes résultant de la symbiose entre les chamulas et “leur” islam.

Elles ajoutent :

…lo que es más importante reconocer: que los indígenas no católicos –ya sean evangélicos, pentecostales o musulmanes– no son cajas vacías donde se depositan ideologías extranjeras, sino dueños y estrategas de su propia historia […] Esta reflexión constituye un reto importante y necesario en un país donde hablar de grupos indígenas se reduce con frecuencia a moldes racistas y falsos estereotipos, en un país donde la diversidad no es realmente asumida ni comprendida como sinónimo de riqueza. Porque resulta que en Chiapas, desde hace mucho tiempo, se descubren y crean nuevas formas de ser indígena a través de luchas y procesos históricos. Porque la identidad étnica, tanto como cualquiera otra forma de identidad, es dinámica, se redefine y reinventa en el tiempo para mantenerse viva.

… ce qu'il est important de reconnaître c'est que les indigènes non catholiques – qu'ils soient évangéliques, pentecôtistes ou musulmans – ne sont pas des cases vides où déposer des idéologies étrangères sans résonances avec leur propre histoire […] Cette réflexion est importante et nécessaire dans un pays où parler de groupes indigènes se limite à les mettre dans des cases racistes avec de faux stéréotypes, où la diversité n'est pas vraiment assumée ni perçue comme synonyme de richesse. En fait, il semble qu'au Chiapas, depuis un moment, on découvre et on crée de nouvelles formes d'être indigène grâce aux luttes et à l'avancement de l'histoire. Parce  que l'identité ethnique, comme toute autre forme d'identité, est dynamique, elle se redéfinit et se réinvente dans le temps pour rester vivante.

Les plaies ouvertes de l'Espagne après les attentats : messages de haine et affrontements sur les réseaux sociaux

lundi 28 août 2017 à 19:13

 

Un autel sur la Fontaine de Canaletes, en mémoire des victimes de l'attentat du 17 août 2017 sur les Ramblas de Barcelone. Photographie de Joaquimalbalate, publiée sur Wikimedia Commons sous licence Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International.

Il n'y a jamais eu, sur les réseaux sociaux, cette minute de silence pour les victimes qui appelle à grands cris à la réflexion, au respect et à la paix. Malheureusement, beaucoup ont profité de la liberté d'expression offerte par les 140 caractères d'un tweet pour la mettre au service de la haine et d'une démagogie simpliste.

En marge du deuil national provoqué par les attentats qui ont secoué la ville de Barcelone le 17 août dernier, on a vu émerger un flot d'idées contradictoires sur les réseaux sociaux espagnols. Les avis divergent, entre attaques contre les immigrés musulmans et appels à la réflexion s'érigeant contre les manifestations xénophobes, et dépassent la question des relations qu'entretient le pays avec le monde arabe.

On a pu voir un exemple d'islamophobie avec le hashtag #STOPIslam, ainsi que dans les nombreuses réponses moqueuses qui ont permis à #UnTaxistaMarroquí [#UnChauffeurdetaxiMarocain] de faire le buzz. Le hashtag faisait référence à une anecdote partagée sur Twitter, où une femme racontait comment un chauffeur de taxi marocain avait ramené sa mère chez elle gratuitement, peu après l'attentat. Le tweet voulait clairement signifier que les travailleurs immigrés n'avaient pas de lien avec le terrorisme, mais un bon nombre de réponses lourdement teintées d'ironie ont exprimé des sentiments assez différents :

#UnChauffeurdetaxiMarocain m'a sortie des #Ramblas sur sa licorne ailée.

#UnChauffeurdetaxiMarocain m'a emmenée chez lui, il m'a donné à manger, m'a mise au lit, et quand je me suis réveillée il m'avait tout volé

D'autres usagers ont réagi avec indignation :

Que 24 heures après l'attentat, #UnChauffeurdetaxiMarocain soit tweeté en mode “mort de rire” en dit long sur la société dans laquelle on vit.

Au-delà des attentats

Dans un monde où les filtres Instagram semblent être les seuls filtres valables, ce qu'on appelle le “discours de la haine” a circulé constamment sur les réseaux sociaux espagnols ces derniers jours. À un tel point que les autorités, en plus de publier des informations vérifiées et d'en démentir des centaines d'autres, se sont vues dans l'obligation de faire une mise en garde :

Ne criminalisez pas les mosquées, c'est un lieu où l'on va pour prier #Notincpor [#Je n'ai pas peur en catalan] #AttentatBarcelone [Tweet des Mossos d'Esquadra, la police catalane]

Plusieurs jours de cauchemar social et médiatique ont fait resurgir de nombreux fantômes. La presse locale a signalé des agressions, notamment celle d’un mineur qu'on a tabassé en criant “moro de mierda” [“sale arabe”], ainsi que des graffitis apparus sur les mosquées et sur d'autres murs dans l'espace public :

On a retrouvé ça tagué sur les portes de la mosquée de Montblanc. Je ne veux pas que cet acte reste impuni. #Barcelone#Cambrils [Sur l'image : “Vous allez tous mourir, sales Arabes”]

“Nous faisons face à une violente vague d'islamophobie. On a relevé des messages WhatsApp vraiment barbares, et en masse. Et tout juste après l'attentat, des hoax ont commencé à se propager”, a dénoncé Esteban Ibarra, coordinateur de la Plataforma Ciudadana contra la Islamofobia [Plateforme Citoyenne contre l'Islamophobie], dans le quotidien national El País. Cette recrudescence inquiète aussi le magistrat Joaquim Bosch Grau, qui a commenté sur Twitter :

Ceux qui rendent tous les musulmans responsables du terrorisme sont en train de se rapprocher dangereusement du fanatisme irrationnel des djihadistes.

Parmi les hoax qui circulaient sur Whatsapp, un texte exigeait de la communauté musulmane qu'elle condamne les attentats, l'accusant en creux de ne pas se montrer solidaire avec les terroristes. En réalité, les différentes communautés d'Espagne avaient déjà condamné publiquement les attentats, dans la rue et sur Facebook et Twitter, à l'image de Karim Prim, militant et agent public musulman :

Ceux que beaucoup d'entre vous appelez terroristes n'ont ni religion ni idéologie : ce sont juste des assassins #PasEnMonNom#ÇaSuffit#Barcelone

“Pas en mon nom”

Sous la bannière “Somos musulmanes, no somos terroristas” [“Nous sommes musulmans, nous ne sommes pas des terroristes”], des dizaines de pratiquants de cette religion se sont réunis samedi dernier en Catalogne. Et en réponse à ces hoax qui se répandaient comme une traînée de poudre, les hashtags #NoEnElMeuNom #NoEnMiNombre (traduction du #NotInMyName − #PasEnMonNom − né en réaction à d'autres attentats de Daesh) ont vu le jour :

Sans commentaire #Barcelone#Cambrils#PasEnMonNom#NousSommesTousBarcelone.  [Sur le dessin : “Ok, d'accord. Vous refusez le terrorisme islamiste. Très bien. Mais dans ce cas… pourquoi vous ne refusez pas aussi le voile, et le Ramadan, et les enfants qui sont dans la rue toute la journée, et les taxiphones, et les boucheries bizarres, et les aides pour la cantine, et toutes ces choses qui nous énervent autant, hein ?”]

De plus, face aux hashtags pleins de haine, on a vu circuler plusieurs “contre-hashtags”, et des témoignages de respect comme #YoTeAcompaño [#JeT'Accompagne] qui, comme dans la campagne organisée par l'Australie en 2014 après la prise d'otages de Sydney, propose aux musulmans qui ont peur de les accompagner pour sortir dans la rue :

Une façon de dire #StopIslamophobie : #JeT'Accompagne, une proposition à la fois belle et triste. Personne ne devrait avoir peur !

Des personnalités populaires comme la présentatrice Paula Vázquez ont par ailleurs réagi activement contre l'islamophobie sur les réseaux sociaux :

Si tu es musulman/e, que tu es à Madrid et que tu te sens vulnérable, #JeT'Accompagne. Pour les initiés, #IGoWithyou

“Qu'est qu'on ne fait pas comme il faut ?”

Au même moment, l'éducatrice Raquel Rull, qui a travaillé avec les jeunes accusés de l'attentat durant leur adolescence, a écrit une lettre ouverte sur Facebook, qui a ensuite été publiée par El País. Dans la lettre, intitulée “Qu'est-ce qu'on ne fait pas comme il faut ?”, l'auteur déclare :

Estos niños eran como todos los niños. Como mis hijos, eran niños de Ripoll. Como aquel que puedes ver jugar en la plaza, o el que carga una mochila enorme de libros, el que te saluda y te dejar pasar ante la cola del super, el que se pone nervioso cuando le sonríe una chica. Me duelen las chispas que encienden el odio en las redes… Donde se muestra la ignorancia, el rencor, la indiferencia, el no respeto hacia el prójimo, los tópicos, las fronteras, el girar la cabeza hacia otro lado, el no saber ponerse en la piel del otro […] Esto no debe quedar con una historia más. Tenemos que aprender de ella, hemos de hacer un mundo mejor. Practicando con el ejemplo, educando en la no violencia, transmitiendo el no odio, la igualdad.

Ces enfants étaient comme tous les autres enfants. Comme mes enfants, ils étaient originaires de Ripoll. Comme celui qu'on peut voir jouer sur la place, ou celui qui porte un énorme cartable de livres sur le dos, celui qui vous dit bonjour et vous laisse passer dans la queue du supermarché, celui qui panique quand une fille lui sourit. Ça me fait mal, de voir ces étincelles qui ravivent la haine sur les réseaux sociaux… On y voit s'exprimer l'ignorance, la rancœur, l'indifférence, le non-respect de son prochain, les clichés, les frontières, cette façon de détourner le regard, d'être incapable de se mettre à la place de l'autre […] Ceci ne doit pas demeurer une histoire parmi tant d'autres. Nous devons en tirer un enseignement, construire un monde meilleur. En montrant l'exemple, en éduquant à la non-violence, en transmettant le refus de la haine, l'égalité.

Il reste que, en dehors des réseaux sociaux, les citoyens ont protesté contre une marche organisée par un groupe d'extrême droite, comme le montre cette vidéo sur la plateforme espagnole  PlayGround :

 

Documentaire : Des prostitués japonais se racontent

lundi 28 août 2017 à 17:21
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Un jeune distrait des clients potentiels dans un bar urisen. Image fournie avec courtoisie par “Boys for Sale

Le documentaire “Boys For Sale” [jp] (Garçons à vendre) qui vient de sortir explore le monde de la prostitution masculine, celui des “urisen” (ウリ専) [jp] comme on dit en japonais, dans le quartier “2-chome” de Shinjuku [en], à Tokyo, connu pour être l'épicentre de la communauté gay et pour sa vie nocturne débridée.

Le film présente des interviews authentiques de jeunes hommes travaillant dans des bars et bordels pour avoir des relations sexuelles avec d'autres hommes. Il fait bien plus qu'argumenter sur la sexualité et le consentement sexuel dans la culture japonaise. Parfois, l'identité des personnes interviewées est masquée pour les protéger en montrant le déroulement des passes.

Beaucoup de jeunes hommes interviewés dans le documentaire définissent différemment le terme “urisen”. Pour certains, il signifie “Passer du temps avec un jeune homme” ; “Donner l'opportunité à des personnes d'en rencontrer d'autres”, “Si un client nous aime, ça peut donner quelque chose” ; et pour d'autres “Unrisen signifie vendre et acheter … Nous vendons nos corps et des hommes les achètent….”

Beaucoup de jeunes interviewés dans le documentaire disent avoir choisi ce travail pour régler les dettes de leur famille ou parce que suite à leur installation à Tokyo ils cherchaient des opportunités et n'ont rien trouvé de mieux. Un d'entre eux nous a dit qu'il a emménagé à Tokyo suite au tsunami de 2011 qui avait détruit sa ville natale dans la préfecture d'Iwate. La prostitution masculine est tolérée d'habitude au Japon, bien que légalement le sexe se définissse par voie vaginale, par conséquent les autres actes sexuels rémunérés ne sont pas illégaux.

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Page web proposant des jeunes prostitués dans un bar japonais. Image fournie avec courtoisie par “Boys for Sale”

Le documentaire montre qu'une partie de leur travail consiste à rencontrent leurs clients potentiels dans un bar. Ils peuvent gagner “5 dollars en 30 minutes” tout simplement en s'asseyant près d'un client dans un bar, voire plus s'ils arrivent à le convaincre d'avoir des relations sexuelles pendant quelques heures dans une des salles privées à proximité du bar. Ces jeunes travaillent dès 16h pendant environ huit à douze heures en soirée. Ils gagnent entre 150.000 et 850.000 yens (entre 1.159 et 6.569 euros) par mois, mais doivent reverser 50% de leurs gains au bar où ils travaillent.

La plupart des jeunes interviewés dans “Boys for Sale” ont moins de 26 ans et bien que beaucoup d'entre eux acceptent de l'argent pour avoir des relations sexuelles avec des hommes, ils ne sont pas gays. Certains d'entre eux ont même affirmé préférer les femmes, ne ressentir aucun plaisir en ayant des relations sexuelles avec des hommes et essayer de se détacher lors des rapports. Un d'eux a avoué que ce n'était pas aussi difficile qu'il le pensait d'avoir des relations sexuelles avec des hommes.

Peu d'entre eux sont informés des dispositifs de prévention sexuelle et encore moins bénéficient de tests par leurs employeurs pour éviter d'être contaminés par des maladies sexuellement transmissibles (MST ; un d'entre eux rappelle que “Le Japon est un des pays développés où le SIDA est en augmentation”). A la demande des clients, les préservatifs sont rarement utilisés. En fait, d'après un des barmans on recommande à ces jeunes travailleurs de se doucher (avec leurs clients) pour éviter la contamination de MST.

Les personnes interviewés dans le documentaire racontent des histoires inquiétantes.

“Les clients sont les plus forts”, relate l'un d'eux. “A la fin, je cède à leur demande… Donc, quelle que soit la chose demandée, je ne peux pas vraiment refuser.”

Un autre dit avoir été attaché et violé par plusieurs hommes. Malgré tout, il a continué à travailler dans le même bar.

“Boys for Sale” a été réalisé par une équipe  internationale de réalisateurs états-uniens, anglais et japonais. Il a pu aboutir grâce à la relation de confiance construite avec les personnes interviewées, dit Ian Thomas Ash, le producteur exécutif au Tokyo Weekender. Pendant un an, les producteurs sont allés dans les différents bars urisen de Shinjuku pour se familiariser avec la communauté. “Les gens nous ont connus petit à petit et ils ont compris que nous ne faisions pas du journalisme à la va-vite”, ajoute-t-il.

C'est la raison pour laquelle le documentaire donne une vision humaine et empathique de la vie des hommes qui travaillent dans le monde urisen de Tokyo.

Le documentaire a été présenté devant un festival de cinéma en Allemagne en mai 2017 et sera projeté dans d'autres festivals à l'étranger, dont l'édition 2017 du Durban Gay and Lesbian Film Festival, du 26 août au 1er septembre 2017. Cliquer ici [jp] pour voir la programmation des projections du film cet automne. L'avant-première japonaise ne saurait tarder.

Pour regarder un extrait de “Boys for Sale“, cliquer ci-dessous :

Le documentaire “Boys for Sale” a été fourni à Global Voices en avant-première pour écrire cet article.