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Comment les Ouzbeks ont appris à aimer (et à vivre via ) l'application Telegram Messenger

mardi 16 avril 2019 à 17:29

Même les fonctionnaires se trouvent contaminés

En Ouzbékistan, lorsqu'on se sépare d'un ami, il est d'usage de dire « gaplashamiz » ou « telefonlashamiz ».En français cela signifie, « on en reparle » ou « on se rappelle.» Pourtant de plus en plus, les Ouzbeks se disent « telegramlashamiz » : Parlons-en sur Telegram.

Telegram est l'application de messagerie sociale la plus utilisée en Ouzbékistan. Pour de nombreuses personnes il a usurpé la notion même d'Internet.

Au moment de l'écriture de cet article, Telegram était la seconde application la plus téléchargée sur iOS en Ouzbékistan, après Instagram, et la seconde plus téléchargée sur Android derrière Share (voir les captures d'écran ci-dessus et ci-dessous).

Sur Telegram – une application créée par l'entrepreneur russe Pavel Durov et ensuite bloquée [en anglais] par les autorités dans son pays d'origine – les utilisateurs peuvent envoyer des messages privés à leurs contacts, participer à des discussions de groupe et lancer un microblog, ou « chaîne. »

La faible maintenance et la facilité d'utilisation des chaînes en font la principale source d'information en Ouzbékistan.

Actuellement, il y a plusieurs chaînes Telegram en langue ouzbek qui font partie des 20 plus grandes du service. Elles ne sont éclipsées que par les chaînes en langue persane suivies principalement par des utilisateurs situés en Iran, où la frénésie pour Telegram a pris de l'ampleur il y a longtemps.

La plus grande chaîne Ouzbek en termes d'abonnés est Kanallani Dodasi, qui signifie la « meilleure chaîne » en Ouzbek. Elle compte 810 000 abonnés, correspondant à 2,5% de la population nationale.

La croissance rapide de l'ensemble des services de messagerie en Ouzbékistan a été alimentée par une forte augmentation du coût des communications mobiles en 2013. Les autorités ont en effet introduit une taxe dite d'abonnement, obligeant les opérateurs mobiles à payer une taxe sur chaque abonné.

Pendant un certain temps, les utilisateurs ouzbeks ont eu recours à diverses applications de messageries avant de choisir Telegram, qui n'a pas sorti de version pour Android avant la fin de cette année.

Le bouche à oreille et les recommandations personnelles ont contribué à accroître la popularité du service. Les administrateurs y partagent ainsi leurs expériences à propos d'une alimentation saine, de résolution des problèmes à l'école ou encore de lancement de leur propre entreprise.

En attendant, les groupes sont des lieux de discussions animées.

Si auparavant, les réunions à de longues tables pleine d'accessoires pour le thé et de bols de pilaf permettaient aux communautés ouzbèkes de résoudre des problèmes importants, ceux-ci sont dorénavant réglés par Telegram. Bien que la messagerie n'ait pas encore remplacé le mahalla ouzbek, ou le quartier, elle s'y est intégrée et semble être là pour longtemps.

Un des principaux avantages de Telegram dans un pays où la connexion internet reste lente est le fait que la plate-forme est assez économique en termes de consommation de trafic par rapport aux autres applications de messagerie.

Un autre avantage : son cryptage relativement bon. Il s'agit d'un point sensible pour le régulateur Internet russe Roskomnadzor qui a bloqué le service l'année dernière, après que Telegram eut refusé de lui remettre ses clés de cryptage. Les travailleurs migrants ouzbeks travaillant en Russie font partie des centaines de milliers d'utilisateurs qui ont alors utilisé des outils afin de contourner ce blocage.

Pour revenir en Ouzbékistan, le gouvernement n'y a pas encore essayé de censurer le service malgré l'imposition de blocages de presque un an, d'octobre 2018 à janvier 2019, sur les réseaux sociaux comme Facebook. En fait, la perte de vitesse et la consommation inutile de trafic entraînées par l'utilisation du VPN pour accéder à Facebook pendant le blocage, qui s'est brusquement interrompu en janvier 2019, ont poussé de nombreux blogueurs reconnus dans les bras de Telegram.

Peut-être est-il surprenant que les autorités aient permis à ce service de grandir si rapidement.

Après tout, Telegram est un aimant pour certains types de contenu que l'Ouzbékistan a censuré dans le passé, comme la pornographie. De plus les utilisateurs pouvant rester anonymes, Telegram devient un lieu de référence du langage vulgaire, du trollage et de toutes les autres mauvaises images associées à Internet. Au plan local, le piège à clics personnalisé abonde.

Plus important encore sans doute, Telegram est devenu un forum de discussion politique d'un niveau sans précédent alors que le pays se relâche grâce à un régime autoritaire légèrement assoupli, après la mort du dirigeant de longue date Islam Karimov en 2016.

L'exemple le plus évident de cela date de l'automne de l'année dernière. Pour les punir d'une mauvaise récolte, des agriculteurs ont été forcés de se tenir debout dans un fossé devant des fonctionnaires. Et les photos de ces agriculteurs ont été mises en ligne.

Telegram a contribué à « canaliser » l'indignation face à l'humiliation des paysans par les fonctionnaires régionaux. Photo largement partagée et reproduite [en ouzbek] par les médias locaux.

Telegram est alors devenu le centre de l'indignation dans les jours qui ont suivi la sortie de la photo. Les utilisateurs ont appelé Zoir Mirzayev le vice-premier ministre, qui, avec les fonctionnaires régionaux ont veillé sur la punition, à se tenir lui-même dans un fossé. Des photos ont circulé montrant des utilisateurs ouzbeks debout dans des fossés en solidarité avec les paysans, et de fausses publicités pour de longues bottes imperméables comme « le meilleur remède pour contrer les fonctionnaires en colère. »

Mirzayev a ensuite été congédié par le président Shavkat Mirziyoyev, qui a mis l'accent sur le rôle des fonctionnaires en tant que serviteurs du peuple.

Mais le gouvernement a aussi sa propre présence importante dans le service. Outre d'innombrables comptes et robots pro-gouvernementaux, les organes de l’État et même le bureau de Mirziyoyev — déjà 250 000 fidèles — ont tous leurs propres chaînes.

Finalement, Telegram devient une plaque tournante de l'activité économique.

Tout comme sur Instagram et YouTube dans d'autres pays, les blogueurs les plus appréciés cherchent à élargir leurs audiences de manière agressive et à monétiser leur contenu, tandis que de nombreuses boutiques Telegram ont récemment ouvert leurs portes virtuelles.

Les grandes entreprises ouzbèkes, comme l'opérateur de téléphonie mobile Ucell, dépensent des sommes considérables pour faire en sorte que les publicités circulent sur toutes les chaînes ayant un grand nombre de fidèles. Un seul clip publicitaire sur une chaîne d'environ 50 000 abonnés coûte actuellement 24 dollars (21,22 €).

Loin d'être une mode passagère, Telegram s'enracine de plus en plus en Ouzbékistan. Le service, dont la croissance dans le pays à un moment donné semblait presque accidentelle, reflète maintenant une nation en mouvement.

Une version antérieure de cet article indiquait à tort que le blocage de Facebook en Ouzbékistan a duré d'octobre 2018 à janvier 2019. Le blocage a en réalité commencé en octobre 2017.

Game of Thrones et changement climatique : à vos marques, l'été est là !

lundi 15 avril 2019 à 20:31

Photo: Domaine public via PXhere. https://pxhere.com/en/photo/780571

Par Cassia Moraes

Imaginez un monde où les clans politiques luttent pour le pouvoir sans se soucier d'une menace qu'ils n'ont jamais connue auparavant— et qui pourrait anéantir leurs sociétés en faisant fi des frontières humainement établies.

Ce récit pourrait décrire le huitième et dernier épisode de Game of Thrones, dont la sortie est prévue pour le 14 Avril, au cours duquel le destin de Westeros sera scellé alors que l'armée des morts traverse enfin le Mur. Il pourrait également décrire la situation politique actuelle du monde, où des personnalités comme Donald Trump et Jair Bolsonaro combattent le multilatéralisme au moment où nous en avons le plus besoin. Les distractions politiques comme les murs à milliards et la célébration des dictatures révolues occupent leur agenda tandis que les vraies — et potentiellement irréversibles — menaces que constitue le changement climatique pèsent déjà sur nous .

Dans la série de HBO, les Grandes Maisons n'arrivent pas à écarter les pires dangers que Westeros ait jamais affrontés, et dans la vraie vie, le scénario n'est pas vraiment différent. Ceux qui ont été historiquement les principaux acteurs du changement climatique n'entreprennent aucune action compensatoire tandis que des pays émergents comme la Chine, principal émetteur actuel de gaz à effet de serre, utilisent la faible réactivité des pays développés comme prétexte de leur propre inaction. Si le principe des responsabilités partagées mais différenciées renforce la position des pays émergents, ils seront aussi perdants si la communauté mondiale ne réussit pas à éradiquer le changement climatique. Peut-être que la métaphore des marcheurs blancs en facilite la compréhension.

Alors pourquoi est-il si difficile pour la plupart des Westerosiens de répondre à l'imminente catastrophe venant du Nord du Mur ? On peut dire qu'il est difficile de comprendre une chose qu'on n'a jamais vue, et qui contredit les expériences de ses ancêtres. C'est peut-être la raison pour laquelle John Snow a risqué sa vie et l'avenir de Westeros pour capturer un marcheur blanc “vivant” (si une chose pareille existe). En tant que Don Quichotte de l'émission, Snow croit qu'il peut gagner l'inertie politique en jetant littéralement le problème au visage des décideurs. Après tout, qui nierait l'existence d'une créature qui vous mordrait quasiment?

Il est intéressant de voir comment les gens se comporteraient s'il n'y avait plus aucun doute sur l'existence ou la menace des marcheurs blancs. Trois réponses de base sont possibles, toutes étant similaires à l'état actuel de la crise du changement climatique.

1. La démarche de résolution de problème

Peut-être que vous n'avez jamais cru auparavant aux marcheurs blancs (ou au changement climatique) ou vous avez sous-estimé le risque qu'ils représentaient. Mais des faits récents vous ont amené à remettre en cause votre point de vue et tout ce que vous avez estimé important jusqu'à présent. C'est ce qui est arrivé à Daenerys Targaryen, qui fit une pause dans sa quête du pouvoir pour faire face à un problème plus urgent et irréversible. Jaime Lannister brise également sa loyauté inébranlable envers sa sœur Cersei et rejoint leur ancien ennemi pour lutter pour la survie de tous. John Snow va encore plus loin et enseigne à l'ennemi comment tuer un marcheur blanc, révélant un secret militaire pour le bien commun. Dans la vraie vie, des actions comme la libération par Elon Musk de tous les brevets de la Tesla nous font prendre conscience qu'aucun avantage concurrentiel ne survivrait à un monde bouleversé.

2. L'option de retrait

Comme pour es personnages mentionnés plus haut, la vision du monde et les priorités d'Euron Greyjoy ont été bouleversées par sa rencontre avec un marcheur blanc.  Néanmoins, il a quand même décidé de ne pas rallier la coalition de Daenerys. Après que John Snow eut confirmé que les marcheurs blancs ne savaient pas nager, Euron décida d'abandonner Cersei et tous les autres pour retourner dans son île, où il pense être à l'abri de l'armée des morts. Il conseilla même à Daenerys de faire pareil,en lui disant qu'ils pourront diriger le monde à eux deux lorsque cette crise sera terminée.

Y aura t-il grand chose sur quoi régner d'ici là ?

Pour en revenir à l'analogie du changement climatique et de la coopération multilatérale, des pays comme les États-Unis et le Brésil encourent peut-être moins de risques que Tuvalu et les autres îles du Pacifique. Mais il est illusoire de penser qu'ils seront à l'abri des effets du changement climatique. Personne ne le sera.

3. Le froid ne m'a jamais dérangé de toute façon

Cersei pense qu'elle pourra conserver—voir renforcer—son pouvoir pendant que le reste du monde va mourir de froid. Non seulement elle refuse de se joindre à la résistance—mais elle envisage de l'attaquer pour maximiser ses profits à court terme. Des pays comme la Russie et l'Arabie Saoudite mettent des entraves à la coopération internationale au profit de leurs industries des combustibles fossiles. Mais si ces dernières accroissent à court terme leur PIB, elles ne vont pas protéger les populations de leurs pays des effets de plus en plus néfastes du changement climatique.

Un autre caractère commun entre les marcheurs blancs et le changement climatique est l'imprévisibilité de leurs attaques . Ces deux menaces sont en quelque sorte étrangères aux humains, et il ne reste pas beaucoup de temps pour s'y préparer. Au bout de presque 25 années de discussions sur la stratégie à adopter aux conférences annuelles de l'ONU (les COP), les écoliers mettent maintenant la pression sur les chefs d’État pour qu'ils cessent de parler et commencent à agir. le Brésil a même renoncé à présider la prochaine COP devant s'y tenir cette année, fermant ainsi la porte aux possibilités d'investissements et de coopération.

Game of Thrones illustre ce qui peut se passer si nous n'écoutons pas les cris des enfants. Lorsque Daenerys perd un de ses dragons au Night King, l'impact de l'armée des morts s'intensifie immédiatement. Cet unique événement change tout le scénario en un éclair, avec la capacité de condamner à mort tout le monde.

De même, les effets du changement climatique pourraient s'intensifier de façon brutale : un prochain niveau de réchauffement pourrait amener le climat mondial à un point de basculement, causant des changements imprévus et irréversibles aux systèmes physiques. On ignore la nature précise de ce niveau pour les différents processus, mais il s'accroît significativement pour des températures supérieures à 1-3°C. Ces processus pourraient aussi s'intensifier dans la durée. Étant donné que les principaux aspects du changement climatique persisteront durant des siècles, et que des hausses croissantes de températures pourraient occasionner un effet de levier encore plus important sur le réchauffement, des politiques de réduction prudentes doivent appliquer le principe de précaution pour éviter des changements catastrophiques et irréversibles du système climatique de la Terre.

Cassia Moraes est lafondatrice et PDG de Youth Climate Leaders (YCL). Elle est titulaire d'un MPA en Pratique de Développement de l'Université de Columbia et siège au conseil du Lemann Fellows du Columbia Global Center de Rio de Janeiro. Pour de plus amples renseignements sur le programme d'immersion Youth Climate Leaders 2019, cliquez ici

Pâques à Trinité-et-Tobago, c'est haut en couleurs et riche en saveurs

lundi 15 avril 2019 à 12:46

Pâques, temps de régal pour les yeux et les papilles

 

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Les fêtes de Pâques tombent pile poil en pleine saison sèche de Trinité-et-Tobago— autrement dit, les “staycationers” (ceux qui ne partent pas en vacances) ont tout un choix d'activités de plein-air pour faire passer le temps. Petit coup d’œil sur quelques-unes, à côté de quelques autres traditions fêtées qui définissent Pâques dans cette nation aux deux îles.

Admirer les arbres Poui

C'est le moment de l'année où les Tabebuia (ou Poui, leur dénomination locale) atteignent leur pleine floraison, et parsèment les flancs de collines et les bords de routes de fleurs d'un jaune éclatant. Une variété de Poui produit de délicates fleurs roses, rappelant les fleurs de cerisiers du Japon. Quelle que soit la couleur, la vue d'un arbre Poui en fleurs est absolument époustouflante, et année après année, les utilisateurs de médias sociaux partagent leurs photos sur Facebook et Instagram. On ne se sentirait pas à Pâques sans la perfection des Poui !

 

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Déguster un cône de neige

C'est une délicieuse friandise à tout moment de l'année, mais cet assemblage vivement coloré de glace pilée, sirops de saveurs variées et (très souvent) de lait condensé, paraît particulièrement rafraîchissant dans la période de Pâques. Les vendeurs arpentent les plages populaires et le Queen's Park Savannah (le principal espace vert de la capitale, Port d'Espagne) pour attirer le chaland.

 

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Prendre de la hauteur

Autre tradition pascale populaire, les cerfs-volants, avec un concours tenu chaque année le dimanche de Pâques au Queen's Park Savannah.

 

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Des participants au concours de cerfs-volants du dimanche de Pâques, Queen's Park Savannah, Trinité. Photo : Georgia Popplewell, CC BY-NC-SA 2.0.

Faire une partie de cricket

Une vision commune à ce moment de l'année est aussi celle d'équipes de cricket dans leur tenues blanches, qui disputent des matches amicaux sur les terrains de sport publics (et oui, aussi au Savannah).

 

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Dévorer des petits-pains chauds décorés de croix

Pâques ne serait pas tout à fait Pâques sans le délice spécial des petits-pains chauds à croisillons. Côté religions, la population de Trinité-et-Tobago est majoritairement chrétienne, et les petits pains [en français dans le texte anglais] sont traditionnellement dégustés le Vendredi saint.

 

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Au Soudan, les femmes mènent la contestation

dimanche 14 avril 2019 à 21:24

En première ligne, elles luttent pour le changement.

“Non à une dictature corrompue,” dessin de Tibyan Albasha. Utilisation autorisée.

[Article d'origine publié le 11 avril 2019] Depuis décembre 2018, les manifestations qui ont éclaté au Soudan sur fond de triplement du prix du pain se sont transformées en contestation nationale contre les presque trois décennies de règne d'Omar el-Béchir.

Finalement, le jeudi 11 avril 2019, Omar el-Béchir a été forcé de démissionner.

[NdT: le compte a depuis été suspendu] EL-BECHIR EST PARTI !! ON L'A FAIT !!!

Le gouvernement d'Omar el-Béchir a eu recours à des tactiques et à des mesures répressives pour étouffer la contestation. Plus de 40 manifestants ont été tués, des centaines arrêtés et torturés.

La riposte brutale n'a pas empêché les femmes de se placer résolument au cœur des manifestations.

“Aucun coup ou arrestation n'aurait pu nous arrêter.”

Ces femmes et bien d'autres comme elles sont à la tête des manifestations géantes contre le président soudanais Omar el-Bechir.

Aujourd'hui, au Soudan, nous marchons pour les femmes. Les femmes incarcérées. Les femmes révolutionnaires. Les femmes opprimées. Les femmes réfugiées. Les femmes déchirées par la guerre. Les femmes violées, battues et violentées. Les femmes qui ne font pas assez de bruit et sont trop courageuses pour un pays fait pour les hommes.

Elles mènent la marche en chantant un Zagrouda, des youyous couramment utilisés par les femmes dans le monde arabe les jours de fête.

“Zagrouda” (ou le chant des femmes) est devenu le signe de ralliement de toutes les manifestations de rue. Lorsque les gens entendent ces voix de femmes, ils savent que c'est l'appel à la révolution et qu'il est temps de commencer la marche.

Au cours du mois de mars, les femmes ont porté la thobe blanche traditionnelle en guise de soutien aux protestations et pour les droits des femmes. Sur les réseaux sociaux ont afflué les images de manifestantes arborant la robe blanche, en utilisant le hashtag #whitemarch (#مارس_الابيض)(marche blanche).

Heureuse Journée internationale pour les droits des femmes

Famille Impact Hub Khartoum

Les femmes qui manifestent sont régulièrement confrontées à la brutalité policière. Les autorités ont lancé des gaz lacrymogènes, tiré à balles réelles et les ont même menacées de viol. Des femmes auraient également été battues, leur visage tuméfié et leurs cheveux coupés à l'intérieur des centres de détention. Tous les jours, de nouvelles images de femmes soudanaises battues et humiliées circulent sur les réseaux sociaux  :

Brutalité excessive contre les personnes âgées et les femmes de la part de la police dans le nord de Khartoum

Mais les mêmes hashtags sont aussi utilisés pour montrer le courage des femmes au Soudan.

Vidéo montrant une jeune fille soudanaise renvoyant une bombe lacrymogène sur les forces de l'ordre. Au Soudan, ces jeunes filles et ces femmes ont fait preuve d'un courage hors du commun lors du soulèvement soudanais.

Cette semaine, une photo et une vidéo des manifestations sont devenues virales. Une étudiante en ingénierie et en architecture de 22 ans du nom d'Alaa Salah a levé le bras droit alors qu'elle menait la foule au son d'un chant appelé “Thawra” (“révolution” en arabe). La vidéo et la photo ont fini par devenir virales et les militants soudanais désignent maintenant Alaa Salah sous le nom de “Kandaka,” le titre décerné aux reines nubiennes dans le Soudan d'autrefois.

J'ignore son nom mais cette femme au Soudan est à la tête de rassemblements, se tient debout sur les toits de voitures et plaide pour le changement contre l'autocrate el-Bechir.

Là, elle chante “Thawra” (révolution). Souvenez-vous de cette voix.

Des illustrations partagées sur les réseaux sociaux ont fait d'Alaa Salah la “statue de la Liberté soudanaise”.

Si un jour j'ai une fille, je veux qu'elle soit comme elle♥ Alaa Salah étudiante en ingénierie et architecture de 22 ans qui chante et mène la contestation à Khartoum elle est maintenant un symbole de la révolution soudanaise et est devenue la voix des révolutions des femmes.

De la rue à l'écran

Derrière leur écran, des groupes Facebook où dominaient auparavant les conversations sur le mariage et les béguins pour d'autres personnes sont à présent utilisés pour mettre en avant la brutalité policière. Les femmes dans ces groupes font circuler des vidéos et des images des abus commis par les forces de l'ordre. Lorsque son identité est révélée, l'agent concerné est souvent passé à tabac et chassé hors de la ville. L'impact de ces groupes est spectaculaire – de nombreux agents de sécurité dissimulent maintenant leur visage.

Les autorités soudanaises ont tenté de bloquer les réseaux sociaux dans le pays, mais les femmes contournent le blocage en utilisant des réseaux privés virtuels (VPN en anglais) qui permettent de masquer la localisation d'un utilisateur.

Une révolution sans art n'est jamais complète :

 

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Joyeuse Journée internationale pour les droits des femmes… A toutes les incroyables femmes révolutionnaires qui sont là-dehors… Poursuivez votre حركات نسوان ; ) [mouvement de femmes]

Un post partagé par Alaa Satir (@alaasatir) le 8 mars

 

Des femmes peintres, des artistes numériques et des musiciens ont créé des œuvres d'art en complément aux manifestations de rue. Ils utilisent l'art pour rendre hommage à la résistance des gens, et en particulier des femmes. Ils font de l'art pour rendre compte des événements, dresser le portrait des victimes et dépeindre ce qu'est la réalité de la vie dans un système répressif.

Women are front, left and center of the revolution. When people started protesting, they were like, ‘Women should stay at home.’ But we were like — no.” said Islam Elbeiti a 24-year-old jazz bass player.

“Les femmes sont au front, à la gauche et au centre de la révolution. Lorsque les gens ont commencé à manifester, ils étaient genre ‘Les femmes devraient rester à la maison.’ Mais nous étions genre ‘non’, ” déclare Islam Elbeiti, contrebassiste de jazz de 24 ans.

Lutter pour les droits des femmes au Soudan

Le 12 mars, la cour d'appel d'urgence du Soudan a, sous la pression des familles des femmes qui se sont rassemblées devant le palais de justice, abrogé la peine de flagellation de neuf manifestantes soudanaises qui avaient été condamnées à 20 coups de fouet et un mois de prison pour s'être soulevées.

La flagellation est une condamnation courante au Soudan, en particulier pour les femmes – elles risquent la flagellation pour des crimes tels que le fait de porter une tenue indécente ou l'adultère.

En 2014, une femme a été condamnée à mort pour s'être mariée avec un non-musulman, ce qui est considéré comme un adultère. En 2015, une femme a reçu 75 coups de fouet pour avoir épousé un homme sans le consentement de son père.

En 2017, 24 femmes ont été arrêtées pour avoir porté un pantalon, en violation de la loi stricte de la Charia en vigueur dans le pays.

Parfois, la brutalité va au-delà de la flagellation : de nombreuses femmes soudanaises ont été condamnées à mort par lapidation.

D'après Reuters, Omar al-Béchir a défendu en 2011 un point de vue fondé sur le strict respect de la loi de la Charia au Soudan :

We want to present a constitution that serves as a template to those around us. And our template is clear, a 100 percent Islamic constitution, without communism or secularism or Western (influences).

Nous voulons présenter une constitution qui serve de modèle à ceux qui nous entourent. Et notre modèle est clair, une constitution 100% islamique, sans communisme, sécularisme ou (influences) de l'Occident.

Le code pénal soudanais, qui est fondé sur une interprétation de la Charia (loi islamique), autorise les mariages de filles d'à peine 10 ans, et établit que le viol d'une femme par son mari ne peut être qualifié de tel.

Par-dessus le marché, les femmes sont confrontées à des “lois sur la moralité” qui les asservissent et les oppriment au quotidien.

C'est pour cette raison que les femmes soudanaises sont en première ligne des manifestations et luttent pour le changement.

Rebuffade pour la Hongrie : la Slovénie refuse de censurer une caricature de Viktor Orbán

dimanche 14 avril 2019 à 13:27

Les dirigeants hongrois auront appris à ne pas “chercher” Mladina.

La couverture de Mladina du 22 mars (à gauche) montrait une caricature de politiciens  slovènes d'extrême-droite entourant le président hongrois, sous le titre : “Nous renonçons à l'Europe, mais pas à Orbán.” A droite, la version “réparée et amicale” publiée en ligne en réponse à la lettre de l'ambassadeur de Hongrie.  Images (c) 2019 Mladina, utilisées avec autorisation.

La Slovénie n'est peut-être pas un parangon de la liberté d'expression, mais quand les responsables hongrois ont exprimé leur indignation à la suite d'une caricature du président hongrois Viktor Orbán parue sur la couverture du magazine politique national Mladina, les responsables slovènes ont volé à sa défense.

Le 22 mars, Mladina a publié un article chroniquant le soutien apporté par les politiciens d'extrême-droite slovènes au parti Fidesz au pouvoir en Hongrie qui fait partie de la grande famille du Parti populaire européen PPE de centre-droit. Lors d'une récente réunion, le PPE a suspendu le Fidesz des rangs du groupe le plus large et le plus puissant de l'Union Européenne à cause de ses pratiques autoritaristes.

Mladina titrait ce numéro : “Nous renonçons à l'Europe, nous ne renonçons pas à Orban”. L'article fustigeait le Parti démocratique slovène (SDS) qui “préfère se ranger aux côtés de l'autocratie hongroise plutôt que de l'Europe démocratique”.

L'article relevait aussi que le PPE avait d'abord menacé le Fidesz d'exclusion en avril 2017, en raison des diverses actions du gouvernement hongrois pour démanteler des institutions essentielles de la société civile du pays, de sa volonté de détruire l’Université d'Europe centrale (UEC), et du langage antisémite de sa consultation Halte à Bruxelles.

Divers autres médias ont pointé qu'Orbán continue à exploiter l'antisémitisme à des fins politiques.

La page de couverture du magazine arborait une caricature de Viktor Orbán le bras droit levé, en référence au salut romain dans le style des B.D. d'Astérix, alors qu'un geste similaire avec la paume de main tournée vers le sol était utilisé par les fascistes. Trois responsables du SDS se blottissent affectueusement autour d'Orbán. L'un tient un drapeau dont la composition rappelle celui de la Slovénie, mais avec des couleurs qui sont celles du drapeau hongrois.

Juxtaposed national flags of Slovenia and Hungary.

Les drapeaux nationaux de la Slovénie (à gauche) et de la Hongrie (à droite). Source: Wikipédia.

Quand le magazine apparut dans les kiosques, l'ambassadrice hongroise en Slovénie Edit Szilágyiné Bátorfi adressa une lettre à Mladina que le magazine a publiée dans son intégralité. Elle l'accusait d'ébranler l'amitié entre les deux nations par ses articles sur la Hongrie. Elle disait qu'il était “inacceptable” de laisser entendre qu'Orbán avait une quelconque connexion avec les “forces obscures du passé” et soulignait que son gouvernement n'avait jamais promu l'antisémitisme.

Le 28 mars, Mladina publia un article illustré d'une couverture “réparée et amicale”. Dans une riposte ironique à la réprimande, les rédacteurs ont prétendu que leur “stupide dessinateur” Tomaž Lavrič avait décidé de s'excuser en dessinant une nouvelle image du “cher leader” de l'ambassadrice.

“Cette fois, c'est plus beau et plus amical. Longue vie à l'amour entre Orbán and Janša!” a rigolé l'éditorial.

La nouvelle caricature montre Orbán tenant un rameau d'olivier (symbole de paix), une fleur dans les cheveux, dans le style hippie. Le drapeau slovène modifié dans cette version a les couleurs de l'arc-en-ciel, en référence au drapeau LGBTQ, symbole de tolérance.

Dans une note envoyée au ministère slovène des Affaires étrangères le 29 mars, l'ambassade hongroise à Ljubljana a protesté contre la “page de couverture politiquement irresponsable” de l'hebdomadaire Mladina, et a réclamé une coopération destinée à “éviter de tels incidents à l'avenir”.

Selon Politico.eu, le ministère slovène a répliqué qu'il “respectait strictement la liberté d'expression et la liberté de la presse, et se gardait d'interférer dans quelque politique éditoriale que ce soit des médias”.

Le 1er avril, le porte-parole du gouvernement hongrois Zoltan Kovacs a attaqué Mladina dans un billet de son blog, parlant de “triste exemple de l'intolérance de la gauche”.

Dans un commentaire du 5 avril intitulé “La tentative de la Hongrie de contrôler un média slovène”, Mladina relevait que la note diplomatique montrait le sérieux de la situation, et que l'influence envahissante de la Hongrie illibérale n'était pas le problème de la seule Slovénie, mais de toute l'Europe.

“Un pays qui ose exiger du gouvernement d'un autre pays d'agir contre des journalistes représente une sérieuse atteinte à la sécurité dans toute la région”, a écrit la rédaction.

Les enquêtes journalistiques en Slovénie et Macédoine du Nord ont montré que le régime Orbán a tenté d'interférer dans la politique intérieure et les élections de ces deux pays en fournissant un soutien aux forces d'extrême-droite. Des responsables d'entreprises ayant des liens prouvés avec le gouvernement hongrois ont apporté un accompagnement financier aux médias de l'ultra-droite en Slovénie, et à ceux appartenant partiellement aux partis d'extrême-droite des deux pays. Et en Macédoine du Nord, la Hongrie a aidé l'ex-Premier ministre Nikola Gruevski à échapper à la sanction pénale qui l'attendait après sa condamnation pour corruption. Après que des diplomates hongrois l'eurent convoyé à travers trois différents pays des Balkans, Gruevski obtint l'asile politique en Hongrie.

Dans une tribune titrée “La souveraineté menacée de la Slovenie”, le rédacteur en chef de Mladina Grega Repovž a écrit :

Pismo je bilo še en kamenček v mozaiku, ki tako jasno kaže, s kakšno politiko imamo opravka v sosednji državi in kaj se je zgodilo v državi Evropske unije, ki naj bi bila nekakšna zveza demokratičnosti. In pismo je bilo še en dokaz, kakšna sramota je, da Evropska ljudska stranka ni zbrala moči, da bi izključila Fidezs Victorja Orbána iz svojih vrst – o čemer je govorila naslovna tema, ki je razburila madžarsko politiko.

La lettre [de l'ambassadrice] n'était qu'une petite pierre de plus dans la mosaïque montrant le genre de politique à laquelle nous avons affaire dans le pays voisin [la Hongrie] et quel est l'état des choses dans ce pays membre de l'Union européenne, autrefois une union de démocraties. Cette lettre nous donne une preuve de plus que c'est une honte que le PPE n'ait pas trouvé la force d'exclure le Fidesz de Viktor Orbán de ses rangs : l'affaire du titre de une qui a fâché la politique hongroise.

Le legs de 99 ans de défiance

Après son lancement en 1920 comme publication de la section jeunesse du parti communiste yougoslave en Slovénie, Mladina (signifiant “Jeunesse”) s'est bâti une réputation de parler vrai envers le pouvoir. Le magazine a été interdit par la dictature du royaume de Yougoslavie, mais a refait surface en 1943 comme élément de la résistance anti-fasciste.

Pendant les années 1980, il est devenu le journal dissident le plus en vue de la Yougoslavie, qui défiait le système, le culte de la personnalité du leader yougoslave Josip Broz Tito, et la toute-puissance à l'époque de l'Armée populaire yougoslave. En 1988, l'armée fit passer en jugement quatre employés de Mladina, pour divulgation de supposés documents top secret, mais sans aboutir à une défaite du magazine. Le procès devint le point focal de la résistance slovène aux abus, provoqua des manifestations de masse et alimenta l'indépendantisme et les revendications démocratiques.

Lorsque la Slovénie se déclara indépendante, Mladina survécut à la transition vers la démocratie, en continuant à tenir l'élite politique responsable. Ainsi, le magazine a continué à scruter minutieusement le travail de son ancien reporter Janez Janša (un des quatre condamnés du célèbre procès), lancé en politique en 1989. Il fut nommé ministre de la Défense de Slovénie en 1990, et a été deux fois Premier ministre (2004-2008, 2012-2013). Il est aujourd'hui le chef du Parti démocratique slovène, qui est membre du Parti populaire européen et proche allié du Fidesz d'Orban. Il apparaît comme tel sur la page de couverture polémique.

Les observateurs de la région ex-yougoslave ont été surpris par l'ignorance du gouvernement hongrois de la réputation de Mladina, explication possible de leur incapacité à anticiper le retour de bâton. Le portail croate d'information Express a noté que “Même Tito n'a pas pu les arrêter, et à présent c'est Orbán qui s'en prend à eux”.

Les médias de Hongrie ont aussi écrit sur l'esclandre, donnant encore plus de notoriété à la caricature. Hvg.hu a écrit qu'Orbán était “portraituré en Nazi” [une interprétation possible de son salut sur le dessin, NdT] entouré des “chefs locaux de l'extrême-droite” en Slovénie. L'hebdomadaire Magyar Narancs a écrit quant à lui que “la ‘hongrisation’ du drapeau slovène dans le dessin est un avertissement que le vrai danger pour la Slovénie est l'Orbánisation.”

De nombreuses réactions trans-frontières de médias sociaux sur l'esclandre était aussi en ligne avec l'exigence de liberté d'expression :

Les Hongrois ont écrit toute la journée sur la page Facebook de Mladina, soit en s'excusant pour Orbán, soit en demandant de racheter “l'infâme” numéro 12, soit encore en proposant de vendre des t-shirts avec l'image.