PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Syrie : Des révolutionnaires aux roses rouges

dimanche 7 septembre 2014 à 07:08

Ce billet fait partie d'une série spéciale d'articles par la blogueuse et militante Marcell Shehwaro, décrivant la vie en Syrie pendant la guerre qui se poursuit entre les forces loyales au régime actuel, et ceux qui veulent le renverser.

539337_10151546475681719_1678361628_n

A l'enterrement de la mère de Marcell Shehwaro, ses amis et des révolutionnaires sont venus de tous les quartiers d'Alep habillés de blanc et une rose rouge à la main.

Je vous ai sans doute déjà beaucoup parlé en détail de mon deuil personnel, dans mes articles précédents où je vous raconte l'histoire de ma mère et les sentiments de vengeance qui m'ont envahie après son assassinat. Mais aujourd'hui je ne pense pas pourvoir vous parler de ce qui se passe en Syrie sans aborder avec vous les pleurs des victimes et leur souffrance.

Aujourd'hui je vais vous raconter ce qu'il s'est passé la nuit de l'incident.

Je m'étais attardée chez des amis et on échangeait sur la révolution, quand mon téléphone portable a sonné. Au bout du fil, la voix affolée de ma soeur: “Maman est à l'hôpital, on lui a tiré dessus.”

Pendant les quelques minutes qu'a duré le trajet pour me rendre auprès d'elle, mes pensées se bousculaient dans ma tête. Va-t-elle s'en sortir? Suis-je responsable de cette souffrance? A-t-elle été visée parce qu'elle est ma mère? Pour me protéger de ce sentiment de culpabilité je pensais que c'est moi qui aurais dû être tuée. Est-ce que c'était nos balles? ou leurs balles? Je ne savais pas. A ce stade cela ne faisait pas de différence pour moi de savoir quel parti avait causé sa mort. Quand je suis arrivée à l'hôpital, j'étais censée approuver la décision d'opérer, mais avant que je ne puisse donner ma réponde on m'a appris qu'elle était morte. Ma mère est devenue une martyre ce jour-là.

Je ne sais pas comment j'ai fait pour me préserver si rapidement. J'ai remis mon chagrin à plus tard. Je n'ai pas pleuré autant que ce que je voulais: ma conscience était submergée par la révolution, c'était ma croix, celle que moi -comme des milliers d'autres syriens- devait porter, alors de quel droit pouvais-je me plaindre? C'est là que j'ai compris mon propre égoïsme. J'ai compris la terrible inquiétude que je causais à ma mère chaque fois que je participais à une manifestation et voyais la mort en face -ce qu'elle a toujours deviné aux vêtements “sports” que je portais, ou à mon air réjoui quand je rentrais à la maison, ou à mon incapacité ou à ma réticence à lui mentir. Je ne sais pas où j'ai enterré mes émotions ni où j'ai trouvé la solution en décidant de ne pas me taire, et de continuer, même après la mort de ma mère à être la fille de ma révolution, insensible aux larmes, insensible aux humiliations.

Dès le lendemain matin il fallait que je rencontre le militaire responsable du poste de contrôle où ma mère avait été tuée. C'était un assassin au sang froid, fidèle à ce que le régime lui avait appris. Il ne s'est même pas excusé. Il a parlé de l'assassinat comme d'une “erreur isolée”, comme des milliers d'autres erreurs isolées dans le pays, en oubliant ou en prétextant avoir oublié que cette “erreur isolée” était une mère, une histoire d'amour, de la compassion et des souvenirs, qu'elle était un refuge pour sa famille. Mais ces gens ont l'habitude d'assassiner des familles entières, alors qu'est-ce qu'il y a de nouveau?

Après je suis devenue l'objet de toutes les recommandations, sur ce que je devais faire et sur ce que je devais dire, le reflet de toutes les peurs de la famille et de la société. Malgré l'ampleur de ma perte, je me suis assise dans un coin et je les ai plaints d'être soumis à toutes ces peurs, ceux qui, il y a peu, avaient été mes meilleurs amis. Je les ai plaints de cet asservissement et je les ai tellement aimés que je leur ai souhaité de se libérer. Quant à moi, pour avoir craint les larmes de ma mère si j'étais devenue martyre, j'étais libérée de ces peurs.

Intérieurement je me chantais des chants révolutionnaires, des chants que je continue à me réciter chaque fois que la vie me devient difficile. Chaque fois que je souhaite me souvenir de qui je suis, je m'enferme dans une bulle de protection. Je me chantais ce chant que maman détestait entendre: “Je vais manifester de toute mon âme/Et si je reviens en martyre, Maman, ne pleure pas.”

Comme la vie est bizarre. J'étais confrontée à la mort presque tous les jours, en manifestant dans les endroits les plus dangereux, risquant de me faire tuer -et je suis encore vivante alors qu'elle est morte.

Le jour de l'enterrement, je devais penser à tout. Comment l'église pouvait-elle devenir un espace qui préserve la dignité de chacun quelle que soit son appartenance? Comment pouvais-je faire de la révolution la plus belle des mariées aux yeux de ceux qui, pour avoir jugé a priori que la révolution était une affaire d'extrémistes sans autre alternative, avaient pris leurs distances par peur.

C'est pour cette raison que j'en suis arrivée à choisir le blanc et le rouge. J'ai demandé aux révolutionnaires de s'habiller en blanc, pour se différencier des amis chrétiens et de la famille habillés en noir comme le veut la tradition pour les funérailles chrétiennes. J'ai aussi demandé aux révolutionnaires de porter chacun une rose rouge, en signe de leur compassion.

En entrant dans l'église j'ai failli m'écrouler en voyant un bus complet de forces de sécurité. Je ne sais pas pourquoi l'enterrement de ma mère nécessitait la présence de forces armées de sécurité. Je me serais écroulée sans la présence de toute cette blancheur révolutionnaire qui m'entourait. Je ne sais pas d'où venaient tous ces gens, mais leur amour et leur reconnaissance m'ont apporté la paix. Les révolutionnaires qui remplissaient les marches de l'église avec leurs chemises blanches, en tenant bien haut leurs roses rouges, étaient un cri silencieux et respectueux de liberté. Des centaines d'yeux étaient tournés vers moi et attendaient mon signal pour transformer l'évènement en manifestation, mais ils ont respecté ma peine et ma décision.

Je ne sais pas combien ils étaient, mais ce jour-là j'ai eu l'impression qu'Alep la rebelle se penchait sur moi pour m'embrasser le front et essuyer mes larmes une à une. Ce jour-là j'ai compris ce qu'était un groupe de révolutionnaires qui entrait dans une église pour la première fois, simplement pour être avec moi, m'offrir leurs condoléances; j'ai compris ce que signifiait être une fille avec un foulard sur la tête assise sur un banc d'église sans se sentir étrangère ou étrange, parce qu'elle n'est pas seule. J'ai compris ce que veut dire la révolution “réunit les syriens”.

Si le régime m'a volé ce qui reste de ma famille, la révolution m'a donné une famille capable d'un amour inconditionnel. On peut avoir des commentaires sectaires ou critiquer la nature du conflit syrien, mais, en profondeur, je suis sûre que cette révolution nous a fait sortir des milliers de coquilles dans lesquelles nous nous cachions. La douleur nous a réunis et nous a transformés au plus profond de nous-mêmes.

Des centaines de roses et ceux qui les tenaient s'approchaient. J'aimerais remercier chacun d'eux. J'aimerais pouvoir dire à chacun d'entre eux combien ma douleur aurait été plus grande s'ils n'avaient pas été là. J'aimerais pourvoir retenir le parfum d'Alep la majestueuse dans leurs larmes et leur dédier cet article, du moins à ceux d'entre eux qui sont encore parmi nous, car bon nombre de ces révolutionnaires sont mort en défendant la liberté.

Je leur ai souri, fière d'une révolution qui donne naissance à de tels héros. Je leur ai souri en essayant avec difficulté de cacher mes larmes sous une force feinte, car nous devrions tous “comprimer la blessure et nous redresser” pour venger le sang des martyrs, le sang de ma mère, de Mustafa et de Mahmoud. Voici le voeux que nous avons formulé: “Nous n'oublierons jamais le sang des martyrs”.

Ils se sont approchés du cercueil, et un par un, avec cette même sérénité merveilleuse ils ont posé leur fleur sur le cercueil de ma mère. En moi-même je lui ai parlé: “Mère, ne m'en veut pas, la Syrie est ma mère”.

Nous nous sommes dirigés vers le cimetière et ils m'entouraient en m'aidant à supporter ma douleur. Après ils sont restés avec moi, et ont assisté à une heure et demie de célébrations et de prières qui leur étaient complètement étrangères. J'avais l'impression qu'ils avaient eux aussi besoin de prier à leur manière. Je leur ai demandé de lire la Fatiha [fr]. Je savais que dans le coeur de chacun il y avait assez de pureté pour le repos de l'âme de ma mère. J'ai prié avec eux, dans ma foi et dans la leur.

J'ai une grande dette envers eux, je leur suis très reconnaissante de leur compassion, chaque larme qu'ils ont versée avec moi m'est chère, et le chemin qu'il nous reste à parcourir, avec ceux qui restent, est long – si long.


Marcell Shehwaro blogue sur marcellita.com et tweete sous @Marcellita, essentiellement en arabe. D'autres articles de la série ici.

EXCLUSIF : Des sociétés allemandes vendent sans licence des technologies de surveillance à des régimes ennemis des droits humains

samedi 6 septembre 2014 à 19:29
Image via Pixabay. Public Domain CC0

Image via Pixabay. Domaine public CC0

Cet article exclusif a été documenté par les chercheurs de pointe sur les technologies de surveillance et de sécurité numérique Ben Wagner et Claudio Guarnieri. Ces deux universitaires de Berlin travaillent pour le Centre pour Internet et les Droits Humains de l'Université Européenne Viadrina. 

Du Mexique au Mozambique et ailleurs, les preuves abondent aujourd'hui du recours par les gouvernements de toute la planète aux technologies de surveillance de masse comme FinFisher pour espionner leurs concitoyens. Cela a amené les chercheurs et défenseurs des droits comme nous à étudier la source : qui fabrique ces technologies ? et qui tire profit de leur vente ?

L'Allemagne est un important exportateur de ces technologies, et en même temps que la confidentialité des communications électroniques est devenue un sujet brûlant pour l'opinion allemande, le pays est un acteur de plus en plus central dans ce domaine.

En croisant les informations d'une fuite massive de données mi-août avec les résultats d'une récente enquête parlementaire en Allemagne, nous avons été amenés à soupçonner que la majeure partie des technologies de surveillance produites par des entreprises allemandes a été achetée et vendue au noir – autrement dit, sans autorisation. L'administration allemande exige des autorisations pour la vente de technologies considérées à “usage dual” – des produits qui peuvent servir au bien et au mal.

Au coeur de l'enquête se trouve la société anglo-allemande Gamma International, qui fabrique la désormais tristement célèbre boîte à outils de surveillance FinFisher. Les cibles de la surveillance ne se doutent de rien et téléchargent FinFisher sans s'en apercevoir, juste en cliquant sur un lien ou un fichier joint apparemment anodins. Une fois installé, l'outil donne à son utilisateur l’accès à toutes les informations en mémoire et contrôle même les communications cryptées. Les frappes au clavier peuvent être consignées, les conversations sur Skype enregistrées et les caméras et microphones activés à distance.

Une commission parlementaire allemande a récemment mené une enquête sur les ventes de technologies de surveillance aux gouvernements étrangers. Interrogé, le gouvernement allemand a indiqué avoir, dans les dix dernières années, donné à des sociétés allemandes des licences d'exportation de technologies de surveillance à au moins 25 pays, parmi lesquels beaucoup ont une longue histoire de violation des droits humains. Entre 2003 et 2013, les technologies de surveillance ont été exportées en Albanie, Arabie saoudite, Argentine, Chili, Emirats Arabes Unis, Inde, Indonésie, Qatar, Kosovo, Koweït, Liban, Malaisie, Maroc, Mexique, Norvège, Oman, Pakistan, Russie, Suisse, Singapour, Taïwan, Turquie, Turkménistan et USA. La députée des Verts allemands Agnieszka Brugger a publié sur son blog la totalité des questions et des réponses officielles du gouvernement.

Comment fonctionne le marché allemand à l'exportation ?

Les réponses fournies par le gouvernement sont complexes à interpréter, car les documents transmis couvrent tout système informatique incluant des “composantes” de technologie de surveillance. Ainsi, un sysytème national complet de téléphonie vendu pour un total de 10 millions de dollars peut inclure une composante de surveillance qui coûte 2 millions : le produit sera listé dans les documents publics avec une valeur à l'exportation de 10 millions incluant des technologies de surveillance autorisées.

Sur la base d'entretiens approfondis avec les fonctionnaires concernés, des individus du secteur privé et les multiples documents fuités disponibles, il est possible d'estimer avec une relative précision la proportion de ce qui y relève réellement des technologies de surveillance. Avec une évaluation a minima, 20 % environ de la totalité des systèmes informatiques livrés sur cette liste sont réellement des technologies de surveillance, le reste étant des systèmes informatiques et technologies génériques. Par exemple, en 2010 l'Allemagne a exporté pour 11.977.728 € de systèmes informatiques incluant des systèmes de surveillance. Nous estimons donc à seulement 2.395.546 € les exportations de technologie de surveillance, le reste étant des systèmes informatiques ou de télécommunications génériques.

Ces chiffres nous ont aussi permis de retracer sur le graphique suivant les exportations allemandes autorisées de technologies de surveillance de 2010 à 2013 :

German_Surveillance_Exports_v3_liTotal estimé en millions d'euros des exportations autorisées de surveillance de l'Allemagne 2010-2013.

Il faut noter que le gouvernement allemand a formellement démenti avoir reçu de la part de Gamma une demande de licence d'exportation de leur produit FinFisher vers Bahreïn ou l'Ethiopie. Les documents officiels allemands ne mentionnent pas non plus les exportations vers des pays comme le Bangladesh, les Pays-Bas, l'Estonie, l'Australie, la Mongolie, Bahreïn et le Nigeria, pourtant il y a d’amples preuves que FinFisher a été vendu à ces pays. (Des chercheurs en sécurité du Citizen Lab de l'Université de Toronto ont mené une grande série d'enquêtes techniques sur l'utilisation de produits FinFisher dans un large éventail de pays autoritaires ou démocratiques. Les archives exhaustives de ces rapports se trouve ici.)

Des documents dans l'amas des fuites FinFisher, et de l’analyse par Privacy International, il découle que Gamma a vendu ces technologies en l'absence de toute licence d'exportation. Cette affirmation repose sur de multiples documents retraçant la manière dont Gamma applique pour la technologie la récente assertion du gouvernement britannique qu'il obligerait juridiquement Gamma à obtenir une licence pour FinFisher si la société voulait l'exporter à partir du Royaume-Uni. Les informations existantes et les recherchent montrent que Gamma opère hors du Royaume-Uni et de l'Allemagne, ce qui suggère sans ambiguïté que ces technologies auraient été exportées d'Allemagne. L'Allemagne de son côté a nié à maintes reprises avoir délivré une licence à Gamma pour la vente à plusieurs pays importants où nous savons que FinFisher est déployé. Ce qui nous amène à la conclusion que FinFisher a été exporté d'Allemagne sans licence.

Qu'est-ce que cela signifie pour le commerce allemand des technologies de surveillance ? Les ventes de technologies de surveillance sous licence sont maigres comparées à celles des exportations non autorisées de FinFisher, sans parler des autres produits de surveillance. Gamma vend actuellement plus de technomolgies de surceillance que la totalité des exportations autorisées. Voici un aperçu comparé des exportations allemandes autorisées et non-autorisées dans la surveillance :

German_Surveillance_Exports_v3_li_unli

Valeur totale estimée en millions d'euros des exportations autorisées (en bleu) et non-autorisées (en rouge) de l'Allemagne, 2010-2013.

Et il ne s'agit que d'une seule société ; il y en a probablement d'autres en Allemagne qui poursuivent cette stratégie commerciale. Bien que le montant total des exportations allemandes non autorisées de surveillance soit difficile à calculer, on peut le considérer raisonnable, puisque des sources internes du leader mondial ISS World ont estimé la valeur mondiale du secteur entre 3 et 5 milliards de dollars. L'écart significatif entre les éléments autorisés et non autorisés de l'industrie des technologies de surveillance montre la nécessité et l'urgence d'une réglementation internationale transparente.

Qu'a fait jusqu'à présent le gouvernement allemand ?

Le gouvernement allemand a aussi déclaré qu'il va continuer à faire pression pour réglementer les technologies de surveillance qui nuisent aux droits humains, un développement positif qui reflète une prise de conscience de la gravité du problème. Ces dernières révélations, et le désir de certains partis d'en faire une question politique centrale, nous encouragent et nous donnent l'espoir d'autres réformes pour empêcher l'exportation de technologies encore plus dangereuses à des régimes répressifs. Des découvertes comme celles-ci nous montrent la nécessité d'une plus grande réglementation de ce secteur.

Et il y a des précédents : l'Allemagne a bloqué en 2008 l'exportation en Iran du ‘Système de Gestion d'Interception’, un logiciel analogue au système LIMS d'Utimaco. Plus récemment, les autorités ont suggéré que les entreprises cessent de vendre des technologies de surveillance à la Turquie.

Les données laissent aussi entendre que le marché mondial des technologies de surveillance est très dépendant des gros contrats avec un petit nombre de pays. Les réponses à l'enquête parlementaire ont montré que les plus gros marchés individuels de 2006 et 2007 ont été conclus avec l'Arabie saoudite et la Turquie. Il est malaisé d'établir avec précision de quelles exportations il s'agit dans ces contrats, qui cadrent avec l'actualisation de la surveillance d'Internet pour gérer les volumes accrus de données devenus communs vers 2005. La Tunisie a rencontré ce genre de problèmes en 2007, antérieurement à la révolution, et a opté pour l'installation de la technologie de surveillance Deep Packet Inspection pour faire face à des quantités croissantes de données.

Pour une réglementation de la surveillance dans le monde d'après-Snowden

La gauche allemande voit désormais dans la réglementation des technologies de surveillance une question politique importante valant qu'on se batte pour elle. Les Verts et les Sociaux-Démocrates du SPD se disputent l'appropriation du sujet, et c'est ce qui a semblé le moteur de la commission d'enquête parlementaire. La politisation de ce genre de questions n'est pas toujours utile, mais on observe avec intérêt la compétition entre partis politiques pour savoir lequel pourra le mieux réguler les technologies de surveillance dans le respect des droits humains.

Les documents fuités de FinFisher montrent que l'entreprise pense maintenant être déjà ou prochainement soumise en Allemagne à des restrictions d'exportations, l'amenant à commencer à requérir de ses clients des informations complémentaires sur l'usage des exportations, le type d'information nécessaires pour se conformer à une réglementation allemande de contrôle des exportations. Une réglementation de l'exportation de technologies de surveillance peut donc faire effet avant d'avoir force de loi, si même des requins du secteur s'efforcent déjà d'y être conformes.

Normes mondiales et arrangement de Wassenaar

On peut s'attendre à d'autres changements. La documentation laisse penser que le gouvernement a commencé à reconnaître la nécessité de réglementer d'autres technologies de surveillance qui lèsent les droits humains. Elle mentionne explicitement les “Centrales de Contrôle”, qui peuvent héberger les données des courriels, SMS, conversations téléphoniques par Internet et VOIP en un unique data center, comme des technologies dont on peut faire mauvais usage et donc justifiant d'une réglementation supplémentaire.

Le lieu tout trouvé pour négocier ces réformes est l'Arrangement de Wassenaar, un accord non obligatoire entre Etats sur la manière de réglementer certaines technologies à “usage dual” au plan international. Wassenaar donne essentiellement une longue ‘liste de contrôle’ des technologies qui selon tous les pays membres sont susceptibles de mauvais usage. Chaque Etat membre de l'UE met ensuite en oeuvre les décisions dans sa propre législation de contrôle des exportations. Les listes sont révisées chaque année lors d'une grande conférence des Etats membres de Wassenaar. Une année entière est généralement nécessaire pour que ces changements soient appliqués dans les cadres juridiques nationaux des différents pays membres de Wassenaar.

Comme beaucoup de défenseurs des droits humains, nous croyons que l'Arrangement de Wassenaar fournit la plate-forme la plus solide permettant au gouvernement allemand de presser pour de tels changements et cette instance a confirmé à maintes reprises son souhait que le parlement allemand aille jusqu'au bout. Une meilleure réglementation des technologies de surveillance est “d'une haute importance politique” pour les pays membres de Wassenaar comme pour la Commission européenne qui considère le domaine comme “fortement prioritaire.”

L'Allemagne pousse aussi activement pour que les modifications de 2013 à la liste de contrôle de Wassenaar s'appliquent au niveau de l'UE le plus vite possible. Des responsables disent vouloir avancer là-dessus dès l'automne 2014. Un pronostic optimiste, mais à la mesure des pas que le gouvernement allemand a déjà faits à divers niveaux pour accélérer le processus. L'avenir dira si le calendrier est-il réaliste, il est en tous cas le signe d'une motivation substantielle du gouvernement allemand après des années d'inaction.

Les partis politiques d'Allemagne, et plus loin

Au-delà des technologies de surveillance proprement dites, le chef du SPD et ministre de l'Economie Sigmar Gabriel a affirmé sa volonté d'interpréter la réglementation de contrôle des exportations plus strictement dans tous les domaines. Les outils pour cela sont déjà là, sous la forme des “Principes politiques pour les exportations” mis au point par le gouvernement allemand en 2000, toutefois rarement appliqués avec rigueur. Le ministre SPD Sigmar Gabriel a  interprété ces principes plus strictement pour empêcher l'exportation de divers armements. La régulation supplémentaire des technologies de surveillance à usage dual rentre donc parfaitement dans son programme. En même temps il a essuyé les critiques dans la presse et les médias allemands du parti Vert pour n'avoir pas été en mesure de prouver qu'il a effectivement refusé une demande concrète pour des technologies de surveillance.

Ici comme dans d'autres cas le combat est essentiellement politique plutôt que concret. Nous saluons le fait que deux partis politiques se disputent désormais la meilleure efficacité dans la réglementation des technologies de surveillance. Sur le plan pratique, ils ont tous deux pris des engagements forts, et la partie SDP de la coalition gouvernementale n'a pas encore pu les traduire complètement dans la réalité. Ce qui est à noter, c'est l'aspiration persévérante du gouvernement allemand à devenir une voix prédominante dans les débats internationaux sur la régulation des technologies de surveillance. L'avenir dira s'ils arriveront réellement à tenir cette promesse, mais les signes restent prometteurs.

Une randonnée lyrique et visuelle à travers les ruelles d'Almaty, au Kazakhstan

samedi 6 septembre 2014 à 13:43
Memorial plaques are just one of the many things in Almaty that Keen has documented.

Les plaques commémoratives sont quelques-uns des attraits d'Almaty recensés par Keen. Photo de Dennis Keen, utilisée avec autorisation.

Achetez le guide Lonely Planet consacré à l’Asie Centrale et rendez-vous au chapitre présentant la ville d’Almaty, au Kazakhstan. « La « liste des choses à voir » n’inclut certainement pas les pompes à mains, les panneaux rédigés à la main et les stations de chauffage. Mais alors, à quoi ressemble une ville sans toutes ses choses ?

Walking Almaty” n’est pas le premier blog de Dennis Keen que l'on consulte sur l’Asie Centrale. Il s’agirait plutôt de “KeenonKyrgyzstan“, qui constitue peut-être le blog anglophone sur la culture kirghize traditionnelle le plus divertissant qui soit. Entre ces deux blogs sont arrivés “EurasiaEurasia” et “Central Asian Falconry Project“, le premier étant un mélange d’histoire, d’anecdotes culturelles et de musique d’Asie Centrale, le second, une véritable archive de ressources pour quiconque souhaiterait voir des rapaces dans la région.

Mais après avoir flâné à travers plusieurs yourtes au Kirghizistan, réfléchi à la servilité du monde occidental face à la chasse au rapace au Kazakhstan et en Mongolie, et médité sur l’ascendance du reggae sur la dombra kazakh – un luth traditionnel – nous trouvons dorénavant Keen dans davantage de cadres urbains. Si vous pensiez ne jamais être exalté par les arrêts d’autobus et les cages d’escaliers datant de l’Union Soviétique, lisez ceci : Keen a rendu le banal admirable.

Sary the eagle hunter, who was regularly fetured in KeenonKyrgyzstan, holds a copy of the Spektator, a Bishkek-based tourism magazine.

Sary le chasseur à l'aigle était un personnage régulier et passionnant de “KeenonKyrgyzstan”. Photo issue du blog, utilisée avec autorisation. 

Almaty, qui abrite environ 1,5 million d’habitants, demeure la plus grande ville du Kazakhstan et change à vitesse grand V. Chaque jour, des gratte-ciels ressemblant à ceux de Dubaï sont construits grâce à la richesse bourgeonnante – en ressources naturelles – de la république. Quelques quartiers subissent une gentrification agressive tandis que d’autres sont totalement ignorés. Les bazars tentaculaires sont également menacés par l’accroissement des centres commerciaux.

Pendant qu’une nouvelle Almaty se fait connaître, l’ancienne éprouve un besoin désespéré d’être reconnue avant de disparaître. Armé d’un grand appareil photo et d’un cadeau pour l’aspect poétique, Keen n’est alors qu’une personne parmi d’autres.

De nombreuses visites relatées sur ce blog ont eu lieu hors des sentiers battus. Prenons ainsi la récente promenade de Keen à travers le quartier de Tatarka, à Almaty :

L’un des plus anciens quartiers d’Almaty est Tatarka, qui signifie “la femme Tatar”. Attendez, n’est-ce pas assez clair pour vous ? Si vous êtes Américain, vous devez ignorer que les Tatars [français] sont des Turcs musulmans qui vivent pour la majorité d’entre eux en Russie. Ne vous inquiétez pas, je suis sûr qu’ils vous pardonneront. Les Tatars résidaient essentiellement dans ce coin vallonné de la ville, au nord-est du centre, et y vivraient toujours selon certains. Actuellement, Tatarka est connue pour être l’une des quelques parties de la ville d’Almaty portant le nom d’un quartier, information connue de nombreuses personnes.

Les maisons sont décorées de lambris, de corniches sculptées, et d’embrasures sophistiquées. De nombreuses poubelles improvisées jonchent les lieux, probablement en raison des terrains vallonnés qui laissent les routes hors du trajet des collectes. Je n’étais qu’à vingt minutes à pied du centre, mais j’avais le sentiment d’être dans un village lointain. Alors que j’achetais une petite bouteille de limonade russe dans une supérette, l’absence de prétention du propriétaire semblait caractéristique de la petite ville. « Nous avons seulement cela aujourd’hui ! » me dit-il tandis que la conversation se dirigeait peu à peu vers la chute de l’empire américain. « Si vous cherchez un contradicteur », me prévient-il, « vous vous adressez à la mauvaise personne. Je suis un migrant au Kazakhstan avec un penchant pour le soda russe ». 

Le  bout Keen pour les corniches sculptées constitue un thème récurrent de Walking Almaty, mais il se montre en revanche très critique envers d’autres caractéristiques du paysage urbain. Dans cet extrait, il lance une diatribe contre les façades en aluminium :

La tendance architecturale la plus malheureuse de ces dix dernières années pourrait être la façade en aluminium. Les panneaux en métal [металлокассеты; metallokassety] sont censés être futuristes et recouvrir des murs en bétons vieillissants par un composant du XXIème siècle. Mais dans les faits, ils déforment, tâchent et ont l’air sales.   

D’autres objets de la vie quotidienne, ni beaux ni vulgaires, mais qui racontent tous une histoire, sont sous la surveillance de Walking Almaty :

A l’instar des pavés, les plaques d’égout sont l’illustration parfaite des infrastructures délaissées ;  nous leur marchons littéralement dessus sans même nous en rendre compte. Plutôt que de regarder les filles ou de vous souvenir avec tendresse de votre déjeuner, que diriez-vous de visualiser le sol et de prendre quelques notes ?  Vous pourriez voir une plaque en fonte, vestige d’un passé révolu, ou agrémentée d’agréables motifs, ou bien encore marquée d’un mystérieux code. Le pouvoir de l’observation peut vous ouvrir des mondes dont vous ignoriez l’existence.      

Les visiteurs de Walking Almaty peuvent retrouver les promenades urbaines de Keen grâce à l’application mapmywalk.

Ci-dessous, une sélection de photos du blog Walking Almaty:

Communist-era mosaics are still everywhere in Almaty and other post-Soviet cities.

Des mosaïques de l'ère communiste sont présentes dans tout Almaty, ainsi que dans d'autres villes post-soviétiques. Photo de Dennis Keen, utilisée avec autorisation. 

Doorbells on houses in Almaty are sheltered from the elements by cut-off plastic bottles.

Les sonnettes des maisons d'Almaty sont à l'abri des intempéries grâce aux bouteilles en plastiques coupées qui les recouvrent. Photo de Dennis Keen, utilisée avec autorisation.

Shoe repair shops are familiar to anyone who has travelled through post-Soviet Central Asia.

Les cordonneries, omniprésentes, accompagnent quiconque voyage à travers l'Asie Centrale post-soviétique. Photo de Dennis Keen, utilisée avec autorisation.

Josef Stalin's taste for architecture was better than that of his successors.

Le goût en matière d'architecture de Joseph Staline était bien meilleur que celui de ses successeurs. Photo de Dennis Keen, utilisée avec autorisation.

A house in Kökzhiek, an Almaty suburb.

Une maison à Kökzhiek, une banlieue d'Almaty. Photo de Dennis Keen, utilisée avec autorisation.

Smashed blue ceramic  adds color to a wait for the bus.

Des morceaux de céramique bleue ajoutent de la couleur à un arrêt de bus. Photo de Dennis Keen, utilisée avec autorisation.

Central Asian cemetries are aesthetically impressive by day, eery by night.

Les cimetières d'Asie Centrale sont impressionnants le jour, et angoissants la nuit. Photo de Dennis Keen, utilisée avec autorisation.

Électrification de l’Afrique, dernière barrière au développement ?

vendredi 5 septembre 2014 à 17:44

desert-solar-700x357

Cet été, la Banque mondiale a annoncé qu’elle allait attribuer 5 milliards de dollars d’aide à l’Afrique pour que le continent puisse optimiser son potentiel électrique, en privilégiant entre autres l’hydroélectricité. Territoire en plein essor, l’Afrique souffre pourtant de manques importants en électrification qui freinent son développement. 15 % de la population mondiale vit sur le sol africain, population qui consomme seulement 3 % de l’électricité à l’échelle de la planète. Absence de moyens, infrastructures inexistantes, les organismes publics et privés se rejoignent aujourd’hui pour donner les moyens à l’Afrique de consolider ses efforts en matière de développement, à l’instar d’Edf qui mène actuellement de multiples projets d’électrification du continent.

Moins de 10 % des habitants de l’Afrique subsaharienne disposent d’électricité

L’Afrique est aujourd’hui un continent plein de promesses, riche en ressources naturelles, un continent jeune en plein développement. C’est également un territoire qui répond au surnom très poétique de « société de la nuit éternelle » en raison de la rareté de l’électricité qui domine l’ensemble des terres. On relève près de 600 millions de personnes privés d’électricité en 2014. En Afrique, le taux d’électrification pointe à 42 % à l’échelle du continent. Si ce taux est l’un des plus faibles recensés sur la totalité des pays émergents, si ce n’est le plus faible, il fait également l’objet de disparités régionales très marquées. Quand 99 % du Maghreb dispose d’électricité, seulement 31 % de l’Afrique subsaharienne peut en dire autant. De disparités, il en est encore question lorsqu’on regarde le fossé qui sépare les zones urbaines des zones rurales.  69 % des villes sont électrifiées alors que la ruralité africaine patine encore avec un taux proche des 25 %. C’est ainsi que moins de 10 % des populations vivant en zone rurale subsaharienne jouissent des avantages qu’offre l’électricité.

Ces chiffres traduisent le manque de moyens d’un continent qui peine du coup à attirer les investissements et à entretenir ses sociétés nationales dédiées à la fourniture d’électricité. En quête de rentabilité, les investisseurs se retrouvent confrontés à une population dont 70 % vit avec moins de 2 $ par jour, des revenus qui ne sont pas en mesure de couvrir les dépenses provoquées par une consommation d’électricité, même minime. De plus, les opérateurs électriques doivent exploiter des installations lourdes, vieillies, avec lesquelles ils ne peuvent prétendre gagner de l’argent en se concentrant uniquement sur le segment des particuliers. Devant cette pénurie de capitaux, les ONG ainsi que des groupes publics et privés issus de la communauté internationale se lancent dans des projets d’électrification, projets qui prennent encore aujourd’hui des allures d’aides au développement.  

À grands pas dans l’énergie solaire

La sous-électrisation de l’Afrique est un problème sur lequel interviennent des acteurs du monde entier, en privilégiant notamment l’énergie solaire du fait du taux d’ensoleillement exceptionnel dont bénéficie le territoire. C’est ainsi que le Mozambique s’est vu attribuer 35 milliards de dollars de prêt par la Corée du Sud il y a quatre ans. Cet approvisionnement en fonds était destiné à la construction de trois centrales solaires et à donner les moyens au pays de consolider ses capacités électriques. Orange quant à lui, s’est lancé dans l’aventure puisque grâce à l’opérateur, 1300 antennes relais ont été disséminées dans les zones rurales avec pour but de permettre aux habitants de pouvoir notamment recharger leurs téléphones.  

Lorsqu’on parle de déployer l’électricité en Afrique, qui plus est dans les zones subsahariennes, l’accent est souvent mis sur les énergies renouvelables, plus à même de répondre aux besoins du sol africain tout en optimisant ses ressources naturelles. C’est ainsi qu’une trentaine d’investisseurs américains ont annoncé début juin leur intention de financer la mise en place de centrales solaires et de centrales hydro-électriques dans cette partie du continent, à hauteur d’un milliard de dollars. Ces fonds, étalés sur cinq ans, vont également servir à former des experts africains dans le domaine énergétique et à collecter de l’argent pour soutenir les fournisseurs locaux d’électricité. Ernest Moniz, secrétaire à l’Énergie des Etats-Unis déclarait alors :

L'accès à des réseaux centralisés d'électricité n'est pas une solution exhaustive pour ces pays situés sur l'un des continents les moins urbanisés. (…) Mais avec des solutions comprenant des projets hors réseaux et de petites tailles, nous pouvons apporter l'électricité à ces zones rurales.

EDF, Schneider Electric, l’industrie française investit dans les zones rurales

EDF s’est récemment associé à la Société financière internationale (IFC : International Financial Company – filiale de la Banque mondiale), pour intervenir dans les régions rurales d’Afrique subsaharienne, avec pour objectif de raccorder 500 000 personnes vivant dans ces zones aux réseaux électriques africains. Le groupe français dirigé par Henri Proglio va procéder à la mise en place de systèmes d’électrification hors réseau, dit off-grid, moins coûteux et qui présentent la caractéristique d’être autosuffisants. Actuellement une phase test est lancée au Benin avec l’ambition de raccorder 25 000 personnes à l’aide d’un réseau solaire diesel hybride accompagné de centrales délivrant de la bioénergie. Pour Édouard Dahomé, directeur Afrique et accès à l’énergie d’EDF l’électricité est un :

 un produit vital sans lequel aucun vrai développement n’est possible. L’accès à l’énergie des populations rurales, souvent les plus défavorisées, permet de réduire la pauvreté en développant les activités génératrices de revenus, mais aussi l’éducation, la santé, l’accès à l’eau etc.

L’électricien multiplie les projets et essaie de faire profiter un maximum de pays de son savoir-faire. Au Botswana, EDF a été choisi par la société nationale d’électricité Botswana Power Corporation (BPC) pour donner vie à son programme d’électrification rurale décentralisée. Au Mali, accompagné par l’Ademe le géant de l’énergie a créé une SSD (Société de services décentralisés) qui vise à proposer des services énergétiques portés par une société de droit local. Cette SSD s’est donnée pour mission d’électrifier une vingtaine de villages de la région grâce à des microréseaux basse et moyenne tension alimentés au diesel et à l’énergie solaire. Plus qu’une simple aide au développement, l’Afrique est un terrain où EDF peut faire valoir son expérience et montrer ses capacités, notamment en termes d’installations éco-responsables et durables.

EDF n’est pas l’unique français à s’intéresser à l’ampleur du chantier africain,  le groupe industriel Schneider Electric s’est également lancé dans l’aventure en annonçant l’année dernière vouloir mettre en œuvre une solution pour « accroître la quantité d’électricité disponible en Afrique avec des investissements limités ». Ce projet nommé « Smart Cities » repose sur la modernisation du réseau actuel et le déploiement des énergies renouvelables et tend à effectuer jusqu’à 30 % d’économies d’énergies dans les villes d’Afrique.

Le défi consiste non seulement à produire plus d’électricité, mais aussi à générer une énergie intelligente afin de permettre une croissance intelligente en Afrique. Les solutions de Schneider Electric visent à accroître la quantité d’électricité disponible en Afrique avec des investissements limités 

a déclaré Mohammed Saad, Président de Schneider Electric en Afrique.

Si l’électrification en zone rurale africaine ne présente encore que trop de peu de retours sur investissements pour ceux qui s’y attèlent, elle accompagne l’essor de nombreux pays et participe donc à l’émergence d’un marché potentiel de plus de 589 millions de personnes. Pour ce faire, de nombreux investissements sont encore à prévoir. La Banque mondiale prévoit que moins de 60 % de la population africaine disposeront d’électricité dans leurs foyers d’ici 2030 et qu’il faudrait 40 milliards d’euros d’investissements annuels pour arriver à satisfaire les besoins énergétiques du continent. 

Envie de changer d'air ? Russes, faites-le patriotiquement, avec le futur clone russe de Booking.com

vendredi 5 septembre 2014 à 12:36
A Russian summer resort in Sochi, 25 July 2013, by Maria Plotnikova. Demotix.

Une station balnéaire russe à Sotchi, 25 juillet 2013, de Maria Plotnikova. Demotix.

Les Russes ont peut-être trouvé un nouveau moyen de réserver des chambres d’hôtels en ligne. Par un récent communiqué, l’Agence Fédérale Russe pour le Tourisme a révélé son intention de mettre en place un service national dès l’an prochain. Ce service, partie intégrante d’une stratégie de développement qui doit s’étendre sur les 16 prochaines années, ressemblera fortement au site Booking.com. Selon les autorités, le principal objectif de ce projet est de promouvoir les complexes hôteliers de santé locaux, que les Russes appellent les « sanitariums ».

Les ressources du Web régional (de petits sites Internet pour les hôtels et spas locaux) pourront approvisionner ce service en données, tandis que des entreprises d’Etat comme Rostelekom et Rostech sont sur la brèche pour la signature de contrats précédant la conception de ce site, encore anonyme.

Pour que le projet soit un succès, 50 millions de dollars seront nécessaires les quatre prochaines années, évalue Evgeny Shpilman, le directeur des opérations d’Ostrovok.ru, un autre site russe. S’appuyant sur son expérience personnelle, Shpilman estime que le gouvernement pourrait toucher entre 10 et 25%  sur chaque réservation, si le nouveau site Web fonctionne de concert avec le gouvernement.

Ostrovok.ru demeure actuellement l’un des sites de réservation russes les plus populaires, avec Oktogo.ru, Hotels.ru, Agoda.ru, Hrs.com et bien sûr, Booking.com.

Le marché des sites de réservation en ligne est si bien établi en Russie qu’aucun investisseur privé ne peut facilement s’immiscer dans ce secteur. Le gouvernement affronterait moins d’obstacles, cependant, car il s'intéresse exclusivement au marché intérieur, ce qui lui permet de délimiter un ensemble de services plus spécifiques. 

Un service gouvernemental pour la réservation de chambres d’hôtels pourrait constituer un premier pas vers l’isolation touristique de la Russie. En janvier, les médias ont rapporté que la Russie prévoyait de lancer un système de réservations et de vente de tickets en ligne à destination de plusieurs compagnies aériennes (le Global Distribution System [GDS]). Les entreprises ont néanmoins résisté aux appels du pied du GDS russe, qui auraient perturbé les modèles économiques d'un autre secteur touristique russe bien établi.

La logique derrière les interventions du gouvernement dans le marché touristique en ligne fait écho aux nombreuses nouvelles réglementations sur l’Internet, qui étranglent les entreprises par les dépenses considérables qu'elles doivent engager pour respecter les normes juridiques.

La création de nouveaux services pour la réservation de chambres d’hôtels et billets d’avion vient en complément des efforts de la Russie pour contrecarrer son isolation de l’Occident. Le Kremlin a récemment fait savoir qu’il pourrait lancer un nouveau système national de paiement, qui remplacerait Visa et MasterCard. La Banque Centrale cherche également des alternatives au système SWIFT, qui permet aux banques d’envoyer et de recevoir des informations relatives aux transactions. En mai, l’entreprise d’Etat Rostelecom a lancé un nouveau moteur de recherche, Spoutnik, qui a rapidement fait rire les internautes russes.

“La Russie n’est pas l’Europe” rappelle Moscou, depuis que les tensions en Ukraine ont refroidi ses relations avec l’Ouest. Alors que la Russie se recentre sur elle-même et ses voisins de l’Est, ainsi qu'avec l'Amérique Latine, le pays cherche des alternatives nationales aux biens et services généralement fournis par l’Occident. Dans cette démarche, la Russie doit dorénavant faire face aux dangers d’une indépendance trop rapide.