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Les Israéliens multiplient les témoignages de solidarité avec la communauté LGBTQ après le massacre d'Orlando

mercredi 15 juin 2016 à 21:43

In solidarity with the city of #Orlando (photo by @idanscohen)

A photo posted by @telaviv on

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Au petit matin du dimanche 12 juin, les autorités américaines annonçaient qu'Omar Mateen était entré dans une boîte de nuit gay d'Orlando en Floride et y avait ouvert le feu dans l'assistance compacte, tuant 49 personnes et en blessant 53 autres, la plus grande fusillade de masse de l'histoire des Etats-Unis.

Les Israéliens ont aussitôt réagi par un déferlement d'amour et de soutiens. Une solidarité exprimée quelques jours à peine après la fusillade commise par deux tueurs au Marché Sarona de Tel Aviv qui a fait quatre morts et dix-huit blessés.

Avi Blecherman a publié des photos de la foule rassemblée à Tel Aviv, la capitale culturelle d'Israël, avec des feuilles disant “Non à la LGBTQ-phobie”, “Non à l'Islamophobie,” et “Les vies LGBTQ comptent” [NdT ”LGBTQ lives matter”, repris du mouvement et slogan “Black Lives Matter“].

LGBTQ est l'acronyme pour lesbiennes, gay, bisexuels, transgenres et queer.

A Tel Aviv en ce moment : Les vies LGBTQ comptent. Nous sommes tous Orlando. Non à la LGBTQ-phobie. Non à l'Islamophobie.

D'innombrables citoyens et résidents israéliens ont posté des photos de l'Hôtel de Ville de Tel Aviv, illuminée en signe de solidarité avec la communauté LGBTQ, avec trois variations : la bannière étoilée américaine, l'arc-en-ciel des fiertés de la communauté gay, et l'étoile de David bleue sur fond blanc d'Israël.

Le maire de Tel Aviv Ron Huldai a tweeté de son compte officiel :

En solidarité avec Orlando, l'Hôtel de Ville de Tel Aviv est illuminé aux couleurs des USA et de la communauté LGBTQ

Ce tweet en était à 2.000 retweets et 2.900 j'aime à l'écriture du présent article, mais les photos publiées individuellement à partir de smartphones se sont aussi multipliées, décentralisant l'image à travers les plates-formes de médias sociaux d'Israël.

On peut voir ici une vidéo des illuminations de l'Hôtel de Ville de Tel Aviv :

Le Maire Huldai a publié 11 tweets depuis l'ouverture de son compte le 2 juin 2016. Après son message d'ouverture, son premier tweet officiel était en l'honneur de la gay-pride de Tel Aviv, marqué #LoveWins [L'amour vainqueur] :

Je suis fier d'ouvrir la parade 2016 de Tel-Aviv. L'amour vainqueur

Une réputation de tolérance

Il ne faut pas oublier que Tel Aviv est classé une des “villes les plus gay-friendly du monde”, citée comme “la capitale gay du Moyen-Orient” et “la ville la plus gay de la Terre”. Elle accueille une des plus grandes parades mondiales de la gay pride, qui a compté 200.000 participants cette année.

Si les couples de même sexe ne peuvent pas se marier légalement en Israël — le mariage est sous la juridiction rigide des tribunaux religieux — les mariages de même sexe contractés à l'étranger sont reconnus par la loi. D'autres signes d'acceptation sont la possibilité pour des parents gays d'adopter des enfants, et les soldats ouvertement gays qui servent dans l'armée.

Comme une multitude d'autres pays à travers le monde où la culture gay est reconnue dans les milieux culturels des centres urbains, mais rencontre une tolérance limitée ailleurs, l'acceptation sociale pour les expressions de la sexualité est limitée hors de Tel Aviv. Le conservatisme religieux et culturel, ainsi que la faible visibilité sociale entretiennent les préjugés contre la communauté LGBTQ.

Talleen Abu Hanna was crowned the first Miss Trans Israel in June 2016. (Official photo via contest's Facebook page.)

Talleen Abu Hanna a été couronnée première Miss Trans Israël en juin 2016. Crédit photo : Yariv Fein and Guy Kushi, via la page Facebook officielle du concours.

Pourtant l'ouverture aux thèmes de l'homosexualité se développe depuis dix ans dans la sphère publique. Le professeur Uzi Even est devenu en 2002 le premier député ouvertement gay à la Knesset (le parlement israélien), suivi par le journaliste Nitzan Horowitz, entré à la Knesset en 2009. Tous deux sont membres du parti de gauche Meretz. Horowitz a aussi été candidat à la mairie de Tel Aviv en 2008 (il a perdu face à M. Huldai, cité plus haut), ce qui aurait fait de lui le premier maire gay déclaré du Moyen-Orient.

En 1994, l'Israélienne Dana International, une artiste transgenre homme devenue femme, a obtenu le titre de “Chanteuse de l'année” puis a remporté en 1998 le concours Eurovision de la chanson avec “Diva.” Enfin, 2016 a vu le couronnement de Miss Trans Tel Aviv, dont la première lauréate, Talleen Abu Hanna, est une catholique arabe, née et élevée à Nazareth. (Son portrait vidéo peut-être vu ici, en hébreu avec sous-titres anglais)

Elizabeth Tsurkov est une militante des droits humains dont la voix porte dans tous les médias sociaux d'Israël, et une contributrice de Global Voices. Elle a relevé que le conseil municipal de Tel Aviv comprend un nombre inhabituellement élevé de membres LGBTQ :

Le bâtiment de la municipalité de Tel Aviv ce soir. Plus de 10 % du conseil municipal est membre de la communauté LGBTQ

Tandis que The Camel's Nose [Le Nez du Chameau], qui publie régulièrement sur Israël et le Moyen-Orient, a écarté l'idée que la solidarité de Tel Aviv soit une concession au “pinkwashing” — un terme des critiques qui avancent que la promotion par Israël des droits des homosexuels sert à détourner l'attention d'autres sujets polémiques.

La réaction israélienne à l'attaque d'Orlando devrait mettre fortement en doute la validité de l'allégation de “pinkwashing”

‘Toujours la peur de ceux qui sont différents’

L'identification musulmane d'Omar Mateen a amené sur les médias sociaux israéliens beaucoup de remarques sur les opinions des islamistes traditionnels sur la communauté LGBTQ. Hen Mazzig, directeur pédagogique de l'influent lobby pro-Israël Stand With Us, a ainsi cité un sondage de 2013 du Pew Research ayant trouvé un “rejet largement répandu dans les pays à prédominance musulmane et en Afrique, tout comme dans des parties de l'Asie et en Russie”.

Dans ce sondage, Israël était en tête du Moyen-Orient pour l'acceptation, avec 40% des sondés disant que la société devait accepter l'homosexualité contre 47% de refus. Pendant ce temps, 97% en Jordanie, 95% en Egypte, 94% en Tunisie, 93% dans les territoires palestiniens occupés, 80% au Liban et 78% en Turquie opinaient que la société ne devait pas accepter l'homosexualité.

En comparaison, aux USA, 60% des sondés ont répondu “oui” à la question de l'acceptation sociale, et 33%, “non”.

D'autres ont refusé la polarisation sur la religion. Dahlia Scheindlin, une consultante politique spécialiste de l'analyse stratégique de l'opinion publique, a eu cette remarque :

Vous qui vous repaissez de la causalité avec l'islam : où est votre humanité pour les Américains tués chaque jour dans des fusillades de masse ? Si vous n'en avez aucune, taisez-vous un point c'est tout

Ecrivant pour le magazine indépendant +972 un article titré “Straight Terrorism” [Terrorisme hétéro], Yael Marom et Ma'ayan Dak soutiennent :

Peu importe que le meurtrier d'Orlando soit juif, chrétien ou musulman — les mêmes crimes haineux continuent à nous [la communauté LGBTQ] viser encore et toujours, dans le monde entier… Nous n'allons pas nous occuper de l'origine ethnique du meurtrier d'Orlando, ni de la question de l'EI ou de savoir s'il a fréquenté des sites internet islamistes extrémistes avant d'aller massacrer un club rempli de LGBTQ. Peu importe quelle religion au juste l'a fait nous haïr à mort. Tantôt c'est le christianisme, tantôt c'est les extrémistes radicaux juifs, tantôt c'est l'islam. C'est toujours la peur de ceux qui sont différents, de ceux qui défient l'ordre existant.

En conclusion, Rena Bunder Rossner a évoqué les “cercles d'influences” d'où résonneront ces pertes tragiques :

50 personnes ???? Et chacune avec une famille, des amis, et des cercles et des cercles d'influences et d'avenir… Mon coeur est brisé.

Pour honorer ceux qui ont péri, veuillez vous référer à la liste de noms de la ville d'Orlando, complétée à mesure que les victimes sont identifiées.

Le rêve suspendu d'un vendeur de fleurs syrien dans sa ville en ruines

mardi 14 juin 2016 à 19:45
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Nour, 22 ans, vit à Douma, dans la  Ghouta orientale, en Syrie ” Je suis passé à la photographie pour montrer au monde extérieur notre vie ici”. 22 janvier 2016 .

Cette histoire a été publiée à l'origine sur Syria Untold, un projet indépendant qui raconte les luttes syriennes, Elle est reproduite ici pour Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

En 201, Nour, un étudiant en économie de l'université de Damas, vendait des fleurs pour gagner sa vie. Il avait 17 ans, et rêvait de partir de Syrie pour continuer ses études.

Au début du soulèvement de 2011, Nour était convaincu que la fin du long règne du président Bachar El-Assad était proche, et que bientôt les Syriens pourraient commencer à construire une société plus démocratique. Comme beaucoup de Syriens, Nour a mis entre parenthèses ses ambitions personnelles d'avenir et cessé de vendre des roses pour financer ses études. A la place, il a rejoint les rangs de mouvements de résistance non-violente contre Assad, ce qui a changé sa vie pour toujours.

Jour après jour, le régime a transformé la révolution en guerre et pris en otage une génération de jeunes soit au travers d'un enrôlement militaire obligatoire soit en créant les conditions qui les faisait entrer dans l'opposition armée.

En conséquence, Nour a été obligé de se cacher et de changer d'endroit sans cesse, tout en organisant les manifestations. L'année suivante, la stratégie de la guerre est passée d'une répression des manifestations au déplacement massif de la population pendant les campagnes militaires. Nour a essayé de fuir son pays mais n'y a pas réussi. Le gouvernement l'a mis alors sur une liste noire pour sa participation à des manifestations pacifiques et son refus du service militaire.

La guerre s'est intensifiée à Douma, une ville située à de 9 km de Damas. Les forces d'Assad imposèrent un siège total à la ville à partir d'octobre 2012, soutenu par des campagnes aériennes. Nour, le vendeur de fleurs, a commencé à sentir l'odeur de la mort dans chaque coin de la ville, à voir les missiles tuer tous les habitants des immeubles. Les questions qu'il se posait ont fini par se limiter aux armes et à la mort : “ Est-ce un missile terre terre, ou un baril d'explosifs ? Est-ce que j'ai peur de mourir sous les décombres ?”

“J'espère qu'une fois la guerre finie, je pourrai revenir poursuivre mes rêves” Nour, 22 ans, Douma, Ghouta orientale, Syrie 22 janvier 2016

Comme Nour ne vendait plus de fleurs il a cherché des moyens alternatifs pour survivre : il a appris la photographie. Il a acquis cette nouvelle compétence pour montrer au monde ce qui se passe à Douma. C'est pour les femmes, les enfants et les anciens qui affrontent cette tragédie au jour le jour que Nour pratique ce métier aujourd'hui.

Nour croit encore au salut possible : il a réussi à garder vivants ses rêves et ses projets d'avenir en dépit des tragédies dont il a été le témoin pendant la guerre. Les cinq dernières années ont peut-être fait vieillir son âme prématurément, mais aujourd'hui vivant depuis trois ans dans Douma assiégée, il n'a d'autres espérances que de voir ses rêves renouvelés.

Cette histoire a été racontée à l'origine en arabe en collaboration entre Syria Untold, Humans of Syria et Radio Souriali. Elle a été traduite ensuite par .

Sain et sauf en Allemagne, ce réfugié syrien réapprend le sourire

mardi 14 juin 2016 à 17:40
Hassan Jamous

Hassan Jamous

Depuis deux ans beaucoup a été écrit sur les réfugiés. Mais des réfugiés eux-mêmes, on entend rarement plus que des citations. GlobalPost, un organisme d'informations internationales faisant partie de PRI , a commandé des textes à cinq jeunes Syriens qui ont tous pris la difficile décision de quitter leur foyer et entreprendre le dangereux périple hors de leur pays, vers la Turquie, la Grèce et à travers l'Europe du Sud. 

Ce récit de Hassan Jamous, 24 ans, initialement paru  sur PRI.org le 31 mai 2016, est reproduit ici avec autorisation. 

Hourrah ! Enfin en Allemagne. “Sortez du camion !” a crié le passeur. “Nous sommes à Munich.”

Peu m'importait où nous étions. Tout ce que je voulais, c'était sortir vite de cette bétaillère. J'ai aspiré un grand bol d'air et regardé autour de moi. “On est vraiment en Allemagne ?” me demandais-je. C'était le matin. Je ne voyais personne. Les 20 autres Syriens qui étaient avec moi dans le camion ont commencé à se changer en vitesse. Je n'avais pas de bons habits, rien qu'un jean sale et une affreuse veste. Je ne savais que faire. Je m'attendais à ce que la police vienne nous arrêter d'un instant à l'autre.

Mais pour le moment j'essayais seulement de jouir du calme et de l'air pur après le long et bruyant trajet. Je ne connaissais aucun des réfugiés que j'ai eu pour compagnons de voyage. Nous n'avons fait connaissance que dans la maison du passeur à Budapest. “Attendez un quart d'heure puis en allez-vous d'ici”, nous a dit le chauffeur du camion. Il est parti et nous avons attendu. Puis j'ai décidé de chercher le premier agent de police que je trouverais dans la rue.

“Je ne suis plus dans ma maison, je ne suis plus assis dans ma cuisine avec ma famille, pendant que ma mère prépare un bon repas. C'est ça, ma nouvelle vie provisoire à présent.”

C'est alors que j'ai remarqué deux hommes et un petit garçon qui me regardaient. C'étaient des Syriens de Damas comme moi. “Vous êtes d'où ?” a demandé le plus âgé. “Damas”, ai-je répondu. “Vous parlez anglais ?” J'ai dit, un petit peu. “Nous allons dans une ville appelée Saarbrücken [Sarrebruck]. On dit que les gens y sont gentils et que les procédures y sont plus rapides pour les réfugiés.” Je me suis dit, pourquoi pas ?

Nous avons hélé un taxi et lui avons dit en anglais que nous voulions aller à la gare centrale. “Pas de problème,” a-t-il dit. “Mais vous avez de quoi payer ?” J'ai répondu avec un grand rire, “Mais bien sûr”. C'est ainsi qu'il a su que c'était notre première heure en Allemagne. Ou peut-être à la couleur de notre peau. Dans le taxi, je regardais par la vitre ce beau pays. Est-ce que je peux construire un avenir ici ? me demandais-je. Puis-je vraiment appeler ce pays ma deuxième patrie? Mes pensées ont été interrompues par la voix du chauffeur de taxi. “Nous y sommes”, dit-il.

Nous avons pris le premier bus pour Saarbrücken. J'ai passé la majeure partie des six heures de route à dormir comme un bébé. J'étais désespérément affamé et épuisé. Il y avait un camp de réfugiés à Saarbrücken. J'ai vu quantité de nationalités dans ce camp, pas que des Syriens. Il y avait beaucoup de files d'attente, c'était très bruyant. On m'a donné de la nourriture et on nous a envoyés dans une chambre. J'ai avalé en hâte la nourriture et ai dormi.

A television screenshot Hassan took of his home street in Syria. Hassan lived in a suburb of Damascus called Darayya, the site of intense fighting between the Syrian regime and rebel forces. (Hassan Jamous)

Une capture d'écran de télévision prise par Hassan de sa rue en Syrie. Hassan vivait dans une banlieue de Damas appelée Deraya, siège d'intenses combats entre le régime syrien et les forces rebelles. (Hassan Jamous)

La première journée a été très dure pour moi. J'ai dû faire la queue pour la nourriture et les papiers. Mais il fallait m'y faire. Je ne suis plus dans ma maison, je ne suis plus assis dans ma cuisine avec ma famille, pendant que ma mère prépare un bon repas. C'est ça, ma nouvelle vie provisoire à présent. Au bout d'une semaine, on m'a transféré dans un autre camp. Je ne savais pas pourquoi ; j'ai demandé à la gestionnaire et elle a eu l'amabilité de me dire que c'était normal ici en Allemagne. Vous serez transféré dans un autre camp à Trier [Trêves], m'a-t-elle dit. Elle avait un très beau sourire.

On nous a donné des tickets de train et une carte. Pendant le trajet je regardais les visages des Allemands dans le train et me demandais si tout irait bien ici. Je me sentais mal à l'aise, tout était neuf et je me sentais faible. Le camp de Trier était petit, et contenait peut-être le cinquième des réfugiés du précédent. Il n'y avait pas de place pour dormir, nous avons passé la première nuit dans le couloir. Puis on nous a transférés à nouveau, ce camp n'avait juste pas assez de place. Je n'en pouvais plus de voyager, je voulais seulement rester au même endroit. Tout le monde nous traitait avec gentillesse, il y avait partout de larges sourires. Ils font vraiment un travail difficile. Je pensais que les gens allaient nous détester ici.

Il fallait toujours attendre longtemps pour prendre un bus, recevoir à manger, ou aller à la douche. On ne se fait pas de véritables amis dans les camps. On ignore qui va partir, qui va rester. On attend seulement d'être transféré dans un logement avec de la chance.

A mon 28ème jour en Allemagne, j'avais pris l'habitude de la vie dans les camps. J'avais développé des tactiques pour obtenir la nourriture. Les gens essaient d'oublier et d'aller de l'avant. Ils faisaient du sport pour se distraire. Je trouvais que les enfants étaient vraiment heureux, ils jouaient tout le temps, couraient et se bagarraient, un spectacle qu'on ne voit plus guère en Syrie. Je dormais dans une tente avec 200 autres personnes. Le plus difficile était le sommeil, il y avait toujours quelqu'un qui faisait du bruit : un bébé qui pleurait ou un ivrogne en train de rire. Ce n'était pas une vie parfaite, mais on pouvait être patient. Au moins on était en sécurité.

Pour finir, on m'a transféré dans un logement dans une petite ville du nom de Stadecken-Elsheim. Le nom m'était égal, ce qui comptait c'était de sortir du camp. J'imaginais déjà une chambre agréable et peut-être la possibilité de me préparer un bon repas. Tels étaient mes rêves du moment. Le jour du transfert, je me suis réveillé à 6 h du matin, heureux pour la première fois depuis des mois. On nous a dit au revoir de façon très sympathique au camp. Le bus est venu, et j'ai fait mes adieux au camp en mon for intérieur, espérant que je n'aurais pas à y retourner.

Hassan stands in front of a whiteboard during German language classes in his new hometown. Credit: Hassan Jamous

Hassan au tableau pendant le cours d'allemand dans sa nouvelle ville de résidence. Crédit: Hassan Jamous

Ceux d'entre nous qui partaient s'installer à Stadecken-Elsheim ont d'abord été conduits au bureau municipal, où on a enregistré nos noms. Le personnel était très gentil et aussi souriant. Ils ont dit en anglais que six personnes habiteraient la maison jusqu'à ce que nous recevions nos cartes de séjour de trois ans. Parfait, cinq c'est mieux que 200. On nous a emmenés dans la maison. Je n'ai vu personne dans les rues, mais j'avais l'impression que chacun était au courant de notre venue. Jour après jour j'ai pris confiance. J'aidais mes compagnons quand ils voulaient aller chez le médecin ou le dentiste. Au début je me gênais beaucoup de parler aux Allemands, mais partout où j'allais je voyais des sourires.

“Je m'aperçois que tout le monde ici nous sourit, mais nous, nous ne sourions pas. Il semble que nous avons oublié comment faire. Il semble qu'au final ce n'est pas de nourriture, d'argent ou même d'un pays sûr que j'avais besoin. Tout ce qu'il me fallait, c'était un bon et franc sourire.”

Un jour, une bénévole est venue à nous pour nous aider en tout. Elle nous apprend l'allemand et nous l'appelons Migy. Dans mon coeur je l'appelle ma mère allemande. Je lui dois un tas de choses. Je m'aperçois que tout le monde ici nous sourit, mais nous, nous ne sourions pas. Il semble que nous avons oublié comment faire. Il semble qu'au final ce n'est pas de nourriture, d'argent ou même d'un pays sûr que j'avais besoin. Tout ce qu'il me fallait, c'était un bon et franc sourire.

Au bout de 10 mois d'attente, j'ai reçu ma carte de séjour. Je suis maintenant autorisé à rester trois ans pour travailler et étudier. Je dois encore travailler mes compétences linguistiques.

La route est longue vers l'avenir. Ma faiblesse est passée, mais j'ai mal chaque fois que j'entends les informations. Nous avons certainement créé des problèmes en Europe. J'ai mal quand je vois les nouveaux partis politiques prospérer et se renforcer à cause de nous. A la télévision, nous sommes en nombre énorme. On dit de nous que nous sommes pour la plupart pas assez éduqués, ou que nous sommes des extrémistes. C'est le prix que nous devons accepter pour ce qui se passe en Syrie.

Mais je suis un être humain avec de grands rêves. Je vais travailler dur pour leur prouver qu'ils se trompent.

#Ciencialatina, pour diffuser les découvertes scientifiques du continent sud-américain

lundi 13 juin 2016 à 21:10
Logotipo principal de la re bloggers científicos que publican bajo #CienciaLatina. Imagen publicada con permiso.

Logo du réseau scientifique de bloggers qui écrivent sous le hashtag #CienciaLatina). Image utilisée avec autorisation

Les avancées scientifiques développées en Amérique latine sont-elles présentes dans les mass-media ? Trop faiblement, estiment les blogueurs du projet en ligne CienciaLatina. Dans les médias internationaux, on parle peu des progrès scientifiques ayant pris naissance en Amérique Latine. On trouve énormément d'histoires de corruption ou de coups d'Etat, mais, par exemple, jamais les découvertes scientifiques réalisées par des astronomes au Chili, ou les études en cours au Yucatán (Mexique), portant sur une clarification des causes de la disparition des dinosaures.

Le hashtag #CienciaLatina recouvre à présent une initiative visant à faire connaître les travaux scientifiques des chercheurs de cette région du monde. Son objectif est de créer ou développer un réseau de blogueurs scientifiques contribuant à la vulgarisation de leurs recherches et connaissances. L'idée à la base de la création de CienciaLatina, c'est que les informations doivent être transmises en utilisant un langage familier, de sorte qu'elles puissent contribuer à la diffusion de découvertes et innovations dans le monde entier. Sur son blog, CienciaLatina s'explique :

La Red Latinoamericana de Blogs de Ciencia nace con el propósito de reunir esfuerzos de divulgación científica realizada por blogueros de diversos países latinoamericanos que, desde sus distintas disciplinas e inquietudes, intentan reponer el valor de la ciencia en las redes sociales.

Le réseau latino-américain des blogs scientifiques est né dans le but de fédérer les efforts de communication scientifique réalisés par des blogueurs de divers pays de ce continent, quelles que soient leurs disciplines et leurs centres d'intérêt , pour valoriser les sujets scientifiques dans les réseaux sociaux.

En créant ce site Internet, ces blogueurs entendent démontrer que l'on peut réaliser des projets scientifiques en Amérique Latine en dépit du fait que de nombreux instituts de recherche se trouvent en difficulté à cause de ressources limitées. En réalité dans la dernière décennie, les différents indicateurs ont enregistré une amélioration substantielle des capacités de recherche dans les pays de la région .

Dans presque toute l'Amérique Latine l'activité scientifique a augmenté année après année. Le Brésil, par exemple, vient en tête à la fois pour l'importance du budget dédié à la recherche et au développement et aussi pour le nombre de publications. L'Argentine possède un nombre impressionant de chercheurs par rapport à sa population totale (trois chercheurs pour mille salariés, ceci représentant un pourcentage plus élevé que celui de la Chine). Le Chili est le leader dans le domaine de la propriété intellectuelle, détenant le plus grand nombre de brevets enregistrés chaque année.

Avec l'aide du hashtag #Ciencialatina, le réseau contribue également, avec un impact mondial, à la promotion et la diffusion de certains travaux scientifiques locaux, à la création de sites web stimulant l'intérêt pour la connaissance scientifique sur ce continent. De cette manière les blogueurs espèrent capter l'attention des populations jeunes et plus âgées de l'Amérique latine. Cette cooptation devrait permettre aux scientifiques d'obtenir plus de crédibilité face aux autorités nationales en association avec des chercheurs plus compétent sen matière de projets et de développement.

Ce réseau et les informations le concernant peuvent être trouvées sur Twitter RedLBC ou sous le hashtag #CienciaLatina .

Pour cette réfugiée syrienne, la traversée en bateau vers la Grèce “a semblé ne jamais finir”

lundi 13 juin 2016 à 13:17
Rena Khalid Moussa

Rena Khalid Moussa

Depuis deux ans beaucoup a été écrit sur les réfugiés. Mais des réfugiés eux-mêmes, on entend rarement plus que des citations. GlobalPost, un organisme d'informations internationales faisant partie de PRI , a commandé des textes à cinq jeunes Syriens qui ont tous pris la difficile décision de quitter leur foyer et entreprendre le dangereux périple hors de leur pays, vers la Turquie, la Grèce et à travers l'Europe du Sud. 

Le présent récit de Rena Khalid Moussa, 29 ans, initialement publié sur PRI.org le 31 mai 2016, est reproduit ici avec autorisation. 

Rester en Turquie était devenu impossible. L'idée de l'Europe monopolisait mon esprit. En Turquie, même si on a un diplôme universitaire, trouver un bon travail relève de l'imaginaire.

Mon périple a commencé à Istanbul, et la première étape a été Izmir sur la Mer Egée. J'ai téléphoné à mes anciens voisins de Syrie, que je savais installés à Izmir, pour leur demander si je pouvais rester quelques jours jusqu'à l'appel du passeur annonçant le moment du départ. Après deux jours avec eux, l'intermédiaire avec le passeur m'a contactée pour me dire d'aller au lieu de rendez-vous. J'étais à seulement quelques pas de la maison quand il m'a rappelée annonçant que le voyage de cette nuit était annulé : la météo avait changé. Je suis donc retournée chez mes amis.

Le lendemain il m'a rappelée, ce serait pour aujourd'hui. J'ai donc bouclé mon sac et pris mon gilet de sauvetage, qui m'avait coûté cher. Il y avait beaucoup de circulation, et je suis arrivée au rendez-vous avec une demi-heure de retard. Le passeur était furieux contre moi, il a dit que mon sac était trop lourd, je ne pourrais pas l'emporter. Je lui ai dit que j'avais des choses importantes dans mon sac, que j'étais une femme, et les femmes ont besoin de beaucoup de choses, pas comme les hommes.

“L'idée d'une traversée en sécurité et d'une bonne météo n'était qu'un mensonge avec lequel nous nous rassurions. Je savais que c'étaient tous des menteurs, qui s'enrichissaient du trafic d'êtres humains.”

Nous sommes montés dans un taxi pour aller au point de rencontre avec les autres. En chemin je lui ai donné les 1.200 euros, le prix de la traversée de la mer pour la Grèce, d'où je pourrais commencer à faire route en Europe. Avant d'arriver au rivage, il a reçu un appel des autres passeurs, qui lui ont dit de rebrousser chemin, car la traversée était à nouveau annulée. Il a fallu payer le taxi, encore 200 livres turques (61 euros). Je n'étais pas vraiment surprise, je m'attendais à tout pour un voyage clandestin. J'ai pris mon argent et me suis mise en quête d'un autre passeur avec qui traiter. L'idée d'une traversée en sécurité et d'une bonne météo n'était qu'un mensonge avec lequel nous nous rassurions. Je savais que c'étaient tous des menteurs, qui s'enrichissaient du trafic d'êtres humains.

Deux jours encore, et j'ai fini par trouver un bateau. Je suis allée à une petite mosquée, et de là on nous a emmenés à une maison abandonnée. Nous nous sommes tous rassemblés au même endroit. On nous a tous mis dans un gros camion, comme un troupeau de moutons. Nous sommes arrivés à 21 h dans un endroit désert. On n'entendait que le bruit des vagues et du vent. Il nous était interdit de parler ou d'allumer des torches électriques, nous avons donc enfilé nos gilets de sauvetage dans le noir. Ils ont demandé aux hommes d'aider à gonfler le radeau pneumatique. Cela a pris deux heures. Quand ils ont eu fini, ils nous ont dit de descendre à la plage par petits groupes, sans bruit. Après quoi ils ont porté le radeau sur la plage et nous ont réarrangés jusqu'à ce que tous y rentrent. J'ignore combien de personnes au juste, parce qu'il faisait nuit, mais je crois qu'avec les enfants nous étions une soixantaine.

Les hommes se sont assis sur le pourtour, et les femmes au fond. J'étais assise à côté du moteur, la partie la plus basse, la plus proche de l'eau. Nous pensions que la traversée durait seulement une ou deux heures, peut-être même moins. Mais ce que nous ne savions pas, c'est que nous n'étions que du gibier pour ces individus. Nous n'étions même pas en mer, c'est ce que j'ai fini par comprendre, malgré l'obscurité mortelle. C'était une sorte d'étroite rivière, ou de chenal. Le moteur a été démarré par le pilote, d'ordinaire un des passagers, qui pilote le bateau en échange de la gratuité de la traversée. Mais cette fois, c'était un des hommes des passeurs. Deux d'entre eux nous ont accompagnés jusqu'au point que nous croyions être l'embouchure dans la mer.

J'ai pris mon téléphone et ai ouvert le GPS. J'ai été choquée de découvrir que le chenal était si long. La localisation était encore loin de la mer, il nous a fallu plus de deux heures seulement sur cette rivière. Le moteur s'est pris de nombreuses fois dans les herbes, et calait à chaque fois. Une fois arrivés à la mer, un autre bateau attendait pour prendre le pilote turc et le remplacer par un réfugié algérien. Quand le nouveau pilote a pris le manche, le radeau s'est mis à tournoyer sur lui-même, faisant des vagues. Tous les passagers du radeau ont commencé à paniquer. Nous avons crié que nous voulions retourner, mais personne n'écoutait. L'Algérien a fini par reprendre le contrôle du bateau et nous nous sommes calmés peu à peu. Mais nous étions maintenant en mer et la houle était si haute que par moments il me semblait que le radeau escaladait une montagne avant de retomber. Pas d'autres lumière que celle de la lune. Les étoiles brillaient dans le ciel.

“Quand le radeau grimpait et dégringolait les vagues, les voix des gens montaient en prières. Je trouve ironique que la plupart des humains ne se rappellent Dieu que lorsqu'ils sont en difficulté.”

Sans savoir pourquoi, j'avais très peur. Avant d'embarquer, je pensais que la partie la plus horrible du voyage serait la mer, surtout la nuit. Quand le radeau grimpait et dégringolait les vagues, les voix des gens montaient en prières. Je trouve ironique que la plupart des humains ne se rappellent Dieu que lorsqu'ils sont en difficulté. Plus le bateau était haut perché sur les vagues, plus bruyantes étaient les prières. Les hommes disaient qu'ils voyaient les lumières de l'île. C'est difficile de rester calme quand on lutte entre la vie et la mort. La traversée paraissait interminable. Deux heures encore, et nous avons aperçu les lumières d'un navire. C'étaient les garde-côtes grecs. Nous nous sommes enfin sentis en sécurité. La vedette n'a pas approché de trop près, pour ne pas provoquer des vagues qui nous auraient fait chavirer. Au lieu de quoi ils se sont postés derrière nous, dirigeant leurs projecteurs vers l'île pour que nous puissions la voir. Elle était proche à présent. Je ne sais pas comment, mais je me suis assoupie quelques minutes, bien que dormir ait semblé hors de question.

Avec l'aide des garde-côtes, une heure après, nous sommes arrivés à l'île sains et saufs. Au bout de cinq heures périlleuses, nous étions heureux et reconnaissants d'être vivants. C'était notre seule pensée possible à ce moment.

Rena vit maintenant à Minden, mais son projet est de déménager bientôt à Bielefeld, une ville de taille moyenne dans le nord-ouest de l'Allemagne. Rena a eu son entretien avec le service de l'immigration il y a deux mois, et reste dans l'attente de son autorisation de séjour de trois ans.