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Un magazine féminin iranien suspendu pour avoir parlé du concubinage

mercredi 6 mai 2015 à 08:47

Shahla Sherkat hopes to convince the court to allow resumption of the Zanan-e Emrooz's monthly publication. Photo from ICHRI, and used with permission.

Shahla Sherkat espère convaincre le tribunal d'autoriser la reprise de la publication du mensuel Zanan-e Emrooz [Femmes d'aujourd'hui]. Photo de ICHRI [Campagne Internationale pour les Droits de l'Homme en Iran], et utilisée avec son accord.

Ce post a été publié sur iranhumanrights.org et est reproduit ici en collaboration avec la Campagne Internationale pour les Droits de l'Homme en Iran.

La Commission de surveillance de la presse iranienne a décidé de suspendre la publication du premier magazine féminin d'Iran, Zanan-e Emrooz (Femmes d'aujourd'hui), et a envoyé l'affaire devant la justice iranienne.

Dans une interview avec Campagne Internationale pour les Droits de l'Homme en Iran, sa rédactrice en chef Shahla Sherkat a déclaré qu'elle espérait être capable de convaincre le tribunal d'autoriser à nouveau la publication du mensuel.

L'agence de presse Mehr News Agency a déclaré que la raison de la décision prise par la Commission de surveillance de la presse était la promotion et la justification des “mariages blancs”, un terme utilisé par les officiels pour décrire la cohabitation de couples non mariés.

“Je n'ai pas été officiellement informée de cette décision. J'ai découvert la suspension de mon magazine en lisant les nouvelles” a déclaré Shahla Sherkat. “Étant donné que la licence n'a pas été supprimée, la publication est juste suspendue. J'ai bon espoir de pouvoir convaincre les juges avec mes arguments, et de pouvoir ainsi reprendre la publication,” a-t-elle ajouté.

Zanan-e Emrooz est paru pour la première fois en juin 2014, et a été suspendu alors que le onzième numéro allait être publié. Avant de fonder Zanan-e Emrooz, Shahla Sherkat avait passé 16 ans dans la rédaction du grand magazine Zanan, qui avait été banni le 17 février 2008 pour avoir soutenu, entre autres, l'égalité des droits des femmes en matière de divorce, de garde des enfants, et d'héritage, articles qui avaient mis en colère beaucoup de radicaux. Après l'interdiction de Zanan, Shahla Sherkat avait demandé pendant presque sept ans une licence pour créer un autre magazine féminin, avant de s'en voir finalement accorder une pour Zanan-e Emrooz.

D'après Mehr News, la Commission de surveillance de la presse a considéré que le contenu de Zanan-e Emrooz était “contre la moralité publique, basée sur l'article 6, paragraphe 2 de la loi sur la presse”. Shahla Sherkat a dit à la Campagne Internationale pour les Droits de l'Homme en Iran qu'elle n'avait pas reçu de lettre officielle du gouvernement à ce propos.

“J'ai lu dans les informations que l'interdiction portait sur ce que nous avons publié à propos du ‘mariage blanc’. Je vais devoir attendre jusqu'à la date du jugement. J'ai toujours été confiante, et je reste confiante cette fois aussi : tout va se résoudre, et nous serons bientôt en mesure de travailler à nouveau”, a-t-elle dit à la Campagne. Le numéro cinq du mensuel, publié il y a plus de six mois, donnait plusieurs points de vue sur le concubinage.

L'agence de presse conservatrice Fars News Agency a écrit que les raisons de la suspension du mensuel allaient au delà du problème du “mariage blanc”. Fars a notamment avancé que des articles sur les droits des femmes et sur la présence des femmes dans les stades seraient d'autres raisons à cette suspension.

Anaïs Renevier, journaliste française à Beyrouth : “C'est la mort lente des correspondants”

mardi 5 mai 2015 à 22:33
Anaïs Reneviere in Beirut with her permission

Anaïs Renevier à Beyrouth avec sa permission

Il arrive que la passion ne suffise pas.

C'est l'histoire d’Anaïs Renevier, jeune correspondante à l'étranger pour des médias francophones et installée à Beyrouth, mais ce pourrait être celle de n'importe quel journaliste pigiste dans le monde.

L'actualité mondiale a toujours été la passion d'Anaïs, aussi loin que remontent ses souvenirs. Elle marcherait sur les traces de son père, un éminent ingénieur de la télévision, mais elle voulait y arriver par son propre chemin. Elle est allée à Berlin étudier la cinématographie puis a été stagiaire dans une télévision régionale française. Après un premier séjour en 2009, elle décide en 2012 de s'installer au Liban pour y couvrir l'actualité. La dernière mission d'Anaïs était celle de correspondante au Liban pour une télévision internationale francophone.

Un poste exigeant mais passionnant. Pourtant, Anaïs ne tarde pas à comprendre que le secteur de l'information allait lui demander toujours plus sans lui offrir beaucoup de soutien financier ou moral en retour. Dans un billet de blog intitulé “La petite mort des correspondants“, Anaïs explique que malgré son amour pour son travail, elle se sent contrainte de prendre du recul et de réexaminer ses choix professionnels :

A 27 ans, je retourne chez mes parents et je laisse derrière moi des correspondances pour des médias renommés, un réseau que j’ai construit pendant trois ans et un pays que je prenais plaisir à couvrir. Tout cela, car à 27 ans, je ne vis pas de mon métier [..] En moyenne, j’ai gagné environ 800 euros par mois pendant trois ans. Pour ces 800 euros, j’ai été pendant trois ans joignable 24h/24, 7 jours sur 7 : l’info n’attend pas. Pour ces 800 euros, j’ai été plusieurs fois prise dans des tirs croisés de snipers et une fois pourchassée par un hélicoptère du régime syrien. Pour ces 800 euros, j’ai été les yeux et les oreilles de plusieurs médias francophones au Liban. Et avec ces 800 euros, j’ai payé moi-même mon permis de résidence, ma caméra et mon assurance santé.  Ma situation financière n’est pourtant pas mon problème principal.  Nous sommes journalistes et nous sommes aussi des fantômes. Certains chefs sont-ils conscients que lorsqu’ils refusent un article sur la Syrie parce que «de toutes façons personne n’y comprend rien», c’est aussi nos sensibilités et nos vécus qu’ils heurtent ? Petit à petit, ces voix s’éteindront, étouffées par une information de masse, des dépêches écrites à la hâte, des informations diffusées avant d’être vérifiées. C’est la petite mort des correspondants. Cette agonie peut encore être évitée, par le public en suivant et soutenant les médias qui font entendre nos voix, et par nous en pensant le journalisme autrement.

Global Voices a retrouvé Anaïs pour déballer son analyse des médias et comprendre ses choix de carrière.

Global Voices (GV) : Votre billet intitulé “La petite mort des correspondants” a interpelé beaucoup de gens dans le secteur et ailleurs, qui peinent à gagner leur vie dans une activité autrefois robuste. De votre point de vue, quelles sont les causes principales du malaise dans le journalisme aujourd'hui ?

Anaïs Renevier (AR) :  J'ai été surprise et touchée par l'étendue du partage alors qu'au départ je n'avais mis le lien que sur ma page Facebook, à destination de mes amis et contacts professionnels au Liban. C'est à la fois encourageant au plan personnel de le savoir autant partagé, mais aussi démotivant de voir que les correspondants au Liban ne sont pas les seuls à souffrir de cette précarité.

Je pense que dans le journalisme, l'argent est le nerf de la guerre, la première difficulté est donc le manque de moyens financiers dans les médias. Je l'ai connu à tous les niveaux : dans la télévision locale où j'ai travaillé en 2011-2012 (par manque de moyens nous faisions de longues journées de travail), dans de grands médias pour lesquels je collabore (j'ai souvent entendu «ton sujet nous intéresse, mais nous n'avons pas le budget») et également pour tous les nouveaux médias qui tentent d'inventer un nouveau modèle de journalisme.

Mais plus encore, l'instantanéité tue progressivement notre média. Il faut toujours que tout soit fait tout de suite, avec peu de temps pour vérifier les informations et creuser. Et le lendemain, le sujet est déjà oublié, noyé dans la masse des «dernières nouvelles». Malheureusement, les médias qui prennent le temps d'analyser et d'avoir du recul sont souvent ceux qui ont les moyens financiers les plus limités.

Dernier problème, nous sommes interchangeables. Nous sommes nombreux dans ce métier, tous passionnés, et acceptons parfois de travailler dans des conditions misérables. Nous savons que si nous refusons, quelqu'un d'autre prendra notre place (peut-être un stagiaire!)

Profile photo of Anaïs Renevier on Twitter

Photo de couverture d'Anaïs Renevier sur Twitter

GV : Pensez-vous que le journalisme va évoluer de cette course à l'instantané ou au viral ?

AR : Je ne sais pas si cela va évoluer, mais je l'espère sincèrement. En France, de nombreux journaux et sites webs qui laissent la place à de longs reportages ont vu le jour ces dernières années. Ils ont bien compris le ras-le-bol des lecteurs de n'effleurer que la surface des choses. Espérons qu'ils obtiennent des financements suffisants pour perdurer. Nous sommes de nombreux journalistes à vouloir faire les choses différemment, et plus en profondeur.

GV : Vous vivez à Beyrouth depuis 2012 et vous vous apprêtez à en partir. Quels sont vos souvenirs les plus frappants de votre séjour dans ce pays, professionnels et personnels ?

AR : Il y a eu beaucoup de “premières fois” professionnelles au Liban ! Les premiers souvenirs qui me viennent en tête sont ceux de reportage en zone de conflit, et comment je me suis parfois retrouvée entre des tirs de snipers, pourchassée par un hélicoptère ou infiltrée avec des combattants, parfois sans savoir comment réagir (mais on apprend vite quels réflexes avoir dans de telles situations !). Nous sommes souvent exposés à des situations stressantes, comme cette fois où j'étais coincée dans le no man's land entre le Liban et la Syrie. Pour les besoins d'un reportage sur les réfugiés syriens interdits d'entrer au Liban, je suis sortie du pays et j'ai pénétré dans une zone tampon d'une dizaine de kilomètres entre les deux pays. Une fois repérée, j'ai été interrogée par la sûreté générale libanaise (ils m'ont demandé de supprimer mes images, j'ai fait semblant de le faire) et ensuite par l'armée syrienne (ils m'ont demandé de montrer mes images pour prouver que j'étais journaliste, si je les avais supprimées je serai peut-être dans une geôle syrienne à l'heure actuelle !). A mon retour au Liban, j'ai dû régulariser ma situation (j'avais un tampon de sortie mais pas de tampon de retour dans le pays), j'ai eu à nouveau droit à 4 heures d'interrogatoire par la sûreté générale. Au final, la chaîne de télévision qui m'avait commandé le reportage m'a dit que ces images volées n'étaient «pas assez fortes». Mais les souvenirs de mes reportages sont aussi des souvenirs de rencontres, avec des réfugiés, des artistes, des membres d'ONG, des gens passionnés et passionnants. Mon plus beau souvenir d'interview est celui de Marcel Khalifé, un des musiciens les plus célèbres du Liban. Au-delà de sa musique, ce que j'ai apprécié quand je l'ai rencontré c'est sa disponibilité, son accessibilité, sa sagesse et son humanité.  J'ai aussi de très beaux souvenirs personnels, comme cette soirée au bord d'une piscine avec la majeure partie des correspondants français, c'était au mois de novembre et nous avons tous fini à l'eau ! Les souvenirs partagés avec eux sont importants, car ils ont été mes principaux soutiens ici et c'est aussi leur voix que je voulais faire entendre à travers mon article. II y a eu des moments de déprime mais il y a surtout eu beaucoup d'entraide. J'ai vécu en 3 ans ici des expériences que je n'aurais peut-être jamais vécues en 20 ans en France. J'ai surtout appris à relativiser mes propres problèmes face à cette détresse que nous côtoyons au quotidien.

GV : Vous avez vécu des événements difficiles et vous avez dit votre besoin de trouver plus d'équilibre dans la façon dont vous menez votre carrière. Quelques-uns de nos contributeurs essaient eux aussi de faire face à leurs expériences traumatisantes en couvrant l'actualité. Est-ce que vous trouvez que vous et vos confrères reçoivent suffisamment de soutien pour la gestion du stress ?

AR: Je n'ai jamais demandé directement à mes chefs du soutien pour ces situations de stress, car j'ai réussi à les gérer moi-mêmes. Je pense qu'ils auraient été réceptifs si je leur avais fait part de mes besoins. Cela dit, ce n'est pas le cas de tous les correspondants, certains ont dû consulter des psychothérapeutes, parfois pour stress post-traumatique. Cela dit, les journalistes ici (locaux et internationaux) sont soutenus par la fondation SKEYES qui organise régulièrement des ateliers et des formations pour faire face à ces situations. Récemment, j'ai participé à une formation de l'ONG “Trauma Training for Journalists” qui fait un excellent travail de formation des pigistes en zone hostiles.

GV : La situation politique au Liban est complexe. Quelle image de cette région aimeriez-vous corriger auprès du grand public ? Quelles sont les erreurs communément faites sur le pays à l'extérieur ?

AR: La chose que j'entend le plus souvent quand je suis hors du Liban est : «mais il y a la guerre au Liban!» Il faut donc repartir de zéro et expliquer qu'il n'y a pas de conflit au Liban, et que la situation sécuritaire s'est plutôt améloriée depuis trois ans. Je pense que les médias français qui couvrent l'international de manière correcte démontrent très bien la complexité politique du Liban en faisant appel régulièrement à des experts pour des analyses. Ce que je regrette, c'est que certains sujets tombent dans l'oubli, comme le sort des réfugiés syriens. Je regrette aussi que dans de nombreux médias, on ne parle du Liban que négativement, quand il y a une urgence sécuritaire. Mais je crois que ce sont des frustrations que tous les correspondants, dans tous les pays du monde, connaissent ! On a toujours l'impression qu'on ne parle pas assez du pays qu'on couvre, c'est symptomatique ! Et au final, le Liban est plutôt bien couvert dans les médias français par rapport à d'autres pays.

GV : Vous vous êtes dite sur le point de quitter le Liban et de peut-être changer de métier. Quels sont vos projets d'avenir ? Qu'espérez-vous pour le Liban et la situation des réfugiés ?

AR: Dans un premier temps, je vais poser mes valises chez mes parents en région parisienne, passer du temps avec mes proches et souffler. J'ai des idées de reportage en France, mais aussi à l'étranger, et bien sûr je reviendrai au Liban régulièrement, c'est mon pays de cœur ! Il faudra juste que je trouve un nouvel équilibre dans la manière dont j'exerce mon métier. J'ai également des projets de films documentaires sur lesquels je vais pouvoir me concentrer.
Abandonner le journalisme maintenant ce serait un échec pour moi. Mais si dans quelques années je me rends compte que je n'arrive pas encore à vivre de mon métier, il sera temps de raccrocher et de devenir fleuriste, je suis passionnée par les fleurs exotiques ! Mais quelle que soit la voie que je prends, je sais que je continuerai toujours à être journaliste dans l'âme. J'espère que le pays continuera à tenir debout. Quand je suis arrivée, on parlait de «guerre civile imminente» après l'attentat de la place Sassine. Deux ans et demi après, le pays tient encore debout, même s'il est bancal. Pour les réfugiés, qu'ils soient syriens, irakiens ou palestiniens, il y a beaucoup à espèrer et beaucoup de choses doivent changer. Mais l'urgence est de débloquer des fonds pour aider le Liban, pays qui accueille le plus grand nombre d'entre eux.

L'opposition démocratique russe s'est unie – le restera-t-elle ?

mardi 5 mai 2015 à 20:49
The road ahead for Russia's liberal opposition won't be an easy one. Images edits by Kevin Rothrock.

La route devant l'opposition démocratique russe ne sera pas aisée..Photomontage de Kevin Rothrock.

Deux des principaux partis démocratiques d'opposition de la Russie viennent d'annoncer la formation d'une “alliance démocratique”. Le Parti du progrès, dirigé par le charismatique champion anti-corruption Alexeï Navalny, et le RPR-Parnas, co-présidé par l'ex-Premier Ministre Mikhaïl Kassianov et, jusqu'à récemment, feu Boris Nemtsov, proposeront une liste commune de candidats dans les prochaines élections régionales et nationales, ont déclaré les chefs des deux partis le 17 avril.

Une alliance a été formée, nous aurons une liste aux élections

Ce qui a essentiellement motivé une opposition russe aux abois à tenter de se consolider et de devenir une force politique plus crédible, c'est sans doute l'assassinat retentissant de Boris Nemtsov fin février dernier. Dans un entretien avec la radio Ekho Moskvy, Navalny a cité le meurtre de Nemtsov comme le facteur décisif qui a incité à la création de la nouvelle alliance politique.

Union, pas fusion

Les deux partis ne fusionneront pas formellement, ils formeront plutôt une large union démocratique, “dans laquelle sociaux-démocrates, libéraux et conservateurs de type européen pourront exister confortablement”, a écrit Navalny sur son site internet. Navalny précise :

Это поразительно, огромное количество людей в стране считает, что Россия должна развиваться по европейскому пути и нам нужна сменяемая власть, независимые суды и свободные СМИ, а нет ни одной представленной в законодательной власти партии, которая поддерживает четыре этих простых вещи без пятисот оговорок.

C'est frappant, une immense quantité de gens dans le pays pensent que la Russie doit se développer dans la voie européenne et qu'il nous faut un pouvoir révocable, une justice indépendante et des médias libres, pourtant il n'y a pas un seul parti représenté dans le corps législatif qui soutienne ces quatre choses simples sans y mettre cinq cents réserves.

Depuis la présentation le 17 avril de la nouvelle alliance, plusieurs forces politiques de même sensibilité ont rejoint la coalition, tel Choix Démocratique, un parti enregistré dirigé par l'ancien Vice-Ministre de l'Energie Vladimir Milov. Deux partis d'opposition non enregistrés, le Parti du 5 décembre et le Parti Libertarien, ont fait de même.

Je suis prêt à signer ce protocole d'accord au nom de [Choix Démocratique].

Le mouvement d'opposition Solidarnost et le réseau Russie Ouverte ont tous deux promis leur soutien à la nouvelle coalition. Russie Ouverte a été créée en septembre 2014 par l'ex-oligarque du pétrole Mikhaïl Khodorkovski [anglais] et se donne pour mission la promotion des valeurs politiques européennes en Russie.

Мы поддерживаем решение РПР-ПАРНАС и Партии Прогресса о создании коалиции. «Открытая Россия» — общественная организация, и у нас не может быть своего отдельного списка на выборах. Мы поддерживаем список демократических кандидатов. И постараемся помочь сделать выборы демократическими.

Михаил Ходорковский

Nous soutenons la décision de RPR-PARNAS et du Parti du Progrès de créer une coalition. “Russie Ouverte” est une organisation sociale [et non politique], et nous ne pouvons pas avoir notre liste particulière aux élections. Nous soutenons la liste des candidats démocratiques. Et nous tâcherons d'aider à faire des élections démocratiques.

Mikhaïl Khodorkovski

Premières embûches

La nouvelle coalition connaît néanmoins son premier revers, après la décision du Ministère de la Justice le 29 avril d'annuler l'enregistrement du parti politique de Navalny, ce qui l'empêche de participer dans les règles aux élections de cette année. Un avocat du Parti du Progrès s'est juré de contester la décision du gouvernement devant la Cour européenne des Droits de l'homme, se disant confiant que le parti recouvrera son enregistrement à temps pour concourir aux élections à la Douma en décembre 2016.

Avant même que le parti de Navalny perde son enregistrement, Iékaterina Vinokourova, une chroniqueuse de Znak.com, expliquait que l'opposition russe a échoué à s'unir, malgré le coup de semonce de l'assassinat de Nemtsov. Selon elle, les adversaires du Kremlin n'ont pas pu surmonter leur méfiance mutuelle, et iront aux élections en au moins trois blocs différents : la nouvelle coalition avec Navalny et Kassianov, le familier et sempiternellement impopulaire parti Iabloko, et le parti de l'Initiative Citoyenne, que la nouvelle coalition de Navalny a courtisé avec un succès seulement partiel.

Mme Vinokourova voit dans le vote par Internet dans des primaires le principal sujet de discorde entre les opposants russes. “S'ils tiennent des primaires sur Internet”, écrit-elle, “un tas de blogueurs moscovites gagneront des places, aux dépens d'hommes et femmes politiques d'avenir au niveau régional”.

Que sera la nouvelle alliance ?

Dans une conférence de presse commune le 22 avril, Milov, Navalny et d'autres responsables en ont dit plus sur les projets particuliers de leur alliance.

La coalition projette de présenter des candidats sur la liste RPR-Parnas aux prochaines élections à la Douma en décembre 2016. Une décision qui bénéficie du fait que le RPR-Parnas n'a pas à collecter des milliers de signatures en faveur de chaque candidat, comme il est exigé des partis moins établis. En 2015, l'alliance présentera des candidats dans six élections régionales et de district dans les régions de Kalouga, Kostroma et Novosibirsk.

L'opposition démocratique russe doit-elle être prise au sérieux ?

Les chefs des partis ont aussi expliqué que tous les membres de la coalition ont accepté de former des “listes populaires” pour chaque scrutin, et que les candidats concourront pour gagner une place sur ces listes en des “primaires ouvertes, honnêtes”. L'introduction réussie de primaires, un trait répandu de la vie politique dans certains pays, mais ignoré dans la Russie moderne, serait un démarrage remarqué pour la nouvelle alliance dans son objectif de chambouler la politique russe.

Un article publié lundi sur le site web de Navalny détaille davantage les projets d'organisation de primaires pour les élections législatives prévues en septembre dans les régions de Kalouga, Kostroma et Novosibirsk. On y lit comment la nouvelle alliance est déjà intensivement à l'oeuvre, à monter un quartier général, recruter des effectifs et initier tous les préparatifs à l'arrière qu'impliquent l'organisation de primaires et l'appui aux candidats dans le cycle électoral à venir dans ces région.

Elections Timeline

“Calendrier général pour les primaires”. Graphique : “Enregistrement des candidats. Enregistrement des votants, Débat, Vote”. “Dates de vote par ville : Novosibirsk : 12-14 juin, Kalouga :  20-21 juin, Kostroma : 27-28 juin”.

Une coalition par des primaires

Une notice pour la presse émanant de l'alliance explique que tout Russe inscrit sur les listes électorales souhaitant participer aux primaires peut signer dans sa région une déclaration reconnaissant les valeurs politiques de base de la coalition, et envoyer les documents dont ont besoin les candidats retenus pour l'élection générale. Le vote pour les primaires aura lieu en juin dans les bureaux de vote installés par les organisateurs, ainsi qu'en ligne, est-il expliqué.

Reste à voir si cette nouvelle coalition démocratique parviendra ou non à obtenir des sièges aux élections régionales cet automne, sans parler de l'élection de 2016 à la Douma. L'alliance paraît déjà un pas décisif pour l'opposition fragmentée de Russie vers une consolidation de ses forces, et dans la politique russe d'aujourd'hui, ce n'est pas à négliger.

Comment le Mozambique a pallié à l'absence de chirurgiens qualifiés

mardi 5 mai 2015 à 20:15
Mme Nilza Munambo écoute un rythme cardiaque foetal. Elle est en charge de la maternité à l'hôpital du district de Chokwe et effectue des césariennes, même si elle est pas un médecin régulièrement diplômé. Crédit: Bridget Huber. Publié avec l'autorisation du PRI.

Mme Nilza Munambo écoute un rythme cardiaque foetal. Elle est en charge de la maternité à l'hôpital du district de Chokwe et effectue des césariennes, même si elle est pas un médecin  diplômé. Crédit: Bridget Huber. Publié avec l'autorisation du PRI.

Cet article et le reportage radio qui l'accompagne ont été réalisés par Bridget Huber pour The World (Le monde) d'abord diffusé sur PRI.org le 27 avril 2015, ils sont reproduits dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

A la maternité de l'hôpital de Chokwe, Mozambique, Mme Nilza Munambo est la responsable.

Lors de sa tournée matinale, elle vérifie l'état de santé d'une femme qui est en convalescence après une césarienne effectuée il y a quelques jours. La mère se porte bien, mais le bébé semble trop faible pour pleurer – et il ne réagit pas aux soins infirmiers.

“Il tétait bien avant,” dit Munambo. “Il suçait le sein une ou deux fois, puis arrêtait. Maintenant, il ne peut même pas le faire “.

C'est une journée normale pour tout médecin – sauf que Mme Munambo n'est pas du tout médecin. Elle fait partie d'une catégorie de travailleurs de la santé qui n'existe pas vraiment aux États-Unis. Ils sont appelés tecnicos ou techniciens, et ils exercent presque la quasi-totalité des opérations de chirurgie au Mozambique. Le pays ne dispose que d'environ 20 chirurgiens diplômés pour une population de quelque 26 millions de personnes.

Une répartition inégale des chirurgiens en Afrique Crédit: David Conrad. Publié avec l'autorisation du PRI

Une répartition inégale des chirurgiens en Afrique Crédit: David Conrad. Publié avec l'autorisation du PRI

Après l'indépendance du Mozambique du Portugal en 1975, il y a eu un exode des médecins. Beaucoup étaient sous contrat avec le gouvernement colonial et retournèrent au Portugal. D'autres ne voulurent pas exercer la médecine sous le nouveau gouvernement socialiste, qui avait aboli le système de soins de santé privés.

La pénurie de médecins n'a fait qu'empirer lorsque la guerre civile a éclaté deux ans plus tard, dit le Dr Fernando Vaz, ancien ministre de la Santé qui est maintenant professeur à l'Institut Supérieur de Sciences de la santé à Maputo.

La situation était “lamentable”, en particulier dans les zones rurales, dit le Prof. Vaz.

“Les gens mouraient des choses les plus simples” dit-il. “Des erreurs tuaient des femmes. Des gens mouraient pour de simples blessures à la jambe par arme à feu”.

C'est ainsi que le Prof. Vaz, qui est chirurgien, a adopté une solution qui devait être temporaire: former des agents de santé de niveau inférieur à la chirurgie de sauvetage – une tactique que plusieurs autres pays africains ont également adoptée.

Le Prof. Vaz estime que les techniciens qui se spécialisent dans la santé maternelle, la pédiatrie ou la chirurgie générale gèrent désormais environ 80 à 90 pour cent des problèmes de santé chirurgicale dans les zones rurales. Cela inclut Mme Munambo, qui fait beaucoup de ce que ferait un obstétricien.

Un patient est préparé pour la chirurgie pour réparer une hernie à l'hôpital rural de Chokwe. Avant que le Mozambique ne commence à former des non-médecins pour faire de la chirurgie, selon l'ancien ministre de la Santé, les gens mouraient de choses comme des fausses couches ou de blessures à l'arme à feu sur la jambe. Crédit: Bridget Huber. Publié avec l'autorisation du PRI

Un patient est préparé pour l'opération d'une hernie à l'hôpital rural de Chokwe. Avant que le Mozambique ne commence à former des non-médecins pour faire de la chirurgie, selon l'ancien ministre de la Santé, les gens mouraient de choses comme des fausses couches ou de blessures à l'arme à feu à la jambe. Crédit: Bridget Huber. Publié avec l'autorisation de PRI

Certains experts médicaux ont soulevé des réserves sur le recours à des cliniciens non-médecins, mais des enquêtes sur le travail des techniciens chirurgicaux au Mozambique et ailleurs révèlerait que les taux de complications dans les opérations qu'ils effectuent sont à peu près les mêmes que dans celles effectuées par des médecins diplômés.

Le travail ne va pas sans difficultés, cependant. Pendant que j'étais dans le bloc opératoire avec le collègue de Mme Munambo, M. Victor Muitiquile, il y a eu une coupure de courant alors que M. Muitiquile se préparait à opérer un homme qui avait été poignardé.

L'hôpital a récemment obtenu un générateur, mais il ne fonctionne pas encore, alors ils ont dû envoyer quelqu'un pour trouver une source de lumière. Le patient était agité, bougeait sur la table et M. Muitiquile essayait de le calmer afin qu'il puisse lui recoudre la blessure.

Quelques minutes plus tard, une infirmière est revenue avec une lumière – une petite source de lumière. C’était un petit téléphone portable Nokia. M. Muitiquile et l'infirmière ont levé leurs yeux en l'air et se sont mis à rire un peu tristement.

L'attente à l'extérieur de la maternité de l'hôpital de Chokwe. Crédit: Bridget Huber. Publié avec l'autorisation du PRI

L'attente à l'extérieur de la maternité de l'hôpital de Chokwe. Crédit: Bridget Huber. Publié avec l'autorisation du PRI

“Pauvreté! C'est la pauvreté absolue ici”, dit M. Muitiquile.

Le Mozambique est l'un des pays les plus pauvres au monde. Mme Munambo et M. Muitiquile font face à un grand nombre de difficultés matérielles qui n'ont rien à voir avec leur formation. Les radiographies aux rayons X deviennent trop sombres pour la lecture ; les gommages sont rares car ils sont tous lavés à la main.

Devenir technicien chirurgical implique des sacrifices personnels, aussi. M. Muitiquile a quitté sa famille dans la capitale, Maputo, et ne la voit que quelques fois par mois. Mais, assis dans son bureau – dans le noir – il dit que ça vaut le coup.

“Chaque jour, j'aide à soulager la souffrance des gens”, dit M. Muitiquile. C’est [nous] qui sommes dehors, sur le terrain. Nous trouvons des solutions à de vraiment graves problèmes, et nous faisons tout au niveau local “.

Le lendemain matin, Mme. Nilza Munambo se prépare à faire une autre césarienne. La procédure a dû être retardée en raison des pannes d'électricité. Maintenant, la patiente est en travail et elle serre ses orteils à chaque contraction.

La femme a déjà deux enfants et a décidé que celui-ci serait son dernier;  Mme Munambo va la stériliser après l'accouchement.

Mme Munambo fait une coupure dans son abdomen. Il y a d'abord une couche de graisse, puis une couche lisse violacé de muscle – la paroi utérine. Plus tôt que je m'y attendais, Mme Munambo après l'avoir coincé dans sa main et en un seul mouvement, sort un petit être humain visqueux.

“Pas même un cri,” dit Munambo.

Mme Nilza Munambo fait naitre un bébé par césarienne. Crédit: Bridget Huber. Publiée avec l'autorisation du PRI

Mme Nilza Munambo fait naitre un bébé par césarienne. Crédit: Bridget Huber. Publiée avec l'autorisation du PRI

Une infirmière a attrapé la nouvelle-née et l'a extraite.

J'étais un peu hébétée et ne me suis réveillée que lorsqu'une giclée de sang m'a survolé la tête, me manquant de justesse.

Pendant que Mme Munambo et l'infirmière terminaient l'opération, je suis allée à la maternité pour voir le bébé. J'ai entendu dire qu'on allait lui donner de l'oxygène. Mais quand je l'ai vue, elle était dans un nid de couvertures blanches, endormie dans les bras de sa grand-mère.

Bienvenue dans ce monde, fillette.

Le reportage de Bridget Huber a été financé par une subvention du Pulitzer Center for Crisis Reporting (Centre Pulitzer pour les reportages en zones de crise).

Yazan Halwani, artiste de rue à Beyrouth

mardi 5 mai 2015 à 10:06
The Fairuz Mural in Gemmayzeh, Beirut. Photo by Yazan Halwani.

La fresque représentant la chanteuse Fairuz à Gemmayzeh, Beyrouth. Sur Fairuz, Yazan a dit: “Fairuz est un symbole national de la solidarité: elle est surement la seule personne que tous les libanais s'accordent à aimer. Elle est une figure culturelle positive. Elle était aussi l'un de mes premiers portraits, sa fresque m'a servi à recouvrir des affiches politiques qui étaient là depuis des années. C'est intéressant de voir à quel point les gens s'identifient à elle”.  La photo est de Yazan Halwani.

“À Beyrouth
Du fond de mon cœur, j'envoie de la paix à Beyrouth,
Et des baisers à la mer et dans les foyers,
Et au Rocher [désigne la Grotte au pigeons] qui est comme le visage d'un vieux marin.
Elle vient de l'âme des gens, du vin,
Elle vient de leur sueur, elle vient du jasmin.
Mais comment se fait-il que son goût se soit changé en celui de la fumée et du feu ?”

Voilà les paroles traduites de la plus connue des chansons de Fairuz, “Li Beirut” (À Beyrouth). Aujourd'hui, cette chanson est souvent citée comme symbole de l'histoire du Liban, pleine de tristesse et de souffrance. Mais les chansons de Fairuz parlent aussi de l'unité de la ville et du peuple  – “Tu es à moi, tu es à moi. Ah, serre moi dans tes bras” – à la fois dans la souffrance et dans l'espoir.

C'est dans cet esprit que Yazan Halwani a voulu reprendre le contrôle des rues pour les rendre plus ‘Beyrouthines’. Son arme ? L'art. Global Voices Online s'est entretenu avec ce jeune artiste de rue libanais, pour comprendre ce qui le portait.

Yazan Halwani in front of the yet-unfinished Fairuz mural in Gemmayze. Source: Facebook.

Yazan Halwani travaillant sur sa fresque de Fairuz à Gemmayze. Source: Facebook.

Global Voices: Peux-tu te présenter?

My name is Yazan Halwani and I am a street artist and calligrapher from Beirut, Lebanon. I have been street painting for around seven years now, mainly in Beirut, the city that inspired it all, but also in Tunisia, Singapore, Dubai, France.

Je m'appelle Yazan Halwani et je suis un artiste de rue et un calligraphe de Beyrouth, au Liban. Je peins dans les rues depuis maintenant sept ans environ, principalement à Beyrouth, la ville qui a inspiré tout ça, mais aussi en Tunisie, à Singapour, à Dubaï, en France.

GV: Peux-tu décrire ton travail?

My current work is a style I have developed myself over the past years. It combines Arabic calligraphy, oriental geometry and patterning and portraiture. I think that my work is also not only about mural painting but more about the relation of the wall to the people and the city it surrounds. For example the Feyrouz mural has become somewhat of a landmark for the people living around it. The owner of the several buildings around it called it:”The most photographed wall in the city”. One time when someone scribbled on the Fairuz mural, someone living next to the mural called me, without knowing who he is, and asked me if I could fix the mural.

Mon travail actuel est un style que j'ai développé moi-même durant les dernières années. C'est une combinaison de calligraphie arabe, de géométrie orientale et de portraits. Je pense que mon travail n'est pas seulement de peindre des fresques sur les murs, mais aussi de m'intéresser à la relation entre les murs, et la ville et ses habitants. Par exemple, la fresque de Fairuz est devenue comme un point de repère pour les gens qui vivent à proximité. Le propriétaire de plusieurs immeubles dans le voisinage l'a appelée “le mur le plus photographié de toute la ville”. Une fois, la fresque de Fairuz a été taguée, et quelqu'un qui habitait à côté, qui ne me connaissait pas, m'a appelé pour que je vienne repeindre la partie abîmée de la fresque…

Yazan's image of what the Lebanese 100,000 LL bill would look like with Khalil Gibran, the Lebanese-American poet and author of "The Prophet".

Une fresque de Yazan qui montre à quoi ressemblerait un billet de 100.000 livres libanaises avec le visage de Khalil Gibran, l'auteur libano-américain de “Le Prophète”. “Apparemment, quelqu'un a suggéré au chef de la Banque du Liban d'utiliser ce billet, mais d'après ce que j'ai entendu, ça a été très vite oublié à cause des complications que le fait d'ajouter Gibran à un billet pourrait engendrer.” Photo de Yazan Halwani.

GV: Qu'est ce qui t'a inspiré ce travail?

I have developed over the years. I have started my work as a graffiti artist being inspired by the graffiti scene in Europe and the US, where graffiti artists write their name in flashy and colorful ways. After a few years of doing that, I started questioning the relationship the relation of my work within a city in the Middle-East: at the time, it was somewhat alien from its surroundings, I realized that writing my name was not really different than what political parties have been doing around the city. I needed to change direction.

One day, I stumbled across a book of the five main calligraphy scripts (Diwani, Koufi, Thuluth, Naqsh, etc.) and decided to change my style: instead of doing my “alias”, I would paint words, letters, images that fit much better within the city, the culture and the context. At this stage I thought that a good mural is one that talks to the citizens surrounding it: it becomes part of the city and it becomes theirs, not the artist's.

J'ai développé ça au fil des années. J'ai commencé mon travail comme graffeur, j'étais inspiré par des noms du graffiti en Europe et aux États-Unis, où les artistes écrivent leur nom avec pleins de couleurs flashy. Après quelques années passées à faire ça, j'ai commencé à me demander quels liens avait mon travail avec une ville du Moyen-Orient: à l'époque, ces graffitis étaient comme des extra-terrestres dans la ville. J'ai réalisé qu'écrire mon nom n'était pas vraiment différent de ce que les partis politiques faisaient dans toute la ville. Je devais changer de cap.

Un jour, je suis tombé sur un livre sur les cinq calligraphes principaux (Diwani, Koufi, Thuluth, Naqsh, etc.), et j'ai décidé de changer de style: au lieu d'écrire mon “blaze” [pseudonyme que se donne un graffeur], j'allai peindre des mots, des lettres, des images qui s'intègrent mieux à la ville, à sa culture et au contexte. C'est à ce moment là que j'ai commencé à penser qu'une bonne fresque était une fresque qui parlait aux citoyens autour d'elle: elle devenait un élément de la ville et appartenait alors au citoyen, non à l'artiste.

Palestinian poet Mahmoud Darwish in Hamra, Beirut. This mural was vandalized and Yazan decided to repaint it in Tunisia, where Darwish spent a part of his life.

Le poète palestinien Mahmoud Darwish à Hamra, à Beyrouth. Cette fresque a été vandalisée et Yazan a décidé de la peindre à nouveau en Tunisie, où il a passé une partie de sa vie. Sur Darwish, il dit: “Personnellement, j'adore Darwish à la fois pour sa poésie mais aussi pour sa position à propos du conflit palestinien. La première fois que je l'ai peins, c'était près de la rue Hamra, dans une rue qu'il a probablement beaucoup arpentée quand il était à Beyrouth. Malheureusement, quelqu'un a décidé de lui jeter de la peinture à la figure. Au lieu de le repeindre au même endroit, j'ai décidé de le repeindre dans un endroit protégé de tout vandale. J'ai emmené Darwish dans les rues de Tunisie, un pays qui l'a accueilli aussi. La calligraphie est un poème de lui qui dit “Est-il possible de se guérir de l'amour qu'on porte à la Tunisie”.

C'est pourquoi chaque fresque essaie d'avoir un lien avec les histoires des gens qui vivent autour : la fresque d’Ali Abdallah représente un homme sans abri qui est mort de froid, et tente de pousser les gens à être charitables, tout en leur rappelant leurs responsabilités sociales.

Mural of Ali Abdallah, a homeless man who lived in the Hamra neighborhood. He died from the cold.

Fresque d'Ali Abdallah, un homme sans abri qui vivait dans le quartier de Hamra. Il est mort de froid. Photo de Yazan Halwani.

Car Yazan ne peint pas seulement des gens célèbres. L'histoire d'Ali Abdallah est particulièrement marquante. De la bouche de Yazan:

Some people told me that I “paint famous people”, this is not true. I paint faces that tell stories, and are part of our culture. One of my favorite murals is the one of “Ali Abdallah”, a homeless man living on Bliss street.

Ali's existence was surrounded by urban legends about how he became homeless. Some of them say he was a physics teacher that had a scaring experience during the Civil War. The one thing everyone agreed on was their love for Ali.

Despite that, on one of the coldest winter nights, Ali passed away. This tragedy triggered several short-lived initiatives to try to help the homeless in Beirut. After a few months everybody seemed to have forgotten about Ali's story. This is why I painted the mural to remind people of his friendly face, and also to remind people on an everyday basis of these short-lived initiatives.

Certaines personnes m'ont dit que je “peignais des gens célèbres”, ce n'est pas vrai. Je peins des visages qui racontent des histoires, et qui font partie de notre culture. Une de mes fresques préférées est celle de “Ali Abdallah”, un homme sans domicile qui vivait dans la rue Bliss.

L'histoire d'Ali et la manière dont il était devenu sans abri donnaient lieu à pleins de légendes urbaines. Certains disaient qu'il était un ancien professeur de physique qui avait eu des expériences traumatisantes pendant la guerre civile. La seule chose sur laquelle les gens étaient d'accord, c'est l'amour qu'ils portaient à Ali.

Et malgré ça, durant l'une des nuits les plus froides d'hiver, Ali est mort. Cette tragédie a déclenché plusieurs initiatives ponctuelles pour aider les personnes sans abri à Beyrouth. Mais après quelques mois, tout le monde semblait avoir oublié l'histoire d'Ali. C'est pour ça que j'ai peint la fresque, pour rappeler aux gens son visage amical, et pour que les gens se rappellent chaque jour l'intérêt de ces initiatives ponctuelles.

Mural of Asmahan, the popular Syrian-Egyptian singer, actress and popular icon. Seen in Achrafieh, Beirut. Photo by Yazan Halwani.

Fresque de Asmahan, la fameuse chanteuse et actrice syro-égyptienne, qui était aussi une icône populaire. Fresque vue à Achrafieh, à Beyrouth. Photo de Yazan Halwani.