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Pourquoi une Britannique d'origine éthiopienne a participé aux élections générales du Royaume-Uni

samedi 17 juin 2017 à 17:33
Andy Tsege, militant de la démocratie enlevé risque l'exécution en Ethiopie. Arrêt sur Image d'une vidéo YouTube

Andy Tsege, un militant éthiopien de la démocratie enlevé, risque l'exécution en Éthiopie. Arrêt sur Image d’une vidéo YouTube

Yemi Hailemariam, une Britannique d'origine éthiopienne, s'est présentée aux élections législatives en candidate indépendante contre la Première ministre Theresa May, afin d'attirer l'attention du public sur le sort de son mari, Andargachew Tsege.

M. Andargachew ‘Andy’ Tsege est un citoyen britannique né éthiopien qui vivait à Londres avec sa femme et ses trois enfants depuis plus de quatre décennies. Il a été kidnappé par des agents de sécurité éthiopiens.

Le 23 juin 2014, le vol d'Andy est arrivé à l'aéroport de Sanaa au Yémen, où il devait prendre une correspondance pour Asmara, la capitale de l'Érythrée. Les autorités yéménites ont arrêté M. Andy et l'ont extradé vers l'Éthiopie où il a été condamné à mort, accusé d'avoir comploté pour renverser le régime en 2009.

M. Andy avec sa famille. Photo téléchargée

Andy avec sa famille. Photo téléchargée

Yemi a participé aux élections législatives britanniques comme candidate indépendante dans la circonscription de la Première Ministre Theresa May. Elle a eu peu de voix, mais sa campagne a été efficace car elle a pu plaider sa cause directement auprès de la première ministre.

Fier de Yemi Hailemariam, la femme de AndyTsege qui a fait tout le chemin jusqu'à Maidenhead pour rencontrer Theresa May et demander la libération de Andargachew

Pendant la soirée électorale, Yemia portait un t-shirt avec le message ‘Free Andy Tsege’ (Libérez Andy Tsege) imprimé dessus pour serrer la main à Mme May.

Rencontre de candidates. Deux en rouge ; l'une heureuse, l'autre non. Si Theresa May essayait de faire libérer AndyTsege, elle se sentirait mieux

Sur Facebook, Abebe Gelaw, directeur exécutif de la chaîne de télévision par satellite de la diaspora ESAT, a écrit :

La gagnante c'est Mme Yemi ! J'ai regardé les résultats des élections britanniques en direct sur la BBC. Malgré les difficultés qu'elle s'est cherché elle-même, la Première ministre britannique Theresa May a gardé son siège dans la circonscription électorale de Maidenhead, qu'elle occupe depuis 1997. Mais ce n'est pas cette partie qui a retenu mon intérêt sur l'écran.

Il y a eu plein de candidats qui sont passés sur l'écran avec la PM. Mais pour moi, c'est une femme vibrante et créative portant un t-shirt avec le message “Libérez Andy Tsige”, qui se détachait comme la gagnante. Mme Yemi Hailemariam a décidé de participer aux élections contre Mme May pas pour la battre, mais juste pour attirer l'attention de l'opinion sur l'indifférence de la Première ministre britannique et de son gouvernement au sort de Andargachew Tsigie, citoyen britannique naturalisé et père de ses trois enfants.

Yemi a non seulement obtenu quelques voix, mais aussi une plate-forme nationale pour sensibiliser l'opinion aux souffrances d'un combattant de la liberté illégalement kidnappé et renvoyé en Éthiopie, qui croupit toujours en prison.

Depuis l'été 2014 Yemi, avec ses trois enfants, mène campagne pour le retour de son mari Andy.

Andy, qui fait partie de l'opposition diversifiée de la diaspora au régime éthiopien, a été accusé par le gouvernement d'avoir alimenté les récentes manifestations anti-gouvernementales dans son pays d'origine. Il faisait partie du groupe d'opposition Ginbot 7.

Depuis octobre 2016, l'Éthiopie est en situation d'urgence à mesure que s'accroît le sentiment anti-gouvernemental. Dans la répression qui a suivi, un certain nombre de dirigeants de l'opposition ont fui le pays ou ont été emprisonnés.

Les personnalités de l'histoire africaine que le reste du monde devrait mieux connaître: Richard Ratsimandrava

vendredi 16 juin 2017 à 17:56

Capture d'écran du documentaire sur Richard _Ratsimandrava sur YouTube

Cet article fait partie d’une série d’articles sur les personnalités de l’histoire africaine méconnues du grand public et qui gagneraient à être mieux comprises selon la rédaction de Global Voices. Cette série essayera de faire mieux comprendre ces personnalités et le contexte dans lequel elles évoluaient mais nous essayerons aussi de faire une critique de la façon dont ces personnages ont été présentées au reste du monde. 

A) L’essentiel

Nom: Richard Ratsimandrava
Date de naissance: 21 mars 1931
Rôle: Colonel de l’armée, commandant de la gendarmerie nationale, Ministre de l’intérieur et Président de la République.

B) Pourquoi il faut le connaitre

Richard Ratsimandrava est connu pour avoir été porteur du concept de gouvernance via le fokon’olona à Madagascar, un conseil des sages dans les villages réunissant les différents membres d'un ou de plusieurs clans. Alors que le modèle de gouvernance français avait été imposé sur toute l’île pendant la période coloniale puis maintenu pendant la présidence de Tsiranana, Ratsimandrava a souhaité revenir aux sources du modèle traditionnel de la société malgache. Ces mesures avaient été prises aussi dans l’optique de réconcilier les différentes mouvements politiques malgaches qui s’étaient affrontés violement de 1970 à 1971. En effet, l’année 1970 est une période charnière pour Madagascar qui traverse pour la première fois depuis son indépendance une crise politique importante. En 1972, des protestations politico-sociales massives sont dirigées contre le président Philibert Tsiranana qui confie le 18 mai 1972 les pleins pouvoirs au général Gabriel Ramanantsoa, chef d'état-major de l'armée. Gabriel Ramanantsoa entame alors une période de réconciliation politique mais cet effort ne porte pas de fruits et Ramanantsoa démissionne dans un contexte de crise politique profonde politique au profit du colonel Richard Ratsimandrava le 5 février 1975 qui était alors ministre de l’intérieur.
Richard Ratsimandrava fut choisi comme président car il était porteur d’une politique qui s'établit sur :
• Un développement national via le « fokon'olona »,
• La malgachisation de l'économie basé sur une économie locale et rurale.
• La décentralisation des pouvoirs.

Ce programme ne fut jamais mis en place car Ratsimandrava fut tué une semaine après sa prise de fonction. Il n’y a jamais eu de conclusions définitives sur les tenants et aboutissants de cet assassinat malgré la longue enquête menée par le Général Gilles Andriamahazo. Le procès fut finalement abrogé pour apaiser les tensions grandissantes dans tout le pays.

C) Ce que vous ne trouverez pas sur wikipédia

Ratsimandrava a marqué le subconscient des malgaches de sa génération. Il est moins connu des livres d'histoire et encyclopédie car son mandat a été écourté par sa mort soudaine. Mais de nombreux hommages se trouvent sur la toile: des poèmes, des témoignages etc. En voici quelques uns:

Par Maryse RANDRIANASOLO: 

TSY ADINOINA
Na dia eo aza ny fisarahana
Tsy adinoina ireo fotoana mamy niarahana
Misoritra ato an-tsaiko sy ato am-poko
Ireo tsiaro mampisento ka tsy foiko

Je n'oublie pas

Même si il y a eu une séparation,
Je n'oublie pas les moments heureux ensemble
C'est gravé dans mon âme et dans mon coeur
Car les souvenirs me font languir mais je ne peux m'en passer

 

Faly R, pour Orange.mg:

C’est à ce grand homme que l’on devait le terme « Fokonolona » car sa politique était basée sur le fait que le peuple rural devait être au centre des structures institutionnelles et économiques. Lorsque Ramanantsoa lui a légué le pouvoir, il s’est mis en tête de restructurer ce fameux cadre du « fokonolona » en prenant comme base les initiatives des villageois qui trouvent leurs financements dans leur propres transactions.


D) L’anecdote qui pourrait vous surprendre 

Richard Ratsimandrava est à ce jour le président de la république avec le 2ème plus court mandat de l’histoire : 1 semaine du 5 au 11 février 1975.
La présidence la plus courte est celle de Pedro Lascurain au Mexique qui dura moins d’1 heure le 18 février 1913.
En 3ème position vient William Henry Harrison, président des USA pendant 1 mois, du 4 mars 1841 au 4 avril 1841.

E) On ne peut pas plaire à tout le monde

Apprécié du public malgache en général, Richard Ratsimandrava n'avait pas que des supporteurs au sein de la classe politique malgache des années 1970. L'accent sur la malgachisation de l'économie n'agréait pas toujours avec la ligne politique du gouvernement précédent. De plus, il était au commande de la gendarmerie nationale qui a réprimé les premiers soulèvements entre 1970 et 71.

F) Une image/vidéo vaut bien mille mots

Cérémonie de commémoration de la mort de Richard Ratsimandrava en 2013 à Ambohijatovo Ambony:

Comment rendre l'agriculture urbaine plus durable ? Un homme palestinien en a fait sa mission.

jeudi 15 juin 2017 à 22:25

Ce billet, écrit par Todd Reubold, a été initialement publié en anglais sur le site Ensia.com, une revue en ligne mettant en lumière les solutions mises en oeuvre dans le monde pour préserver l'environnement. Il est reproduit par Global Voices dans le cadre d'un accord autorisant le partage de contenu.

Partout dans le monde – des États-Unis au Moyen-Orient, l’agriculture urbaine [en] contribue à nourrir une population mondiale croissante.

La vidéo ci-dessus nous emmène à la rencontre de Said Salim Abu Naser, un habitant de la ville de Gaza, sur la côte méditerranéenne de la Palestine, qui défend l'agriculture durable dans son travail et au quotidien.

Saïd Salim Abu Nasser a créé une micro-ferme de 200 m², qu'il cultive grâce à un système hydroponique (1). Il utilise des produits antiparasitaires biologiques, qu'il élabore lui-même à partir d'ail, de poivre et de savon notamment.

Chaque année, il produit environ 3 500 kg de nourriture – soit suffisamment pour nourrir 30 personnes. Peut-être plus important encore, sa ferme urbaine pourrait servir de modèle à d'autres personnes aspirant à cultiver durablement de quoi se nourrir, à une plus petite échelle.

Cette vidéo a été produite, réalisée et publiée pour Ensia par Yasser Abu Wazna, réalisateur free-lance exerçant en territoires palestiniens.

(1) L’hydroponie est une technique de culture hors-sol qui utilise des solutions nutritives renouvelées et un substrat inerte (minéral ou végétal) pour se passer du support et des apports d'un sol.

PHOTOS et VIDÉOS : Les destructions massives de la bataille de Marawi, aux Philippines

jeudi 15 juin 2017 à 12:42

Bâtiments détruits à Marawi même. Photo de Maulana Mamutuk, publiée avec autorisation.

Le 23 mai 2017, un groupe aux liens supposés avec l'EI a lancé une attaque contre des quartiers de la ville de Marawi, sur l'île de Mindanao, dans le sud de l'archipel philippin. Le gouvernement a riposté en déclarant la loi martiale à Mindanao afin de pourchasser les attaquants et d'empêcher la dissémination de l'EI dans d'autres agglomérations.

La bataille entre l'armée et le groupe insurgé connu sous le nom de Maute a forcé l'évacuation massive des habitants de Marawi. Au 7 juin, plus de 46.000 familles, soit 220.000 personnes, étaient déplacées de leurs foyers. Les autorités ont indiqué avoir mis à disposition 33 centres d'évacuation, mais leur capacité ne dépasse pas 18.000 personnes.

Après trois semaines en plein champ de bataille, des centaines de maisons et autres édifices de Marawi sont en ruines. L'étendue des destructions a été révélée lorsque sauveteurs, habitants et journalistes ont mis en ligne des photos et vidéos de Marawi proprement dit.

Le groupe Maute est accusé de la destruction, mais l'armée a sa part de responsabilité du fait de ses frappes aériennes continues. L'armée a prétendu mener des ‘frappes chirurgicales’, mais des habitants ont affirmé que les bombes sont lâchées sans discrimination.

Le maire de Marawi, Majul Gandamra, s'attriste des destructions dans sa ville :

Je pleure pour tous les civils tués sans pitié, je pleure pour les foyers perdus de mes administrés, et je pleure pour la perte de la vraie essence de l'Islam chez les individus qui ont causé toutes ces destructions de nos vies et de nos biens.

Au 30 mai, les autorités indiquaient que 19 civils avaient été tués par les terroristes.

Ce sont les civils ordinaires qui endurent le plus de souffrances, alors que la crise s'éternise. Et même si les affrontements cessent prochainement, reconstruire Marawi sera sans doute une tâche autrement difficile au vu des destructions causées par les combats entre l'armée et les insurgés.

Voici des photos et des vidéos montrant la situation à Marawi aujourd'hui :

Des soldats conduisent une opération de nettoyage à Marawi. Photo de Najib Zacaria, reproduite avec autorisation.

Blindés et soldats déployés à Marawi pour éliminer les derniers membres du groupe Maute. Photo de Najib Zacaria, reproduite avec autorisation.

Une rue désertée dans ce qui était un carrefour animé de Marawi. Photo de Maulana Mamutuk, reproduite avec autorisation.

“Ce n'est pas Alep. C'est Marawi City”, a écrit le journaliste de télévision Gerg Cahiles. Source: Facebook et Instagram

Un marché couvert converti en centre d'évacuation temporaire. On voit des habitants alignés pour une distribution de secours d'urgence par l'administration locale. Photo extraite de la page Facebook de la municipalité de Marawi City.

Etre une femme noire dans la police nationale espagnole

jeudi 15 juin 2017 à 12:01
C.A.E.O. en su uniforme. Foto usada con permiso.

C.A.E.O. en uniforme. Photo publiée avec autorisation.

Cet article est une adaptation de l'interview réalisée par Lucía Mbomío (LC) publiée initialement sur le site Afroféminas - communauté en ligne pour les femmes noires d'ascendance africaine. Il est reproduit ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu. [NdT : Le tutoiement, propre à la langue espagnol, a été maintenu dans cette traduction]

Lorsque C.A.E.O. (elle a préféré être nommée par ses initiales pour cet interview) préparait le concours pour devenir policière, elle en était presque arrivée à penser qu'elle ne pourrait pas l'obtenir tant les référents manquent cruellement dans ce secteur, et tant son entourage était peu confiant dans ses chances de réussir. Cependant, elle a persévéré et n'a pas renoncé pour finalement réaliser son rêve d'enfance il y a maintenant presque 10 ans de cela, et prouver ainsi à ceux qui doutent que c'est possible d'y arriver.

Lors de son interview, elle nous a parlé de machisme et de racisme, mais aussi de l'amour qu'elle porte à son métier.

L.C.: Que représente le fait d'être une femme policière et noire en Espagne ?

C.A.E.O.: Je ne fais aucune différence avec une policière blanche, mais il est vrai que c'est une grande fierté d'être une femme policière et et de surcroît noire, en dépit des préjugés qui existent dans notre société.

L.C.: Qu'est-ce qui te plaît le plus dans ton métier ?

C.A.E.O.:  Le travail que l'on accomplit dans de nombreux domaines, aussi bien les enquêtes que l'aide aux citoyens.

L.C.: Qu'est-ce qui est le plus compliqué ?

C.A.E.O.:  Savoir réagir face à tout type de situations, et savoir discuter avec tout type de personnes.

L.C.: Te souviens-tu du plus beau jour de ta carrière dans le corps national de la police (Cuerpo Nacional de Policía) ? Raconte-nous !

C.A.E.O.: Bien que cela n'ait rien à voir avec le travail de policier, le plus beau jour de ma carrière a été lorsque je me suis présentée dans un bureau du commissariat d'Algésiras pour faire un stage, et que le collègue qui m'a reçue, m'a dit sans même me laisser placer un mot, que si je venais pour mettre en règle mes papiers d'immigration, c'était au premier étage.

Aujourd'hui, ce collègue, c'est mon mari.

L.C.: Crois-tu que la crise économique a transformé la police ? De quelle façon ?

C.A.E.O.: Elle ne l'a pas transformée, car la police occupe toujours les mêmes fonctions. Par contre, avec  la crise et le chômage, le nombre de candidats au concours a augmenté.

L.C.: Parlons maintenant d'égalité entre les sexes, combien y a-t-il de femmes dans le commissariat où tu travailles ?

C.A.E.O.: Là, je suis un peu embarrassée, car je ne saurais pas te donner un nombre exact ou même approximatif, mais nous sommes assez nombreuses.

L.C.: Estimes-tu que ton entourage au travail est machiste ?

Si l'on considère que l'on vit dans une société machiste en général, oui, on peut dire qu'il y a du machisme dans la police comme partout ailleurs. Dans ma profession, c'est quelque chose que l'on ressent un peu, surtout chez les collègues les plus anciens bien qu'ils soient de moins en moins nombreux.

Elle ajoute qu'en matière d'égalité des sexes , elle n'observe pas d'évolution dans les mentalités depuis qu'elle a passé le concours.

L.C.: Et en ce qui concerne la couleur de peau, y avait-il beaucoup de personnes noires dans l'académie de police ?

Non, dans ma promo il y avait une métisse et moi même, mais il y avait aussi des gens d'origine arabe et une personne originaire d'Amérique Latine. Quand on sait que nous étions 2.500 au total dans l'école de formation, on peut dire en effet que nous étions peu nombreux.

L.C.: Connais-tu d'autres personnes noires même affectées dans d'autres régions ?

J'en connais personnellement cinq : deux filles métisses, un garçon dans la Police Nationale et deux autres dans la Guardia Civil qui sont tous de couleur. Mais je suis sûre qu'il y en a d'autres.

C.A.E.O. con uniforme de policía y vestida de civil. Foto usada con permiso.

C.A.E.O. en uniforme de policière et en tenue civile. Photo utilisée avec autorisation

L.C.: La Police Nationale est très critiquée, et entre autres choses, on l'accuse de racisme en raison des contrôles au faciès. Étant donné que tu y travailles, que penses-tu de ces critiques ?

Je crois que c'est une forme de défense qu'adoptent les citoyens étrangers de façon bien souvent inutile et simpliste. Dans la police, il y a différentes brigades, et chacune d'elles a ses propres missions, et en fonction de ce qu'elle recherche, elle va contrôler certaines personnes plutôt que d'autres.

Moi, j'ai fait des missions de police en uniforme sur le terrain, et j'ai donc dû contrôler voire même arrêter un étranger qui a fini par me traiter de raciste, et me dire que je l'arrêtais ou le contrôlais parce qu'il était noir.

Je pense que c'est une arme à double tranchant. Mon mari dit que la police l'a arrêté plus de fois durant ces 8 ans que dure notre relation, que pendant les 40 ans de son existence, et je pense que c'est moi qui en suis la cause. Je veux dire par là que si l'on arrête une personne noire, ce n'est pas par racisme, mais pour un fait concret.

A d'autres moments, des personnes en situation irrégulière peuvent être recherchées en Espagne. Dans ce cas là, lorsque je me promène avec mon mari, il y a plus de probabilité pour que la personne irrégulière ce soit moi plutôt que lui.

Ceci dit, je reconnais que le fait de systématiquement t'arrêter pour contrôler tes papiers, c'est gênant, et d'autant plus lorsque ce n'est pas parce que tu te trouves dans une zone à risque ni que tu as eu un comportement étrange et suspect.

L.C.: Comment penses-tu que l'on pourrait changer cette mauvaise image de la police ? (formation interne, présence dans les médias, augmentation du nombre de policiers noirs…)

[…] Le racisme est présent partout, et je ne n'accepte pas et ne n'accepterai jamais les idées toutes faites. Ce n'est pas avec une formation que tu vas supprimer le racisme. C'est ton expérience personnelle quotidienne et l'éducation que tu as reçue qui font que tu perçois et ressens les choses différemment.

Faut-il qu'il y ait davantage de personnes noires au sein de la police ? Je suis née en Espagne, mes parents sont venus ici lorsque j'avais 6 ans, j'ai toujours côtoyé des gens de couleur, et à vrai dire, dans mon cercle de connaissances, je n'ai jamais entendu personne dire qu'il se présentait au concours de la Police Nationale.

Cela pour dire que s'il y a peu de gens de couleur dans le Corps National de la Police, c'est peut être parce qu'ils pensent eux-mêmes que c'est impossible, inatteignable, tout comme je le pensais moi-même. Lorsque je préparais le concours, mon cercle d'amis proches me disait que je n'allais pas être reçue car j'étais noire. Quand j'ai passé l'examen, une petite voix en moi me disait que cela ne servait à rien, car à force de l'entendre dire j'avais fini par le croire. Du coup, souvent lorsque je rencontrais des gens et qu'ils me demandaient “et toi que fais-tu dans la vie ?, par peur qu'ils se moquent de moi, je répondais ” je prépare des concours administratifs”.

L.C.: Compte tenu du fait qu'il y a peu de personnes de couleur au sein de la police, quelle est la réaction des gens lorsqu'ils te voient ? Et comment réagissent les policiers eux-mêmes ?

Pour les gens de l'extérieur et pour les collègues, je suis un cas peu banal. On m'a souvent demandé si j'étais espagnole. Je peux comprendre que des personnes qui ne font pas partie de la profession te posent cette question car ils ne connaissent pas les pré-requis pour se présenter au concours, mais lorsque ce sont mes collègues qui la posent, cela me choque davantage.

L.C.: As-tu une anecdote amusante (positive ou négative) à ce sujet ?

J'en ai tellement que je pourrais écrire un livre. Je ne saurais te dire laquelle est positive ou négative car je me fous complètement des commentaires sur ma vie personnelle.

Une fois, alors que j'étais en service en uniforme durant les élections générales espagnoles, un homme est venu me dire “excusez-moi, vous êtes policière ?” J'ai été prise d'un fou rire et je lui ai répondu que non, que je portais un déguisement que je venais d'acheter au coin de la rue.

Une autre fois, alors que j'étais en service en uniforme dans un Centre d'Internement pour étrangers (CIE), un collègue appartenant à une autre équipe est entré, et j'ai cru que c'était une personne internée qui s'était déguisée en policier pour faire une blague.

Il nous est arrivé avec mon mari de devoir présenter nos papiers à la police. Pour lui, ils ont jeté rapidement un œil sur sa carte professionnelle et sa plaque. Par contre, pour moi, ils me l'ont retirée des mains, l'ont prise, et regardée sous tous les angles comme si j'étais une extraterrestre.

Un jour, alors que j'étais à Barcelone, à l'occasion d'une messe pour célébrer notre Saint Patron, j'ai dû lire un discours. En sortant de l'église, une femme s'est approchée pour me dire que j'avais très très bien lu en espagnol.

Des histoires comme celles-ci, j'en ai à n'en plus finir. Toutes ces anecdotes prouvent que les gens d'une manière générale, qu'ils appartiennent ou non au Corps National de la Police n'acceptent pas aisément la présence de femmes noires en uniforme.

Quels conseils donnerais tu à d'autres personnes (femmes, hommes, noir(e)s ou pas) qui voudraient devenir policiers?

Je dirais qu'il n'y a rien dont la persévérance et les efforts ne viennent à bout. Je leur dirais aussi de ne pas partir avec des idées préconçues, tout du moins pas avant d'avoir tenté leur chance.