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Vidéo : Des jeunes Saoudiennes blâmées de leur agression devant un centre commercial

mercredi 23 octobre 2013 à 21:34
A screenshot from the video which shows the scuffle between the man and the girls

Capture d'écran de la vidéo montrant l'altercation entre l'homme et les jeunes filles

Une vidéo montrant des jeunes hommes harcelant des femmes dans un centre commercial de Dhahran, la province orientale de l'Arabie saoudite, sème la tempête sur internet.

Cette vidéo de l'incident montre des assaillants poursuivre des jeunes filles hors d'un centre commercial, et l'altercation qui s'ensuit entre elles et quelques-uns des garçons. D'autres versions de la vidéo ont été retirées de YouTube après le tollé.

Dans cette vidéo de YouTube, toujours disponible, cccoppwew rend les jeunes filles responsables, pour ne s'être pas assez couvertes [arabe] :

اختي خروجك بحجاب سافر وارتياد الاسواق بدون محرم وبدون ضروره لعدم وجود اغراض معك يدل على عدم الضروره احمي نفسك من ضعاف النفوس والله لو كنتي ملتزمه بحجابك واخذتي اغراضك الضروريه لما تعرض لك احد

الحمد لله على الستر

Ma soeur, tu es sortie de chez toi sans hidjab (voile) approprié, qui ne te recouvre pas complètement et allée dans un centre commercial sans chaperon masculin et sans nécessité puisque tu ne portes aucun sac avec des achats. Protège-toi des faibles. Si tu te vêtais correctement et allais au centre commercial pour finir d'acheter le nécessaire, nul ne t'aurait empêchée.
Remercie Dieu pour la chasteté.

Les jeunes filles avaient beau avoir les cheveux couverts et porter une abaya, le grand manteau noir qui dissimule complètement le corps, le brouhaha serait venu de ce qu'elles ne s'étaient pas aussi couvert le visage.

Les commentaires sur leur tenue reviennent sur Twitter, sous le mot-dièse [arabe] #تحرش_شباب_بفتيات_بالشرقيه signifiant ‘Les Jeunes harcèlent les filles dans la province orientale'.

Manar Alkhalidi pointe lui aussi un doigt accusateur sur ces filles :

Je reconnais qu'il y a des jeunes gens sans vergogne et qui ne craignent pas Dieu, mais si ces filles étaient restées discrètes et n'avaient pas fait étalage [de leur féminité] personne ne les aurait approchées

Cet utilisateur de Twitter se demande lui aussi pourquoi les jeunes filles n'ont pas suivi la tenue stricte imposée aux femmes saoudiennes – entièrement couvertes, de la tête aux pieds, de noir :

Pourquoi n'étaient-elles pas correctement couvertes ? Eve ne sait pas qu'un animal trahit quand il est affamé ?

Par contre, Luma Alnami dit que les hommes sont fautifs :

Certains dont la mentalité est celle d'animaux que nous avons vu sur la vidéo accusent les filles. Vous harcèleriez un sac-poubelle si vous le voyiez bouger.

Sara est du même avis :

Je le répète, peu importe combien la fille montre de son corps, ça n'est pas une excuse pour la harceler à moins d'être un animal.

Et celui-ci se plaint des spectateurs qui ont filmé et publié les vidéos de l'agression :

Le type grotesque qui a filmé l'agression devrait être jugé et arrêté pour faire un exemple à l'intention du troupeau qu'il a filmés faisant étalage de leur absence de virilité.

Tandis que Moheeb Alsheikh demande où étaient les autorités lors de l'incident :

Au cas où nous ignorerions les manières des filles et garçons dans la vidéo et leur éducation, la question est : où sont les autorités ? Où est la sécurité ? Où est la Commission [la police religieuse saoudienne ou Comité pour la Promotion de la Vertu et la Prévention du Vice] ? Et où sont les bons jeunes gens ? Où êtes-vous ?

Khalid a une solution :

La solution est simple : des centres commerciaux réservés aux femmes et ça réglera le problème des deux côtés, parce que les jeunes hommes sont des adolescents et il n'y a pas de loi pour les arrêter ni les femmes de se maquiller

Un souffle nouveau sur la Guinée-Bissau

mercredi 23 octobre 2013 à 20:42

Cet article de Silvia Arjona Martín, a été d'abord publié sur le site AECOS [lien en espagnol comme les suivants sauf indication contraire] sous le titre ”un souffle nouveau sur la Guinée-Bissau” (en portugais) le 26 août 2013; 

Pendant la période de transition qui a suivi le dernier coup d'Etat (en anglais) du 22 avril 2012, la Guinée-Bissau s'est révélée incapable  de subvenir aux nécessités de ses 1,6 millions d'habitants et cette précarité a rendu difficile leur vie quotidienne.

Cadija Mané, sociologue, spécialiste des droits humains, décrit, au bord des larmes, la voix tremblante, le vécu des gens en Guinée-Bissau : 

Il est honteux, misérable et lamentable qu'après 40 ans d'indépendance nous vivions encore dans un pays qu'on ne peut même pas imaginer!

Il n'est pas facile de vivre dans un pays où les services élémentaires comme l'électricité et l'eau potable manquent dans presque toutes les maisons. On peut s'en rendre compte partout : des hôpitaux sans le matériel technique et le personnel nécessaire, des écoles sans enseignants, une sous-alimentation généralisée dans les campagnes, la violation du droit des femmes, les intimidations, la suppression de la liberté d'expression, des trafics de drogue, l'absence de système de communication, etc. 

Le  Programme de développement des Nations unies (PNUD) [en anglais] situe la Guinée-Bissau, un petit pays placé entre le Sénégal et la Guinée Conakry, au 176e rang sur 186 pays. Si l'on ajoute à cela une espérance de vie d'environ 48 ans, un PIB par personne de 1042 dollars, (dollar international [en anglais] constant de 2005, et un taux d'abandon dans les écoles primaires de 88 % …. on commence à se faire une certaine idée des conditions de vie dans ce pays.

C'est un peu moins visible dans la capitale Bissau, si l'on ne regarde pas les nids-de-poule dans l'asphalte, les rues en terre, les tas de détritus abandonnés à chaque carrefour jusqu'aux alentours du palais de la présidence et l'obscurité complète qui tombe sur la ville dès la chute du jour. C'est beaucoup plus évident dans les campagnes où les carences sont majeures et où les difficultés pour se procurer à manger ont commencé à augmenter significativement surtout cette année avec la chute du prix des anacardes ( noix de cajou), produit clé de l'économie locale et principale source de revenus.

 

One of the streets in the centre of Bissau. Photo by Silvia Arjona

Une rue dans le centre de la capitale, Bissau. Photo Silvia Arjona

Selon la FAO [en anglais], la Guinée-Bissau est actuellement dans une période de graves carences liées à la faible production agricole et à l'instabilité politique et qui pourraient concerner environ 260 000 personnes dans le pays.

C'est évidemment pour cela que Fernando Delfín da Silva, ministre des affaires extérieures, de la coopération et de la communauté dans l'actuel gouvernement de transition, a fait de la garantie de la sécurité alimentaire pour tous une priorité politique. Dans son grand bureau près du palais du gouvernement à Bissau, Da Silva s'est montré préoccupé alors qu'il décrivait la situation, s'adressant d'une certaine façon à la communauté internationale :

Quand nous avons commencé il y a bien des années la culture de la noix de cajou, 1 kg de riz était équivalent à 1 kg de cajou. Aujourd'hui, bien au contraire, avec 1 kg de riz on a 3 kg de cajou, ce qui montre bien la détérioration de la valeur du change, un problème très sérieux pour lequel nous avons besoin d'aide.

L'insuffisance d'activité des entreprises impliquées dans le le traitement des noix de cajou (près de 200 000 tonnes sont exportées chaque année) mais aussi d'autres productions agricoles ou minières est la cause principale du développement limité de ce pays. Da Silva souligne que le noeud du problème est réellement le développement des industries de  transformation.

Nous devons transformer nos produits agricoles. Sinon nous n'aurons pas de routes décentes, d'écoles décentes, d'hôpitaux décents et d'institutions publiques décentes. Il est urgent que nous changions et transformions notre modèle économique qui a créé la pauvreté au lieu de la combattre. Et ce n'est pas si difficile que ça, en quatre ou cinq ans, la Guinée-Bissau pourrait réduire significativement son niveau de pauvreté et créer au moins 20 000 postes de travail. Tout cela sans avoir besoin d'une technologie compliquée et sophistiquée…

Il est convaincu que tel est le changement nécessaire que le pays doit poursuivre pour rejoindre un niveau de développement économique social et humain à même de garantir une meilleure qualité de vie pour ses habitants.

Dans la seconde partie de cet article nous en saurons plus sur les ambitions des jeunes membres du mouvement collectif pour l'action   des citoyens créé l'année dernière pour élaborer une réponse à l'indignation populaire.

Seize livres sur l'art de rue en Amérique Latine

mercredi 23 octobre 2013 à 20:23

En Amérique Latine, l'art de rue est d'une grande importance culturelle. Les traditions régionales de mouvements sociaux et de révolution ont permis à cet art de donner une voix à des fractions de la population qui, autrement, ne sont pas entendues. Bien sûr, tout l'art de rue n'est pas orienté politiquement ou socialement de par son contenu, mais il donne souvent un aperçu d'objectifs spécifiques et d'idéaux.

Nick MacWilliam de Sounds and Colours [anglais] a parcouru la boutique en ligne d'Amazon “pour voir ce qui est facilement disponible pour ceux qui s'intéressent à l'art de rue en Amérique Latine.” Il recommande seize livres sur le sujet, qui couvrent Haïti, le Brésil, le Chili, l'Uruguay, la Colombie, le Mexique, l'Argentine et d'autres pays.

Pornographie sur Whatsapp au Brésil : la liberté sexuelle féminine en débat

mercredi 23 octobre 2013 à 20:19

[tous les liens mènent vers des sites en portugais]

Fran, une étudiante de 19 ans, pratique le sexe oral avec son partenaire de 22 ans dans la ville de Goiânia. Le jeune homme la filme avec son téléphone portable, alors qu'elle lui demande “tu veux mon petit cul ? celui-là bien serré” et fait le signal OK en allusion au sexe anal. Quelques jours plus tard, il partage la vidéo grâce à l'application WhatsApp, “un stockage de pornographie involontaire”, où au Brésil, des scènes intimes de couples se regardent sans discernement .

Cet événement a suscité un débat autour du jugement moralisateur, machiste et hypocrite dont l'impact a été fort sur internet ces derniers jours. Sur Twitter et Instagram des centaines de personnes ont posté des photos avec la pose OK et le hashtag #ForçaFran, qui est devenu un meme. Certaines d'entre elles le font en signe de solidarité alors que d'autres le font en signe évident de moquerie, comme l'explique Manu Barem (@manubarem), éditrice du site Youpix:

Imagem retirada da página do Facebook “Força Fran”

Image extraite de la page Facebook “Força Fran”

Il suffit de fouiller dans les messages du tag #forcafran pour se rendre compte que, dans la majorité, ceux qui sont postés par des femmes, révèlent un quelque chose de “comme elle est bête et pas moi”. (jusqu'au jour où vous ferez confiance à un connard ou que vos images seront volées, n'est-ce-pas les filles?). Ainsi, on enregistre un stade nouveau et triste des rebondissements d'un délit en ligne- le machisme qui prend le dessus même sur les initiatives solidaires.

Même les joueurs de foot Neymar et Daniel Alves, qui évoluent dans le club espagnol de Barcelone, ou le chanteur Leonardo, ont posté des photos sur internet avec le signe OK, comme le rapporte le journal local de Goiânia. Samedi dernier, le 12 octobre, durant un match amical entre le Brésil et la Corée du Sud, à Séoul, les supporters ont brandi des banderoles avec le slogan “força fran”. L'image a circulé sur le net, démontrant les répercussions de cette affaire.

En plus des photos et des messages écrits avec des ricanements utilisant le sigle “KKKK”, tellement courant au Brésil, les internautes ont aussi utilisé les réseaux sociaux pour discuter du sujet. Sur Twitter, on a pu lire des commentaires comme ceux-ci :

Sonho com o dia em que o homem que vaza o vídeo será chamado de imbecil e a mulher seja reconhecida como vítima, não piranha #forcafran — Luiz Prisco (@luizprisco) October 9, 2013

 Je rêve du jour où l'homme qui fait circuler la vidéo sera appelé imbécile et la femme reconnue comme victime et non comme salope 

 

Celui qui se trompe, c'est le mec qui a divulgué ces photos et ces vidéos. Qu'il aille se faire foutre pour apprendre à être un homme !#forcafran

#forçafran,o carai. Quem mandou ela ser jacu e sambanga de deixar o homem filmar ela pagando o boquetin.. Sabe que espalha. — Alexandre Couto ™ (@Alexandre_8) -October 9, 2013

#forçafran mon cul. Qui lui a dit d'être stupide et assez naïve pour laisser le type la filmer en train de lui tailler une pipe… On sait que ça circule. 

En soutien à Fran, la journaliste Nathalia Ziemkiewicz du site Na Pimentaria a écrit :

Je regrette beaucoup tous ces commentaires grotesques et agressifs qui ont circulé sur internet. Ils ont été faits par les mêmes personnes qui croient que, si elle était sortie en mini-jupe dans la rue, elle aurait demandé à être violée. Du genre: tu ne veux pas être exposée, alors tu ne devrais pas te laisser filmer. C'est une logique machiste qui inverse les valeurs. C'est toi qui es une pute – ce n'est pas le mec qui est un salaud. Ma chère, notre société est plongée dans ses propres pudeurs. Tu n'as rien fait de mal. Le plus bête dans toute l'histoire, c'est celui (celle) qui a le premier partagé la vidéo d'un téléphone privé sur un réseau infiniment invisible.

Apoio à Fran Forçafran

Image de la page Apoio Fran de Facebook

 

 La page Apoio Fran [je soutiens Fran] a été créée sur facebook et compte déjà plus de 30 000 abonnés. Sur Youtube, Andrea Benetti, une des fondatrices de l'autre page facebook, Moça, você é machista [jeunes fille, tu es machiste], évoque cette affaire. Pour elle, cet épisode illustre comment la société juge la femme à sa façon dont elle pratique le sexe: 

(il y a) le caractère défini à partir de ce qu'elle fait au lit, comme si elle perdait sa valeur…ou comme si elle ne valait rien, (parce que) quelqu'un a vu et est certain de ce qu'elle fait au lit.

La blogueuse et écrivain Nádia Lapa a elle aussi réfléchi au sujet sur son blog Feminismo pra quê [Féminisme pour quoi] hébergé sur le site de la revue Carta Capital:

Fran pratique le sexe. Ce que la majorité d'entre-nous a déjà fait, ou veut vaire, ou continue à vouloir et à faire. C'est quoi son grand péché ? Oui, pratiquer le sexe, avoir du désir et l'exprimer. Simone de Beauvoir parle de la façon dont la société envisage la sexualité féminine : “La civilisation patriarcale a voué la femme à la chasteté ; on reconnaît plus ou moins ouvertement le droit du mâle à assouvir ses désirs sexuels, tandis que la femme est confinée dans le mariage : pour elle, l’acte de chair, s’il n’est pas sanctifié par le code, par le sacrement, est une faute, une chute, une défaite, une faiblesse ; elle se doit de défendre sa vertu, son honneur ; si elle « cède », si elle « tombe », elle suscite le mépris ; tandis que dans le blâme même qu’on inflige à son vainqueur, il entre de l’admiration”. 

Après autant d'exposition, Fran s'est éloignée du magasin où elle travaillait et a porté plainte contre le garçon à la Brigade spécialisée de la prise en charge des femmes de Goiâna. Le jeune homme risque de 3 mois à 1 an de prison pour diffamation s'il entre dans le dispositif de la loi Maria da Penha [NdT: Loi de lutte contre les violences contre les femmes]. Toutefois, il a refusé de remettre le téléphone portable à la police et a gardé le silence durant l'interrogatoire. Il a nié être l'auteur des vidéos. 

“Que les Russes balaient leurs rues eux-mêmes” : les minorités s'interrogent sur la violence ethnique

mardi 22 octobre 2013 à 23:14
Migrants detained at a raid on a Moscow market. Authorities have been cracking down in what some see as an appeal to Russian nationalism. YouTube screenshot.

Des immigrés arrêtés lors d'une descente de police sur un marché moscovite. Les autorités prennent des mesures répressives interprétées par certains comme un appel au nationalisme russe. Capture d'écran de YouTube.

Troubles de l'ordre public, émeutes et saccage d'un entrepôt de fruits et légumes à Moscou dans le quartier de Biriouliovo. La Russie est de nouveau confrontée à sa “question des nationalités” [anglais]. Ces désordres font suite au meurtre d'Egor Chtcherbakov, 25 ans, attribué à un ressortissant d'Azerbaïdjan. 

Les nationalistes “progressistes” et anti-Kremlin tels qu’Alexey Navalny [russe] et Egor Holmogorov [russe] ont utilisé les émeutes comme tremplin pour réclamer la mise en place d'un régime restrictif pour les visas avec les pays sud-caucasiens et d'Asie Centrale. Les blogueurs pro-Kremlin, à l'instar de Stanislav Apetyan [russe], ont  pour leur part attribué ces violences aux tensions religieuses et à l'incompétence des forces de l'ordre. La seule voix absente du débat public est celle des “personnes d'apparence non-slave”, une notion vague désignant les millions de personnes des minorités ethniques de Russie, à la fois les immigrés issus de l'ex-URSS et ceux issus des enclaves internes du Caucase du Nord. C'est peut-être pour ces gens que les enjeux du dialogue en cours sont les plus importants, et certains d'entre eux s'expriment sur la toile. 

Par exemple, un blogueur d'Azerbaïdjan vivant à Bakou, lon43, s'est interrogé [russe] sur la raison pour laquelle les ressortissants du Caucase et d'Asie Centrale en Ukraine et dans les pays baltes n'avaient pas occasionné de telles tensions. Pour lui, la raison en est que les désordres ont été cyniquement attisés pour servir un large éventail d'intérêts nationaux et extérieurs : redéfinir les zones d'influence criminelles de Moscou et pousser les récalcitrants parmi les pays de l'ancien bloc soviétique à adhérer à une union douanière avec la Russie. 

D'autres Azerbaïdjanais se sont montrés plus critiques envers eux-mêmes. Tair Aliev, un chirurgien esthétique de 53 ans, qui a quitté Bakou pour Moscou à l'âge de neuf ans, s'est exprimé par écrit sur la forte incompatibilité de certains de ses compatriotes avec la vie en Russie, et a soutenu que la situation serait déjà devenue critique il y a des années sans la nature “hospitalière, tolérante et nonchalante” des Russes. Dans un billet intitulé “Qui nous empêche de mener une vie normale?” [russe], Tair Aliev constate à quel point la vision qu'il avait de Bakou étant enfant, celle d'une ville culturellement riche et cosmopolite, avait été gâchée par les Azerbaïdjanais qu'il a effectivement rencontrés lors de la disparition de l'Union Soviétique:

Они плохо воспитаны, плохо говорят по русски, многие неопрятны и имеют вид дикарей. Поэтому ещё тогда, в середине 90-х, я стал опасаться, что по национальному признаку буду ассоциироваться с ними

Ils manquent d'éducation, parlent mal le russe, et nombre d'entre eux sont débraillés et ressemblent à des sauvages. C'est pour cette raison que même au milieu des années 90, j'ai commencé à craindre que l'on m'associe à eux en raison de mes origines. 

Le point de vue de Tair Aliev reste largement marginal parmi les minorités russes. Nazim Kalcha, originaire du Kirghizistan et installé à Moscou, constate avec ironie [russe] que les personnes originaires d'Asie Centrale semblent être systématiquement prises pour cibles en réaction aux meurtres de Russes “de souche” commis par les Caucasiens du Nord et du Sud. Dans un texte publié sur le portail d'information en ligne d'Asie Centrale Fergana News, Nazim Kalcha soutient que l'hostilité des Russes n'est qu'une simple projection :

Раздраженному, обманутому и обозленному народу нужен четкий и конкретный враг, с резкими контурами, чтобы выделялся, контрастировал с основной массой. Может, нос побольше, или глаза поуже, для верности еще, чтобы по-русски ни бельмеса, а если и бельмеса, то самую малость.

Les gens énervés, trompés et irrités ont besoin d'un ennemi concret et clairement identifié, aux contours nets, quelqu'un qui contraste fortement avec la masse. Les nez sont peut-être légèrement plus gros, ou les yeux légèrement plus étroits, et pour parfaire le tableau, quelqu'un qui ne parle pas un mot de russe, ou alors juste un peu. 

Les émeutes de Biriouliovo ont été longuement discutées [russe] dans la section dédiée aux commentaires du site d'information ouzbek indépendant UZNews.net [anglais], où de nombreuses personnes se sont montrées furieuses du traitement réservé aux immigrés en Russie. Un visiteur, “hank,” s'exprimant en russe translittéré, en voit la cause dans l'échec de l'Union Soviétique à appliquer une politique efficace des nationalités, faisant une sorte de référence confuse aux Etats-Unis en tant que contre-exemple :

Posmotrite na Ameriku – kakie tam nacionalnosti?? pravilno – vse amerikanci. tak oni reshali razom vse nacionalnie voprosi.Uchites! A v SSSR vsyu dorogu -70 let mi imeli russkiy nacionalniy imperializm.

Regardez les Etats-Unis. Quelles sont les nationalités qui existent là-bas ? C'est exact, ils sont tous Américains. C'est comme ça qu'ils ont résolu d'un seul coup tous les problèmes relatifs à la nationalité. Tirez-en des leçons ! Mais en URSS, pendant ces 70 longues années, nous avons subi l'impérialisme des Russes de souche. 

Un autre visiteur, “Non-Russian” [Non-Russe], opère un retournement de situation sarcastique à propos du régime proposé sur les visas:

Был бы я главой Средней Азии, с Россией отменил бы без визовый режим. Раз народ без работы, пусть лучше едут в ту же Турцию или Корею (там сотни тысяч узбеков трудятся мирно и спокойно, на порядок лучше России и никто никого не гонит не то что бы убивать). Пусть Россияне сами свои улицы подметают, посмотрим смогут ли ваши алкоголики нормально работать.

Si j'étais à la tête de l'Asie Centrale, je supprimerais le régime de libre-circulation avec la Russie. Les chômeurs sont mieux lotis en Turquie ou en Corée (il y a des centaines de milliers d'Ouzbeks qui travaillent là-bas en paix, bien mieux qu'en Russie, et personne ne les persécute , et encore moins ne les tue). Que les Russes balaient leurs rues eux-mêmes, et voyons si vos alcooliques sont capables de travailler correctement.

"Let them sweep their own streets", despite populist nationalism, Russia is heavily dependent on migrant labor.

“Que les Russes balaient leurs rues eux-mêmes” – en dépit du nationalisme des populistes, la Russie est fortement dépendante du travail des immigrés. Photo CC2.0 Cea [anglais]

Indépendamment de ces sentiments, l'Asie Centrale et le Caucase sont extrêmement dépendants de la Russie pour l'emploi et les envois d'argent. Près de la moitié du PIB du Tadjikistan dépend de versements depuis la Russie. Parallèlement, l'économie russe est dépendante de ce vivier de travailleurs immigrés. Tandis que l'économie et l'Histoire continuent de lier entre eux les Russes, les Ouzbeks, les Tadjiks, les Daguestanais et les Azerbaïdjanais, l'immobilisme du pouvoir face à la montée du nationalisme signifie que les relations inter-ethniques continueront à se dégrader.