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La protestation anti-expulsions des demandeurs d'asile afghans en Suède entre dans sa troisième semaine

dimanche 20 août 2017 à 23:36

Une organisatrice de la manifestation sur Medborgarplatsen, à Stockholm – 16 août 2017. Source photo : Kateb Media Group, avec autorisation.

Le sit-in pacifique organisé à Stockholm par des réfugiés et demandeurs d'asile afghans pour exprimer leurs inquiétudes devant les expulsions forcées vers l'Afghanistan a entamé hier sa troisième semaine.

Le mouvement de protestation a commencé le 5 août devant le parlement suédois à Stockholm. Trois jours plus tard, la police resserrait la sécurité sur la place, après que l’attaque par le réseau d'extrême-droite Nordisk ungdom (Jeunesse nordique) contre les manifestants, où trois ont été blessés.

Le lieu de la manifestation a été récemment transféré à la place Mynttorget à Medborgarplatsen, plus grande, à cause du nombre croissant de protestataires.

De nombreux Suédois ont aussi rejoint le sit-in pour exhorter leur gouvernement à cesser les expulsions, notamment de mineurs, vers l'Afghanistan car le pays n'est pas sûr.

Le célèbre chanteur afghan Dawood Sarkhosh a rejoint les protestataires le 17 août, tandis que Shakib Mosadeq et Masoud Hasanzada, deux autres artistes afghans connus, ajoutaient leurs voix au mouvement le lendemain.

Le chanteur hazara le plus populaire Dawood Sarkosh rejoint la manifestation de solidarité avec les demandeurs d'asile afghans à Stockholm

Shakib Mosadeq, comme de nombreux autres Afghans, a quitté l’Afghanistan avec sa famille en 2011 et a demandé l'asile en Allemagne, où il réside actuellement.

Dans un entretien avec The Voice of Refugees publié le 18 août, Mosadeq a reconnu que la participation des chanteurs à la manifestation n'allait pas changer grand chose, tout en ajoutant qu'il avait de l'espoir en un changement d'attitudes envers les demandes d'asile en Suède et ailleurs.

Il notait que des manifestations en Allemagne avaient eu pour résultat la suspension temporaire des expulsions d'Afghans vers l'Afghanistan. La vidéo de l'entretien se trouve ci-dessous.

Parmi leurs arguments contre les expulsions, les protestataires ont forcément insisté sur l'insécurité grandissante en Afghanistan. Les morts de civils dans ce qu'un rapport des Nations Unies a appelé des “attaques complexes” ont connu un pic de 15 % dans le pays dans la première moitié de 2017, pendant que l'insurrection dominée par les talibans semble se renforcer de jour en jour à mesure que le gouvernement central s'affaiblit sous la pression de la corruption et des luttes intestines.

Arrêtez les expulsions de mineurs. Ou mieux, arrêtez toute expulsion de réfugiés.

La situation difficile de la communauté Hazara d'Afghanistan attire plus particulièrement l'attention. Les Hazaras y subissent traditionnellement des persécutions, et souffrent plus que les autres de la détérioration sécuritaire dans le pays.

Les demandeurs d'asile hazaras ont droit à la vie, et qu'on ne les envoie pas à la mort en Afghanistan

La page Facebook officielle du Conseil mondial hazara a rapporté qu'à ce jour, la manifestation a reçu la visite de membres de plusieurs partis politiques, dont le ministre suédois de l'Enseignement supérieur et de la recherche. Le Premier ministre et le ministre de l'Immigration ont aussi écrit des lettres aux protestataires. Les décideurs ont cependant réaffirmé que la demande essentielle des manifestants  — l'arrêt de toute expulsion — était irréalisable.

Le Service suédois de l'Immigration a déclaré suivre de près la situation sécuritaire en Afghanistan, et a admis l'existence de provinces où les gens ne pourraient pas retourner sans craindre pour leurs vies.

Selon l'ambassade afghane en Suède, plus de la moitié de toutes les demandes d'asile d'Afghans en Suède ont été refusées. L'ambassadeur afghan Hamid Hami a précisé :

Quand un demandeur d'asile reçoit sa quatrième réponse négative, la personne n'a pas le droit de rester. S'il n'y a pas expulsion, il ou elle a l'obligation de quitter le pays. C'est la décision du tribunal du pays, et non de l'ambassade.

Les protestataires place Mynttorget le 9 août 2017 à Stockholm. Source photo : page Facebook de Hazara International Network

De nombreux réfugiés afghans reprochent ces expulsions de fait au président afghan Ashraf Ghani. En octobre 2016, le président a signé avec l'Union Européenne à Bruxelles un accord de renvoi de milliers d'Afghans en Afghanistan. Les pays européens se sont engagés en retour pour plus de 12 milliards de dollars d'aide au développement sur quatre ans.

Depuis la signature de l'accord, de nombreux demandeurs d'asile afghans sont renvoyés en Afghanistan où leurs vies peuvent être en danger.

Comme beaucoup de pays européens, la Suède connaît une reprise de la xénophobie avec des incendies volontaires visant des migrants depuis que le pays a accueilli des centaines de milliers de réfugiés et migrants en 2015, pour la plupart venus de Syrie et d'Afghanistan.

La situation des migrants et demandeurs d'asile a empiré après avril 2017, lorsque Rakhmat Akilov, un demandeur d'asile de 39 ans né en Ouzbékistan et sympathisant de l'EI, supposément entraîné en Afghanistan, aurait foncé en camion dans les piétons d'un quartier commerçant bondé de Stockholm, faisant quatre morts et quinze blessés.

L'attentat a forcé le gouvernement suédois à introduire de nouvelles lois sur l'immigration avec des restrictions aux demandes d'asile, à mettre en place des contrôles aux frontières et à intensifier la répression des immigrants illégaux. Depuis lors, des migrants sont entrés dans la clandestinité après avoir reçu leurs ordres d'expulsion.

Il y a deux ans, 40 pour cent de Suédois souhaitaient que le pays prenne moins de réfugiés. En 2017, ils sont 53 pour cent. Les anti-immigration Démocrates de Suède sont aujourd'hui le second parti du pays.

Pour revenir à l'Afghanistan, chaque jour les nouvelles y sont pires. La première moitié de l'année a vu certains des attentats-suicides les plus meurtriers ayant frappé Kaboul depuis le début de l'invasion du pays par la coalition menée par les USA il y a  plus de quinze ans, et la deuxième moitié ne s'annonce guère différente.

Rien qu'en août, les insurgés ont attaqué une mosquée chiite dans la province occidentale de Hérat, tuant une trentaine de personnes, et ont assassiné plus de 50 personnes dans la province de Sar-e-Pul (nord), où on compte par centaines les déplacés et par dizaines ceux pris en otage.

Pendant ce temps, le gouvernement d'unité nationale, impuissant, est déjà aux prises avec les retours de réfugiés depuis le Pakistan et l'Iran. Depuis janvier 2016, 728.000 Afghans au total sont rentrés du Pakistan et d'Iran. Selon Masood Ahmadi, responsable pour l'Afghanistan du programme de relocalisation à l'Organisation Internationale des Migrations, l'Afghanistan accueillera encore davantage de retours en 2017, dont près d'un million du Pakistan.

Le journaliste Ahmed Abba, en prison au Cameroun depuis 2 ans pour avoir fait son travail

dimanche 20 août 2017 à 22:16

Ahmed Abba, journaliste de RFI au Cameroun. Domaine public

Le 30 juillet 2015, Ahmed Abba, correspondant de la Radio France internationale (RFI) en langue haoussa à Maroua, au Nord-Cameroun, a été arrêté par les forces de l’ordre. Depuis, il a été transféré à Yaoundé où il a été interrogé dans le cadre d’une enquête sur les activités de la secte islamiste Boko Haram.

Makaïla Nguebla, blogueur Tchadien qui a connu les abus des régimes autoritaires africains avec les militants des droits humains, ayant été forcé à s'exiler du Tchad avant d'être expulsé du Sénégal et de la Guinée, présente les faits, après la condamnation de Ahmed Abba en avril 2017:

Ahmed Abba avait été arrêté le 30 juillet 2015 en lien avec sa couverture des attaques du groupe terroriste Boko Haram. Il avait passé sept mois détenu au secret durant lesquels il avait subi des sévices, avant d’être finalement présenté à un juge le 29 février 2016. Depuis, les demandes de libération sous caution de ses avocats ont été systématiquement ignorées lors des 17 audiences de son procès. Le journaliste devra donc purger une peine de 10 ans de prison. Ce dernier a déjà passé 20 mois en détention dans l’attente de ce verdict inique. Les avocats du journaliste ont immédiatement annoncé leur intention de faire appel.

La presse nationale camerounaise et internationale avait vivement dénoncé la faiblesse des preuves présentées contre journaliste. Pour Masbé NDENGAR du site droitlibre.net:

L’issue de ce procès indigne autant les défenseurs des droits humains que les défenseurs de la liberté d’expression de la presse. Il ressort qu’il n’existe pas de preuve irréfutable pouvant condamner le journaliste. L’accusation s’est basée sur un supposé téléphone qui aurait appartenu à un terroriste ou une de ses victimes et dont les données numériques seraient sauvegardées dans un cybercafé détenu par Ahmed Abba. On voit là une volonté manifeste de nuire. Mais pourquoi s’en prendre vertement à celui qui n’a que son micro pour accomplir sa tâche ? visiblement les autorités camerounaises se trompent de véritables cibles. Pendant qu’elles engagent une lutte acharnée contre la liberté d’expression et de la presse, les vrais collabos courent en toutes libertés dans les rues de Yaoundé, de Douala, de Gamdéré, de Maroua, etc.

Si condamner Ahmed Abba doit être vu comme un acte dissuasif alors c’est raté parce que cela n’a pas empêché les terroristes, en occurrence Boko Haram de continuer à sévir sévèrement ni aux petits esprits de leur apporter leur soutien.

Quant à Olivier Tchouaffe, il dénonce, sur blogs.mediapart.fr, les méthodes du régime du Président Paul Biya, à la tête du Cameroun depuis 41 ans, battant tous les records de détention du pouvoir au niveau mondial:

Par ailleurs, ces prisonniers, pour la plupart, sont aussi embastillés, non pas dans des prisons conventionnelles mais dans des institutions militarisées ou de sécurité dite maximale, ce que le président du CL2P, Joël Didier Engo, a appelé des “mouroirs concentrationnaires”.

Le cas d'Ahmed Abba montre, encore une fois, un gouvernement qui abuse de la notion de raison d'État afin d'inféoder la justice et de la placer sous ses ordres.

Inconstestablement, les methodes de destrution rapide et lâche du régime de Paul Biyane méritent rien de moins qu'une vigilance implacable…Les enjeux en présence dans la crise actuelle nous permettent donc d'apercevoir l'étendue de la machine à déformation des faits, puis celle de l'orchestration des mensonges, eux-mêmes déclinés en véritables catégories de savoirs-pouvoirs intégrés à la lutte de pérennisation d'une dictature, pour laquelle uniquement certaines vérités – ses vérités – sont autorisées, pendant que toutes les autres doivent systématiquement être réprimées. Ces vérités voulues officielles sont naturellement enrôlées pour le maintien de l'ordre établi et dominant de Paul Biya depuis bientôt quarante ans, et n'ont en réalité jamais été une affaire de Justice.

Pour Denis Nkwebo, président du Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC), affilié à la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ), dans une interview sur les ondes de RFI, citée par ifj.org:

C'est une punition contre la presse, c'est une volonté de criminaliser le métier de journaliste au Cameroun. Tout ce qu'on reproche à Ahmed Abba, c'est d'avoir été en situation professionnelle. A aucun moment dans ce procès, on ne nous a donné la preuve qu'il a été impliqué dans quelque chose de grave. La presse était jusqu'ici sous le coup d'une oppression silencieuse, et la condamnation d'Ahmed Abba est un message fort à l'endroit des journalistes qui osent encore exercer ce métier dans un pays où l'on nous affirme tous les jours que l'on est en démocratie.

Maître Tchoungang, l’avocat du journaliste, dans une interview à Reporters sans frontières, à la question de savoir si son dossier n’avait toujours pas été examiné par les juges, a répondu que:

Il faut dire que son cas est particulier. D’abord, pendant trois mois après son arrestation, personne ne savait où il se trouvait ou ne voulait le dire, avant que les autorités avouent le détenir secrètement. Et encore, il avait fallu saisir la Présidence. Il avait été transferré auprès des services de renseignements à Yaoundé, interrogé sans la présence d’un avocat, puis renvoyé directement devant le tribunal militaire, sans instruction du dossier. Pendant ce temps-là, il a aussi clairement subi de mauvais traitements physiques et psychologiques. Lors de la prochaine audience nous demanderons que soit fixée une session spéciale afin que le dossier soit enfin examiné sur le fond.

Dans la même interview, RSF révèle que Maître Charles Tchoungang leur adit qu'il enlevé et drogué de la part d'inconnus afin à la veille de l’audience du 25 avril 2017. Ensuite l'avocat explique sa conviction quant à la différence de traitement réservé à son client par rapport aux autres journalistes poursuivis pour des chefs d’accusation similaires, Baba Wame, Rodrigue Ndeutchoua Tongue et Félix Cyriaque Ebolé Bola, qui ont comparu libres, contrairement à Ahmed Abba:

Ma conviction c’est qu’il était au mauvais endroit au mauvais moment. Il a d’abord été arrêté dans un contrôle de routine, mais lorsque les forces de l’ordre ont appris qu’il était correspondant de RFI, alors il a été transféré à la police politique à Yaoundé et accusé de donner des informations aux ennemis du pays. J’ai moi-même revu toute sa production journalistique et elle est irréprochable. Pour moi, sa seule circonstance aggravante est qu’il travaille pour une grande radio française. Vous savez, il y a un vaste courant anti-français dans l’opinion au Cameroun et certaines autorités ont peut-être souhaité faire un “coup”.

Ce que nous souhaitons aujourd’hui, c’est que M. Abba puisse recouvrer sa liberté, sa famille et surtout son travail. J’ai l’intime conviction de défendre un innocent.

La date 17 aout 2017 avait été retenue pour le procès en appel. Mais sans aucune explication, son cas a été rayé de ceux présentés devant le tribunal.

Sur sa page Facebook Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P), s'indigne et dénonce:

Cameroun: Non à la prise en otage d'un journaliste dans un sordide chantage diplomatique exercé à la France sous couvert de la nécessaire lutte contre le terrorisme…

Il n’y a en effet que l’imagination fertile d’un tyran pour faire germer une telle manœuvre en détournant et instrumentalisant de la sorte la nécessaire et légitime lutte contre le terrorisme, dans le but non avoué d’exercer indirectement un ignoble chantage diplomatique sur sa puissance protectrice, La France.

Nous n’exigeons rien d’autre que la libération pure et simple du correspondant camerounais en langue haoussa de Radio France Internationale (RFI), Ahmed Abba.

Un Comité de soutien pour Ahmed Abba a été créé regroupant de nombreuses personnalités du monde des médias et de la musique ainsi que des organisations non-gouvernementales telles que Reporters sans frontières (RSF9, Africtivistes (un collectif de cyber activistes africains pour la démocratie), le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ), Journaliste en Danger (JED) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ).

Dans le Classement mondial 2016 de la liberté de la presse établi par RSF, le Cameroun occupe la 126e place sur 180 pays pris en considération.

La plateforme chinoise Taobao scandalise en vendant des messages publicitaires personnalisés récités par des enfants africains

dimanche 20 août 2017 à 12:33

Copie d'écran de Taobao via HKFP.

Ce billet a été écrit par Jun Pang et publié à l'origine sur Hong Kong Free Press le 9 août 2017. La version ci-dessous est publiée par Global Voices grâce à un accord de partenariat.

Les vendeurs chinois de Taobao qui commercialisent en ligne des espaces publicitaires avec photos et vidéos personnalisées d'enfants africains ont été submergés de critiques décriant leurs pratiques exploiteuses et racistes.

Les annonces sont publiées sur la plateforme de vente en ligne la plus populaire de Chine, le site de e-commerce Alibaba de Taobao, comme un “moyen efficace” de transmettre un message personnel. Proposées par plusieurs vendeurs, les vidéos montrent des enfants venant de pays africains non précisés qui récitent des messages personnalisés en mandarin en tenant des pancartes.

Les messages de ces vidéos présentent surtout des vœux d'anniversaires et même des demandes en mariage. Des photos d'enfants lisant à voix haute des publicités de cabinets dentaires, entreprises de décoration d'intérieur et du moteur de recherche chinois Sogou, par exemple, apparaissent aussi sur les profils de ces vendeurs.

Copie d'écran du résultat de la recherche “Kids holding placards” (Enfants tenant des pancartes) sur les espaces de vente de Taobao via HKFP.

Le vrai problème de ces vidéos vient du rôle controversé de la Chine en Afrique. Depuis 2009, Pékin dépasse les États-Unis et est devenu le partenaire économique le plus important du continent. Comme les puissances européennes pendant la colonisation, certaines sociétés chinoises sont accusées d'exploiter l'Afrique.

Les vidéos valent entre 10 et 220 yuan (entre 1,20 et 28 euros). Les acheteurs qui en paient le prix reçoivent une vidéo de 10 à 20 secondes montrant environ dix enfants lisant à haute voix un message en mandarin en suivant les instructions du caméraman. Ceux qui achètent des offres moins chères reçoivent une photo d'un enfant tenant une pancarte avec un message manuscrit. Après commande, les vidéos sont généralement montées en 24 à 72 heures.

Un des vendeurs a ajouté un commentaire dans la description du produit en insistant sur le fait que les enfants le faisaient volontairement :

Les enfants ne sont pas à vendre. Vous ne pouvez pas les choisir dans une des vidéos. Merci pour votre compréhension.

HKFP a copié des exemples de ces vidéos publicitaires :

Un autre présentait ses vidéos comme des “œuvres caritatives”. HKFP s'est présenté comme un prospect en demandant si le prix de la vidéo serait reversé aux enfants impliqués dans la production.

Le vendeur lui a répondu :

Je le fais par bonté. Je ne suis pas sûr – j'ai demandé à des tiers de filmer à ma place. Je ne sais pas combien d'argent est donné aux enfants. Désolé.

Un autre vendeur disait que les enfants “sont considérés comme des employés”. Concernant leur âge, celui-ci répondit qu'il ignorait les détails de la production, mais que les enfants étaient “vraiment dédommagés” pour leur participation.

“Tout ceci est ridicule, de mauvais goût et répugnant”

Cette pratique a déchaîné la critique en ligne avec un commentateur de la plateforme américaine Sixth Tone disant :

Qu'est-ce que c'est ? La première expérience de la Chine actuelle dans le racisme néo-colonial ? C'est complètement tordu.

Un autre commentateur de The Paper, un journal en ligne chinois, écrivait :

Tout ceci est de ridicule, de mauvais goût et répugnant. Je conseille de mettre ces gens en prison.

Un autre décriait :

Honteusement cynique ! Taobao ne devrait pas seulement fermer ces commerces, il devrait aussi enquêter sur ces publicités mensongères et leur racisme anti-noir malveillant qui nuisent à l'image du pays.

Pourtant, d'autres défendent cette pratique :

Je n'ai pas l'impression que ce soit mal. Les enfants sont dédommagés, les entreprises font leur publicité. C'est raisonnable.

Un autre renchérit :

Tout ce que les enfants devaient faire était de tenir une pancarte pour avoir quelques dollars. Maintenant, à force de crier au loup, ils n'ont même plus ça.

Le journal Beijing Youth Daily a parlé à un photographe chinois qui a produit des vidéos identiques en Zambie. Ce dernier affirme que les enfants filmés n'avaient que des petits en-cas ou quelques dollars chacun comme dédommagement.

Les personnes filmant les clips quant à elles recevaient 90 yuan (environ 11,50 euro) par vidéo – qui étaient ensuite vendues sur Taobao par un commercial au double du coût de production.

Loi sur la publicité

Taobao a déclaré avoir reçu des plaintes contre certains vendeurs utilisant des enfants africains en infraction avec la loi chinoise sur la publicité, disant que les annonceurs ne doivent pas “exagérer” dans leur matériel promotionnel. La société affirme que les produits sont retirés si les plaintes s'avèrent fondées.

Les vendeurs ont déjà été critiqués par les utilisateurs pour avoir autorisé le contenu de messages inappropriés, dont des slogans comme “le meilleur”, “le préféré” et “même les Africains le savent !”, tout comme des annonces pour des diffusions pornographiques en direct.

Certains vendeurs notent dans leurs descriptions que les commandes personnalisées ne peuvent pas inclure d'injures, d'insinuations sexuelles, de mentions de jeux d'argent et de drogues, ou des publicités superlatives.

Au moment de la publication de cet article, il restait beaucoup de vendeurs offrant leurs services sur la place de marché de la plateforme.

Vivre en prison au Brésil

samedi 19 août 2017 à 23:11

Des détenus à Acre, un État du nord du Brésil, où la police militaire est chargée d'assurer la sécurité de la prison. | Photographie: Luiz Silveira/Agência CNJ. Reproduction autorisée.

Imaginez que vous partagez votre chambre avec quarante personnes dans un espace prévu pour douze. Imaginez que vous devez suspendre votre matelas près du plafond parce que les égouts sont constamment bouchés, et que la chambre est inondée d'une eau sale qui peut atteindre 40 centimètres de hauteur. L'endroit est tellement immonde que votre peau se couvre d'éruptions cutanées, qui finissent par dégénérer en plaies purulentes. Des maladies comme le sida ou la tuberculose se propagent telles des épidémies, mais si vous tombez gravement malade, on vous prescrit le même médicament, peu importent vos symptômes.

Vous n'avez peut-être même pas encore été condamné. Vous pourriez attendre des années avant d'obtenir une audience préliminaire, sans parler d'un jugement et d'une décision du tribunal.

Voilà à quoi ressemble le quotidien d'un détenu au Brésil. Le nombre de prisonniers a fait un bond de 400 % ces 20 dernières années, alors que sur la même période, la population brésilienne n'augmentait que de 36 %. Soit 40 000 détenus supplémentaires entre 2013 et 2014. Le Brésil occupe la quatrième position dans le classement des prisons les plus peuplées du monde, tout juste derrière les États-Unis, la Chine et la Russie. Dans les 27 États du Brésil, le nombre de personnes incarcérées excède la quantité de places disponibles en cellule.

Selon le Conseil National de Justice brésilien, en février 2017, environ 60 000 personnes étaient incarcérées au Brésil. 200 000 d'entre elles sont encore dans l'attente d'un jugement — le temps d'attente peut aller de 172 à 974 jours.

La surpopulation, la crise sanitaire et la torture subie par certains détenus ont donné plus de pouvoir aux gangs, aux factions criminelles et aux barons de la drogue, qui font des prisons leur quartier général.

Un groupe d'ONG brésiliennes tournées vers la défense des droits de l'homme vient de lancer une campagne pour attirer l'attention sur ce problème. La Rede de Justiça Criminal [Réseau de Justice Criminelle] a ainsi réalisé une vidéo à 360° qui montre les conditions de vie dans une prison brésilienne complètement surpeuplée. En seulement trois jours, la vidéo a été regardée par plus de neuf millions de personnes, et a été partagée 55 000 fois sur Facebook (suscitant des réactions de tous genres, aussi positives que négatives).

Ce n'est pas une vraie cellule que l'on voit dans la vidéo. Mais l'homme qui présente la campagne, Emerson, a connu la prison pendant quatre ans et demi, durant lesquels il a partagé une cellule de neuf mètres carrés avec 40 autres personnes.

Une campagne réalisée par un groupe d'ONG montre la réalité des prisons brésiliennes. Photographie : capture d'écran/Conectas.

“L'incarcération de masse n'est pas synonyme de justice” est le slogan de la campagne. On peut lire sur sa page web :

O encarceramento em massa não é só desumano, mas também é contra a lei. Há milhares de pessoas que seguem presas sem julgamento, por falhas do sistema penal brasileiro.

L'incarcération de masse n'est pas seulement inhumaine, elle est illégale. Aujourd'hui, des milliers de personnes sont en prison sans même avoir été jugées, à cause des irrégularités du système pénall brésilien.

Le message de la campagne est que les voies de réinsertion sociale sont très étroites quand une personne perd ses droits et sa dignité. Au Brésil, on a l'habitude de dire que les prisons sont des “écoles du crime”. Une idée si répandue que l'expression a récemment été utilisée par trois personnalités très différentes : Ideli Salvatti, ex-ministre du Secrétariat des droits de l'homme de la Présidence, l'ancien ministre de la Justice José Eduardo Cardozo, et un gardien de but condamné pour le meurtre de son ex-petite amie et pour avoir donné son cadavre à manger à ses chiens, qui est en prison depuis six ans et demi (si l'on excepte une brève remise en liberté [en] début 2017).

Quel rapport avec la loi anti-drogues ?

Des détenus attendent dans un centre pénitentiaire brésilien. Photographie: Luiz Silveira/Agência CNJ. Reproduction autorisée.

Selon l'ONG internationale Human Rights Watch, la principale cause d'augmentation de la population carcérale est la Loi anti-drogues (11.343), adoptée au Brésil en 2006 par le président de l'époque, Luiz Inácio Lula da Silva.

Même si cette loi dépénalise la consommation de drogues, elle ne fait pas clairement la différence entre la possession de drogues pour sa “consommation personnelle” et celle en vue de sa “distribution”, et laisse les policiers et les juges décider au cas par cas.

 

 

 

La loi a entraîné une hausse du nombre de personnes condamnées pour trafic de drogues. Aujourd'hui, au Brésil, un détenu sur trois est emprisonné pour des faits liés au trafic de drogues. Alors qu'en 2005, cela représentait 8,7 % des condamnations, en 2017, ce pourcentage atteint les 32,5 %.

Si l'on considère spécifiquement le cas des femmes en détention, c'est encore pire : cela concerne près de 70 % des détenues.

En guise de comparaison, seulement 12 % des prisonniers qui se trouvent actuellement dans les prisons brésiliennes sont condamnés pour meurtre, dans un pays où l'on a recensé 278 839 homicides entre 2011 et 2015. C'est plus que la Syrie sur la même période.

“Plus on emprisonne… plus la criminalité grimpe vite, de manière alarmante”

La Prison Centrale, dans le sud du Brésil, a été répertoriée comme la pire du pays | Photographie: Luiz Silveira/Agência CNJ. Reproduction autorisée.

Une étude menée en 2014 par la banque de données nationale sur le système pénitentiaire (Infopen) révèle que 96,3 % des prisonniers sont des hommes, 67 % d'entre eux sont noirs, et seulement 53 % des détenus ont suivi une partie du cycle d'enseignement primaire. Seuls 1% d'entre eux possèdent un diplôme universitaire, et 1% des prisonniers sont allés à l'université mais en sont sortis sans diplôme.

Le Brésil est un pays qui incarcère des individus de sexe masculin, noirs, jeunes et pauvres, mais la prison n'est une bonne chose ni pour eux, ni pour la société : une autre étude de l'Institut de recherche en économie appliquée (Ipea) montre que le taux de récidive est de près de 30 %.

Comment un système aussi délabré peut-il permettre la réinsertion ? Pour la Pastoral Carcerária (Pastorale des prisons), organisme lié à l’Église catholique qui vient en aide aux détenus, construire de nouvelles prisons n'est pas une solution. Une option à laquelle s'est pourtant intéressé le président brésilien Michel Temer, suite à une vague d'émeutes carcérales survenues en début d'année [en]. Le père Valdir, coordinateur national de la Pastoral Carcerária, a affirmé lors d'une audience publique au Sénat :

Quanto mais se prende, quanto mais se aumenta a pena, mais aumenta a criminalidade no País, assustadoramente (…) As respostas dadas até agora para as questões da violência têm sido altamente equivocadas, gerando retorno de violência ainda maior para a sociedade brasileira.

Plus on emprisonne, plus on allonge les peines, plus la criminalité augmente dans le pays, de manière alarmante (…) Les réponses apportées jusqu'à présent à la question de la violence n'étaient pas du tout appropriées, et elles ont relancé une spirale de violence dans la société brésilienne.

En 2015, le Conseil National de Justice brésilien a mis au point un programme afin de garantir que les individus pris en flagrant délit aient droit à une audience devant le juge dans les 24 heures qui suivent leur mise en détention. C'est une des initiatives prises pour enrayer ce que certains appellent la “culture de l'emprisonnement”, du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, en passant par la Commission Interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) de l'Organisation des États Américains (OEA).

La campagne de la Rede de Justiça Criminal est une autre tentative destinée à sensibiliser la population sur la situation déplorable du système pénitentiaire brésilien.

Nota: Une version antérieure de cet article affirmait par erreur que la vidéo à 360° avait été produite par l'ONG Conectas. Elle a en réalité été produite par la Rede de Justiça Criminal, dont Conectas est membre.

La Tunisie vers un renforcement de l'état d'urgence avec plus de protection pour la police – et plus d'abus et d'impunité ?

samedi 19 août 2017 à 19:52

La police anti-émeutes déployée à Tunis, 6 février 2013. PhotoAmine Ghrabi (CC BY-NC 2.0)

Les protections des droits humains ont connu de nombreuses améliorations en Tunisie depuis le renversement en 2011 de Zine el Abidine Ben Ali. Les abus de pouvoir des policiers et des forces de sécurité restent pourtant un problème sérieux.

Le parlement envisage aujourd'hui une loi qui faciliterait aux policiers l'usage de la force sans guère avoir de comptes à rendre au public.

Le nouveau projet de loi sur la “répression des agressions contre les forces armées” renforcerait les pénalités pour divers actes mettant en danger les policiers et les agents des forces de l'ordre, punirait les discours considérés comme “diffamatoires” envers la police, et exempterait les forces de l'ordre de responsabilité pénale en cas de recours à une force excessive.

Initialement soumis au parlement par le précédent gouvernement d'Habib Essid en avril 2015, le texte de loi a refait surface dans l'ordre du jour du parlement en juillet, avec le soutien du ministère de l'intérieur et des syndicats des forces de l'ordre.

Projet de loi sur la répression des attaques contre les forces de l'ordre : les articles essentiels

  • Articles 5 et 6 : La divulgation de “secrets de la sécurité nationale”, définis extensivement par l'article 4 comme “toutes informations, chiffres et documents en rapport avec la sécurité nationale” seulement accessibles par des personnes autorisées, est punie d'un maximum de 10 années d'emprisonnement, et de 50.000 dinars tunisiens (17.400 euros) d'amende.
  • Article 7 Filmer ou enregistrer à l'intérieur des quartiers généraux de la police et de l'armée, et sur les sites d'opérations de l'armée et de la police est puni d'un maximum de deux ans d'emprisonnement.
  • Article 12 “Dénigrer” l'armée et la police “dans l'intention de nuire à l'ordre public” est puni d'un maximum de deux années d'emprisonnement et de 10.000 dinars (3.480 euros)
  • Article 18 Les policiers ne pourraient pas être mis en cause pénalement s'ils “blessent ou tuent quiconque” en utilisant une force létale pour repousser des attaques contre leurs logements, véhicules, quartiers généraux policiers et militaires, ainsi que les arsenaux de l'armée, si la force utilisée est considérée comme “nécessaire et proportionnée” au danger.

Une loi qui, si elle était adoptée, paralyserait la libre expression, les libertés artistiques, médiatiques et de la presse. Le texte donnerait aussi aux forces de l'ordre le feu vert pour agir avec encore plus d'impunité qu'elles n'en ont déjà.

Abus policiers et ‘état d'urgence’

Malgré les réformes qui ont cherché à réduire les atteintes au droits après les 23 années du règne de Ben Ali, les abus policiers restent monnaie courante.

Sous l'actuel état d'urgence en Tunisie, instauré après les multiples attentats de 2015, les autorités sont habilitées à suspendre les manifestations, restreindre le droit de réunion et la liberté de circulation, interdire les publications, et arrêter quiconque est suspecté d'enfreindre l'ordre public.

Un rapport [disponible en français] publié en février par Amnesty International documente de nombreux cas d'abus commis dans le cadre de l'état d'urgence en Tunisie : usage excessif et non nécessaire de la force, perquisitions sans mandat judiciaire, interdictions de voyager, arrestations arbitraires, torture et mauvais traitement.

Pour couronner le tout, la loi aborde un certain nombre de points déjà couverts dans d'autres sections du code pénal tunisien ainsi que dans le statut général des forces de sécurité intérieure. Dès avant l'instauration de l'état d'urgence, les autorités n'avaient pas craint de mettre en œuvre ces textes de loi. Le blogueur Yassine Ayari a été emprisonné en 2014 pour “diffamation de l'armée” et “injure au haut commandement de l'armée” dans des billets Facebook. En 2013, un tribunal condamnait le rappeur Weld El15 à deux ans de prison pour une chanson dans laquelle il appelait les policiers des chiens.

Lois actuelles sur la police et les forces de l'ordre

  • L'article 91 du Code de Justice militaire : une peine de jusqu'à trois ans d'emprisonnement est prévue pour injures à l'institution militaire, son drapeau, sa dignité et son moral.
  • L'article 125 du code pénal punit ceux qui sont reconnus coupables d’ “injure à agents publics dans l'exercice de leurs fonctions” d'un an de prison et une amende.
  • L'article 128 du code pénal dispose que quiconque reconnu coupable d’ “accuser sans preuve un agent public d'enfreindre la loi” encourt jusqu'à deux ans de prison.

Ces lois ont été utilisées pour persécuter les blogueurs, journalistes, artistes et militants qui critiquaient la police ou l'institution militaire. De plus, les dispositions existantes des codes pénal et militaire rendent difficile la mise en cause du comportement des policiers ou le dépôt de plainte contre les membres des forces de l'ordre.

On imagine aisément comment une nouvelle loi réitérant certaines de ces dispositions, alourdissant les peines pour les infractions, et instaurant des protections renforcées contre la responsabilité des agents des forces de l'ordre pourraient donner lieu à encore plus d'abus.

‘Une attaque d'agents des forces de l'ordre n'est pas à prendre à la légère’

Si la police et l'armée sont déjà juridiquement à l'abri des critiques sur leur comportement, pourquoi poussent-elles à cette nouvelle loi ?

L'élan vient en partie des craintes croissantes quant à la sécurité et les menaces contre la sûreté des agents des forces de l'ordre. Depuis la fin 2012, des dizaines de policiers et de militaires ont été tués dans des attaques perpétrées par des groupes radicaux ou en opérations armées contre ceux-ci. En novembre 2015, 12 gardes présidentiels ont été tués dans l’explosion d'un bus revendiqué par l'EI. Quelques mois auparavant, les attaques au musée du Bardo à Tunis et dans une station balnéaire de la ville côtière de Sousse avaient blessé et tué des dizaines de personnes, pour la plupart des touristes étrangers.

En juin de cette année, le policier Majdi Hajlaoui a été blessé en service pendant des affrontements tribaux à Sidi Bouzid avant de succomber à ses blessures. Sa mort a conduit des centaines de policiers à manifester devant le parlement le 6 juillet 2017, pour réclamer de meilleures protections et remettre sur la table le débat sur le projet de loi.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi n'offrirait pas de protections accrues aux policiers sur le terrain. Mais il les mettrait mieux à l'abri de la responsabilité pénale quand ils utilisent la force létale.

Mehdi Bechaouch, un dirigeant du syndicat représentant les officiers de la Direction générale des unités d'intervention, a déclaré à la radio privée Shems FM que les policiers “ne devraient pas se retrouver en prison quand ils appliquent la loi”, et que l’État devrait indemniser les policiers dont les biens sont attaqués en représailles de leur travail.

Son raisonnement est que le texte, une fois adopté, “dissuaderait” de telles attaques :

Il est vrai qu'agresser un agent public [est déjà un crime]…mais un agent de police porte des armes, et les attaques contre un policier ou le siège de la police pourrait conduire à s'emparer d'armes…[L'objectif de la loi est d’] envoyer un message clair aux gens qu'une attaque contre des policiers n'est pas à prendre à la légère et qu'elle pourrait mettre gravement en danger la sécurité de la société.

Bechaouch a précisé que le syndicat policier soutenait la criminalisation des agressions physiques contre les forces de l'ordre, mais pas le reste de la loi, écrit sous un gouvernement précédent. Il a indiqué que son syndicat préconisait le retrait des dispositions pénalisant le “dénigrement” de la police ainsi que du chapitre second de la loi, qui criminalise les tournages non autorisés et la divulgation de secrets de sécurité nationale.

La voix du syndicat sur la question pourrait avoir un plus grand poids sur le processus décisionnel au parlement, puisqu'en décembre prochain, ce sera la première fois de l'histoire tunisienne que les forces de l'ordre pourront voter aux élections locales.

Les inquiétudes des associations de droits humains

Le parlement étant en vacances jusqu'au 1er octobre, on ignore quand la discussion du projet de loi arrivera en séance plénière. Le texte n'a pour le moment été examiné qu'en commission législative générale, qui a auditionné le 13 juillet le ministre et les représentants des syndicats de policiers. La commission prévoit aussi d'entendre des représentants de la société civile et des associations de défense des droits opposés au projet de loi.

L'Union nationale des journalistes tunisiens, l'Organisation tunisienne contre la torture, l'ONG anti-corruption I-Watch et Reporters sans  frontières ont publié le 14 juillet une déclaration conjointe appelant le parlement tunisien à “retirer immédiatement” le projet de loi “répressive” qui “poserait la première pierre d'un État policier dictatorial”. Amnesty International et Human Rights Watch ont aussi appelé séparément le parlement à rejeter le texte.

Des députés ont aussi exprimé leurs préoccupations à propos du projet de loi. Le 18 juillet, de nombreux élus ont insisté sur la nécessité de respecter les droits fondamentaux, lors d'une séance de la commission de législation générale :

وأكّد بعض النواب من جهة أخرى ضرورة تبنّي المشروع لآليات ناجعة تتعلّق بحفظ حقوق عائلات الأمنيين والإحاطة الاجتماعية بهم، مشيرين إلى وجود مقاربة يصعب التوفيق بين مكوّناتها وهي من جهة ضرورة توفير الإطار القانوني لزجر الاعتداءات على الأمنيين وعلى المقرات السيادية وحماية الحرية العامة وحقوق الإنسان من جهة اخرى.

Bon nombre de députés ont souligné que le projet doit impérativement inclure des mécanismes efficaces de protection des droits des familles de policiers et leur fournir une protection sociale, tout en pointant la difficile juxtaposition du besoin de donner un cadre juridique à la répression des violences contre les agents des forces de l'ordre et les sièges de souveraineté, et de la nécessité de protéger les libertés publiques et les droits humains.

Pendant cette séance, le député Hassouna Nasfi a dit que le projet de loi n'apportait “rien de vraiment neuf” et ne fournissait pas assez de protections aux forces de l'ordre en termes d'indemnisations versées aux agents victimes de violences.

Le député Mourad Hmaidi, du parti d'opposition de gauche Front Populaire, partage cet avis. Hmaidi a affirmé à la télévision nationale que le projet de loi n'apporterait pas beaucoup d'avantages et menacerait par contre les libertés. “Ce dont le policier et les forces de l'ordre intérieures avec leurs familles ont généralement besoin, c'est d'une assurance contre les risques quand ils exercent leurs fonctions”, a-t-il dit.

Dans sa forme actuelle, le texte n'apporte pas de changements significatifs à la pénalisation des violences contre les forces de l'ordre, ni à la couverture par une assurance des risques associés au travail des forces de l'ordre.

Ses éléments les plus significatifs ne feraient qu'abriter l'appareil sécuritaire des critiques, au moment où la Tunisie a besoin d'un débat ouvert sur les abus et mauvaises conduites des policiers, afin d'arriver à l'indispensable réforme du secteur sécuritaire.