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Une année loin de la Syrie

mercredi 9 septembre 2015 à 18:17
Screenshot from video on the "Art of Syrian Children on Nat Mall" gofundme page.

Capture d'écran d'une vidéo du site Gofundme “l'art des enfants syriens sur le National Mall (Washington DC)”

Ce billet fait partie d'une série spéciale d'articles par la blogueuse et militante Marcell Shehwaro, décrivant la vie en Syrie pendant la guerre qui se poursuit entre les forces loyales au régime actuel, et ceux qui veulent le renverser.

“J'aurais dû pleurer”. C'est la seule chose que je me répète quand je me souviens de la petite fille qui a été déchiquetée en morceaux.

Je ne sais rien d'elle, et au vu de ses restes je ne pouvais pas deviner son âge, mais je me souviens que j'étais là décomposée, que je n'ai même pas crié en voyant que l'on ramassait ses restes, je n'ai pas aidé, je n'ai rien fait, pas un geste. Mon “fichu” corps me demandait de rester digne, d'agir “rationnellement”. Mais qui de nous peut dire ce qui est “rationnel”, face au corps d'une petite fille morte? Et je suis restée digne. Je n'ai pas eu la réaction dramatique et excessive que mes amis me connaissent. A vrai dire, les pleurs enfouis au plus profond de moi me dérangeaient. Je me demandais comment on peut oser être triste face à une telle situation. Le seul destin de ceux qui restent c'est la résilience.

J'aurais dû pleurer à ce moment là, mais je suis peut-être plus résiliente maintenant. Voilà ce que je me répète chaque fois que la petite fille vient hanter mes rêves, quand j'éprouve de la joie, quand je parle de l'avenir avec celui que j'aime. Le futur? Qu'en est-il advenu du sien?

Cela fait maintenant un an que j'ai quitté la Syrie, et j'ai sans doute bien fait. Un an de déni, de culpabilité, de douleur et d'abandon. Je n'ai plus rien d'une héroïne. Tout ce que mon corps gardait en moi pour m'aider à traverser la guerre et les bombardements, je l'ai laissé là-bas, pour ceux qui pourraient en avoir besoin, et j'ai été écrasée par ce que la science pourrait appeler un “choc”.

Je ne sais pas si je suis malade de dire cela, mais j'étais réellement mieux loin d'ici, plus proche de la mort. La joie était un acte d'héroïsme, un vrai défi à la face de la mort, alors qu'ici la joie se transforme en culpabilité pesante et en ressassement illusoire d'histoires qui avaient de l'importance avec les amis avec lesquels nous partagions la vie à la frontière de la mort.

Aujourd'hui nous sommes dans le déni à la frontière de notre terre natale, déni d'être réellement en dehors. Avancer était la seule issue là-bas, à “l'intérieur”. Notre présence là-bas était héroïque, exaltante, importante, et nous pensions tous que l'avenir de notre pays dépendait de nous. Nous sommes partis et avons laissé notre pays sans aide. Au dehors nous nous sommes comportés en héros, mais ce rôle ne nous convenait plus après avoir été déracinés de là-bas, d'Alep occupée et de nos différentes habitations. Mais on persistait à vouloir ressembler à des héros. Nous avons peur d'avouer à ceux qui sont morts qu'aujourd'hui nous ne sommes plus que des victimes.

Je n'ai rien écrit d'important pendant toute une année. J'ai regardé des kilomètres de télévision sans intérêt -j'ai regardé jusqu'à l'écoeurement toutes les saisons de Glee. Le commencement n'aboutissait pas à la fin attendue. L'ombre de la mort m'a accompagnée pendant trop longtemps.

Je m'imagine que celui que j'aime meurt de toutes les morts violentes possibles. Je caresse ce qu'il reste de son corps après qu'il a été touché par une bombe au jour de l'an, et je m'imagine ce que cela aurait été de le perdre réellement. Sa présence à mes côtés suffit à calmer ma sensation de perte. Il suffisait qu'il s'éloigne un peu pour que je m'imagine le pire et que je m'angoisse. Si je ne l'entendais pas respirer quand il dormait je me souvenais de tous ces corps qui avaient oublié ce que c'était de respirer.

L'ombre de la mort m'accompagnait, et même des obsessions de suiscide et le désir de suivre ces amis qui nous avaient quittés. En regardant autour de moi je vois tant de héros dans ma vie qui se transforment en fantômes accablés de chagrin. Nous avons survécu grâce à des comportements destructifs, de l'addiction au travail à l'alcoolisme et autres addictions. Pour ma part, je suis devenue addicte au douloureux sens de la culpabilité qui s'est souvent traduit par des blessures sur mes propres mains, et dont on voit encore les cicacrices sur mon poignet gauche. Quand on m'interroge sur ces cicatrices, je mens. Je mens parce que je ne veux pas avouer que l'héroïne en moi a disparu, peut-être pour ne jamais revenir, et a été remplacée par cette nouvelle victime.

Imaginez ce que cela représente de ne plus croire en rien. Ni au bon côté ni au mauvais côté de l'être humain, ni à l'univers et sa justice. La liberté est un droit et tous les jours on se demande si tout ce sang versé était nécessaire. Est-ce que le monde est devenu civil? Peut-on réellement impulser un changement? La démocratie dont on rêvait est-elle moins importante que ce que l'on imaginait?

Est-ce vrai que l'on ne peut rien changer si le dollar ne veut pas que cela change? Tout ce en quoi vous coyez a disparu, toutes les personnes qui vous connaissaient réellement ne sont plus à vos côtés. Votre famille est partie et tout ce qui vous entoure est étrange et nouveau et vous devez vous y adapter, comme à votre nouvelle personnalité.

Et mon amie de Global Voices m'envoie des messages pour me demander pourquoi je n'écris pas. Et j'ai honte de lui dire que j'arrête l'écriture. Je l'ai laissée là-bas avec tout le reste.

Cependant, depuis que j'ai décidé de me faire aider, j'avoue aujourd'hui -et je le dis pour la première fois en public- qu'en ce moment je prends des antidépresseurs. J'éloigne toutes les pensées morbides, si tant est qu'une syrienne puisse le faire. Je reprends contact avec les amis et j'accepte la victime que je suis. je la plains, je l'aime, je prie pour qu'elle obtienne la force et la patience et surtout le plus important la capacité de pardonner.

J'essaie de remettre tous les petits morceaux de moi à leur place, et j'espère qu'ainsi je me rappelerai où sont mes doigts pour pouvoir écrire à nouveau.

Comment dit-on “Bro” en Amérique Latine ?

mardi 8 septembre 2015 à 21:21

The Bromap: Comment dit-on “bro” en Amérique Latine ?

La page Facebook de Pictoline, un site hautement visuel dédié à l'actualité et aux informations, a partagé cette carte illustrant les différentes manières de dire “bro” (diminutif de brother ou frère en anglais) en Amérique Latine. Alors qu'au Mexique, on utilise wey et au Pérou pata, au Venezuela on dit pana et en Colombie parce.

Turquie : pour une gentrification qui tienne compte du peuple

mardi 8 septembre 2015 à 21:20
Istanbul, Turkey. 23rd August 2013 -- Demolition areas have become part of community life as the Tarlabasi area of Istanbul undergoes a major redevelopment project. Children are playing there all the time. -- Istanbul's Tarlabasi area is to undergo a redevelopment project. Whole building blocks are getting demolished and people are being evicted. Expensive hotels and shopping centers will take their place. Demotix, ID: 2684393

Istanbul, Turquie, le 23 août 2013 – Les espaces laissés libres par les démolitions liées à la rénovation du quartier de Tarlabaşi sont devenu des lieux de vie commune. Des pâtés d'immeubles entiers ont été démolis et leurs habitants expulsés. Des hôtels de luxe et des centres commerciaux seront construits à la place. Demotix ID: 2684393

Les élections générales du 7 juin en Turquie se sont soldées par la perte par l'AKP, Parti de la justice et du développement au pouvoir depuis plusieurs années, de sa majorité parlementaire. Le gouvernement composé du parti unique AKP était connu, entre autres, pour avoir transformé la Turquie en un immense chantier de construction [français], rapportant ainsi des centaines de millions de dollars de chiffre d'affaire aux entreprises de construction, mais aussi à des officiels du gouvernement qui seraient peu regardants — c'est ce qu'on soupçonne.

Nous avons construit des équipement sociaux incluant 577 maisons, un centre de santé, et un centre commercial.

Ils ont supprimé tout ce qui était jaune, bleu, vert, orange, violet ou rouge et ont tout remplacé par du marron et du blanc. Ils ont détruit Sulukule [une zone stambouliote qui subit des rénovations très agressives].

La rénovation et la gentrification sont des thèmes qui ont été très politisés [anglais] en Turquie depuis les protestations de Gezi en 2013, qui avaient commencé par un conflit entre les Stambouliotes et le gouvernement à propos des espaces publics.

Kids play in Tarlabası

Des enfants jouent dans le quartier de Tarlabaşı. Photo prise par Soultana Kabouridou le 23 août 2013. Demotix ID: 2684393.

Deux ans plus tard, les groupes pro et anti gentrification continuent à discuter sans se comprendre, tandis que les procès concernant les travaux de construction s'accumulent. Étant donné l'agitation voire la violence qui ont déjà été déclenchées par les conflits autour des travaux de rénovation, la question se pose : y'a-t-il un moyen pacifique de sortir de tous ces débats ?

Pour trouver des réponses, Global Voices a rencontré Boğaçhan Dündaralp, un architecte et universitaire primé, qui a joué un rôle essentiel durant la campagne pour sauver le jardin de Kuzguncuk [turc].

Comprendre la gentrification

Selon le dictionnaire Oxford [anglais], la gentrification est “un processus de rénovation et d'amélioration d'une habitation ou d'un quartier de manière à ce qu'il convienne aux goûts de la classe moyenne”. Durant la décennie qui vient de s'écouler, la gentrification a été une pratique très répandue en Turquie, et tout particulièrement à Istanbul. Concrètement, les habitants de certains quartiers – comme  Sulukule ou Tarlabaşı – ont été expulsés de leur foyer par un mélange d'attrait pour le quartier et de contraintes mises en œuvre par les promoteurs, qui souhaitaient augmenter la valeur de ces espaces. Des critiques de ce processus disent que sa rapidité combinée au fait qu'il ait été exclusivement tourné vers le profit [anglais], a renforcé l'inégalité sociale et économique toujours plus grande en Turquie, tout en négligeant la sécurité et le bonheur des gens qui habitaient dans ce secteur.

Boğaçhan Dündaralp explique à quel point une gentrification trop rapide peut créer des dommages à long terme sur le tissu social :

Si nous nous intéressons aux les racines de l'ennoblissement [la gentrification], nous constatons qu'elle vient du mot “noble” : elle désigne la rénovation de certains secteurs considérés comme importants dans une ville donnée, afin de redorer leur statut et leur valeur économique. Le résultat de la gentrification change selon si des habitations existaient avant ou non. L'ennoblissement peut avoir un impact énorme, créant un problème à grande échelle, car en considérant uniquement ses aspects économiques — et non le tout —  on regarde l'endroit sous un angle purement abstrait, mathématique, et on oublie, ou on refuse de payer les conséquences possibles, celles qui arrivent hors de la réalité économique.

Qui est d'ici ?

Boğaçhan Dündaralp souligne que les architectes qui prennent part à des projets comme celui de Tarlabaşı sont des gens extrêmement brillants et respectables. Leur argument principal est que les gens qui habitent à Tarlabaşı ne sont de toute manière pas vraiment de Tarlabaşı ; ainsi, quand une gentrification galopante a lieu, le fait de les déplacer d'un quartier ne signifie pas qu'il subissent une perte essentielle dans leur histoire.

Mais au delà du fait que cet argument n'est qu'à moitié vrai, ces gens, avant d'être déplacés, créent tout de même des réseaux de relation dans ce quartier précisément — des relations qui sont détruites quand des entreprises de construction entrent dans le quartier avec leurs bulldozers. Quand les gens sont déplacés vers des nouvelles maisons hors de leur quartier, il ne peuvent pas amener ce réseau vital avec eux, souligne Boğaçhan Dündaralp. Une gentrification efficace suppose qu'un langage commun soit adopté par toutes les parties, c'est-à-dire les résidents, les architectes, les entreprises et les ONG, pour que chacun comprenne comment sont perçus ces espaces selon les différents point de vue.

Un manque de continuité historique

C'est ce manque de compréhension sur les aspects historiques et culturels de la manière dont les gens mettent du sens dans un espace, qui rend le processus de gentrification si problématique en Turquie, explique Boğaçhan Dündaralp.

Un exemple de cela est la tentative récente de démolir le Camp Armen [anglais], un endroit très important pour les arméniens, où les enfants pauvres d'Anatolie — comme Hrant Dink [anglais] et sa femme Rakel — ont transité quand ils étaient contraints de déménager à Istanbul entre les années 60 et 80.

Bien que la démolition a été stoppée grâce aux efforts de beaucoup d'activistes, le futur du Camp Armen est toujours incertain [turc].

Voici ce que Boğaçhan Dündaralp en dit :

Qu'est ce qui doit être protégé ? Qu'est ce que nous souhaitons protéger, génération après génération ? Qu'est ce que nous voudrions protéger pour que la valeur d'un endroit perdure ?

Sauver uniquement les objets qui ont une valeur historique ne suffit pas pour garder une continuité dans l'histoire de l'endroit. Il est essentiel de voir les choses du point de vue des réseaux et des relations, qui font d'un endroit ce qu'il est.

D'un autre côté, il y a les besoins et les attentes d'aujourd'hui. Mais faire se rencontrer les attentes d'aujourd'hui avec ces relations ancrées historiquement, c'est une approche bien différente de celle mise en œuvre actuellement.

Boğaçhan Dündaralp explique que si l'on regarde un endroit d'un point de vue économique, on ne peut que produire des solutions purement économiques. Comprendre les identités qui se sont créées dans un lieu spécifique nécessite de l'étudier en détail. Les lieux dont la valeur émotionnelle est trop forte pour les gens devraient être épargnés par la gentrification. Au lieu de changer totalement le sens d'un lieu au nom du profit, on devrait respecter son rôle et essayer de satisfaire les besoins présents en tenant compte de ce contexte.

Un langage commun est-il possible ?

Aujourd'hui, selon Boğaçhan Dündaralp, le problème principal pour discuter des changements qui arrivent à Istanbul et ses alentours — mais aussi en Turquie — est que tout le monde se retranche dans son coin et se cramponne obstinément à son propre point de vue, supprimant ainsi toute possibilité de discussion ou de médiation. A la place d'une culture de compromis, chacun prend son propre point de vue pour loi, sans volonté de se comprendre ou de se faire confiance. Ainsi, beaucoup de gens qui seraient capables de travailler ensemble s'opposent les uns aux autres.

Boğaçhan Dündaralp observa lui-même ces tensions, à l'époque où il participait aux négociations autour du Kuzguncuk Garden [anglais] :

Par exemple, lors du dialogue entre les résidents de Kuzguncuk et la municipalité d'Istanbul, les écologistes radicaux se sont aussi impliqués. Ils disaient : “C'est un jardin, un espace vert protégé qui doit rester tel quel, et personne ne devrait y pénétrer”. Mais s'ils avaient connu l'histoire des 20 dernières années du parc, ils n'auraient jamais dit cela. A la place, ils auraient compris que ce parc, historiquement, est un lieu public.

Aujourd'hui quand vous regardez le jardin, vous voyez les gens qui font du sport le matin, les personnes âgées qui l'utilisent de plus en plus, les enfants qui l'investissent dès la sortie de l'école, le jardinage qui continue, et la partie haute qui a été laissée comme espace vert. Nous avons tous une image différente du jardin idéal. Peut-être que personne ne devrait dire du jardin actuel qu'”il est exactement comme il devrait être”, car certains d'entre nous pourrions le souhaiter un peu différent — dans un sens ou dans l'autre.

Cependant, sur le fond, nous avons trouvé un accord sur un point : le jardin est désormais épargné par les menaces de construction, et continue d'offrir un espace public et un espace de jardinage. Des produits naturels ont été utilisés pour l'agencement. […] L'important, c'est d'arriver à fabriquer ce lieu commun en agrégeant nos différentes visions.

Pour le moment, la solution trouvée pour le problème du jardin de Kuzguncuk est l'exception plutôt que la règle… Mais Boğaçhan Dündaralp reste convaincu que ce sont les petits exemples qui mènent à un grand changement.

Un réfugié syrien au Brésil ouvre son restaurant par crowdfunding

mardi 8 septembre 2015 à 12:19
O engenheiro mecânico Talal, que agora trabalha com culinária síria. Crédito: aquivo pessoal

Talal Al-Tinawi, l'ingénieur en mécanique devenu  cuisinier. Photo: Photo personnelle utilisée avec permission

Cet article a été initialement publié sur le blog Migramundo  et est publié par Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Le réfugié syrien Talal Al-Tinawi est ingénieur en mécanique, mais depuis son arrivée au Brésil à la fin de l'année 2013, il a trouvé une autre vocation. Découragé par la bureaucratie et les démarches nécessaires pour la validation de son diplôme au Brésil, il a trouvé une autre façon de gagner sa vie :  dans une cuisine. Encouragé par l'enthousiasme des Brésiliens pour la gastronomie syro-libanaise (qu'ils appellent “la cuisine arabe”), il lance maintenant un appel pour franchir une nouvelle étape et ouvrir un restaurant, avec une campagne de crowdfunding.

L'histoire a commencé à la fin de l'année  2014, quand Talal a accueilli chez lui un groupe d'amis et de bénévoles de Adus, une ONG qui aide les réfugiés à São Paulo, où Talal vit avec sa famille. Ses entrées et plats ont remporté un tel succès qu’ ils lui ont suggéré d'utiliser ses talents pour ouvrir sa propre entreprise.

Ainsi est né ‘Talal Syrian Cuisine, traiteur syrien, qu'il gère de sa propre maison. Il livre   les fêtes et réceptions de São Paulo – y compris celle du «Parti des immigrés» de São Paulo, qui fête cette année son 20e anniversaire et a organisé un diner pour 400 personnes à la mosquée Pari (mosquée principale de la ville) durant le Ramadan. Talal donne aussi des cours de cuisine à ses compatriotes réfugiés, dans les locaux de Adus. “Depuis ce diner chez moi, je n'arrête pas de cuisiner”.

Le flux de migration de la Syrie et du Liban au Brésil a commencé à la fin du 19ème siècle et dans les années 1930, ce pays sud-américain avait reçu plus de 100000 personnes, en majorité des chrétiens. Aujourd'hui, au moins 6 millions de Brésiliens ont des origines levantines.

Les sfihahs (tartes à la viande découvertes) et les kibbehs (viande hachée frite) de talal,  sont déjà familiers aux Brésiliens comme d'autres spécialités et restent les plats les plus populaires. “Mais après avoir créé mon menu, les gens ont été progressivement intéressés par d'autres plats aussi.”

L'intérêt croissant pour cette gastronomie fait que Talal envisage d'agrandir son entreprise par l'ouverture d'un restaurant. “Avec une adresse fixe, mes produits deviendraient plus connus et j”aurais une meilleure structure pour proposer des plats plus complexes et diversifier le menu” dit-il.

Kibes, esfihas e charutos de uva estão entre os quitutes disponíveis no Talal Cozinha Síria. Crédito: Divulgação

Kibbehs, sfihas, et autres spécialités syriennes cuisinées par Talal. Photo personnelle, utilisée avec permission.

 

Avec l'aide de bénévoles de Adus, Talal a lancé une campagne de crowdfunding en ligne pour lever 60 000 réaux brésiliens (environ 15 000 USD). Avec cet argent, il envisage d'acheter des équipement de base pour le restaurant: fours, réfrigérateurs, et électroménager et mobiliers.

Jusqu'à présent, la campagne a réuni un peu moins de 15000 BRL (environ 3500 USD) il a jusqu'au 21 Septembre pour atteindre son objectif. Comme dans d'autres campagnes de crowfunding, les donateurs recevront des cadeaux tels que des déjeuners  au restaurant ou des cartes de réduction valables pour une année. La campagne est «flexible», ce qui signifie que si la cible n'est pas atteinte, l'argent ne sera pas retourné au donateur, mais sera utilisée pour couvrir une partie des frais et les financeurs seront toujours en mesure d'utiliser leurs dons contre des livraisons de plats comme Talal le fait déjà.

Com restaurante físico, Talal pretende expandir negócio e deixar serviço de culinária síria ainda mais acessível. Crédito: Rodrigo Borges Delfim

Talal wants to expand his business by opening a restaurant. Photo: Rodrigo Borges Delfim, Migramundo

Les bénévoles de Adus ont également aidé Talal à affronter la bureaucratie brésilienne et créer son entreprise – un gros problème que d'autres petits entrepreneurs étrangers rencontrent dans ce pays.

Dans la vidéo ci-dessous, Talal raconte son histoire  (en portugais) et demande aux amateurs de cuisine syrienne de l'aider à atteindre son objectif d'ouvrir un restaurant.

Selon le Comité brésilien pour les réfugiés (CONARE), le Brésil a accueilli actuellement 7 700 réfugiés de 81 nationalités, la plupart venant de Syrie (23%), suivie par la Colombie, l'Angola et la République démocratique du Congo. Le nombre de demandes d'asile au Brésil a augmenté de 2131% au cours des 5 dernières années, de seulement 1165 demandes en 2010 à 25 996 années dernière. Le Brésil a reçu le plus grand nombre de demandes d'asile en Amérique latine au cours de cette dernière année.

Ukraine/Russie : la crise énergétique s'enlise

lundi 7 septembre 2015 à 21:50

la-russie-coupe-son-gaz-a-l-ukraineLes crises ne se comptent plus en Ukraine. En parallèle de la crise politique qui oppose séparatistes pro-russes et loyalistes, le pays doit faire face à une double crise économique de liquidité et de solvabilité. L'échec des négociations sur les accords gaziers avec la Russie marquent une nouvelle étape dans le face-à-face entre Moscou et Kiev. Un blocage qui hante les esprits à l'approche de l'hiver.

Les accords gaziers au point mort

Début juillet, au lendemain de l'échec des négociations entre Naftogaz, la compagnie publique ukrainienne, et son homologue russe Gazprom, la Russie a confirmé avoir cessé ses livraisons de gaz à l'Ukraine. Nouveau chapitre dans le bras de fer entre ces géants du gaz. Auparavant, l'Ukraine bénéficiait d'un accord préférentiel d'approvisionnement de gaz, d’une remise de 100 dollars par millier de mètres cubes par rapport au prix du marché. Mais la chute du prix du pétrole, et celle contingente du gaz, qui s'ajoute aux tensions entre les deux pays depuis la crise dans le Donbass commencée il y a un an, ont fait durcir le ton à Moscou. Et l'Ukraine a perdu ses privilèges.

Alors que le prix minimum proposé par Gazprom était de 247,12 dollars, Kiev demandait qu’il soit ramené à 200 dollars les 1000 mètres cubes. Ancien négociateur pour l'Ukraine, Dmytro Firtash réussissait à obtenir des prix très avantageux. « La vie nous enseigne qu’il est important d‘être un expert dans ce que l’on fait, et de comprendre comment les choses fonctionnent. Malheureusement, notre gouvernement a une compréhension très superficielle de l’ensemble du processus [d'approvisionnement du gaz] et ne peut pas apprécier pleinement les résultats de ses actions » explique-t-il aujourd'hui.

L'économie ukrainienne au plus bas

Un blocage d'autant plus problématique que l'économie ukrainienne s'est effondrée. Le pays est actuellement amputé de la région du Donbass, qui représente près de 20 % de son PIB. Le Fonds monétaire international (FMI) a sauvé in extremis l'Ukraine du défaut de paiement en accordant un plan d'aide en juillet dernier, mais tous les indicateurs restent dans le rouge et les espoirs sont minces de voir le pays sortir bientôt de ce marasme.

La croissance était à – 6,8 % en 2014 et les perspectives de 2015 varient entre – 5,5 % et -7,5 %. La monnaie continue de chuter depuis que le FMI a enjoint la Banque centrale ukrainienne d'arrêter de défendre sa monnaie face aux marchés. La hryvnia a perdu près de la moitié de sa valeur face au dollar en 2014 et a enregistré une nouvelle chute de plus de 30 % depuis le début de l'année. En parallèle, l'inflation culmine à 25 % en rythme annuel (45,8 % fin mars 2015).

Les réformes structurelles requises par le FMI contre le programme d'aide devront donc attendre. L'institution a en effet demandé à Kiev d'engager un grand plan d'assainissement des dépenses publiques et de consolidation du budget, mais le gouvernement est pour l'instant incapable de répondre à de telles exigences. Le déficit budgétaire dépasse les –4 % et la dette publique atteint 72,7 % du PIB. Le FMI prévoit qu'elle atteindra 94 % au cours de l'année 2015. Sans apaisement dans l'est du pays et sans accord gazier avec la Russie, l'espoir d'une amélioration de la situation économique du pays reste chimérique.

Trouver du gaz avant l'hiver

Tant que les beaux jours demeurent, les inquiétudes restent contenues. Mais que se passera-t-il quand le mercure descendra en dessous de zéro degrés ? L'Ukraine doit débloquer la situation avec Gazprom ou trouver un nouveau partenaire avant cet hiver. Elle se tourne notamment vers les pays d'Europe centrale.

Face à la pénurie, Kiev pourrait aussi être tenté de puiser dans les tuyaux qui acheminent le gaz de Russie vers l'Europe occidentale. Lieu de passage obligé de 80 % du gaz russe destiné à l'Europe pendant vingt ans, l'Ukraine dispose de nombreux gazoducs. Ce scénario reste toutefois peu probable. L'Ukraine a déjà eu à faire face à une pénurie de gaz et n'a pas recouru à cette solution, de peur de froisser ses partenaires européens qui verraient leurs commandes de gaz ponctionnées.

Dès l'annonce de l'arrêt des accords gaziers, la Commission européenne s'était montrée rassurante. Le Commissaire européen chargé de l'Energie, Maros Sefkovic, avait assuré que les approvisionnements russes à destination de l'Europe ne seront « pas en danger » l'hiver prochain. Difficile en tout cas d'imaginer que l'Ukraine pourra sortir seule de cette crise énergétique. Les réserves de charbon, comme les mines, se trouvent dans le Donbass. Or le regain de tensions malgré les récentes annonces de Petro Porochenko de conférer à la région un statut de semi-autonomie ne laissent pas présager d'une accalmie prochaine.