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Dota 2 envahit l'Opéra national du Kirghizstan et sème la destruction sur son passage

vendredi 1 février 2019 à 16:30

Image composée du Théâtre d'Opéra et ballet de Bichkek, 2013 et 1956. Source image : Kloop.kg.

Le directeur de l'Opéra national avait-il toute sa tête ou a-t-il vendu l'âme du pays au diable quand il a autorisé des fans de jeux vidéos de la génération Y à envahir pour une journée le plus célèbre lieu culturel du Kirghizstan ?

Les autorités kirghizes ont opté pour la seconde explication le 31 janvier en licenciant Bolot Osmonov après que les traditionalistes ont hurlé contre sa décision d'accueillir un tournoi national de Dota 2 dans le Théâtre d'opéra et de ballet de la capitale Bichkek.

Dota 2 — un jeu vidéo violent de type arène de bataille en ligne multijoueur qui est l'un des plus populaires du genre au niveau mondial — est on ne peut plus éloigné de ce qui s'y déroule d'ordinaire.

Le 19 janvier, les jeunes gameurs kirghizes se sont serrés autour de la même scène sur laquelle la légendaire danseuse-étoile Bubusara Beyshenalieva a interprété les rôles d’Odette/Odile, Juliette et Aurora après s'être produite au Bolchoï en 1941.

Au lieu de pointes et d'entrechats, ils appuyaient sur des boutons et se disputaient une cagnotte d'une valeur de 1 million de soms (environ 12.500 euros au taux actuels) donnés par le sponsor de l'événement, l'opérateur russe de téléphonie mobile Beeline.

Fait non négligeable, Beeline a aussi déboursé les 260 euros de l'heure de location du bâtiment, à l'allure de symbole pérenne de l'héritage culturel de l'Union soviétique en Asie centrale.

Panneau publicitaire pour le tournoi de Dota 2 dans le métro central. Photo prise par Elita Bakirova.

Pour les traditionalistes, c'était un sacrilège.

Tair Beisheev, un soliste d'opéra qui se produit au Théâtre d'opéra et de ballet, a été parmi les figures majeures qui se sont plaintes avec acrimonie du tournoi de Dota :

This is a place where great names, the sons and daughters of Kyrgyzstan performed, and now some terrible event, seemingly called ‘’Dota’’ is taking place here. Perhaps it’s me who has lost touch, or maybe it’s just some foolish generation that thinks this is acceptable. How did our government allow this?

C'est un lieu où les grands noms, les fils et filles du Kirghizstan se sont produits, et maintenant il s'y déroule un exécrable événement qui paraît-il s'appelle “Dota”. C'est peut-être moi qui ai perdu le contact, ou alors c'est seulement quelque génération perdue qui que c'est acceptable. Comment notre gouvernement a-t-il permis ça ?

Le leader d'opinion libéral Bektour Iskender s'est dit en désaccord dans un post Facebook du 21 janvier :

Турнир по доте в театре оперы и балета — это может быть один из самых крутых способов развивать оперу и балет, хэллоу. Как будто 180 тысяч сомов на дороге валяются.

Pardon ?! Un tournoi de Dota dans le Théâtre d'opéra et de ballet, c'est une des façons les plus chouettes de faire de la pub à l'opéra et au ballet. En plus, 180.000 soms (la somme totale payée par Beeline pour louer le bâtiment) ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval.

Guerres culturelles

A l'issue du tournoi, le collectif kirghize de gameurs NoLifer5 a surpassé les autres équipes et ramassé la moitié de la cagnotte. Des gains qui pâlissent à côté du pool Dota 2 International (TI), où plus de 25 millions de dollars étaient en jeu pour les équipes en compétition dans l'édition 2018 à Vancouver.

La star du gaming native de Bichkek Evgeny Ri, qui représentait NoLifer5 à l'événement du 19 janvier mais joue dans l'équipe ukrainienne Natus Vincere (Na’Vi) lors de tournois plus sérieux, gagne plusieurs milliers de dollars par mois. Dans ce laps de temps, les danseurs de la troupe nationale de ballet du Kirghizstan travaillent presque gratuitement.

Le sacré n'est rien

Evgeny Ri, (à gauche) dit Blizzy au tournoi MegaFon Winter Clash à Moscou. Photo prise par Erlan Bakirov

Malgré le manque de moyens, le Théâtre d'opéra et de ballet continue à monter des spectacles de qualité et conserve un public nombreux et fidèle – même s'il est vieillissant.

Néanmoins, le mécontentement public progresse contre la mauvaise gestion de ce lieu et d'autres semblables.

En 2015, un précédent directeur du théâtre, Timur Sultanov, avait été renvoyé après le tollé qu'il avait provoqué en organisant sur la scène sacro-sainte un banquet d'anniversaire pour un conseiller municipal.

Pressentant peut-être qu'un scandale de même envergure couvait, le ministre de la culture nouvellement nommé Azamat Zhamankulov s'est hâté de prendre ses distances d'avec la clameur de Dota 2.

“Les institutions culturelles sont pour les événements culturels”, a-t-il déclaré le 21 janvier, prétextant que la direction du théâtre aurait dû lui notifier à l'avance le projet d'accueillir le tournoi.

Une demande concevable, mais il est douteux que Zhamankulov n'ait pas remarqué les nombreux panneaux faisant la publicité du tournoi dans toute la ville. De toute façon, le mal était fait.

Moins de deux semaines après l'événement, le Premier ministre du Kighizstan Mukhametkhali Abylgaziyev entérinait le renvoi d'Osmonov.

Un magazine jeunesse autrefois chéri est accusé de blanchir l'héritage des nazis serbes

vendredi 1 février 2019 à 13:47

La une de Politikin Zabavnik du 18 janvier 2017 et le scan de l'article controversé intitulé  « Qui étaient les hommes de Ljotić ? » qu'un utilisateur de Twitter @lukazb a publié assorti du commentaire: « Fascistes! »

Des membres du public serbe ont exprimé leur stupéfaction après que un magazine populaire de Belgrade, l'hebdomadaire Politikin Zabavnik , a publié un article que beaucoup de lecteurs ont ressenti comme minimisant les crimes de guerre des collaborateurs locaux des nazis.

Intitulé « Qui étaient les hommes de Ljotić ? » et publié dans l'édition du 18 janvier, l'article présente le Corps de volontaires serbes, un relais local du régime nazi durant la Seconde Guerre mondiale, sous un jour plutôt positif.

Avec son nom que l'on pourrait traduire approximativement « Le Journal détente de Politika » ou « Politika amusant », le magazine est destiné à « tous les âges, de 7 à 107 ans » et est généralement considéré comme destiné à la lecture en famille. Fondé en 1939, il bénéficia, dans toute la Yougoslavie, du statut culte de quintessence du divertissement éducatif haut de gamme, avec son mélange encyclopédique de culture générale, de jeux, de nouvelles, de rubriques consacrées à l'histoire, à la science, au voyage et à la musique. 50% de ses pages étaient en outre dédiées à des BD de qualité.

Professionnels des médias et lecteurs ont dénoncé ce qu'ils ont perçu comme une trahison par le magazine de ses valeurs cosmopolites et progressistes. Ils considèrent l'article comme l'acte ultime de soumission du journal au gouvernement populiste de droite, qui a entrepris de réhabiliter l'héritage des collaborateurs nazis de la Seconde Guerre mondiale.

L'occupant nazi et ses affiliés ont tué environ 140 000 personnes en Serbie, procédant au génocide de plus de 20 000 Juifs et d’environ 12 000 à 20 000 Roms.

Le 20 janvier 2019, l’ Association indépendante des journalistes de Serbie (NUNS) et la Société indépendante des journalistes de Voïvodine (NDNV) a qualifié l'article de « plus lamentable de toutes les formes de manipulations médiatiques : la manipulation des enfants ». Elles ont relevé que le magazine se répand en « éloges écœurants» à l'endroit de Dimitrije Ljotić, qui a participé activement à la Shoah, en affirmant fallacieusement qu'« il condamna le pogrom des Juifs. »

Istorijski revizionizam odavno je postao deo naše svakodnevice, a fašističke, nacističke i druge kvislinške i kolaboracionističke snage se na sve načine trude da falsifikuju istoriju.

Le révisionisme historique fait désormais partie de notre existence quotidienne, et les fascistes, nazis et autres forces collaborationnistes font d'énormes efforts pour promouvoir des récits historiques mensongers.

Des utilisateurs des réseaux sociaux ont réagi en fournissant des documents attestant des faits survenus durant la période :

Cette photo montre comment ils ont aidé les Roms. Les hommes de Ljotić les ont conduits à l'exécution par balles.

Parallèlement , la communauté juive de Belgrade a publié une lettre ouverte adressée au rédacteur en chef de Politikin Zabavnik le 21 janvier, pour exprimer sa consternation et rappeler des faits relatifs à la Seconde Guerre mondiale.

Dimitrije Ljotić JE BIO lokalni nacista i organizovao je vojsku, Srpski dobrovoljački korpus (nem: Serbischer SS-Freiwilligen Korps) koja je bila u službi Vermahta.

Ideologija ovog korpusa je bila identična nacističkoj: istrebljenje Jevreja, komunista i zapadnjačkog kapitalizma. Korpus je bio zloglasan po zločinima nad stanovništvom, posebno Jevrejima i Romima, partizanskim ustanicima i pripadnicima pokreta otpora. Ljotićeve jedinice su učestvovale u streljanju đaka u Kragujevcu u oktobru 1941. Dan nakon ovog masakra u organizaciji ZBOR otvorena je najveća antisemitska izložba u Beogradu tzv. “Antimasonska izložba” koja je bila usmerena ka “razotkrivanju judeokomunističke zavere” a u proljotićevskim novinama su se pojavile reči “Srbi ne bi trebalo da čekaju Nemce da počnu istrebljenje Jevreja”.

Dimitrije Ljotić A ÉTÉ un nazi et a organisé une armée, le Corps de volontaires serbes (Serbischer SS-Freiwilligen Korps en allemand) qui a servi la Wehrmacht.

L'idéologie de ce corps était identique à celle des nazis : extermination des Juifs, communistes et capitalisme occidental. Ce corps est devenu tristement célèbre pour les crimes qu'il a commis contre des civils, en particulier contre des Juifs et des Roms, contre des partisans et d'autres membres du mouvement de la résistance. Les unités de Ljotić ont participé au meurtre des étudiants perpétré durant le massacre de Kragujevac d'octobre 1941. Un jour après ce massacre, son organisation ZBOR a ouvert la plus grande exposition antisémite de Belgrade, la soi-disant « Exposition anti-maçonnique », qui visait à « révéler le complot judéo-communiste », alors que les journaux pro-Ljotić  suggéraient que les « Serbes ne devraient pas attendre que les Allemands entament l'extermination des Juifs. »

Pourquoi Politikin Zabavnik est-il si important pour tant de gens?

Comparativement à la situation dans les  pays du Bloc soviétique, dans la Yougoslavie socialiste indépendante, le secteur de l'édition a joui d'un plus grand degré de liberté; il a ainsi importé nombre de ses contenus de l'Ouest. Dans les années 70, les éditeurs de magazines portant sur un large éventail de sujets grand public : BD, littérature populaire, musique et même contenus érotiques voire pornographiques, sont devenus financièrement autonomes en répondant aux besoins d'une classe moyenne nombreuse.

La diffusion de Politikin Zabavnik a dépassé les 300.000 numéros hebdomadaires dans la période faste des années 70 et du début des années 1980. Sa mission était de construire une « infrastructure  culturelle », de « développer des valeurs éthiques » et de nourrir la force fédératrice du patriotisme yougoslave.

Le journal était publié dans une version cyrillique (serbe), latine (croate), ainsi qu'en slovène. Ses rubriques historiques promouvaient les valeurs anti-fascistes du Front yougoslave de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que l'héritage de tous les peuples appartenant à la fédération.

Après l'éclatement de la Yougoslavie en 1990, la plupart des médias serbes ont épousé l'idéologie nationaliste de Slobodan Milošević. Au fil du temps, Politikin Zabavnik s'est adapté à cette nouvelle réalité du marché en incluant davantage de sujets restreints à l'histoire et aux traditions serbes.

Des observateurs étrangers soulignent depuis quelque temps déjà que la publication promeut de plus en plus le nationalisme et des valeurs d'extrême droite, mais cela n'a eu que peu d'effet sur le public serbe jusqu'au scandale actuel :

C'est ainsi que politikin zabavnik  illustre une histoire de famille en Israël ! [à la façon de] Der Stürmer ?

Cette fois, un grand nombre d'utilisateurs des réseaux sociaux ont exprimé leur indignation, comme le scénariste de télévision Bane Raičević :

Le dimanche matin, j'allais à l'épicerie du coin, j'achetais du pâté de foie de porc Carnex et du Coca Cola. Sur le chemin du retour, j'achetais Politikin Zabavnik. Je rentrais chez moi, m'asseyais dans la cuisine, mangeais du pâté avec du pain, en buvant du Coca, et lisais Politikin Zabavnik. C'était mon plaisir quand j'étais enfant. Ce sont des souvenirs que vous avez réussi à salir, brutes nauséabondes.

Un autre utilisateur a twitté une image du logo bien connu du journal –  Donald en vendeur de journaux – dans laquelle on avait remplacé cette figure par le personnage de Disney tel qu'il apparaît dans le dessin animé primé aux Oscars Der Fuehrer's Face :

Et c'est ainsi que Politikin Zabavnik s'est trahi lui-même…

Des excuses – et un nouvel article

Dans l'édition suivante du magazine, publiée le 26 janvier, figurait un nouvel article intitulé « Qui étaient vraiment les hommes de Ljotić ? », accompagné d'une introduction qui avait également été publiée sur la page Facebook du magazine :

„Политикин Забавник” није желео да релативизује улогу злочиначких јединица организације „Збор”, као ни Димитрија Љотића, и њихових недела током Другог светског рата!

Извињавамо се свима који су наш текст тако схватили, а посебно јеврејској и ромској заједници!

 Politikin Zabavnik n'entendait pas relativiser le rôle des unités criminelles de l'organisation ZBOR, ni le rôle de Dimitrije Ljotić et leurs crimes durant la Seconde Guerre mondiale !

Nous présentons nos excuses à tous ceux qui ont interprété notre texte en ce sens, et en particulier aux communautés juive et rom !

Cette nouvelle version faisait un compte rendu plus factuel sur la nature du mouvement de Ljotić, et comprenait même la photo, largement diffusée sur Twitter, représentant ses membres en train de conduire des Roms au massacre.

NUNS et NDNV ont de nouveau réagi, en disant que tandis que le nouvel article condamnait les hommes de Ljotić, il réhabilitait d'autres traîtres nationaux qui ont collaboré avec l'occupant nazi (cette fois, les Tchetnicks), et salissait la réputation des communistes, en utilisant l'excuse de « la promotion de l'anti-anti-fascisme.»

Le scandale de Politikin Zabavnik révèle la profonde polarisation de la société serbe, résultat de l'instrumentalisation du nationalisme en vue d'exacerber les divisions entre les citoyens libéraux et leurs compatriotes convaincus que l'identité ethnique est le critère essentiel pour déterminer si une personne est digne d'éloge ou condamnable.

La nouvelle catastrophe minière au Brésil démontre que la promesse de Bolsonaro de déréglementer le secteur est une folie

jeudi 31 janvier 2019 à 13:08

Une vue de la région après la rupture du barrage de Brumadinho. Photo Brigade des pompiers du Minas Gerais, domaine public

Trois ans, deux mois et vingt jours après la rupture d'un barrage de résidus miniers dans l’État du Minas Gerais, dans le sud-est du Brésil, la tragédie meurtrière s'est reproduite à seulement 120 km de là : le 25 janvier 2019, trois digues ont cédé à Brumadinho, une bourgade du même État. Lorsque la première a craqué, la coulée de boue a surchargé les deux autres ce qui a causé leur effondrement.

De même qu'en 2015, les barrages de Brumadinho appartenaient au géant minier Vale. L'accident s'est produit aux alentours de midi, pendant que le personnel prenait sa pause-déjeuner. Selon le PDG de Vale Fábio Schvartsman, 427 personnes se trouvaient à l'intérieur du réfectoire quand il a été submergé. G1, un média local, informe que 60 morts ont confirmées, mais que seuls 19 corps ont été identifiés jusqu'à présent ; 192 personnes ont été retrouvées vivantes, et 292 restent disparues. La plupart des victimes sont des salariés de Vale.

L'accident s'est produit à peine trois jours après l'allocution du Président Jair Bolsonaro devant le Forum économique mondial de Davos, en Suisse, où il a affirmé que le Brésil est “le pays au monde qui préserve le mieux l'environnement”. Il ajoutait que son pays devait “progresser dans l'équilibre entre la préservation de l'environnement et de la biodiversité et le nécessaire développement économique”.

Une de ses promesses de campagne était de faciliter les activités minières dans la région amazonienne. Lors de son investiture, il a critiqué les régulateurs miniers et fait serment d'assouplir le ministère des Mines et de l'énergie.

Après la tragédie de Brumadinho, Bolsonaro s'est montré sur la défensive devant une station locale de radio, en disant que Vale, qui est une entreprise pivée, “n'a rien à voir avec le gouvernement fédéral”. Il a ajouté que les responsabilités de l’État se trouvent du côté de l'Institut brésilien de l'Environnement et des ressources naturelles renouvelables (Ibama), le principal régulateur environnemental du pays.

Le lendemain, Bolsonaro a annoncé la création d'un conseil et d'une commission pour suivre les développements à Brumadinho.

Pendant ce temps, les familles des disparus continuent à guetter les nouvelles. Vendredi, l’Estado de Minas, un journal local, a interviewé Mauro Fonseca, 75 ans, dont les deux neveux, salariés de Vale, étaient au travail au moment de l'accident :

O Ronaldo conseguiu escapar com um caminhão. A gente conseguiu falar com ele. Só que o Rogério não. A irmã dele está desesperada. A gente liga, mas só dá caixa-postal. Ele estava no refeitório.

Ronaldo a réussi à s'échapper en camionnette. On lui a parlé. Mais Rogerio non. Sa soeur est désespérée. On continue à appeler, mais ça va sur la messagerie. Il était au réfectoire.

La zone a été recouverte de boue. Photo : Photo Brigade des pompiers du Minas Gerais, domaine public

Parlant à la télévision nationale, Schvartsman a prétendu que le barrage effondré n'était plus utilisé depuis trois ans, et que la dernière vérification avait eu lieu 15 jours avant la catastrophe. En septembre, une société allemande avait inspecté les lieux et conclu que le barrage était “stable”, a-t-il justifié. Schvartsman a ajouté que si l'ampleur des dommages environnementaux est peut-être moindre qu'en 2015, la “tragédie humaine est plus grande” cette fois.

Le contexte

Une note publiée par l’Agence minière nationale indique que les barrages de Brumadinho étaient classés dans la catégorie “faible risque et dégâts potentiels élevés” (concernant les pertes de vies humaines et les impacts social, économique et environnemental associés).

L’État brésilien du Minas Gerais concentre 63 pour cent des barrages miniers à haut risque du pays, selon Agência Lupa, un organe brésilien de vérification des faits. “Haut risque” est pris ici au sens de comportant des “problèmes dans ses caractéristiques techniques ou un mauvais état de conservation”. La distance de Brumadinho à la capitale du Minas Gerais, Belo Horizonte, sixième plus grande ville du Brésil, est de 60 km.

Brumadinho est le berceau de l’Institut Inhotim, le plus grand musée en plein air du monde, dont la collection comprend des oeuvres sur le thème de l'exploitation hulaine des sols. Le musée a dû être évacué après la rupture.

Le reporter Lucas Ferraz, natif de la région, a rappelé au public les conflits d'intérêts du musée avec les mines du Minas Gerais :

Le barrage de Vale se rompt à Brumadinho, où se trouve Inhotim. Le patron d'Inhotim a fait fortune avec une compagnie minière dont le barrage, à Itabirito (66 km de Brumadinho), s'est aussi rompu (dans les années 80, avec des morts). Itabirito est à 63 km de Mariana [site de la tragédie de 2015]. Négligence permanente et circulaire.

Le gouverneur du Minas Gerais Romeu Zema et le président Jair Bolsonaro, en réunion le lendemain de la tragédie. Photo : Isac Nóbrega, Présidence, domaine public

Trois ans après la première catastrophe, les effets sur le Rio Doce et l'écosystème autour de Mariana sautent toujours aux yeux. Les experts de l’Université de São Paulo estiment que l'environnement mettra des siècles à se reconstituer. A ce jour, nul n'a été arrêté et les personnes des communautés affectées attendent toujours leur indemnisation.

Moins de 24 heures après la rupture à Brumadinho, les habitants des agglomérations situés le long du rio Paraopeba, envahi par la boue, signalaient la vision de poissons morts. La population des 48 municipalités touchées dépasse les 1.3 millions. Le gouverneur du Minas Gerais a suspendu toutes les activités de Vale dans la région.

Larissa Pak, dernière Coréenne aux confins du Tadjikistan et de l'Afghanistan

mercredi 30 janvier 2019 à 17:46

Larissa Pak entourée de membres de sa famille devant sa maison du village de Sukhrob, district de Farkhor, Tadjikistan

Avec sa longue robe colorée, ses cheveux couverts et sa maîtrise sans accent de la langue du pays, Larissa Pak ne se distingue pas des autres femmes de son village à quelques kilomètres de la frontière du Tadjikistan avec l'Afghanistan. En revanche, son nom, qu'elle a conservé même après avoir épousé son mari décédé, est un souvenir d'une autre patrie à plus de 5.000 kilomètres à l'est de celle adoptée par ses parents.

Au moins 200.000 habitants d'ethnie coréenne furent déportés de l'Extrême-Orient russe pendant les années 1930 lorsque Staline ordonna le déplacement forcé de minorités entières suspectées de manque de loyauté à la patrie soviétique.

La crainte spécifique du Kremlin à l'encontre de la population coréenne était qu'elle ne soit infiltrée par des agents du Japon, qui occupait alors la péninsule coréenne avec des visées expansionnistes sur le continent asiatique.

Les Coréens furent d'abord placés en masse dans des camps de travail au Kazakhstan et en Ouzbékistan, où ils succombèrent en nombres inconnus à la malaria et à d'autres maladies en travaillant dans des conditions épouvantables.

Avec le temps, les ‘Koryo Saram’, comme étaient appelés les Coréens soviétiques, abandonnèrent peu à peu leur langue maternelle pour la lingua franca de l'Union soviétique, le russe, et, plus rarement, les langues titulaires des républiques où ils ont fait souche, comme le tadjik et l'ouzbek.

Pour les parents de Mme Pak, 65 ans, le Tadjikistan fut la seconde étape en Asie centrale après les steppes du Kazakhstan. Farkhor, le district dans lequel elle a grandi, s'est mariée et a élevé dix enfants, abritait une ferme collective de riziculture dans laquelle travaillaient en majorité des Coréens.

Aujourd'hui, elle est la seule Coréenne restante de Farkhor, où l'éprouvante bande-son de la guerre entre les forces gouvernementales afghanes et l'insurrection talibane s'entend parfois au loin.

“Je ne me suis jamais sentie indésirable ou mal à l'aise parmi les gens du cru. J'ai grandi parmi les Ouzbecks et les Tadjiks, et plus tard, une fois mariée, je me suis mise à m'habiller comme les femmes d'ici, me suis convertie à l'islam, et ai commencé à prier cinq fois par jour”, a raconté Mme Pak à Global Voices, entourée de filles, fils, gendres et belles-filles, et de nombreux petits-enfants.

Le grand exode

Pendant les années 1990, le Tadjikistan a été rongé par sa guerre à lui. Les Coréens, comme d'autres minorités : Allemands et Russes, fuirent le pays au long d'une guerre civile de cinq années qui a coûté des dizaines de milliers de vies et approfondi la destruction économique provoquée par l'effondrement soviétique.

Larissa Pak dans sa maison du village de Sukhrob, district de Farkhor, Tadjikistan. Photo de l'auteur.

Si les Coréens étaient 13.500 au Tadjikistan en 1989, il en restait à peine plus de 600 en 2010 d'après un recensement national effectué cette année-là. La plupart de ceux qui demeurent vivent dans la capitale Douchanbé.

A Farkhor, où Mme Pak a grandi, les Coréens ont vendu leurs maisons aux Tadjiks et Ouzbeks locaux. Le ‘sovkhoze’ de riziculture où ils vivaient et travaillaient a été privatisé et son effectif a doublé.

La vie y a perdu de son confort depuis l'aube de l'indépendance du Tadjikistan en 1991, dit Mme Pak. Les conduites d'eau se sont dégradées, le poste médical à l'effectif complet pendant l'ère soviétique n'a plus de médecin, et l'électricité est irrégulière.

Mme Pak n'a pourtant jamais songé à quitter le Tadjikistan du sud, où elle a passé la plus grande partie de sa vie professionnelle de comptable dans l'administration locale.

“J'ai donné toutes mes filles à des garçons tadjiks et ouzbeks conformément aux coutumes locales. Mes fils ont aussi épousé des filles d'ici. A présent j'ai tellement de merveilleux petits-enfants, belles-filles et voisins”, dit-elle.

Mme Pak avait seulement 18 ans lorsqu'elle a épousé son voisin, un garçon d'ethnie tadjik, Mengal Mamatkulov. La langue de son foyer était le tadjik, bien que Mme Pak parle aussi l'ouzbek et compte le russe, qu'utilisaient ses parents, comme sa langue maternelle.

Mme Pak cite le décès de Mamatkulov il y a plusieurs années de cela sa “seule tristesse”.

Le mari de Pak, Mengal. Photo reproduite avec autorisation.

Un pied en Corée, le coeur au Tadjikistan

Si Larissa Pak évoque sa belle-famille en termes lumineux, sa fille aînée de 47 ans, Safarmoh, a raconté à Global Voices que le chemin de sa mère pour devenir une Centre-Asiatique honoraire n'a pas toujours été lisse.

La clé de son acceptation dans la famille de son mari, relate Safarmoh, fut l'amour et le respect du père de Mengal, qui la distingua comme sa belle-fille préférée. Une relation privilégiée qui aida à effacer certaines des réticences que d'autres personnes de la famille avaient contre les origines de Mme Pak.

Larissa Pak confère avec ses petits-enfants. Photo de l'auteur.

De temps à autres, les autres habitants du village reçoivent un rappel de ses racines coréennes. En plus d'une occasion, elle a reçu la visite de représentants de l'ambassade sud-coréenne au Tadjikistan.

En 2004, la Corée du Sud a adopté une nouvelle législation, qui donne aux minorités coréennes d'ex-URSS et de Chine un accès préférentiel à son marché du travail. Le pays où vivent et travaillent aujourd'hui quatre des fils et une fille de Mme  Pak est aussi devenu une destination migratoire recherchée pour les citoyens qui ne sont pas d'ethnie coréenne dans les “stans” de l'Asie centrale.

Mme Pak raconte que l'argent que ses enfants lui envoient de Corée du Sud a aidé à payer la climatisation dans sa maison — un grand bienfait vu que les températures de l'été dans le sud du Tadjikistan flirtent régulièrement avec les 50° Celsius.

Mais elle n'y est jamais allée elle-même, et ne manifeste pas un désir ardent de s'y rendre à son âge avancé.

“Je me suis attachée à vivre ici toute ma vie. Je suis contente et heureuse de la vie que j'ai ici, dans ce pays, qui est aussi devenu mon pays. C'est chez moi.”

@ActLenguas : Ruben Hilari Quispe et la promotion de l'aymara, du 28 janvier au 3 février 2019

mercredi 30 janvier 2019 à 14:15

Photographie fournie par Ruben Hilari Quispe.

En 2019, nous avons décidé d'inviter différents hôtes à piloter le compte Twitter @ActLenguas et à partager leur expérience sur la revitalisation et la promotion de leur langue natale. Cette semaine, Ruben Hilari (@RubenHilare), fondateur et premier responsable de GV en aymara, nous explique ce qu'il a l'intention de discuter.

Rising Voices (RV): Pouvez-vous nous parler de vous ?

Soy Ruben Hilari Quispe (Jilalu Qhisphi en aymara) de la nación aymara de los andes, vivo en una ciudad nueva y creciente que radican en su mayoría aymaras, El Alto. Otras personas me denominan como ciberactivista aymara. Bueno estamos y participamos de todas las actividades que pueda fortalecer nuestra lengua y cultura QULLAN AYMARA.

Je m'appelle Ruben Hilari Quispe (Jilalu Qhisphi en aymara [fr]), et je viens de la nation aymara des Andes. Je vis à El Alto [fr], en Bolivie, une ville récente, en pleine croissance et habitée principalement par des Aymaras. On m'a déjà qualifié de cyber-activiste aymara. Nous participons à toutes sortes d'activités qui peuvent renforcer notre langue et notre culture Qullan Aymara.

RV : Quel est l'état actuel de votre langue sur et en dehors d'Internet ?

La lengua qullan aymara está creciendo en la red de redes, aunque sin el apoyo de los gobiernos los usuarios aymaras adaptamos estos medios para usar nuestra lengua. Fuera de línea la situación aún no se ha posesionado como debería, pese a un gobierno indígena. Se puede decir que hay una población de millones de hablantes quienes transmiten muy poco a las próximas generaciones. El gobierno, los hablantes y la academia debería unirse para fortalecer juntos, pero aún no ocurre aquello.

L'aymara est en train de s'étendre sur le réseaux des réseaux, pourtant sans le soutien des gouvernements. Les usagers aymaras adaptent ces moyens pour utiliser notre langue. Malgré un gouvernement autochtone [en Bolivie], la situation dans la rue n'a pas encore pris la relève comme elle le devrait. On peut dire qu'il existe une population de millions de locuteurs qui ne transmettent que très peu aux prochaines générations. Le gouvernement, les locuteurs et l'éducation devraient joindre leurs forces, mais ça n'est pas encore le cas.

RV : Sur quels sujets allez-vous communiquer sur @ActLenguas ?

Durante la semana mostraremos a la población y los seguidores todas las actividades y datos sobre la lengua aymara actual. También responderemos a las preguntas de los usuarios. Tenemos bastantes actividades planificadas para fortalecer nuestra lengua y cultura en 2019.

Cette semaine, nous montrerons à la population et aux abonnés toutes les activités et les données actuelles sur l'aymara. Nous répondrons aussi aux questions. Nous avons planifié de nombreuses activités en 2019 pour renforcer notre langue et notre culture.

RV : Qu'est-ce qui motive votre militantisme linguistique pour l'aymara ?

Nuestras lenguas consideradas minoritarias pueden llegar a ser lenguas de prestigio si se empodera a los hablantes y si se da uso en todas las situaciones de la vida diaria de los hablantes.

Nos langues, qui sont considérées comme des langues minoritaires, peuvent devenir des langues prestigieuses si on en donne les moyens à leurs locuteurs et si elles sont utilisées dans toutes les situations de la vie courante.