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Au lendemain de l'attaque sur les Ramblas, Barcelone répond #NoTincPor: “Je n'ai pas peur”

samedi 19 août 2017 à 15:45

Meme de Barcelona de luto. Ilustración ampliamente compartida en Twitter bajo la etiqueta #NoTincPor

Mème de Barcelone en deuil. Illustration largement partagée sur Twitter sous l’étiquette #NoTincPor

La Catalogne et l'Espagne portent le deuil et entrent en résistance. L'attentat de jeudi 17 août sur l'une des avenues les plus fréquentées de Barcelone, les Ramblas, compte pour l'instant 13 personnes tuées et maintient les autorités en état d'alerte ; il laisse aussi bien les habitants que les visiteurs d'une des villes les plus touristiques d'Europe profondément choqués. Puis une autre attaque s'est produite, à peine quelques heures plus tard, dans la station balnéaire de Cambrils, où 6 personnes, dont un policier, ont été blessées et une a été tuée. L'attentat de Cambrils a été déjoué par les forces de police de Catalogne, les Mossos d'Esquadra [fr], mais son impact a été considérable.

Bien que les faits soient récents, le rassemblement sur la Plaza Cataluña pour rendre hommage aux victimes par une minute de silence a réuni un grand nombre de personnes. La minute de silence s'est achevée par des expressions de solidarité et de force collective, reproduite dans les voix de ceux qui se sont mis à crier No Tinc Por : Nous n'avons pas peur.

Réseaux de réflexion et de résistance

Très rapidement Twitter s'est fait l'écho des personnes rassemblées sur la place et les usagers ont partagé plusieurs marques de soutien à Barcelone sous l'étiquette #NoTincPor jusqu'à ce qu'elle circule dans le monde entier.

Des milliers de gens scandent “je n'ai pas peur” à Barcelone. Nous n'avons pas peur

En reprenant la Rambla, avec des milliers d'autres, on crie “je n'ai pas peur”

# Barcelona #Notincpor Tous contre la terreur que quelques-uns veulent semer de par le monde !

Et la maire de Barcelone, Ada Colau, de répliquer :

La peur ne vaincra pas. Retournons nous promener sur les #Ramblas et faisons-le librement avec amour pour notre ville. #NoTincPor

D'autres ont écrit de façon plus approfondie sur ce que pourraient signifier les attentats qui se sont succédé dans plusieurs villes européennes ces dernières années. Des réflexions sur la diversité, les politiques migratoires, les accords internationaux, l'histoire récente et le choc violent qui découle de la perte de vies innocentes ont amené Martí Rodríguez Vidal à engager une réflexion en profondeur, et comme beaucoup d'autres, il a apporté sur Medium son témoignage sur les attentats :

… la verdad -en toda su pureza y en toda su dureza- es que en días como hoy, lo que realmente le apetecería a uno es bajarse del mundo. […] Pero además, a uno le gustaría bajarse de esto por la tremenda pereza intelectual de hacer un juicio justo. De poner matices y no generalizar. Hay que buscar más causas que el puro odio irracional. Porque si sembramos la venda en los ojos, los pasos de página y las vueltas a la normalidad, recogeremos más atentados. Seguro. La dinámica terrorista está en marcha y se retroalimenta. […] ¿ Quién, en una situación normal, toma la decisión de matar a desconocidos ? […] ¿ En qué momento piensa que los culpables de su fracaso social son los que le rodean ? ¿Es posible que el que vive en el Raval pueda sentirse abandonado por la sociedad?

… la vérité — dans toute sa pureté et dans toute sa dureté — c'est qu'un jour comme aujourd'hui, la seule chose dont on ait réellement envie, c'est de “descendre du monde” comme on descend d'un train en marche.  […] Mais surtout, on aimerait descendre de tout ça pour ne pas avoir à faire un procès équitable, par simple paresse intellectuelle. À nuancer et à ne pas généraliser. Il faut rechercher des causes autres que la seule haine irrationnelle. Parce que si nous nous mettons un bandeau sur les yeux, tournons la page et retournons à la normalité, nous récolterons plus d'attentats. C'est sûr. La dynamique terroriste est en marche et elle s'auto-alimente. […] Qui, dans une situation normale, prend la décision de tuer des inconnus ? […] À quel moment cette personne pense-t-elle que les coupables de son échec social sont ceux qui l'entourent ? Comment se peut-il que quelqu'un qui vit au Raval [fr] puisse se sentir abandonné par la société ?

Et il poursuit :

… los que tenemos el atrevimiento de escribir tenemos el deber de hablar de la esperanza. No por imperativo sintáctico, ni moral; sino por pura humanidad. ¿Saben que hoy un taxista musulmán ha hecho varios viajes para transportar a los afectados del atentado, no les ha cobrado nada y les ha dicho “no todos somos iguales”? ¿Que los hoteles de la zona del atentado han abierto sus puertas a los afectados y les han dado habitaciones gratuitamente?¿Que decenas de policías y Mossos de Esquadra se han jugado la vida por nuestra seguridad?¿Que en apenas un par de horas todos los hospitales han alcanzado el límite de la sangre que pueden almacenar por la respuesta masiva de la gente que ha ido a donar sangre?

Eso también son preguntas. Y son esperanza.

… nous qui osons écrire avons le devoir de parler d'espoir. Non pas par impératif syntactique ou moral, mais par simple humanité. Savez-vous qu'aujourd'hui un chauffeur de taxi musulman a fait plusieurs voyages pour transporter des personnes touchées par l'attentat, qu'il ne leur a rien fait payer et qu'il leur a dit : “nous ne sommes pas tous comme ça” ? Que les hôtels situés à proximité de l'attentat ont ouvert leurs portes et ont offert des chambres gratuitement aux victimes ? Que des dizaines de policiers et de Mossos de Esquadra ont risqué leur vie pour notre sécurité ? Qu'en deux heures à peine tous les hôpitaux ont atteint la limite de sang qu'ils pouvaient emmagasiner grâce à la mobilisation massive des personnes qui sont allées donner leur sang ? Ça aussi, ce sont des réponses. Et c'est de l'espoir.

Solidarité en ligne et respect envers les victimes

Pendant l'attaque, les forces de police nationale espagnole ont partagé ce remerciement pour le respect avec lequel les victimes avaient été traitées :

Merci à tous les médias et aux particuliers qui ont filmé en évitant de diffuser les terribles images des victimes et des opérations de police. Respect

Aujourd'hui, Dora, une utilisatrice de Twitter raconte que la société de supermarchés de Catalogne et de Navarre, Caprabó, a refusé de vendre des journaux espagnols qui afficheraient des photographies des victimes à la une.

Respectez #notincpor#Barcelona#Cambrils

Pendant les interventions policières, les réseaux ont évité de partager des photographies et des vidéos de l'attaque, autant par respect que pour éviter de divulguer des informations sensibles aux auteurs de l'attentat. Prenant les habitants de Bruxelles pendant l'attentat de 2015 comme source d'inspiration, les réseaux se sont remplis de photos d'animaux de compagnie.

Les démonstrations de solidarité en ligne et en ville montrent ce qui semble gravé dans l'esprit des Barcelonais et des visiteurs, qui vont faire en sorte de se souvenir des Ramblas comme l'avait fait le célèbre écrivain Federico García Lorca :

La calle más alegre del mundo, la calle donde viven juntas a la vez las cuatro estaciones del año, la única calle de la tierra que yo desearía que no se acabara nunca, rica en sonidos, abundante de brisas, hermosa de encuentros, antigua de sangre: Rambla de Barcelona.

La rue la plus joyeuse du monde, la rue où vivent en même temps les quatre saisons de l'année, la seule rue de la terre que j'aimerais ne jamais voir se terminer, riche en sons, généreuse en brises, belle de rencontres, vieille de sang : Rambla de Barcelone.

Un conseiller de São Paulo en visite surprise dans les collèges fait la chasse à “l'endoctrinement gauchiste”

samedi 19 août 2017 à 12:15

Banderole vue lors d'une manifestation à Brasilia en août 2015. Photo anonyme ayant circulé  massivement sur les réseaux sociaux.

Les liens de cet article renvoient pour la plupart vers des pages en portugais

Une visite surprise réalisée par le conseiller municipal Fernando Holiday dans les collèges de São Paulo a relancé la polémique sur la campagne “Escola sem Partido”, ou l’école sans parti [fr], qui vise à combattre “l’endoctrinement idéologique” dans les écoles, mais qui est perçue par ses détracteurs comme un instrument de censure des professeurs et des élèves.

Le 3 avril, Holiday s’est présenté à l’improviste dans deux écoles municipales de São Paulo pour évaluer le niveau “d’endoctrinement” des professeurs. La visite a été retransmise en direct sur sa page Facebook, où il déclare :

Vamos fiscalizar (…) o conteúdo que está sendo dado em sala de aula, isto é, se está havendo algum tipo de doutrinação ideológica, se os professores estão dando aquilo que realmente deveriam dar, de acordo com a grade curricular, ou se tem professor entrando lá com camiseta do PT (Partido dos Trabalhadores), do MST (Movimento Sem Terra), jogando tudo pro alto e fazendo aquela doutrinação porca que a gente já conhece.

Nous allons contrôler (…) le contenu transmis en classe, c’est à dire, s’il existe un endoctrinement idéologique, si les professeurs enseignent ce qu’ils devraient réellement enseigner, en respectant le programme, ou si les professeurs s’amènent avec la chemise du PT (Parti des travailleurs), ou du MST (Mouvement des sans-terres), se foutent de leur boulot et diffusent ces doctrines malsaines que nous connaissons tous.

Fernando Holiday, âgé de 20 ans, a été élu conseiller de São Paulo par le parti de droite Democratas (DEM) en 2016, encouragé par le Mouvement Brésil libre (MBL), dont il est coordinateur national. Le MBL a pris la tête des manifestations qui ont entraîné la destitution de l’ex-présidente du PT Dilma Rousseff, et constitue aujourd’hui la base du gouvernement Michel Temer et du maire de São Paulo João Dória Jr.

L’une des principales vitrines du MBL est le programme Escola sem Partido, créé en 2004 dans le but de combattre “l’endoctrinement idéologique” dans les établissements du secondaire. Avec le soutien des secteurs les plus conservateurs de la société brésilienne, la campagne part du principe que le facteur prédominant du contenu de l’enseignement dispensé aurait été identifié comme étant une vision “gauchisante” du monde, qui englobe des sujets allant de la défense des droits des minorités à une éducation sexuelle et à la critique du libéralisme économique.

Cette vidéo de Holiday a provoqué une vague de protestations contre Escola Sem Partido et les inspections surprise du conseiller. Le Secrétaire à l’Éducation municipale, Alexandre Schneider, a réagi en publiant un post sur Facebook, dans lequel il affirme que “le conseiller a outrepassé ses fonctions et ne peut utiliser son mandat pour intimider les professeurs ”.

Le 13 avril, les rapporteurs de l’Organisation des Nations unies (ONU) ont envoyé un communiqué au gouvernement de Michel Temer condamnant les projets de loi qui s’inspirent de l’Escola sem Partido. Ce manifeste, signé par les rapporteurs spéciaux pour l’éducation, la liberté d’expression et la liberté de religion, affirme que les propositions du mouvement sont confuses et pourraient “entraîner des cas de censure et d’autocensure chez les professeurs”.

Le fondateur du mouvement, Miguel Nagib, a publié un post sur Facebook en réponse à la publication du communiqué qu’il qualifie de “malhonnête”. Le député fédéral Marco Feliciano, pasteur de l’Église universelle (fr), et connu pour ses positions homophobes, déclare sur une vidéo enregistrée sur son canal YouTube que l’opposition de l’ONU démontre que l’Escola Sem Partido est “sur la bonne voie”.

Fernando Holiday, le conseiller de São Paulo (DEM), dans un des collèges qu’il a visité le 3 avril. Copie d'écran Facebook

Escola sem Partido, qu'est-ce que c'est ?

Le mouvement Escola sem Partido a été créé en 2004 pour dénoncer et contrecarrer ce que les sympathisants de cette théorie estiment être des pratiques d’endoctrinement idéologique dans les collèges. Leur manifeste proclame que les salles de classe du pays sont utilisées comme locaux pour la diffusion d’idéologies politiques et de contenus qui peuvent aller à l’encontre des convictions morales et religieuses des parents des élèves. Nagib a affirmé à diverses reprises que ces pratiques sont “de notoriété publique”, sans pour autant présenter les données empiriques qui justifieraient de telles affirmations.

Depuis 2014, le mouvement a déposé des projets de loi à la Chambre des députés, au Sénat et dans les diverses instances législatives nationales du Brésil. Il est parvenu à faire passer une loi dans l’État d’Alagoas l’an dernier, qui a fini par être abrogée par le Tribunal suprême fédéral en mars — la cour a décidé que le pouvoir législatif d’un État n’a pas les compétences pour légiférer sur les normes générales de l’éducation.

Les projets prévoient d’inclure dans la loi fondamentale de l’éducation nationale des dispositions sur la neutralité politique et idéologique, et la création, en outre, de mécanismes de contrôle sur la pratique professionnelle des enseignants. Les détracteurs de la proposition de loi affirment que cela constituerait une violation de la liberté d’expression des professeurs et une surveillance de l’environnement scolaire qui compromettrait la libre circulation des idées.

Elle ne comporte, par exemple, aucune définition précise sur ce qui serait, ou pas, une pratique d’endoctrinement, hormis une vague disposition concernant le devoir des enseignants de présenter les principales opinions sur un thème. Il n’est pas dit clairement non plus, si les thèmes sur lesquels il existe, en principe,  un consensus académique devraient être traités, eux aussi, comme ouverts à la discussion.

Un autre point controversé du programme de l’Escola sem Partido, c’est la tentative de censurer les contenus identifiés comme “l’idéologie du genre” — un concept absent des sciences humaines, et que l’on évoque généralement pour discréditer les idées qui présupposent la diversité des identités et des orientations sexuelles.

Tandis que ces projets de loi sont débattus au Congrès, le mouvement continue de gagner du terrain au sein de la société et de la politique institutionnelle. En mai 2016, le ministre de l’Education Mendonça Filho a rencontré dans son cabinet l’acteur Alexandre Frota, un sympathisant notoire de l’Escola sem Partido. Frota a été reçu comme représentant des Révoltés en ligne [fr] (Revoltados online), un groupe militant de droite dont la page Facebook a été bannie de la plateforme pour incitation à la haine.

Un autre cas que l’on peut citer est celui de la professeure Ana Caroline Campagnolo, 25 ans, qui a engagé une procédure judiciaire contre son ex-directrice de mémoire Marlene de Fáveri, 57 ans, chercheuse en études de genre à l’Université de Santa Catarina. Campagnolo, qui a obtenu le large soutien du MBL et de l’Escola sem Partido, réclame une indemnisation de 17 500 reales (4 700 euros) pour préjudice moral, estimant avoir été victime de discrimination de la part de Fáveri pour s’être ouvertement déclarée chrétienne, conservatrice et anti-féministe.

Attaques sur les réseaux sociaux

À la suite de son intervention sur Facebook, le secrétaire Schneider a fait l’objet d’une campagne massive d'attaques perpétrées par les partisans de Fernando Holiday et du MBL.

Les conseillères Sâmia Bonfim et Isa Penna, toutes deux adhérentes au Parti Socialisme et Liberté (PSOL), ont témoigné de leur soutien à Schneider et ont reçu des menaces, leurs numéros de téléphone ayant été divulgués sur les réseaux sociaux. L’affaire a été portée devant la Direction de lutte contre la cybercriminalité de São Paulo, qui enquête sur le rôle du site JornaLivre, lié au MBL, probable responsable de la divulgation des coordonnées des conseillères.

Selon le journal Folha de São Paulo, après ce qui a été considéré comme un manque de soutien de la part de la mairie face aux attaques, Alexandre Schneider aurait démissionné. Toutefois, le maire João Dória Jr. l’aurait convaincu de rester. Le maire nie pourtant le fait qu’il y ait eu démission et adopte une position neutre dans le conflit qui oppose son secrétaire et le conseiller, affirmant “qu’ils ont exagéré tous les deux et qu’ils avaient raison tous les deux”.

Fernando Holiday, qui doit aussi répondre d’accusations pour avoir utilisé des ressources non-déclarées pendant sa campagne électorale (une pratique connue au Brésil comme “caixa 2″), déclare sur sa page Facebook qu’il continuera de “contrôler” les collèges municipaux de São Paulo.

Inscriptions ouvertes pour le Sommet 2017 de Global Voices, les 2 et 3 décembre à Colombo, Sri Lanka

vendredi 18 août 2017 à 21:55

Colombo, Sri Lanka. PHOTO: Amila Tennakoon (CC BY 2.0)

Les inscriptions au Sommet 2017 de Global Voices sont ouvertes !

C'est à Colombo, au Sri Lanka, que nous nous rassemblerons cette année, les 2 et 3 décembre, pour discuter de l'évolution de l'Internet ouvert, des mouvements civiques en ligne et des droits humains à l'ère numérique. A travers sessions interactives, tables rondes et débats, nous explorerons des thèmes allant de la fausse information/désinformation, à la mainmise sur l'Internet des entreprises commerciales ou encore aux menaces judiciaires contre les blogueurs et militants—tous défis susceptibles de briser l'avenir de l'internet.

Nous aurons avec nous des mouvements et organisations au cœur de l'histoire et de l'avenir de l'internet ouvert, au niveau tant mondial que régional, avec Creative Commons, Mozilla, Wikipédia, la Web Foundation, l'Association of Progressive Communications, IFEX, le Media Lab du MIT, le Digital Asia Hub, auxquels s'ajouteront les leaders de la culture internet du Sri Lanka, parmi de nombreux autres invités.

Le Sommet aura lieu à TRACE Expert City, un pôle et incubateur technologique dans le quartier Maradana de Colombo.

Allez sur notre page d'inscription pour réserver votre place au Sommet 2017 de Global Voices, et continuez à visiter le site web du Sommet dans les prochaines semaines, à mesure que nous développerons le programme du Sommet, et que nous publierons articles, enregistrements audio et entretiens.

Nous espérons vous voir en décembre prochain !

#srilanka #colombo #tracecity #traceexpertcity #retro #architecturephotography #architecturelovers #architecture #colonial #colonialhouse #colonialstyle

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Le Sommet des Médias Citoyens 2017 de Global Voices a été rendu possible grâce au généreux soutien de la Fondation Ford, de Mozilla, de la Fondation MacArthur et de Groundviews/Centre for Policy Alternatives.

Une réforme fiscale en Inde menace l'accès des plus précaires aux serviettes hygiéniques

vendredi 18 août 2017 à 21:36

Indiennes en train de fabriquer des serviettes hygiéniques artisanales. Photographie de Morgan Schmorgan sur Flickr, licence CC BY-NC 2.0

Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Cet article de Madhura Chakraborty et Shradha Shreejaya fut initialiement publié sur Video Volunteers, un média communautaire indien primé. Une version éditée est publiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Au beau milieu de la nuit du premier juillet, le gouvernement indien a promulgué ce qui est annoncé comme la réforme fiscale la plus importante en soixante-dix ans d'indépendance. Il s'agit de l'impôt sur les biens et les services (GST), un impôt indirect en vigueur sur l'ensemble du territoire, et qui vient remplacer divers impôts, jusqu'alors collectés par le gouvernement central et les États. Avec cette réforme, les protections hygiéniques (serviettes et tampons) sont désormais taxées au même titre que les produits de luxe. En revanche, le bindi [fr] (le pigment rouge utilisé par les femmes sur leur front indiquant leur statut d'épouse), le mangala sutra et les bracelets ne contenant pas de métaux précieux (tous deux portés par les femmes mariées) n'ont pas été taxés. Si cette décision visait à apaiser la colère des femmes, elle a plutôt mis le feu aux poudres. L'imposition des protections hygiéniques a soulevé une vague d'indignation sur internet, et des pétitions ont été mises en ligne pour appeler à abroger cette mesure. Des étudiantes de Thiruvananthapuram [fr], capitale de l'État du Kerala, ont décidé d'envoyer au ministre des finances des boîtes remplies de protections hygiéniques, accompagnées du message “saigne sans peur, saigne sans impôts”.

Sur Twitter, une femme s'interroge :

Impôts*

Les préservatifs ne sont pas taxés, alors pourquoi les serviettes hygiéniques le seraient-elles ?
Avoir ses règles n'a rien d'un luxe, je vous assure.

Selon l'enquête nationale sur la santé des familles (NFHS) 2015-2016, 58 % des femmes utilisent des serviettes hygiéniques au cours de leurs règles, cette proportion atteignant 78 % dans les zones urbaines contre 48 % dans les territoires ruraux. Les autres n'ont pas les moyens de s'offrir ces produits, et trouvent donc des solutions alternatives peu hygiéniques comme des chiffons, des feuilles, la peau de certains fruits, de la poudre voire de la terre.

Alors que les médias dominants se préoccupent des femmes citadines des classes moyennes, qui utilisent les réseaux sociaux pour manifester leur désaccord, les voix des femmes habitant à la campagne sont ignorées. La vidéo ci-dessous (en anglais), produite par Video Volunteers, a recueilli les propos de certaines d'entre elles :

“Quand je me déplace loin ou que j'ai un examen, je mets une serviette hygiénique, mais chez moi j'utilise un chiffon. Je n'ai pas assez d'argent pour porter tout le temps des serviettes. C'est cher”, explique Sonam Kumari, lycéenne travaillant également comme couturière à domicile, qui habite dans un village reculé à la frontière avec la région de Champaran, dans le nord-est de l'État du Bihar [fr]. “C'est sûr que c'est mieux d'utiliser stayfree [marque de serviette], c'est plus hygiénique et elles sont emballées dans un petit paquet facile à transporter”, ajoute Kismat, la voisine de Sonam. Dans le nord-est de l'Inde, plus de 30 % des jeunes femmes interviewées disent avoir abandonné l'école lorsqu'elles ont commencé à avoir leurs règles.

“D'un côté, le gouvernement lance la campagne Beti Bachao, Beti Padhao (sauvons les filles, éduquons les filles), mais d'un autre côté, il est en retard lorsqu'il oublie que ces filles auront besoin d'utiliser des serviettes hygiéniques tous les mois. La taxe de 12­ % imposée sur ces produits d'hygiène est en décalage complet avec les besoins physiologiques de presque la moitié de la population”, déclare une membre de l'organisation non-gouvernementale Goonj, qui travaille avec des femmes de la zone rurale du Bihar.

Le coût élevé de ces protections, les tabous et le manque d'information font que beaucoup de femmes utilisent des tissus sales en guise de serviettes, même si la majorité porte des chiffons de coton propres. “Les filles et les femmes de ces villages ne sont pas informées ni sensibilisées sur l'importance d'utiliser des tissus propres. Il y a le sentiment que les règles sont sales, et qu'acheter des tissus propres ou des serviettes qui seront jetées après usage représente un gaspillage d'argent”, estime SM Sjabir, médecin dans le Bihar. Des discussions avec ces femmes montrent qu'en raison du stigmate lié aux règles, elles doivent cacher le tissu qu'elles utilisent pendant leurs règles. Elles sont obligées de le laver et de l'étendre dans un endroit où personne ne le verra, généralement dans des conditions insalubres.

Les tissus que les femmes utilisent pour leurs règles sont généralement étendus dans des endroits insalubres. Capture d'écran de la vidéo.

Cette pratique peut être à l'origine d'infections vaginales. Dans la vidéo, le témoignage de Anita Devi, elle aussi habitante du Bihar, est éloquent. À 30 ans, elle a subi une hystérectomie [fr].

Suite à une grave infection qui a atteint tout son appareil reproducteur, les médecins ont recommandé l'ablation de l'utérus. Selon les professionnels de santé, tout porte à croire que l'infection a été causée par l'utilisation récurrente de tissus sales durant les règles. Elle continue pourtant d'en utiliser : “Si j'avais les moyens, je préférerais utiliser des serviettes hygiéniques. Je connais plusieurs femmes qui ont subi une hystérectomie”. Mais la question demeure de savoir si l'hystérectomie est la meilleure solution dans ces cas-là.

Le nombre d'hystérectomies sur les femmes des zones rurales indiennes a augmenté très soudainement. Des rapports révèlent que ces opérations, réalisées principalement sur des femmes de 30 à 35 ans, sont la plupart du temps superflues. Depuis 2010, la presse signale des fraudes concernant des chirurgies excessives dans l'Andhra Pradesh, le Bihar et le Karnataka. Le docteur Meenakshi Bharat, influent gynécologue de Bangalore, explique que les serviettes hygiéniques n'empêchent pas le développement d'infections de l'utérus ou de l'appareil génital. Et l'hystérectomie ne devrait pas être la solution à ces infections, du moins pas tant que d'autres traitements n'ont pas été essayés pendant un certain temps.

Les femmes interviewées dans la vidéo pensent en effet que ces problèmes de santé pourraient être résolus avec le seul usage de serviettes hygiéniques ou une hystérectomie. Pourtant, la réalité est toute autre. Ce sont des entreprises qui, au début des années soixante, ont diffusé en Inde cette idée que seules les protections hygiéniques étaient adéquates pour les règles. Aujourd'hui encore, de grandes multinationales ont le monopole du marché des protections dans le pays. Les publicités pour ces produits martèlent sans cesse des mots comme “hygiène”, “confort”, “parfum rafraîchissant”, et participent à nourrir une vision des règles comme quelque chose de sale, cause potentielle de maladies, et qui devrait être masqué (absorbé).

Sur sa page Facebook, Nikita Azad, une des coordinatrices de la campagne #HappytoBleed [Heureuse de saigner, NdT], démontre avec brio comment les marques de produits hygiéniques ont transformé les règles en un problème, source de gêne et d'inconfort pour les femmes -en plus du stigmate qui les frappe déjà- faisant des serviettes la solution miracle pour libérer les femmes des classes supérieures du fardeau des règles. Par opposition, les techniques traditionnelles sont qualifiées d'archaïques et d'anti-hygiéniques.

 

D'abord, elles [les marques] présentent les serviettes et les tampons comme la meilleure manière de “préserver son hygiène” pour les “femmes de classe supérieure”, transformant ainsi un processus biologiques (les règles) en un “problème” biologique, qui doit être prise en charge et traité (et, bien sûr, seulement grâce à leurs produits).

Dans la droite ligne de leur héritage colonialiste, elles dépossèdent ensuite les autochtones (dalits et groupes tribaux) de leurs pratiques, disqualifiant celles-ci en les taxant d'archaïques et d'anti-hygiéniques, tout en présentant leurs produits occidentaux / impérialistes comme l'unique option dans une société qui se présente comme libre. Enfin, quand tout le monde finit par céder (même à reculons) à l'imposition subtile et sournoise de serviettes, elles commencent à se faire un max de profits, ce qui était bien leur unique objectif.

Et maintenant, bien sûr, Modi [premier ministre indien] voudrait lui aussi avoir les mains pleines de billets et de sang (littéralement) ? Et donc voilà le GST.

C'est seulement depuis la transformation des rôles assignés aux femmes et aux jeunes femmes, et leur entrée sur le marché du travail et dans les études supérieures, que les femmes ont commencé à considérer les serviettes et les tampons comme le moyen le plus hygiénique de se protéger durant leurs règles. Les multinationales qui commercialisent ces produits ne s'inquiètent pas du recyclage ni de l'impact écologique de ces protections hygiéniques, malgré la loi sur la gestion des déchets de 2016 [hi]. Les tampons et serviettes sont composés à presque 95 % de plastique, qui est d'autant plus difficilement recyclable qu'il est mélangé à d'autres composants. Au moins dans les villes, on discute de plus en plus des alternatives aux serviettes et tampons industriels, comme les serviettes réutilisables ou les coupes menstruelles ; il y a également une plus grande prise de conscience de l'impact environnemental de ces produits, tout comme des risques pour la santé qu'ils comportent, bien que ceux-ci soient encore peu connus par la grande majorité des personnes.

Le public indien va rapidement découvrir si les marques qui commercialisent ces produits, presque toutes issues de multinationales, vont augmenter leurs prix pour compenser l'élévation de l'impôt. Les femmes, et particulièrement les plus précaires d'entre elles et celles qui ont le moins accès aux informations, seront clairement les premières à être lésées par cette situation. Dans un pays pétri de paradoxes, nous voilà aux prises avec une question concernant l'amélioration de la qualité de vie, qui elle-même se heurte à des enjeux complexes de développement durable. En attendant, les jeunes femmes comme les habitantes de Champaran sont laissées à leur propre sort : stigmatisées en raison de leurs règles, et prises en étau entre les impôts gouvernementaux et les intérêts économiques des multinationales.

Video Volunteers est un site d'informations, qui a pour objectif de couvrir des sujets sur les territoires les plus pauvres et les plus occultés par la grande presse indienne.

Le gouvernement cambodgien sous pression pour la libération de l'activiste des droits à la terre Tep Vanny

vendredi 18 août 2017 à 21:27
 Des partisans de Tep Vanny demandent sa libération. Photo de LICADHO, un groupe des droits de l'homme au Cambodge.

Des partisans de Mme Tep Vanny demandent sa libération. Photo de LICADHO, une ONG des droits de l'homme au Cambodge.

Au moins 65 organisations de la société civile (OSC) et des organisations non gouvernementales (ONG) du monde entier ont déjà signé un communiqué commun [fr] demandant au gouvernement cambodgien de libérer la militante des droits fonciers, Mme Tep Vanny, détenue depuis 12 mois.

Tep Vanny est une défenseure des droits de l'homme qui a mené des campagnes en faveur des agriculteurs marginalisés et des petits propriétaires fonciers déplacés au Cambodge. Elle a été arrêtée en août 2016 pour avoir mené les manifestations des “Lundis noirs” [fr] organisées pour exiger la libération de cinq défenseurs des droits de l'homme accusés d'interférer dans une affaire gouvernementale impliquant un chef de l'opposition.

Le tribunal a accusé Mme Tep Vanny d'avoir “insulté un fonctionnaire public” et l'a condamnée à six jours de prison. Mais pendant sa détention, le gouvernement a relancé une autre affaire de 2013 l'accusant d'avoir organisé une manifestation devant la résidence du Premier ministre contre l'éviction des résidents du Lac Boeung Kak Lake. Un projet public de réhabilitation [fr] du lac Boeung Kak, situé dans la capitale Phnom Penh, impliquant l'expulsion de milliers d'habitants de la zone.

Le 23 février 2017, Mme Tep Vanny a été reconnue coupable de “violence intentionnelle avec circonstances aggravantes” lors de la manifestation de 2013 et elle a été condamnée à deux ans et six mois de prison.

Le 8 août 2017, le tribunal a confirmé la condamnation [fr]. Il a également été signalé que Mme Tep Vanny pourrait faire face à un troisième procès pour une autre affaire concernant une manifestation en 2011 dans un quartier du Lac Boeung Kak.

“Même si je suis en prison, que je suis menottée et porte une tenue de prisonnier, la réalité est que je suis pour toujours innocente”.

La détention prolongée de Mme Tep Vanny est perçue par certains militants comme faisant partie d'un plan gouvernemental visant à faire taire l'opposition et à répandre la peur en vue des élections générales de 2018. Le parti au pouvoir au Cambodge dirige le pays depuis trois décennies, mais il a perdu un nombre important de sièges lors des élections de 2013.

La déclaration conjointe signée par les 65 OSC et ONG a averti que la détention de Mme Tep Vanny “contribue à créer une atmosphère de peur pour les défenseurs des droits de l'homme dans tout le Cambodge”. Il souligne également que la dissidence et l'activisme pacifique ne devraient pas être criminalisés :

Par son emprisonnement, les autorités empêchent Mme Tep Vanny de mener à bien son travail pacifique et précieux de défense des droits de l'homme. Les manifestations pacifiques et les expressions de dissidence ne sont pas un crime, les défenseurs des droits de l'homme ne devraient pas être pénalisés pour l'exercice de leurs droits humains.

Le Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement relève que le procès de Mme Tep Vanny a violé les normes internationales :

Les accusations fabriquées contre Mme Tep Vanny et sa détention arbitraire sont des tentatives du gouvernement de faire taire et restreindre son activisme de défenseur des droits de l'homme. Le procès lui-même n'a pas respecté les normes internationales pour un procès équitable.

Mis à part les groupes locaux de défense des droits de l'homme, les militants et les résidents du lac Boeung Kak ont sollicité l'aide des bureaux des agences des Nations Unies ainsi que les diverses ambassades étrangères à Phnom-Penh pour faire pression sur le gouvernement cambodgien en vue de la libération de Mme Tep Vanny.

Les utilisateurs des réseaux sociaux cambodgiens sont également encouragés à remplacer leurs photos de profil par des icônes de la campagne.