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‘Auto-occupation’ contre nationalisme, le discours remarqué de la présidente estonienne

dimanche 17 septembre 2017 à 15:56

La présidente estonienne Kersti Kaljulaid prononce un discours en juin 2017. Photo : Ministère des Affaires étrangères de l'Estonie, CC-BY.

Dans son récent discours pour la fête nationale, la présidente estonienne Kersti Kaljulaid a parlé du changement technologique, de la mondialisation du travail et des dangers du nationalisme étroit. C'est ce dernier point qui a dominé les réactions internationales à ses propos.

Dans son adresse à la nation, à l'occasion du 26ème anniversaire de l'indépendance de l'Estonie de l'Union Soviétique, la Présidente a parlé des contradictions perçues entre les valeurs nationales et de libéralisme social. Des propos concrets et directs, mettant l'accent sur la possibilité de préserver la culture estonienne “sans inhiber la démocratie”.

“Je suis fière d'être estonienne et je ne vois pas de contradiction à faire aussi partie d'une communauté de valeurs internationale”, a-t-elle dit, poursuivant :

Iseseisvus tähendaski muuhulgas võimalust olla ka eri meelt. Üks idee, üks arvamus, üks õigus – see oli see, millest me tahtsime vabaks saada. Toona tundsime sarnases mõttelaadis ilmeksimatult ära totalitarismi.

Täna, 26 aastat hiljem, oleme millegipärast hakanud arvama, et me ei vajagi oma erimeelsusi. Tundub ka, nagu ei oskaks me enam leida mõistlikke kompromisse. Selliseid, mille puhul võimalikult paljude süda oleks ikkagi rahul.

Entre autres, l'indépendance signifie aussi la possibilité de ne pas être d'accord. Idée unique, pensée unique, droit unique : voilà ce dont nous voulions nous libérer. À cette époque [quand l'Estonie a obtenu l'indépendance d'avec l'Union Soviétique], nous avons explicitement reconnu que cette manière de penser était synonyme de totalitarisme.

Aujourd'hui, 26 ans après, nous nous sommes pour quelque raison mis à penser que les opinions différentes ne sont plus nécessaires. Nous paraissons incapables d'encore trouver des compromis raisonnables – de ceux qui contenteraient beaucoup de gens.

Mme Kaljulaid a décrit des attitudes nationalistes actuelles en Estonie qui se trouvent également ailleurs dans le monde. Au lieu de soutenir des choix d'intégration sociale, a-t-elle observé, l'accent semble mis aujourd'hui sur le droit de chaque individu à faire ses propres choix.

Elle a puisé dans l'histoire de l'Estonie et le combat pour la liberté des pays baltes, montrant comment la lutte contre l'occupation soviétique avait fait naître des États démocratiques qui ont aisément adopté des gouvernements “se conformant à l'état de droit, respectant les libertés individuelles, la liberté des média, et cantonnant le pouvoir étatique à l'intérieur d'un cadre prévisible”.

A présent, a averti Mme Kaljulaid, les Estoniens sont sous la menace d'une “auto-occupation” qui peut être amenée par la limitation des libertés au nom d'une idée.

“On ne peut pas aspirer à conduire la société et ensuite faire des compromis au sujet de l'avenir à long terme de l'Estonie au nom de ses propres intérêts politiques à court terme. La victoire s'accompagne de l'obligation de s'assurer que les perdants ne se sentent pas sacrifiés pour les intérêts d'autrui”, a-t-elle dit, continuant :

Iseenda okupeerimine, see algab ühe idee nimel, ühe mõtte taha koondununa teiste ideede ja mõtete kuulamata jätmisest. Järgneb selle tüütu pirina, mis on eriarvamus, kinni keeramine. Sest kui nagunii ei kuula, siis saab teistest mõtetest müra. Ja valmis ta ongi. Demokraatiast saab minevik.

Me näeme sellist iseenda okupeerimist riikides, kelle kohta me oleme arvanud, et meiega sarnane raudse eesriide kogemus aitab niisuguseid arenguid vältida. Me oleme olnud veendunud, et demokraatiat neis riikides, nagu ka meie riigis, saaks hävitada vaid võõras võim.

Sellepärast on oht, et me ei pane pahaks sarnaste arengute toetamist nende poolt, kes kõnelevad meiega sama keelt. Iseenda okupeerimine, see käib hiilivamalt kui siis, kui okupant on võõras. Vabaduste piiramine mis iganes püha idee nimel, olgu selleks puhas eestlus või parem toiduvalik – see on iseenda okupeerimise algus.

Une occupation est usuellement initiée au nom d'une idée, en mobilisant derrière un concept sans écouter les autres idées ou concepts. Ce qui a pour effet de couper le bruit de fond désagréable des opinions contraires, parce que si on ne les écoute pas, les idées d’autrui se transforment en simple bruit. C'est aussi simple que cela. Et la démocratie est renvoyée dans le passé.

Nous voyons cette auto-occupation se produire dans des pays dont nous croyions que notre expérience commune derrière le rideau de fer les aiderait à échapper à une telle évolution. Nous étions persuadés que la démocratie dans ces pays, comme dans le nôtre, ne pourrait être détruite que par une puissance étrangère.

Voilà pourquoi nous sommes en danger de ne pas nous offusquer du soutien à une telle évolution si ceux qui s'en font les chantres parlent la même langue que nous. L'auto-occupation avance plus insidieusement que l'occupation étrangère. La restriction de la liberté, au nom d'une idée sacrée, que ce soit le pur estonianisme ou de meilleurs choix alimentaires, peut marquer le début de l'auto-occupation.

Le discours a eu des échos à l'intérieur du pays comme dans la région. L'historien, homme politique et journaliste estonien Toomas Alatalu a commenté :

La Présid. Kaljulaid a défini la nouvelle censure – auto-occupation/occupez-vous vous-mêmes = ça commence au nom de sa propre idée excluant toutes les autres.

Financier, homme politique et ancien basketteur letton, Mārtiņš Bondars a loué le discours sur Twitter:

C'est un grand plaisir que nos voisins aient un tel leader … super discours !

Les médias russophones ont quant à eux, accroché sur le choix de l'expression “auto-occupation”. Des organes comme Lenta.ru l'ont rapprochée de l'initiative en cours des pays baltes de demande d'indemnisation pour les dommages subis pendant la période 1940-1990, où ils étaient incorporés de force à l'Union Soviétique, et des efforts baltes pour intégrer le terme “occupation soviétique” dans la terminologie européenne officielle de l'histoire du totalitarisme et en honorer les victimes. Comme l’État russe se considère comme l'héritier à la fois de la Russie tsariste et de l'URSS, ceci est probablement ressenti comme un affront direct à son image.

Mme Kaljulaid a aussi évoqué les défis concrets auxquels est confrontée l'Estonie, comme les technologies actuelles et futures, de nature à mondialiser le travail et rendre obsolètes géographie et localisation.

Depuis son indépendance en 1991, l'Estonie est un membre actif de la communauté mondialisée, notamment dans les technologies numériques. L’Estonie a l'un des services à haut débit les plus rapides du monde, et a été l'un des premiers pays à proclamer l'accès internet un droit humain fondamental. Mme Kaljulaid parle elle-même souvent de “cyberhygiène” et de sociétés numériques – par opposition aux technologies numériques – inclusives pour tout un chacun.

L'Estonie a offert ses premiers services d'e-administration en 1997, et a commencé à fournir le wifi gratuit à l'échelon national en 2002. Le vote par internet est apparu en 2005. En 2012, l'infrastructure était déployée pour la fibre optique, et aujourd'hui 99 % des services administratifs d’État sont accessibles en ligne. L'Estonie est en voie de créer la première data-ambassade mondiale au Luxembourg, un centre qui stockera les data du pays et sera en mesure de redémarrer le pays en cas de cyberattaque.

Après avoir déjà instauré ces hauts degrés d’alphabétisation numérique, de connectivité, de faibles coûts d'utilisation et d'e-services, l'Estonie se tourne vers les  questions plus complexes soulevées par la transformation numérique : celles des droits civiques, de la sécurité et de la protection des informations personnelles.

L'Estonie va prochainement assurer la présidence du Conseil de l'Union Européenne, avec pour projet central de nourrir dans l'UE le même développement de cette  société numérique que chez elle. Des thèmes sans doute essentiels à la manière dont l'Europe et le reste du monde se fraieront un chemin à travers les nationalismes largement répandus sur la scène mondiale.

Kirghizistan et Ouzbékistan, autrefois les pires ennemis, aujourd'hui les meilleurs amis ?

samedi 16 septembre 2017 à 11:03
Les Présidents Mirziyoyev et Atambayev à Bichkek, capitale du Kirghizistan.. Photo du site web du président kirghize, creative commons.

Les Présidents Mirziyoïev et Atambaïev à Bichkek, capitale du Kirghizistan.. Photo du site web du président kirghize, creative commons.

Il ne s'agissait pas seulement des premières dames et de leurs chaussures assorties, même si cela n'est pas passé inaperçu. La visite du président ouzbek Shavkat Mirziyoïev au Kirghizistan a marqué la semaine dernière un changement radical dans les relations entre ces deux pays d'Asie centrale qui, jusqu'à récemment, vivaient dans la longue ombre de son intransigeant prédécesseur.

Islam Karimov, qui a gouverné l'Ouzbékistan depuis avant l'indépendance de l'Union soviétique en 1991 jusqu'à sa mort l'année dernière, avait peu de choses intéressantes à dire au sujet du Kirghizistan.

Enfermé dans des conflits apparemment perpétuels, frontaliers et hydrologiques, Karimov avait menacé de guerre le Kirghizistan et le Tadjikistan à cause de projets de construction de barrages hydroélectriques géants de la part de ces deux voisins plus pauvres, en amont de l'Ouzbékistan.

Une réunion de chefs d’État ex-soviétiques de 2015 à Moscou, lors de laquelle le Président Karimov avait réprimandé le Président Atambaïev du Tadjikistan de façon humiliante après ce qu'il avait perçu comme un camouflet, – on avait vu même l'impassible Président Vladimir Poutine tressaillir devant la situation embarrassante – donne un aperçu de la triste époque des relations bilatérales entre ces deux pays.

À un moment donné lors de l'algarade du Président Karimov, le Président Atambaïev avait déclaré: “Je ne faisais qu'exprimer une opinion”, à laquelle le dictateur septuagénaire avait répondu comme dans une cours de récréation :

Amusant. Nous connaissions déjà votre avis depuis longtemps.

Une vidéo de ce débat intitulée ‘Joute Karimov contre Atambaïev’ a enregistré plus de 1,3 million de vues et des commentaires virulents tant parmi les Kirghizes que les Ouzbeks. Les relations entre les dirigeants peuvent donner le ton à celles entre les peuples.

Une nouvelle frontière

C'est pourquoi la première visite à Bichkek, la capitale kirghize, de M. Mirziyoïev, ancien Premier ministre du défunt Président de l'Ouzbékistan Karimov pendant plus d'une décennie, était si importante.

Le site Web EurasiaNet.org traitant de l'Asie centrale a rapporté deux résultats clés de la réunion du 5 septembre :

La visite de M. Mirziyoyev à Bichkek a abouti à un accord visant à délimiter 85 pour cent de la frontière commune de 1.170 kilomètres. La question de la frontière était depuis longtemps une source de tension dans les relations entre les deux pays..

Mais, encore plus, le Président Mirziyoïev a fait miroiter la perspective de quelque chose de potentiellement encore plus important lorsqu'il a évoqué l'implication potentielle de l'Ouzbékistan dans les projets hydroélectriques kirghizes. L'ancien leader ouzbek Islam Karimov s'était résolument opposé à ces plans au motif qu'ils pouvaient perturber des projets du secteur agricole importants pour l'économie de Tachkent, en particulier la culture du coton.

Sur Twitter, les citoyens kirghizes ont salué la première réunion bilatérale entre les dirigeants des deux pays depuis 2000. Le Kirghizistan a eu quatre présidents pendant cette période, deux d'entre eux ont été renversés par des manifestations de rue.

La sensation, c'est la bonne volonté chez le leader ouzbek. M. Mirziyoïev est si ouvert, amical et plein de bonnes intentions que cela ne peut que nous ravir !

Mirziyoïev: il y avait beaucoup de problèmes entre le Kirghizistan et l'Ouzbékistan qui devaient être résolus, mais ne l'avaient pas été de la façon dont ils auraient dû l'être.

Le lendemain, les deux pays ont rouvert la partie de leur frontière fermée depuis que le Kirghizistan avait plongé dans des difficultés politiques, en 2010. Cette réouverture a été suivie par des milliers de résidents locaux de chaque côté de la frontière.

Le point de passage frontalier kirghize-ouzbek “Dostuk” dans la province d'Och cet après-midi.

Qui est cette dame ?

Une image de la visite bilatérale a fait impression : celle de la première dame kirghize Raïssa Atambaïeva et son homologue ouzbek Ziroatkhon Hoshimova marchant main dans la main après l'atterrissage de la délégation ouzbek, portant apparemment des chaussures assorties.

Les médias sociaux kirghizes ont été conquis par l'élégance de la première dame ouzbek, qu'un site en ligne a exprimée en utilisant le titre d'une chanson pop des années 1990, populaire dans les restaurants de karaoké de l'ex-URSS: Ah What a Woman! [ru] (Ah, quelle femme !)

Mme Hoshimova marchait à la gauche de Mme Atambayeva dans les images ci-dessous.

Les premières dames du Kirghizstan et de l'Ouzbékistan – Raïssa Atambaeva et Ziroathon Hoshimova

L'Ouzbékistan reste une dictature assez brutale selon les normes mondiales, même s'il y a des signes [en/es] de ce que l'on pourrait considérer comme un “dégel” dans la politique intérieure du pays.

L'avantage de cette avancée diplomatique pour le Kirghizistan est que le Président Mirziyoïev, qui a fait de la politique régionale sa priorité, est susceptible de rester au pouvoir à vie.

C'est aussi une bonne affaire pour le Tadjikistan, qui n'a pas encore reçu une visite de M. Mirziyoïev plus d'un an après son arrivée au pouvoir, mais espère également que de meilleures relations sont dans les tuyaux.

Lire aussi sur Global Voices : Will Tajikistan and Uzbekistan Make Plov, Not War in 2017? (non traduit en français – Le Tadjikistan et l'Ouzbékistant vont-ils faire le plov et non la guerre en 2017 ?)

Les adolescents et les pauvres, principales victimes de la “guerre contre la drogue” du gouvernement philippin

vendredi 15 septembre 2017 à 12:40

Manifestation lors de l'enterrement de Kian delos Santos's burial. Crédit photo : Kathy Yamzon. Utilisée avec autorisation.

La colère monte dans l'opinion aux Philippines contre la succession de meurtres d'adolescents sous la garde de la police. Kian delos Santos, 17 ans ; Carl Angelo Arnaiz, 19 ans ; Reynaldo de Guzman, 14 ans, ont supposément été tués par des policiers dans le cadre de la guerre de l’État contre la drogue (Oplan Tokhang). La directive du Président Rodrigo Duterte de mettre fin au danger de la drogue a coûté la vie à près de 13.000 personnes, en majorité issus de quartiers urbains pauvres.

Dans le cas de Kian delos Santos, la police a officiellement informé que le jeune était un livreur de drogue tué dans une fusillade lors d'un raid anti-drogue. Inversement, l'enregistrement par une caméra de surveillance de la scène du crime a montré un adolescent sans défense traîné par les policiers avant de finir mort. Delos Santos a été tué à Caloocan City le 16 août 2017, la semaine même où l'opération Tokhang réalisait son bilan le plus meurtrier en une seule journée à Bulacan, une province au nord de Manille. Le Président Duterte s'est félicité de ce bain de sang :

Maganda ‘yun. Makapatay lang tayo ng mga [Une bonne chose. Si on en tuait 32 chaque jour on arrivera peut-être à réduire les maux de ce pays].

Duterte a à maintes occasions dit aux policiers de tirer sur les suspects de la drogue qui se défendent, de les pousser à contre-attaquer s'ils ne le font pas, de donner une arme à feu aux suspects non armés et de les abattre s'ils ripostent. Le meurtre de Delos Santos a exposé au grand jour comment les policiers créent de fausses preuves avec des armes ou d'autres moyens contre les petits dealers supposés.

A quelques jours seulement de la mort de Delos Santos, Carl Angelo Arnaiz, un étudiant boursier de l'Université des Philippines, disparu depuis dix jours, était retrouvé mort le 28 août 2017 dans une morgue de Caloocan,. Il avait été vu vivant la dernière fois sortant de chez lui pour acheter à manger avec Reynaldo De Guzman, lui-même retrouvé mort 20 jours plus tard dans un ruisseau à Gapan, Nueva Ecija, autre province située au nord de la capitale Manille. La tête de Guzman était entourée de ruban adhésif et son corps avait reçu trente coups de couteau. Ceci à 113 kilomètres de leur domicile de Cainta, Rizal.

Le communiqué officiel de la police indique qu'Arnaiz a été tué dans un échange de coups de feu avec des policiers alors qu'il tentait de dévaliser un chauffeur de taxi. Un rapport d'autopsie établit que le corps d'Arnaiz portait des signes de torture avant de recevoir cinq balles évoquant une exécution.

Camarades de lycée, familles, amis et sympathisants allument des cierges pour Kian pendant sa veillée funèbre. Crédit photo: Manila Today. Utilisée avec autorisation.

Ces morts ont provoqué l'indignation de l'opinion contre la “guerre à la drogue”, communément dénoncée comme une lutte des classes sanglante menée par le gouvernement Duterte contre les populations vulnérables du pays comme les pauvres et les enfants. Divers mouvements de défense des droits humains ont aussi égratigné les serments répétés de Duterte de sauver les policiers qui commettent des abus pendant les opérations Tokhang. Le mouvement de jeunesse Anakbayan a déclaré dans un communiqué :

Ceci peut arriver à n'importe qui puisque le sanguinaire Duterte ne cesse d'encourager les policiers à tuer sans autre forme de procès, créer de fausses preuves, et les couvre dans le cours de sa sanglante “guerre contre la drogue”. Nous devons résister à la folie de Duterte pour sauver la jeunesse du pays.

Beaucoup dénoncent la façon dont les membres des communautés défavorisées sont tués dans l'impunité pendant que les personnalités en vue liées au trafic de drogue, comme le propre fils de Duterte, maire-adjoint de Davao Paolo Duterte, bénéficient d'une procédure en bonne et due forme. Paolo Duterte a récemment comparu dans des auditions au Sénat, où il a nié son implication supposée dans l'introduction en contrebande d'une valeur de 125 millions de dollars US de méthamphétamines interdites, connues aux Philippines sous le nom populaire de shabu.

L’armée de trolls de Duterte a dans un premier de temps catalogué les adolescents assassinés de criminels méritant leur mort, mais par la suite, avec l'escalade de la colère publique, ils ont changé de position et prétendu que les meurtres avaient été orchestrés par des adversaires politiques de Duterte. Confronté au tollé grandissant devant les meurtres, Duterte a lui-même changé d'attitude en recevant les parents de delos Santos puis Arnaiz, pour leur assurer qu'il poursuivrait les policiers dévoyés. Le président a ensuite clamé que des forces “malveillantes” sabotaient son offensive anti-drogues.

Des étudiants boursiers de l'Université des Philippines manifestent devant le Départment de la Justice à Manille. Crédit photo : Manila Today. Utilisée avec autorisation.

Pendant ce temps, de plus en plus nombreux sont ceux qui surmontent le climat de silence et de peur en exprimant leur colère devant ces meurtres. Diverses organisations populaires, mouvements d’Églises et simples citoyens ont uni leurs forces pour lancer la large alliance Mouvement contre la Tyrannie pour contrer les violations des droits et la glissade du pays sous l'emprise autoritariste de  Duterte.

L'alliance tiendra une grande manifestation au Luneta Park le 21 septembre, jour anniversaire de la déclaration de la loi martiale par le défunt dictateur et idole de Duterte, Ferdinand Marcos.

PHOTOS : Les femmes Tharus du Népal en passe de perdre leur art autrefois obligatoire du tatouage

jeudi 14 septembre 2017 à 23:27

Kalarvati Chaudhary, 61, se rappelle sa jeunesse quand elle parle de ses tatouages d'aréquiers, paons et autres motifs inspirés par la nature. Photo: CK Kalyan Tharu. Utilisée avec autorisation.

PHOTOS : Les femmes Tharus du Népal en passe de perdre leur art autrefois obligatoire du tatouage

Depuis des siècles, le tatouage fait partie intégrante de la vie des autochtones Tharus qui vivent dans les plaines méridionales du Népal. Aujourd'hui, avec la modernisation, la pratique du tatouage perd son importance chez les jeunes générations.

Les femmes Tharus arborent des tatouages sur les bras, les jambes et la poitrine, comme ornements. Appelés khodna et godna en langue tharu, ils s'inspirent de la nature. Leurs motifs les plus courants sont les lignes, les points, les croix et autres divers éléments naturels.

Les noms des motifs de tatouages renvoient à leurs équivalents naturels : badam butta (plant d'arachide), suruj ke daali (rayons du soleil), thakari mutha (peignes), supari ke gachh (aréquier), et majur (paon) entre autres.

I saw this beautiful woman walking along the #dagar (village road). I stopped her and praised her tattoo. She gave me thanks and I requested her for photo. She agreed. I took her photo. This pattern of tattoos #khodaha #godana are found in Eastern Tharu Community. But I forgot asking the name of such patterns. It became like a black spots in the moon 🌛 when I made a mistake there.

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J'ai vu cette belle femme marcher dans la rue du village. Je l'ai arrêtée et lui ai demandé la permission de la photographier. Elle a accepté, j'ai pris sa photo. Ce motif de tatouage se trouve chez les Tharus de l'Est. Mais j'ai oublié d'en demander le nom. C'était comme une ‘tache noire sur la lune’ quand j'ai fait cette erreur.

Today I have been to Dumariya, Sunsari (Ramdhuni Municipality/ ward#1). I met some beautiful Tharu women. I requested with them to contribute giving their pictures with tattoo. Locally the tattoo is called #khodaha or #godana. In the seen picture, this pattern of the khodaha is called #surujkedaali (the rising sun)!

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Aujourd'hui je suis allé à Dumriya, Sunsari (commune de Ramdhuni, quartier N° 1). J'ai rencontré quelques belles femmes tharu, je leur ai demandé de bien vouloir contribuer en accordant la photo de leurs tatouages. Ici le tatouage est appelé khodaha ou godana. Sur cette photo, ce motif de khodaha est appelé surujkedaali (soleil levant) !

Traditionnellement, les jeunes femmes pouvaient décider de porter des tatouages en guise de bijoux permanents, tandis que toute femme mariée devait avoir des tatouages obligatoires sur les jambes, appliqués avant de se marier, classiquement au mois de mars pendant la saison des noces (les mois de Falgun et Chaitra dans le calendrier Bikram Sambat). Mais aujourd'hui, ni les femmes mariées ni les jeunes filles tharu ne veulent porter de tatouages.

Dans un article publié en 1975, ‘Tatooing Among the Tharus of Dang Deokhuri, Far Western Nepal’ [Les tatouages chez les Tharus de Dang Deokhuri, Népal de l'Extrême-Ouest], le chercheur D.P. Rajaure capte le caractère esthétique de la pratique du tatouage chez les Tharus :

Le tatouage chez ces Tharus a une motivation essentiellement esthétique. Selon eux, les filles jeunes et non mariées n'ont pas besoin, et donc ne s'ornent pas de tatouages car leurs cholyas bariolées (une sorte de blouse qui se ferme dans le dos) sont magnifiques et ornementales ; mais une femme mariée doit se faire tatouer pour compenser le manque d'attrait et la simplicité dus au port de la jhulwa ou dainaha jhulwa, une sorte de chemise de femme à manches longues, croisée et fermée sur le devant.

Les tatouages du bas de la jambe représentent en général sitha (bâton ou paille), chulha (poêle) et phunna (motifs suspendus), ceux du milieu représentent des majur (paons) séparés par des sithas, et les tatouages du haut des jambes, un paon seul au centre encadré sur trois côtés de phunna ou d'autres motifs.

Les méthodes traditionnelles de tatouage étaient douloureuses et effroyables. Tikaniya (les tatoueurs, en langue tharu) utilisaient des aiguilles spéciales et de l'encre noire naturelle obtenue avec la suie d'une lampe à moutarde. La lenteur de l'opération faisait parfois s'évanouir [la patiente]. L'artiste frictionnait la partie du corps à tatouer avec de la bouse de vache, puis lavait la zone à l'eau. Après séchage, on appliquait de l'huile de moutarde pour ramollir la surface de peau. Le tikaniya traçait alors le dessin et perçait la peau avec les aiguilles à tatouer.

Une vieille dame Tharu de Chitwan au Népal se rappelle :

"In the old days, when girls of my age were young, a man from India would come and do these tattoos in our bodies. When my friend was being pierced, I could see tears in her eyes because of the pain and I remember being afraid as I was next. That night I couldn't sleep. The next day I asked my mother why I had to get the tattoo. She said, "Who will marry a girl without a tattoo? No one will take you unless you have them." I never understood that. Later I also learnt that in our culture tattoos were also a worship to nature. We don't take anything with us when we die, but I will take these tattoos. It is like a gift of this life and this nature for me to take to my afterlife." (Thagani Mahato, Meghauli, Chitwan)

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Dans l'ancien temps, quand nous étions jeunes avec les filles de mon âge, un homme venait d'Inde et nous faisait ces tatouages sur le corps. Pendant que mon amie se faisait percer, je voyais les larmes dans ses yeux à cause de la douleur, et je me rappelle ma peur car après elle c'était mon tour. Je n'ai pas pu dormir cette nuit-là. Le lendemain, j'ai demandé à ma mère pourquoi je devais me faire tatouer. Elle a dit, “Qui épousera une fille sans tatouages ? Personne ne voudra de toi si tu n'en as pas”. Je n'ai jamais compris ça. Plus tard, j'ai aussi appris que dans notre culture les tatouages étaient aussi une vénération de la nature. Nous n'emportons rien avec nous quand nous mourons, mais j'emporterai ces tatouages. C'est comme un cadeau de cette vie et de cette nature que j'emporterai dans l'au-delà.”

A côté de l'aspect ornemental, une autre raison essentielle d'être tatouées pour les femmes Tharus était de s'éviter l'attention de la famille royale du Népal, qui abhorrait les tatouages, associés aux populations tribales et indigènes. Les tatouages des Tharus empêchaient les aristocrates de les enlever pour en faire des esclaves sexuelles.

Can you see tattoos all over this lady's body and arms? Kanni Devi Tharuni from Saptari says, "It was the cheapest way to adorn oneself with unerasable jewellery." The Tharus in southern plains of Nepal had a rich culture of getting tattos on their bodies but due to modernisation this practice has been on decline. In fact, the youngsters don't get tattoed at all. Getting tattoed was compulsory for married Tharu women in the past. She says, "This tattoo will go with me when I die." ——————— #tattoo #tharus #terai #Nepal #culture #tradition #marriedwomen #tattoing #inking #instapic

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Vous voyez les tatouages qui recouvrent le corps et les bras de cette dame ? Kanni Devi Tharuni de Saptari dit : “C'était la façon la moins coûteuse de s'orner de bijoux ineffaçables”. Les Tharus des plaines du sud du Népal ont une riche culture de tatouages corporels, mais à cause de la modernisation, la pratique décline. De fait, les jeunes ne se font plus tatouer du tout. Se faire tatouer était obligatoire pour les femmes mariées Tharus. Elle dit que “ce tatouage [la] suivra à [sa] mort”.

Malgré cette riche tradition, les jeunes Tharus ne se font plus tatouer. On ne trouve plus de tikaniyas expérimentés dans les villages, et les jeunes générations ne manifestent pas encore l'intention de ranimer cet usage séculaire.

Toutefois, comme les tatouages sont de plus en plus à la mode avec des techniques plus sécurisées, rapides et aisées, documenter et poster en ligne les motifs de tatouage portées par les aînées Tharus est en vogue, ce qui provoque un intérêt renouvelé pour cette forme artistique.

Le journaliste et photographe ‘Travelin’ Mick,’ massivement tatoué lui-même, parcourt le monde depuis quinze ans pour documenter les cultures de tatouage restantes, y compris au Népal. Voici un florilège de motifs complexes de tatouages, qui pourraient ne devenir qu'un lointain souvenir si l'art du tatouage des Tharus était promis à la disparition :

Highly complex traditional pattern on the legs and arms of this Tharu lady from Chitwan, Nepal. Most of their designs are stylised peacocks, grain bundles and other images from nature and agriculture #travelinmick #worldoftattoogallery #tattoforever #traditionaltattoo #tattootradition #blackwork #handpoke #linework #dotwork #tribaltattoo #legtattoo #handtattoo #inkedgirls #tattooedladies #adventure #discovery #natgeo #travelphotography #nepal #tattootournepal #tattootrip #tattootour #aroundtheworld #asiatravel #asiatour

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Motif traditionnel très complexe sur les jambes et bras de cette dame Tharu de Chitwan, Népal. La plupart de leurs motifs sont des paons stylisés, des faisceaux de céréales, et d'autres images de nature et d'agriculture

Tattoos are part of the traditional lifestyle that is slowly disappearing among the Tharu of southern Nepal #travelinmick #worldoftattoogallery #tattooforever #traditionaltattoo #tattootradition #tattootour #tattootrip #tattootravel #tattootournepal #blackwork #handpoke #blacktatto #linework #dotwork #tattoophotography #asiatour #asiatravel #aroundtheworld #travelphotography #nepal #portraitphotography #portrait #natgeo #discovery #adventure

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Les tatouages font partie du style de vie traditionnel qui disparaît lentement chez les Tharus du sud du Népal

Life in the villages of the Tharu communities in southern Nepal hasn't changed that much. Just every year I see less and less fully sleeved ladies… #travelinmick #worldoftattoogallery #tattooforever #traditionaltattoo #tattootradition #blackwork #handpoke #linework #dotwork #tribaltattoo #tattoophotography #blacktattoo #portraitphotography #portrait #aroundtheworld #travelphotography #nepal #nepaltravel #asiatravel #asiatrip #tattootournepal #tattootrip #tattootour #natgeo #discovery #adventure

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La vie n'a guère changé dans les villages des Tharus du sud du Népal. Mais chaque année je vois de moins en moins de dames aux manches complètes…

Study of Tharu female tattoos from southern Nepal. Those traditional patterns that were done for hundreds of years still look really attractive #travelinmick #worldoftattoogallery #tattooforever #traditionaltattoo #tattootradition #tattootournepal #tattootrip #tattootour #tribaltattoo #nepaltattoo #asiatattoo #blackwork #handpoke #blacktattoo #linework #dotwork #tattoophotography #travelphotography #nepal #nepaltravel #asiatravel #portraitphotography #portrait #natgeo #discovery #peacock

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Étude de tatouages de femmes Tharu du sud du Népal. Ces motifs traditionnels pratiqués depuis des siècles restent vraiment jolis

Only few outsiders have ever seen the mysterious peacock backpieces of the Tharu women of Nepal. Normally they keep these magic tattoos covered… #travelinmick #worldoftattoogallery #tattoforever #traditionaltattoo #tattootradition #blackwork #handpoke #linework #dotwork #blacktattoo #magictattoo #tribaltattoo #tattoophotography #tattooart #tattoohistory #nepaltourism #nepal #tattootournepal #tattootrip #tattootour #asiatrip #asiatour #portraitphotography #portrait #aroundtheworld #natgeo #discovery

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Très peu d'étrangers ont pu voir ces représentations mystérieuses de paons pour le dos des femmes Tharu du Népal. En principe elles gardent recouverts ces tatouages magiques…

These traditional tattoos of the Tharu in Nepal look quite contemporary now… #travelinmick #worldoftattoogallery #tattooforever #tattooart #contemporaryart #contemporaytattoo #inkedgirls #tattooedladies #tattooedhands #traditionaltattoo #tattootradition #blackwork #handpoke #tattoophotography #travelphotography #nepal #terai #asiatattoo #asiatrip #asiatravel #portraitphotography #portrait #aroundtheworld #tattootournepal #tattootrip #tattootour #linework #dotwork

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Ces tatouages traditionnels des Tharus au Népal ont l'air très contemporains aujourd’hui…

Tharu great-grandmother. Among this ethnic group in the Terai area of Nepal several generations live together under one roof in a longhouse #travelinmick #worldoftattoogallery #tattooforever #traditionaltattoo #tattootradition #tribaltattoo #blackwork #handpoke #linework #dotwork #inkedgirls #tattooedladies #tattoophotography #travelphotography #nepal #tattootournepal #tattootrip #tattootour #tharu #portraitphotography #portrait #blacktattoo #asiatrip #nepaltourism #aroundtheworld #natgeo #discovery

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Une arrière-grand mère Tharu. Dans ce groupe ethnique de la région du Terai au Népal, plusieurs générations vivent ensemble sous un même toit dans une maison longue.

C'est peut-être les médias sociaux qui vont refamiliariser les jeunes Tharus avec l'art du tatouage, en incorporant des couleurs, dessins et motifs neufs, s'inspirant des anciens, ce qui redonnerait vie à une tradition remontant à la nuit des temps.

Une version de cet article a été publiée dans le magazine ECS.

Tepache et pulque : des boissons traditionnelles qui cherchent leur place dans le Mexique moderne

jeudi 14 septembre 2017 à 10:24
Puesto de tepache.

Vendeur de tepache sur un marché de plein air, ou tianguis, à Mexico. Photographie de J. Tadeo.

Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en espagnol.

Mexico [fr] est une capitale où les boissons et la cuisine traditionnelles ont été peu à peu délaissées. Avec l'arrivée des grands groupes commerciaux internationaux et des chaînes de restauration rapide, qui ont installé leurs succursales dans presque tous les quartiers de la ville, les petits plats et les breuvages que consommaient les grands-parents et les ancêtres mexicains risquent de tomber en désuétude et de disparaître. Le tepache et le pulque sont deux de ces boissons.

Le tepache

Le tepache est une boisson faiblement alcoolisée, qui ressemble à de la bière sucrée. Dans sa version actuelle, elle est d'une intense couleur ambrée et elle est faite à base d'ananas fermenté, de piloncillo (sucre de canne complet), de cannelle et différentes épices. Le nom de la boisson proviendrait du náhuatl tepatli, qui veut dire boisson au maïs.

Le chroniqueur Memo Bautista nous présente ce breuvage sur le site Crónicas de Asfalto :

El tepache no es curativo como algunas personas creen. En todo caso, es la piña la que ayuda a limpiar el riñón. Lo que sí hace este brebaje, y muy bien, es quitar la sed. Sin embargo, aunque es muy popular por su sabor dulce y su casi nulo porcentaje de alcohol —sólo uno por ciento, hasta los niños lo consumen— casi no existen locales donde se sirva exclusivamente esta bebida. La entrada de la industria refresquera al país en la década de los 50 provocó que el tepache poco a poco fuera quedando relegado, al grado que actualmente en la Ciudad de México existen menos de diez tepacherías, dedicados exclusivamente a este producto.

Le tepache n'a pas de vertu thérapeutique comme le pensent certains. Il est vrai que l'ananas aide à nettoyer les reins. Mais ce que fait vraiment ce breuvage, et même très bien, c'est désaltérer. Malgré tout, bien qu'il soit très populaire pour son goût sucré et son taux presque nul en alcool – seulement un pour cent, même les enfants en boivent – il n'y a pas d'endroit qui lui soit exclusivement consacré. L'irruption de l'industrie du soda dans notre pays dans les années 50 a peu à peu relégué le tepache aux oubliettes, à tel point qu'actuellement à Mexico, il n'y a pas plus d'une dizaine de “bars à tepache” qui vivent exclusivement de ce produit.

Le tepache se sert frais et se prend généralement le matin et l'après-midi pour étancher la soif aux heures chaudes. Comme le mentionne Bautista, il y a peu d'établissements qui en vivent, c'est pourquoi on le trouve surtout sur les marchés de plein air, les tianguis [fr], où on l'achète au verre, et même au litre. Voici le commentaire d'une fervente buveuse de tepache sur Twitter :

Quand je vais dans les tianguis, je demande toujours mon tepache sans glaçon pour qu'il y en ait plus dans le verre. Je serai peut-être pauvre un jour, conne jamais.

Voici ce que Memo Bautista écrit sur l'un de ces rares établissements qui ne servent que du tepache :

El Oasis huele a dulce, a fruta, despide un ligero aroma a fermentación pero no es desagradable. El olor provine de los siete barriles donde se está llevando el proceso de degradación de la piña y demás frutas que lleva la receta que esta familia ha conservado por 55 años, durante tres generaciones.

L'Oasis sent le sucre, le fruit et exhale un léger arôme de fermentation, mais ça n'est pas désagréable. L'odeur vient des sept barils où se réalise le processus de décomposition des ananas et des autres fruits que comporte la recette que cette famille a conservée pendant 55 ans, sur trois générations.

Comme c'est un produit que l'on fait chez soi, ou de façon artisanale, le tepache n'a pas de secret. On ne le trouve pas non plus en canettes ou pasteurisé et mis en bouteille. Tout le monde peut en préparer, et WikiHow en donne une recette.

Daniela a partagé sur Twitter ces images de tepache :

Tepache
Écorces d'ananas fermentées dans l'eau
Piloncillo
Cannelle
Glace
pour cette bonne chaleur estivale

Le pulque

Le pulque est un autre choix dans le catalogue des liquides consommables que l'on peut trouver à Mexico. Cette boisson a une longue histoire, comme on peut le lire sur la page d'accueil Del Maguey [autre nom donné à l'agave au Mexique, NdT] :

La bebida es de al menos 2,000 años de antigüedad. Es la savia, llamado aguamiel o agua miel, que se convierte en pulque a través de un proceso de fermentación natural que puede ocurrir dentro de la planta, pero por lo general se lleva a cabo en una “Tinacal” (lugar de producción). La bebida se convirtió en un elemento tan importante social, económica y, como consecuencia, religiosamente, que mitos, leyendas y cultos proliferan alrededor de él y su fuente, el maguey.

En las grandes civilizaciones indígenas de las tierras altas centrales, Pulque se desempeñó como un intoxicante ritual para los sacerdotes −para aumentar su entusiasmo, para las víctimas− de sacrificio facilitan su paso, y como bebida medicinal.

La boisson date d'au moins 2.000 ans. C'est la sève, appelée aguamiel [fr] ou agua miel, qui se transforme en pulque lors d'un processus de fermentation naturelle qui peut se produire à l'intérieur même de la plante, mais qui se fait généralement dans un “tinacal” [le lieu de production où sont stockés les “tinacos”, sortes de cuves de fermentation. NdT]. Le pulque a revêtu une telle importance au niveau social, économique, et par conséquent, religieux, que les mythes, légendes et autres cultes se sont mis à proliférer autour de lui et de sa matière première, le maguey (fr).

Dans les grandes civilisations indigènes des hautes terres centrales, le pulque jouait le rôle de drogue rituelle aux prêtres (en exacerbant leur enthousiasme) et aux les victimes (en facilitant leur “passage” sacrificiel) et de boisson médicinale.

En 2017, ce breuvage n'est plus vraiment employé à des fins religieuses, mais plutôt pour s'enivrer. Contrairement au tepache, la teneur en alcool du pulque est importante, c'est pourquoi il n'est généralement pas offert aux enfants, ni dans d'autres circonstances que celles de la simple convivialité.

Le pulque peut se servir nature ou parfumé (fraise et pignon sont les saveurs les plus demandées) ; il est tres souvent opaque et dense, pouvant aller jusqu'à une consistance laiteuse.

Curado de mango y de fresa. Pulque. México

Pulques aromatisés. Photographie par Šarūnas Burdulis sur Flickr, reproduite sous licence Creative Commons 2.0.

Le portail Regeneración donne à lire ce petit texte sur le processus de préparation :

Este sabroso licor, que quita todas las penas, las propias y las ajenas se obtiene de las pencas del maguey cuando la planta está madura, mediante el siguiente proceso: primero con una barreta, se retira la parte central y el corazón del maguey, generando una cavidad o cajete, en lo que se denomina castración; posteriormente, la cavidad se deja madurar durante aproximadamente un mes y se debe tapar con una manta para que no se introduzcan los insectos y el polvo. Posteriormente, se raspan las paredes y se succiona el aguamiel con un acocote (el recipiente con el que se extrae la bebida) y se deposita en un garrafón de 20 litros que se llama tinacal, en lo que se llama la maduración de la bebida; a continuación, viene la preparación de la semilla, que consiste en que el aguamiel se pone en un barril de madera donde se fermenta al cabo de varios días y se obtiene una bebida de color blanco, ácida y viscosa llamada pulque.

Cette délicieuse liqueur qui efface toutes les peines, les nôtres et celles des autres, est tirée des tiges du maguey quand la plante est mûre. On procède tout d'abord à l'extraction : avec un pied de biche, on creuse une cavité arrondie dans le maguey en retirant la partie centrale et le coeur, et on laisse le trou mûrir pendant environ un mois en le couvrant avec un tissu pour le protéger des insectes et de la poussière. Puis on gratte les parois et on aspire l'aguamiel à l'aide du récipient qui sert à extraire la boisson, l'acocote [sorte de calebasse allongée percée à ses deux extrémités, NdT] et on le verse dans une jarre de 20 litres que l'on appelle tinacal, où l'aguamiel va s'affiner. Ensuite vient la préparation du ferment : on verse l'aguamiel dans un baril en bois où il va fermenter pendant plusieurs jours et on obtient une boisson blanchâtre, acide et visqueuse appelée pulque.

Certains, comme Alex B ont partagé sur Twitter quelques informations indispensables sur cette boisson :

Un peu de culture populaire.

Contrairement au tepache, le pulque est parfois conditionné (bien que ça ne soit pas très fréquent) en bouteilles réfrigérées dans certaines boutiques. Il existe aussi des établissements qui ne servent que cela et qui s'appellent des pulquerías. Elles sont apparues au cours des dernières années et leur popularité parmi les jeunes de la classe moyenne ne cesse d'augmenter. Celle-ci est peut-être liée à l'engouement récent du pays pour le mezcal [fr], une autre boisson traditionnelle qui, comme le pulque, provient du maguey.

Pulque en lata. Bebida tradicional mexicana.

Pulque en canettes. Photographie de Eliazar Parra sur Flickr, reproduite sous licence Creative Commons 2.0.

Le tepache et le pulque sont des éléments de l'ancienne culture de la ville de Mexico qui luttent pour survivre à l'ère des sodas, des boissons énergisantes et, évidemment, des bières nationales et importées qui se trouvent facilement dans la plupart des commerces et des centres de loisirs.

Ces boissons, quand elles sont élaborées dans le respect des recettes traditionnelles, sont exemptes de produits chimiques et de colorants artificiels. Pourquoi ne pas les goûter ?