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Le projet Mapping for Niger: son historique et ses ambitions

samedi 28 novembre 2015 à 22:51
L'équipe de Open Street Map Niger

L'équipe de Open Street Map Niger

Le Niger, comme ses pays frontaliers, lutte contre l'impact néfaste de Boko Haram dans la région. Cependant, sa jeunesse veut montrer qu'elle monte en puissance en dépis des circonstances. C'est le cas notamment de la communauté Open Street Map du Niger. Voici un reportage d'un de ses membres Fatiman Alher, étudiante en géographie et qui a récemment partagé son expérience passée à cartographier le Niger:

La Communauté OpenStreetMap Niger (OSM_NE)

Depuis son émergence, la communauté OpenStreetMap Niger mène des activités volontaires de promotion du projet OpenStreetMap auprès d'ONG, organisations internationales, autorités locales, milieu académique et ou lors de conférences.
La communauté organise des cartoparties, formations ouvertes et complète la base de données OpenStreetMap via des projets volontaires (cartographie de Niamey et son Université, de la ville de Dosso, Zinder, Agadez etc.) couplant production de données à distance à l'aide d'imagerie satellite et collecte de données terrain. Des mapathons (atelier de création de données en masse sur des zones d'intérêt ) sont également organisés en lien avec les communautés OSM de l'Afrique de l'Ouest et la communauté OSM mondiale.
Le contexte de ressources logistiques, financières et humaines limitées, le contexte politique parfois sous tension particulièrement à la frontière avec le Mali, ainsi qu’une certaine méconnaissance générale de l’Open Data, font de chaque activité la traduction d'un engagement volontaire, passionné et militant !

Depuis mi-2014 le Projet Espace OSM Francophone soutient le développement du projet OpenStreetMap au Niger. Cela se traduit par la participation de membres de la communauté OSM_NE à des missions de renforcement de capacités organisés dans la sous-région par le collectif Projet Espace OSM Francophone. Ainsi des membres de la communauté OSM_NE ont participé à 5 missions de renforcement de capacités : au Burkina Faso et au Togo en 2014 et au Burkina Faso, Côte d'Ivoire et Togo en 2015. Ces actions OSM pays réunissent durant 3 semaines dans le pays hôte des mappers des communautés de l’Afrique francophone (Bénin, Burkina-Faso, Mali, Niger, Sénégal et Côte d'Ivoire) et de la France.

Atelier de formation à la cartographie

Atelier de formation à la cartographie

Missions

Il s’agit essentiellement de sessions de restitution technique et organisationnelle des missions de renforcement de capacités du Projet EOF à l'attention des membres de la communauté OSM NE. Ces formations sont organisées au Campus Numérique de l'Université (UAM) de Niamey et à Search For Commound Ground (CFCG).

Open Street Map Niger - Forum National des Jeunes sur le Changement Climatique 19 Novembre 2015

Open Street Map Niger – Forum National des Jeunes sur le Changement Climatique 19 Novembre 2015

Des cartoparties sont régulièrement organisées par la communauté OSM_NE. En général les participants cartographient de 8h à 12h à distance puis réalisent une enquête de terrain et l’édition des données collectées dans la soirée.

Des mapathons (atelier de création de données en masse sur des zones d'intérêt ) sont également organisés en lien avec les communautés OSM de l'Afrique de l'Ouest et la communauté OSM mondiale, particulièrement en réponse à des crises humanitaires : Ebola, Boko Haram ou encore le tremblement de terre au Népal.

Niamey étant le centre névralgique de la communauté OSM_NE, une activité continue de mapping se tient depuis le début du projet OpenStreetMap au Niger, les membres profitant de leurs déplacements et temps libres pour cartographier à distance ou sur le terrain la capitale du pays. Les mappers se concentrent sur le réseau routier, les bâtis, et les points d’intérêt (santé, éducation, bâtiments publics, commerces, équipements sanitaires etc.). Mais d'autres localités ont aussi été ciblés.

Durant les vacances scolaires de Juin à Septembre 2013, la communauté OSM_NE s’est concentré sur le département de Madaoua, les regions de Tahoua et Zinder. Tous les weekends durant 1 mois, les membres se sont réunis  pour cartographier à distance ces localités.

Il aura fallu une semaine de mapping pour faire remonter toutes les informations dans la base.Vous pouvez désormais consulter le travail qui a été réalisé par 3 jeunes avec des moyens limités en visualisant la carte OpenStreetMap de la ville de Dosso.
Ouverture sur les autres communautés OSM de l'Afrique de l'Ouest

Communauté OSM afrique de l'ouest

Communauté OSM afrique de l'ouest

En réseau avec les communautés OSM de l’Afrique de l’Ouest, via des missions du Projet Espace OSM Francophone et différentes événements dans la sous-région comme les forums annuels Innov’Africe, la communauté OSM_NE travaille particulièrement avec les communautés du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger, du Mali, du Sénégal et du Togo.

Les interactions comprennent des efforts communs de mapping ainsi que des partages et échanges pro-actifs sur des aspects de communication, techniques et organisationnels. Ces collaborations ont été particulièrement fortes lors de l’organisation et de la tenue des conférences State Of The Map (ou Etat de la Carte) comme lors de celle qui s’est déroulée en 2015 au Burkina Faso ou celle actuelle au Togo. Ces deux SOTM ont été organisée lors des actions pays du Projet Espace OpenStreetMap Francophones. Les efforts de mapping de la communauté ont participé à l'initiative Map4Ebola qui a permis de mieux lutter contre l'épidémie.

 

En Grèce, Nouvelle Démocratie dans l'opposition loupe l'élection de son président

vendredi 27 novembre 2015 à 22:38

Titre : “Nouvelle Démocratie, le seul parti politique au monde qui a réussi à perdre ses propres élections internes.” Image vue sur la page Facebook “Leme tin Alitheia” (Nous disons la Vérité), image largement diffusée en ligne.

A l'issue d'une période pré-électorale riche de turbulences, et après la surprise de l'ample victoire, en septembre 2015 du parti Syriza du Premier Ministre Alexis Tsipras, la principale formation d'opposition de Grèce, Nouvelle Démocratie, était supposée tenir samedi 22 novembre une élection interne pour se choisir un nouveau président. Au cours des trois derniers mois, quatre candidats (Evaggelos Meϊmarakis, Kyriakos Mitsotakis, Adonis Georgiadis et Apostolos Tzitzikostas) ont fait campagne dans tous les lieux imaginables, et se sont rendus dans les villes et sur tous les médias, traditionnels et sociaux, de Grèce pour dérouler devant l'opinion leurs programmes et visions d'avenir pour le parti.

Patatras, dimanche matin, alors que les sympathisants du parti étaient déjà à pied d'oeuvre devant les urnes, le processus de décompte des votes a dysfonctionné, provoquant le report du scrutin.

On a appris que la société “Infosolution” avait remporté le contrat du processus électoral face à trois concurrents. Que le site web lui-même d'Infosolution soit encore “en construction” n'a pas semblé alerter les bureaucrates de Nouvelle Démocratie qui lui ont donné la préférence. La défaillance du 22 novembre qui a réduit l'élection à néant résulterait d'un bug sur le logiciel d'Infosolution, suite à une erreur qui a rendu impossible la synchronisation des machines à voter avec le registre électoral électronique du pays, nécessaire pour empêcher tout double vote.

De façon inattendue, l'internet grec a été presqu'aussitôt inondé de tweets et de billets de médias sociaux critiquant le scrutin avorté. Plus tard, le mot-dièse #eklogesnd (#ElectionsNouvelleDémcratie) s'est hissé en tête de tendance nationale et internationale.

L'incapacité de Nouvelle Démocratie à organiser sa propre élection d'un président est un trending topic mondial.

L'écran final avant la panne du système.

Exclusif ! Nous avons retrouvé le serveur responsable du fiasco ! (sur l'image : “Exclusif ! Nous avons trouvé le serveur à l'origine des problèmes du processus électoral”)

Twittergr[ec] en feu pour se moquer de Nouvelle Démocratie incapable de réaliser l'élection de son chef #eklogesnd en trending topics

Après le fiasco électoral de Nouvelle Démocratie, question : s'ils n'arrivent pas à organiser un vote, qui va leur faire confiance pour diriger le pays ?

écran bleu de la mort

Viens de me réveiller, découvert le fiasco #eklogesnd. Peux pas m'arrêter. De me marrer. L'opposition en triste état. Le pays aussi.

L'élection du nouveau chef de Nouvelle Démocratie reportée ce matin après un bug de logiciel ! Un parti qui vise à gouverner à nouveau la Grèce.

Même le gouvernement grec n'a pu résister à l'occasion de ridiculiser son adversaire sur Twitter :

SYRIZA : Nous espérons que le pays aura bientôt un parti d'opposition sérieux et responsable.

CNN Grèce a rapporté que des sympathisants furieux de Nouvelle Démocratie veulent faire un sort à Andreas Papamimikos (président de la commission électorale centrale grecque et Secrétaire du parti), qu'ils estiment responsables du fiasco.

Quelle sera la prochaine manche pour le parti après cette élection foireuse ? Quelle que soit la décision de Nouvelle Démocratie et de ses quatre postulants, ils vont traîner longtemps la casserole du week-end dernier.

Bienvenue au club #StandwithRussia

jeudi 26 novembre 2015 à 17:38
Image edited by Kevin Rothrock.

Montage d'images par Kevin Rothrock.

Après la destruction, il y a deux jours, d'un bombardier russe Sukhoi Su-24 par l'aviation turque près de la frontière entre Syrie et Turquie, des manifestants ont jeté des pierres et des oeufs sur l'ambassade de Turquie à Moscou et réussi à briser une vitre. La colère des Russes s'exprime sur internet aussi, avec le lancement d'une vague de notations à étoiles sur la Google Map de l'ambassade turque à Moscou.

“Ils soutiennent le terrorisme”, peut-on y lire. Ou encore, “Votre rôle dans l'histoire mondiale a toujours été celui d'une prostituée !”. “Vermine, vous avez oublié qui a gagné huit guerres russo-turques ?” a interrogé une femme nommée Natalia Vasilyevna.

Screenshot: Google Maps reviews of Turkey's embassy in Moscow.

Capture d'écran de notations sur Google Maps de l'ambassade de Turquie à Moscou.

Malgré le flot hier d'appréciations négatives, Google Maps affiche toujours une note moyenne de 4,5 étoiles pour l'ambassade, avec un total de 44 notations.

Le 25 novembre, le réseau d'information d'Etat russe RT a publié un article affirmant que les internautes du monde entier se sont mis à partager le hashtag #StandwithRussia [“Aux côtés de la Russie”], apparemment pour condamner l'attaque turque contre le Su-24, qui a provoqué la mort de l'un des pilotes, ainsi que d'un deuxième soldat russe, tué dans l'opération de recherche et de sauvetage qui a suivi.

Une des images utilisée selon RT par les internautes pour montrer leur solidarité avec la Russie est le symbole de paix avec un avion militaire superposé, rapelant le symbole de paix promu par le Ministère russe des affaires étrangères quand il a reconnu que l'explosion de l'avion russe au-dessus de l'Egypte le 31 octobre résultait d'un attentat. (Ce premier symbole paix-avion était lui-même une allusion au symbole paix-Tour Eiffel créé par le graphiste français Jean Jullien sitôt après les attentats de Paris du 13 novembre.)

Soutenez notre action.

L'utilisateur de Twitter @AndreyZalgo dit cependant avoir créé l'image au symbole de paix avec l'avion par jeu, avant la révélation que l'attaque de l'aviation turque contre le Su-24 avait fait des morts.

#1in5Muslims, pour répondre par l'humour au racolage anti-musulman d'un tabloïd britannique

mercredi 25 novembre 2015 à 23:23
Screenshot: The UK's Independent Press Standards received 450 complaints about the front page of The Sun.

Capture d'écran. En Grande-Bretagne, l'Independent Press Standards a reçu 450 plaintes contre la une du Sun.

Le tabloïd britannique The Sun essuie une tempête depuis son affirmation douteuse en manchette de “la sympathie d'1 musulman britannique sur 5 pour les djihadistes”, au moment où l'islamophobie monte au Royaume-Uni. A ce jour, la publication a inspiré le nombre record de 450 plaintes devant l'organisme des Standards de la presse indépendante du Royaume-Uni, et popularisé un hashtag, #1in5Muslims, ridiculisant l'islamophobie du Sun.

Sur une population de 64 millions de Britanniques, 5 % sont musulmans. Le Sun est arrivé à cette révélation fracassante à la suite d'une enquête téléphonique menée auprès de 1.003 musulmans par l'institut de sondages Survation, qui demandait aux sondés de choisir dans une liste d'affirmations (d'où est absent le mot “djihadiste”, pourtant présent dans le gros titre du Sun).

71 % ont répondu qu'ils n'avaient “aucune sympathie pour les jeunes musulmans qui quittent le Royaume-Uni pour rejoindre les combattants en Syrie”, et 9 % se sont dits sans opinion. 15% ont choisi “J'ai une certaine sympathie pour les jeunes musulmans qui quittent le Royaume-Uni pour rejoinndre les combattants en Syrie”, et 5 % ont indiqué avoir “beaucoup de sympathie pour les jeunes musulmans qui quittent le Royaume-Uni pour rejoinndre les combattants en Syrie.”

Le Sun, le journal au plus fort tirage du Royaume-Uni, a additionné les deux derniers groupes, pour arriver à 20 %, soit 1 sur 5.

Beaucoup de gens, parmi lesquels professionnels des médias et responsables musulmans, ont fait valoir que le terme “sympathie” est flou. Et de quels “combattants en Syrie” s'agit-il ? De ceux qui se battent pour l'EI, aussi appelé Daech, ceux qui se battent contre, ou ceux qui combattent le régime du président Bachar al-Assad ?

Des critiques ont aussi été adressées à la méthodologie de Survation, qui a consisté à téléphoner à des gens à “patronymes musulmans”, et à l'absence de groupe de contrôle pour savoir comment des personnes d'autres confessions répondraient à ces mêmes questions. Le Sun avait consulté à l'origine un autre organisme d'études, qui avait refusé d'exécuter le sondage parce que, d'après le Guardian, “il n'avait aucune certitude de pouvoir donner une image exacte de la population musulmane britannique dans le temps et le budget impartis par le journal.”

Une touche d'humour pour désarmer l'islamophobie

L'islamophobie est en expansion au Royaume-Uni. Selon les derniers chiffres, les crimes haineux contre les musulmans ont triplé dans la semaine qui a suivi les attentats de Paris. Cette statistique a été collectée par la ligne téléphonique d'aide Tell Mama, une association qui mesure les agressions anti-musulmans, tant verbales que physiques, dans tout le pays. Selon le rapport, préparé pour le groupe de travail du gouvernement sur la haine anti-musulmans :

La plupart des victimes des crimes haineux au Royaume-Uni étaient des jeunes filles et femmes musulmanes de 14 à 45 ans en tenue islamique traditionnelle. Les perpétrateurs étaient en majorité des hommes blancs de 15 à 35 ans […] les agressions signalées avaient lieu dans des endroits publics, entre autres dans des bus et trains. Trente-quatre victimes étaient des femmes portant le hijab, et huit [agressions] ont impliqué de jeunes enfants.

Pendant ce temps, des usagers de Twitter à travers le monde ont moqué la une et l'article du Sun avec le hashtag #1in5Muslims (1MusulmanSurCinq), en proposant des affirmations sur les musulmans tout aussi douteuses mais nettement plus drôles.

#1MusulmanSur5 est marié à une cousine. Les 4 autres s'échinent à faire de même.

#1MusulmanSur5 va à la mosquée seulement pendant le ramadan. Pour sortir et manger gratis.

#1MusulmanSur5 est français… s'il marque [un but]. Sinon, c'est un Arabe.

#1MusulmanSur5 a eu le Prix Nobel avant l'âge d'entrée à l'Université

#1MusulmanSur5 utilise sans doute ça au travail. Surtout à Dubaï

#1MusulmanSur5 fornique, boit de l'alcool, fume de l'herbe, mais pour rien au monde ne touchera à des chips au bacon, c'est haram mon frère…

#1MusulmanSur5 est l'idole préférée de votre fille

#1MusulmanSur5 a un animal de compagnie secret qui ressemble à ça.

Les utilisateurs semblent apprécier ces réactions badines :

J'aime la façon dont les twittos se sont mis à réagir aux actes injurieux. Bien mieux que les imprécations ou le trollage.

Sanctions économiques : pourquoi la Thaïlande est-elle épargnée ?

mercredi 25 novembre 2015 à 14:51
Thailande T-shirt rouge

Manifestations des “T-shirts Rouges” à l'interesction de Ratchaprasong via wikipedia CC-BY-20

La liste des pays soumis aux sanctions économiques de la France et de l’Union européenne est longue et, même si l’on entend surtout parler de la Russie, de l’Iran ou encore du Yémen, les Etats visés par les sanctions sont bien plus nombreux et se répartissent sur les cinq continents. Biélorussie, Birmanie, Corée du Nord, l’ancien régime tunisien, le Zimbabwe… la liste n’a cessé de s’étoffer depuis la fin de la Guerre froide, lorsque les « mesures restrictives » sont devenues un instrument privilégié pour obtenir des inflexions politiques dans les pays visés. Etrangement, la Thaïlande, pays dirigé par une junte militaire s’employant à dynamiter toutes les libertés fondamentales, échappe encore à cette mise au ban économique.

Les sanctions économiques représentent un outil « essentiel » de la politique internationale de l’UE, outil qui doit être utilisé de manière préventive et non punitive. Ce qui signifie que leur but doit être d’accompagner, voire de favoriser les transitions politiques, notamment dans des pays où les droits de l’homme ne sont pas respectés. En revanche, les sanctions ne doivent en aucun cas punir l’économie des pays visés, assujettir des sociétés entières ou contribuer à la dégradation des conditions de vie des populations.

C’est pourquoi, comme le rappelle Bastien Nivet, chercheur associé à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), l’UE a fait évoluer son dispositif pour mettre en place de plus en plus de sanctions « ciblées », visant des élites, des dirigeants, certains acteurs clés de l’économie de chaque pays, tout en épargnant les populations (du moins en théorie). Le chercheur précise également que les sanctions européennes se sont parfois avérées plus sévères que celles des Américaines ou de l’ONU, notamment en Iran, ce qui a permis de démultiplier de façon très importante leur impact sur ce pays.

Or, si les sanctions économiques peuvent être efficaces afin d’éviter une détérioration des situations stratégiques, des crises, des politiques agressives ou des comportements jugés déviants, pourquoi aucune mesure restrictive n’a été jusqu’ici imposée à la junte militaire qui accapare le pouvoir en Thaïlande depuis plus d’un an ?

Les raisons ne manquent pourtant pas. Depuis mai 2014, la Thaïlande est gouvernée par une junte militaire ayant renversé la Première ministre, Yingluck Shinawatra, pourtant démocratiquement élue. Soutenus par la bourgeoisie de Bangkok, les militaires ne s’embarrassent pas du droit local ou international et appliquent une politique liberticide à l’encontre de tout opposant à la monarchie ou à l’action militaire. Depuis le coup d’Etat, les télévisions sont censurées, les journalistes sont muselés et ceux qui osent encore émettre des critiques risquent tout simplement d’être supprimés. En l’espace d’un mois, deux prisonniers ont été retrouvés morts dans leur cellule. Parmi eux se trouvait le charismatique astrologue Suriyan Sucharitpolwong, accusé de crime de lèse-majesté.

Il n’était pas le seul. Avec le retour de la loi martiale et de l’armée au pouvoir, le nombre de poursuites pour crimes de lèse-majesté a connu une augmentation spectaculaire en Thaïlande. D’après la Fédération internationale des droits de l’homme, seulement cinq affaires de lèse-majesté étaient déclarées avant le coup d’État, on en compte une cinquantaine aujourd’hui. « Dans ce climat, la police, les procureurs, les tribunaux et tous les fonctionnaires semblent avoir peur de ne pas donner suite aux allégations de lèse-majesté, craignant d’être accusés de déloyauté envers la monarchie », explique Brad Adams, de l’association Human Rights Watch.

Pourtant, malgré ces violations flagrantes des droits de l’homme, la France et l’Union européenne ne se décident toujours pas à sanctionner le régime thaïlandais. Bien au contraire, dans une note publiée en octobre, l’Ambassade de France en Thaïlande se réjouit de la hausse des échanges commerciaux entre les deux pays. Selon ce document, la France a vu augmenter son volume d’exportations de 27,6 % en glissement annuel et de 12,5 % en ce qui concerne ses importations. Malgré la censure, les emprisonnements et les fortes suspicions d’assassinats, les affaires continuent. Et de plus belle !

La Thaïlande est pourtant un pays qui souffre, et l’Union européenne ne peut plus se contenter de commenter les événements tragiques qui s’y déroulent. Elle doit, au contraire, user de son influence pour infléchir la politique du pays et le rediriger vers la démocratie. N’est-ce pas justement l’objectif affiché des sanctions économiques qu’elle impose à de nombreux pays dans le monde ? L’indifférence face aux populations prises en otage par les forces armées ne peut continuer sous prétexte que les affaires marchent bien. La France et l’UE doivent de toute urgence s’engager et prendre leurs responsabilités face à cette situation, faute de quoi elles pourraient bien être accusées de complicité avec les oppresseurs.

Cet article a été écrit par Raphael Plantier.