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‘Deer Woman: An Anthology’ raconte la violence faite aux Amérindiennes en bande dessinée

samedi 20 janvier 2018 à 19:06

Illustration de “Deer Woman: An Anthology” par Weshoyot Alvitre. Reproduit avec autorisation.

Les Amérindiennes sont, bien plus que d'autres femmes, vulnérables à la violence. Selon le Centre de documentation sur la Loi indienne, basé aux États-Unis, “une amérindienne sur trois sera violée au cours de sa vie, et trois sur cinq seront agressées physiquement. Les Amérindiennes sont plus de deux fois plus susceptibles de se faire harceler que d'autres femmes et pire, elles sont assassinées à un taux dix fois plus élevé que la moyenne nationale.”

Ces statistiques sont frappantes, de même que le silence qui trop souvent étouffe les problèmes touchant les Amérindiennes. En réaction, quelques artistes et écrivaines amérindiennes se sont données pour tâche de mettre un visage sur ces chiffres. Le récent “Deer Woman: An Anthology” [La Femme-cerf : une anthologie”, non traduit en français, NdT] est une collection de récits en bande dessinée qui traite de la violence et rend hommage à la force et à la ténacité des Amérindiennes.

La Femme-cerf est un personnage qui apparaît dans de nombreuses traditions autochtones d'Amérique du Nord. Bien que les histoires la concernant prennent différentes formes, la Femme-cerf est essentiellement “un être-esprit puissant destiné à nous rappeler (les Humains de la création) nos responsabilités, d'entretenir le feu, et d’être conscients que des forces puissantes existent au-delà du foyer.”

L'idée originale derrière cette bande dessinée est née du succès d'un autre volume, par l'artiste et écrivaine Elizabeth LaPensée, intitulé “Deer Woman: A Vignette” [“Femme-cerf : vignette”, NdT] et publié en 2015 aux éditions Native Realities Press. Il met en scène une survivante d'un viol qui se transforme en Femme-cerf, une sorte de super-héroïne, et qui s'attaque aux agresseurs en puissance. Bien que ce soit une bande dessinée, il contient des illustrations troublantes, car elles exposent la sombre réalité qui touche les femmes des communautés amérindiennes. Il inclue également des techniques d'auto-défense de l'organisation Arming Sisters Reawakening Warriors [Armer les sœurs, réveiller les guerrières, NdT], qui promeut l'autonomisation et la défense comme des outils de guérison.

D’après le fondateur de Native Realities Press Lee Francis, l'édition numérique gratuite de la bande dessinée de LaPensée est le livre le plus téléchargé de leur site internet.

Pour cette anthologie, Elizabeth LaPensée a collaboré avec l'artiste Weshoyot Alvitre, et le duo a lancé un appel aux artistes et écrivaines pour partager des récits inspirés de la Femme-cerf. Leur travail a été financé par une campagne réussie sur Kickstarter, qui a récolté plus de 18.000 dollars (presque 15.000 euros).

Three days to go. Over 200% funded. Let's shoot this #kickstarter through the roof these last few days! Link in my profile: https://www.kickstarter.com/projects/1532301108/deer-woman-an-anthology/description #indigenous #women #visiblewomen #deerwoman #folklore #empowerment #feminist #feminism #missingmurderedindigenouswomen #riseup #art #graphicnovel #inks #writing #comics #sequentialart #editorial #portraits #healing #truth #reconciliation

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“Elle joue le rôle d'une muse qui permet aux femmes de parler de ces problèmes”

La co-rédactrice Weshoyot Alvitre s'est entretenue avec Global Voices de l'anthologie, du militantisme à l’ère numérique, et de l'importance de la Femme-cerf pour les femmes du monde entier :

Global Voices (GV) : Comment l’ère numérique a-t-elle facilité les conversations sur les problèmes qui affectent les communautés autochtones ?

Weshoyot Alvitre (WA): The American Indian movement was so censored back in the day because they didn’t have access to video cameras. They didn't have access to free press. They were very easily controlled by the fact that people, except for international news, just wouldn’t cover the issues and in that they managed to control people being aware of the issues. Nowadays there are ways of working around [this control] because there is almost instant feed. If you can get a small amount out there and spark people’s attention, then people will want to look further into an issue.

Weshoyot Alvitre (WA) : Dans le temps, le mouvement amérindien était censuré parce que ses membres n'avaient pas accès aux caméras. Ils n'avaient pas accès à la presse libre. Ils étaient facilement contrôlés par le fait que la presse, sauf internationale, ne parlait tout simplement pas de leurs problèmes : ce faisant, elle a réussi à contrôler de quels problèmes le public prenait conscience. Aujourd'hui [cette surveillance] peut être contournée grâce aux flux instantanés. Si vous pouvez diffuser un message, même un peu, et attirer l'attention des gens, alors ils voudront creuser davantage.

GV : Qui est la Femme-cerf ?

WA: The story varies from tribe to tribe. I think this book is really interesting in that, in some tribal affiliations, she is looked at as sort of a temptress. If men are doing something wrong in their life, she extinguishes their life force and brings them back to the truth and the good ways. And in other traditions she is a reminder that if you don’t follow the ways, you will be lost. In Native mythology, the natural world and the spiritual world are intertwined. There is almost an empowering aspect to her. She is the figure that has sole control over whatever it is that she is doing and over other people's lives, as well.

WA : L'histoire varie de tribu en tribu. Je pense que ce livre est vraiment intéressant parce que dans certaines tribus elle est considérée comme une sorte de tentatrice. Si les hommes font une mauvaise action dans leur vie, elle anéantit leur force vitale et les ramène à la vérité, dans le droit chemin. Dans d'autres traditions elle est un rappel que si vous ne suivez pas les coutumes, vous serez perdus. Dans la mythologie autochtone, le monde naturel et le monde spirituel sont entremêlés. Elle a un coté presque stimulant, encourageant. C'est un personnage qui a un contrôle total sur tout ce qu'elle fait, peu importe quoi, et aussi sur la vie des autres.

GV : Comment le personnage de la Femme-cerf se relie-t-il au monde contemporain ?

WA: There is a lot of hurt and a lot of broken feminine ideals in Native culture, especially currently. And I am hoping with what I’ve done with the book, and what I have seen in the other stories in the book, is to take that broken lost figure, who is almost mythological, and have her deal with modern issues. So it touches real issues and touches real Native women.

WA : Il y a beaucoup de douleur et de nombreux idéaux féminins brisés dans la culture autochtone, surtout en ce moment. J’espère, avec ce que j'ai fait avec ce livre et avec ce que j'ai vu dans les autres récits du livre, que nous avons pris ce personnage perdu et brisé et qui est presque mythologique, et l'avons confronté à des problèmes modernes, de façon à ce que le livre aborde des questions réelles et touche des Amérindiennes réelles.

GV : Qu'est-ce que “Deer Woman: An Anthology” espère accomplir ?

WA: I think through the stories it brings awareness. It can bring awareness and make people look into it further. More importantly, it is giving voices to these indigenous women and not placing any judgement on the story they want to tell through this figure of Deer Woman. She is working as a muse to allow women to talk about these issues. I think deer woman teaches us self-strength […] I think she represents a raw essence of what it means to be female.

WA : Je pense qu'il peut faire prendre conscience [de la situation] à travers ses récits. Il peut sensibiliser les lecteurs et les faire creuser davantage. Plus important encore, il donne une voix à ces femmes autochtones sans juger aucunement les histoires qu'elles veulent raconter, à travers ce personnage de la Femme-cerf. Elle fonctionne comme une muse qui permet aux femmes de s'exprimer sur ces sujets. Je pense que la Femme-cerf nous enseigne la force que nous avons en nous […] Je pense qu'elle représente l'essence à l'état brut de ce que c'est que d’être une femme.

“Deer Woman: An Anthology” est sorti en novembre 2017.

Au Kirghizstan et Kazakhstan, Instagram est un chemin vers la célébrité et le scandale

samedi 20 janvier 2018 à 10:00

Capture d'écran du compte Instagram d'Anjelika Bekbolieva, publiée dans un article du média kirghize Kaktus Media. A droite de l'image : “Bientôt vous aurez les réponses à toutes les questions.”

Dans ces voisins d'Asie Centrale que sont le Kirghizstan et le Kazakhstan, Instagram est le plus court chemin vers la renommée. Et parfois, ce service populaire de média social mène encore plus vite à l'infamie.

En ce moment, les sites d'information de ces deux pays post-communistes sont embourbés dans des scandales impliquant des célébrités locales et Instagram.

Au Kazakhstan, 2017 s'est terminé sur les informations autour de l'arrestation suivie de la remise en liberté d'Aizhan Baizakova, 22 ans, une top-model et danseuse qualifiée par les médias locaux de provocante “star d'Instagram”.

Elle s'est retrouvée en prison le 26 décembre après s'être dénudée avec d'autres lors d'une fête licencieuse enregistrée sur vidéo au bar Zakova, un nightclub de l'ex-capitale du Kazakhstan Almaty. Depuis, l'établissement a été fermé par ses propriétaires.

Le jour du procès qui l'a expédiée pour trois jours en prison, son compte Instagram aux centaines de milliers d'abonnés est devenu inaccessible. Les autorités kazakhes, connues pour leur blocage des contenus érotiques et pornographiques, ont démenti avoir requis le blocage du compte.

Dans le même temps au Kirghizstan, la chanteuse populaire Anjelika Bekboliyeva (741.000 abonnés) est allée sur la plateforme au début de ce mois pour se défendre contre des allégations de vol de mari, dans un post qu'elle a ensuite supprimé.

A en croire l'organe de média kirghize Kaktus.media, le texte était le suivant :

Скоро вы получите ответ на все вопросы. И очень много переписок одной сумасшедшей мамочки, которая вымогает на данный момент деньги у своего мужа. Да что ты за мать, Айжана? Перед тем как распространять смешную клевету, надо было замазать лицо своих детей. Не строй из себя замужнюю, приличную! Кашу наварила не вкусно и с комочками!

Bientôt vous recevrez la réponse à toutes vos questions. Et tout un tas de courriers d'une petite mère foldingue qui extorque en ce moment de l'argent à son mari. Quelle sorte de mère es-tu donc, Aijana ? Avant de colporter ces calomnies ridicules, il t'a fallu salir le visage de tes enfants. Ne joue pas la femme convenable et mariée ! Tu as cuisiné une bouillie immangeable et pleine de grumeaux !

A la différence de Bekboliyeva, qui utilise Instagram pour booster un profil public pré-existant, Baizakova était une inconnue quand elle a créé son compte Instagram cette année.

La top-model et danseuse a rattrapé le temps perdu, postant des photos et vidéos suggestives ainsi que des billets provocants qui lui ont valu courroux et admiration à doses égales.

Les charges pour lesquelles Baizakova a été arrêtée et emprisonnée — “exécution en un lieu public d'un événement contraire aux normes et aux règles de la morale” — sont vagues.

Le Kazakhstan possède quantité de boîtes de nuit, après tout. Selon Baizakova, les policiers lui ont dit qu'elle était arrêtée pour avoir dit des gros mots en présentant l'événement au club Zakova.

Quant au Zakova, il a fermé ses portes car ses propriétaires ont subi les pressions de manifestants conservateurs masculins après que les images du soi-disant “concours de nudité” ont atterri sur l'internet.

Baizakova n'a pourtant pas plié, et attire encore plus d'intérêt depuis qu'elle est la vedette d'un clip musical publié par le populaire boys band Alem.

Postée sur YouTube le 10 janvier, la vidéo a déjà atteint près de 700.000 vues.

Le Daily Mail en embuscade

Les scandales Instagram d'Asie Centrale ne fascinent pas que les audiences locales : un certain tabloïd britannique en est lui aussi friand.

Jusqu'à récemment, la couverture de l'Asie Centrale dans le Daily Mail était largement dominée par Gulnara Karimova, la séduisante fille de 45 ans de feu le président d'Ouzbékistan Islam Karimov. Mais Karimova étant supposée se trouver aujourd'hui incarcérée en Ouzbékistan — ou du moins fermement écartée de la sphère des médias sociaux —  le tabloïd a commencé à lancer ses filets ailleurs.

Un article publié l'an dernier, “L'étudiante surnommée ‘la Barbie du Kazakhstan’ répond en ligne à ses détracteurs musulmans en publiant des clichés TRÈS osés montrant sa taille minuscule de 56 cm” racontait l'histoire d'une jeune femme “exhibant son corps parfait en lingerie affriolante” sur Instagram.

L'article était à gros traits, oubliant de mentionner que si le Kazakhstan est un pays majoritairement musulman, les femmes des grandes villes peuvent généralement s'habiller comme il leur plaît.

Le point de vue du Daily Mail sur le scandale de l'allaitement d'Aliya Shagiyeva sur Instagram en a irrité plus d'un au Kirghizstan. Capture d'écran du site web du Daily Mail.

Quelques mois plus tard, un autre article du Daily Mail, “La fille du président du Kirghizstan accusée d'être la honte de la famille en publiant des photos d'allaitement dans ce pays musulman à 75%” a fâché au Kirghizstan en faisant implicitement croire qu'il y existe un tabou de l'allaitement en public — ce n'est pas le cas.

Des Instagrammeurs créatifs monétisent leurs contenus

Par bonheur, Instagram dans ces deux pays n'est pas que sexe, mensonges et vidéo. Deux comptes Instagram valent d'être suivis pour leur valeur créative et distrayante :  @eldana_foureyes (Eldana Satybaldieva) au Kirghizstan avec 570.000 abonnés, et @territima au Kazakhstan avec près d'un million.

En plus de régaler les internautes, ces deux comptes convertissent leur célébrité en ligne en revenus commerciaux grâce à la publicité.

«Дикая Сакура. Операция Trade-In» Серия – 2. Главные партнеры сериала: @toyotaastana.kz @astana_motors 😎🚘 #territima #ДикаяСакура

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Territima, une troupe d'humoristes kazakhs installée dans la capitale Astana, réussit particulièrement bien à se vendre.

Toyota est le gros sponsor dont ils se targuent ces derniers temps, aux côtés de plusieurs entreprises locales d'internet. La marque Territima orne aussi les frontons d'une nouvelle boutique de floriste et d'un café branché d'Astana.

Toutefois, les premières incursions d'Eldana dans la publicité ont fait grincer des dents.

Dans une publicité de mars 2017, Eldana est saisie dans la rue par un groupe d'hommes et emmenée en voiture vers une destination inconnue.

Elle commence par résister à cet “enlèvement de mariée” et menace ses assaillants de les faire mettre en prison.

Mais quand elle arrive à l'appartement familial des ravisseurs, dans une “elitka”, ou immeuble d'appartements pour l'élite construit par la firme Cap Stroy KG, elle change d'avis et décide qu'après tout elle fait un assez bon mariage.

Cette publicité-choc a fait mouche dans un pays où des milliers de jeunes filles sont enlevées chaque année en vue d'être épousées. Mais elle a déçu la base libérale de ses fans qui raffole de ses sketchs d'une ou deux minutes, légers, geeks, sur la vie quotidienne d'une jeune personne vivant au Kirghizstan.

Теперь Эльдана #келинка 😁😁 и живёт в #элитке @eldana_foureyes Подписывайтесь на @capstroy.kg @capstroy.kg

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La police nigériane arrête un journaliste et son frère pour un article de presse qu'ils n'ont pas écrit

vendredi 19 janvier 2018 à 21:10

Des policiers nigérians en formation, en 2015. Photo AMISOM, mise dans le domaine public.

Daniel Elombah est le propriétaire du blog elombah.com. Selon Premium Times, les Elombah ont été arrêtés chez eux à Nnewi, dans le sud-est du Nigeria :

Daniel Elombah a été arrêté vers 4h30 du matin à son domicile de Nnewi le jour du Nouvel An, selon son frère, Paul. Il dit qu'ils ont appris des policiers que son frère a été arrêté pour un récent article qui a été jugé critique envers l'inspecteur général de police Ibrahim Idris. M. Elombah a d'abord été emmené dans un centre de détention du SRAS à Anambra, avant d'être transféré à Abuja vers 7 heures du matin, a indiqué son frère.

Daniel Elombah a déclaré au Comité pour la protection des journalistes que la police a cité un article publié dans Opinion Nigeria comme la raison de l'arrestation. L'article, qui a été publié le 22 décembre 2017 dans Opinion Nigeria et qui n'a été rédigé par aucun des deux frères, soutenait que l'inspecteur général de la police du Nigeria était impliqué dans un « nombre incalculable de controverses ».

Dans une interview au Daily Post, l'inspecteur général Ibrahim Idris a esquivé les questions directes sur les raisons de l'arrestation des frères Elombah, disant simplement que «chaque fois qu'une infraction est commise, il est de notre devoir de nous assurer que nous réagissons. »

Daniel Elombah, qui réside au Royaume-Uni mais rendait visite à sa famille au Nigeria au moment des arrestations, est connu pour ses articles critiques sur Boko Haram et le président Buhari.

Daniel Elombah à l'hôpital. [Photo publiée sur Facebook par l'avocat d'Elombah's solicitor, Obunike Ohaegbu]

Le journaliste nigérian Daniel Elombah et son frère, Timothy Elombah, ont été arrêtés par la police nigériane le jour du Nouvel An.

Le journaliste a été libéré plus tard dans la journée et a été hospitalisé peu après à Abuja. Bien qu'aucune explication officielle n'ait été donnée par Elombah à propos de son hospitalisation, il semble que le journaliste ait dû être soigné après avoir été menotté comme un criminel et transporté dans un bus sur une très mauvaise route sur 700 kilomètres jusqu'à Abuja. Les frères Elombah ont été « agressés, giflés, frappés et battus » par la police nigériane, selon un article du quotidien Vanguard.

La police n'a pas encore libéré son frère Timothy. Le 2 janvier 2018, un tribunal d'instance siégeant à Abuja a accordé un mandat pour prolonger la détention de Timothy. « Cela nous permettra de mener nos enquêtes préliminaires avant de déposer des accusations pénales contre lui », a déclaré un porte-parole de la police.

« Les autorités nigérianes doivient immédiatement libérer Timothy Elombah, abandonner les poursuites judiciaires et permettre à son frère Daniel de rentrer chez lui », a déclaré le directeur exécutif adjoint du CPJ, Robert Mahoney, à New York.

La police n'a pas à fouiller la maison d'un journaliste et à l'enfermer juste parce qu'un officier n'aime pas ce qu'il a écrit dans la presse. Il n'est même pas clair que l'homme qu'ils détiennent ait quoique ce soit à voir avec l'article qu'ils jugent diffamatoire.

Daniel Elombah a poursuivi l'inspecteur général de la police du Nigeria devant la Haute Cour du Territoire de la capitale fédérale, Abuja, pour violation de ses droits fondamentaux. Il demande deux milliards de nairas (environ 5,5 millions de dollars américains) en dommages-intérêts pour sa détention illégale.

De même, trois avocats basés au Royaume-Uni ont adressé des pétitions à la députée britannique Lyn Brown, à la Première ministre, Theresa May et au ministre des Affaires étrangères Boris Johnson au sujet de l'arrestation illégale de Daniel Elombah.

Au Brésil, une régulation plus dure pour contrôler les « fake news » à l’approche des élections

vendredi 19 janvier 2018 à 12:17

Le Brésil a créé de nouveaux mécanismes pour empêcher la propagation des « fake news », mais les militants d’un internet libre s’inquiètent pour la liberté d’expression. Image partagée par DigitalSpy sur Flickr, avec permission: CC BY-NC-SA 2.0

[Article d'origine publié le 30 décembre 2017]

Au début de décembre 2017, le gouvernement du Brésil a créé une commission pour surveiller, et peut-être faire interdire, les articles de fausses nouvelles sur les réseaux sociaux à l’approche des élections présidentielles de cette année. La nouvelle a suscité des inquiétudes parmi le public sur une possible censure.

Le « Conseil consultatif de l’internet et des élections » travaillera sous les auspices du Tribunal électoral supérieur et sera composé de des représentants du tribunal, du ministère de la Justice, du inistère de la Science et de la Technologie, de l’armée, de l’Agence nationale du renseignements, de la police fédérale, de SaferNet (une organisation non-gouvernementale qui combat la criminalité informatique en partenariat avec le ministère public fédéral) et des chercheurs de la Fondation Getúlio Vargas (une université privée).

Dans sa première réunion, le Conseil a proposé la création d’un outil qui permettrait aux utilisateurs de signaler des informations qui leur sembleraient suspectes. Ceci s’ajouterait aux hotlines et formulaires en ligne où les membres du public peuvent envoyer leurs plaintes sur des irrégularités dans les médias traditionnels.

Le Conseil n’a toujours pas expliqué comment fonctionnerait l’outil, concernant les demandes aux entreprises des médias sociaux de retirer les nouvelles qualifiées de fausses, ou de contrôler les personnes et les groupes qui partagent des fausses nouvelles. Les membres du Conseil ont dit qu’ils sont en train de mener des négociations avec les entreprises des médias sociaux, dont les résultats possibles restent flous.

En décembre 2016, Facebook a introduit un outil pour signaler les fake news, et par la suite il a été démontré que beaucoup d’internautes signalent des contenus comme faux avec l’intention de discréditer les informations ou les idées auxquelles ils s’opposent, même si elles sont fondées sur des faits vérifiés.

Cette initiative arrive à un moment sensible, alors que le Brésil vit une profonde incertitude politique à l’approche de l’élection de cette année, qui sera la première depuis la destitution controversée en 2016 de la présidente Dilma Rousseff, du Parti des Travailleurs.

Le candidat de facto du parti pour 2018 est l’ancien président Luiz Inácio “Lula” da Silva, en tête des sondages avec 34%, et qui a passé les derniers mois en tournée dans le pays, mobilisant les foules, malgré sa condamnation en juin à une peine de presque 10 ans de prison, accusé d’avoir accepté des pots-de-vin de la part des entreprises de construction pendant son mandat. La décision du tribunal sur son appel est attendue le 24 janvier.

Pendant les trois dernières années, des dizaines de politiciens ont été condamnés à la suite des enquêtes à grande échelle sur les scandales de corruption. Ceci a ouvert le champ aux outsiders et aux candidats d’extrême droite comme Jair Bolsonaro, le député fédéral et ancien officier militaire notoire pour ses diatribes homophobes et ses paroles dures contre les criminels et les vendeurs de drogue.

Si la condamnation de Lula est confirmée, le paysage électoral sera probablement fragmenté, polarisé, et très disputé.

De nouvelles règles visant à contrôler les “fake news”

Ce conseil n’est qu’un des résultats immédiats de la préoccupation actuelle du Tribunal Electoral Supérieur concernant les « fake news ». Les juges ont défendu ouvertement la création de nouveaux mécanismes légaux pour bannir les informations qualifiées de fausses.

Pendant les auditions sur les règles pour l’élection de 2018, le juge Luis Fux, qui présidera la cour à partir de février, a évoqué l'instauration de mesures préventives pour freiner la propagation des fausses informations. Un gel des actifs ou même une peine de prison figurent parmi les sanctions possibles pour ceux qui pourraient « se préparer à perpétuer ce genre de stratégie délétère qui, disons, dans un langage familier, a fait s'évaporer certaines candidatures ».

De plus, le Congrès brésilien est en train d’étudier un projet de loi qui criminaliserait le partage de fausses informations sur les réseaux sociaux, punissable d’une peine d’entre deux et huit ans de prison ou d’une amende de 1.500 à 4.000 reales (500-1200 dollars US) par jour. Le projet de loi décrit qu’il serait un crime de « publier ou partager, de quelconque manière, sur l’internet, des informations qui sont fausses ou déloyalement incomplètes au détriment de particuliers ou de personnes morales ».

Les militants d’un internet libre dénoncent le projet

Les militants d’un internet libre ont exprimé leur préoccupation concernant le projet de loi et la création du Conseil consultatif. Dans une lettre ouverte, publiée par la Coalizão Direitos na Rede (Coalition des droits de la Toile) pendant le Forum de l’Internet au Brésil de 2017 (une réunion régionale avant le Forum mondial sur la gouvernance de l’internet), ils ont critiqué le bilan des forces armées brésiliennes en matière de libertés individuelles (le Brésil a été dirigé par une dictature militaire, soutenue par les États-Unis, entre 1964 et 1985) :

As Forças Armadas não podem monopolizar o controle da veracidade dos fatos porque 1) não possuem essa competência constitucional; 2) não têm as condições técnicas para isso; 3) não detêm o conhecimento para distinguir fake news; e 4) não são neutras na política. Para piorar, essas instituições deixaram violentas e profundas marcas na história recente do país ao promoverem o cerceamento da liberdade de expressão e de manifestação dos brasileiros/as durante a ditadura civil-militar.

Les Forces Armées ne doivent pas monopoliser le contrôle de la véracité des faits parce que 1) elles ne possèdent pas cette compétence constitutionnelle ; 2) elles n’ont pas les compétences techniques pour le faire ; 3) elles ne possèdent pas les connaissances nécessaires pour identifier les « fake news » ; et 4) elles ne sont pas neutres politiquement. Pire, ces institutions ont laissé des cicatrices profondes et violentes dans l’histoire récente du pays en promouvant la restriction de la liberté d’expression et des manifestions publiques des Brésiliens pendant la dictature militaire-civile.

La création du conseil par le Tribunal électoral supérieur a aussi été mentionnée dans une déclaration collective signée par 38 associations d’Amérique latine et des Caraïbes, comme un exemple de l’instrumentalisation du discours sur les « fake news » pour limiter la liberté d’expression.

La lettre exprime leur inquiétude que l'hystérie sur les « fake news » pourrait éclipser les efforts de longue date pour développer une meilleure régulation des monopoles des médias, qui dominent le paysage médiatique traditionnel dans la région et ont participé aux campagnes de désinformation dans le passé, y compris durant les périodes électorales :

We cannot discount years of work and debate from the movement for democratization of communications and adopt the “fake news” terminology as a completely new phenomenon in Latin America. To discount old and new power imbalances concerning media ownership concentration, social media monopolies and Nation States political interests to control and manipulate speech — within and beyond its borders — opens space for serious consequences.

Nous ne pouvons pas ignorer les années de travail et de débat de la part du mouvement pour la démocratisation des communications, et adopter la terminologie des « fake news » comme si c’était un phénomène complètement nouveau en Amérique latine. Ignorer les distorsions anciennes et nouvelles de pouvoir concernant la concentration de propriété des médias, les monopoles des réseaux sociaux, et les intérêts politiques des États-nations à contrôler et manipuler le discours – à l’intérieur et l’extérieur de leurs frontières – ouvrirait le chemin à des conséquences graves.

Bio-testament en Italie : les “dispositions anticipées de traitement de fin de vie” deviennent loi

jeudi 18 janvier 2018 à 17:03

Collage célébrant l'approbation de la loi sur le bio-testament avec les photos de quelques personnalités civiles qui se sont battues pour la cause, en rendant publique leur histoire. De gauche à droite : DJ Fabo, Max Fanelli, Piergiorgio Welby et Eluana Englaro. Images de Nando Di Giovanni pour le site d’Alternativa Libera, utilisée avec son autorisation.

Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en italien.

Le 14 décembre 2017, le parlement italien a approuvé la loi sur le testament biologique (“bio-testament”), qui permettra aux citoyens de décider quels traitements médicaux subir, et lesquels refuser, à la fin de leur vie.

Le #biotestament est loi de l'État : feu vert définitif au #Sénat avec 180 oui https://t.co/TRP1JtrSOP pic.twitter.com/CdY2LbEvMS

— Unica Radio (@UnicaRadio) 19 décembre 2017

Une longue lutte, de Luca Coscioni à Dj Fabo

L'approbation du bio-testament est le résultat d'une longue bataille impliquant la société civile, des politiciens et des personnalités publiques. Le premier d'entre eux est Luca Coscioni, coureur de marathon, leader du Parti Radical et chercheur au Département d'Économie de l'Université de Trente et au Département des Sciences économiques et estimatives de l'Université de Tuscia à Viterbo. Alors qu'il s'entraînait pour participer au marathon de New York en 1995, Coscioni a découvert qu'il souffrait de sclérose latérale amyotrophique.

Coscioni, qui est décédé en 2006 et auquel est dédiée une association qui s'est battue en faveur de la loi, a écrit sur son blog :

In primo luogo, il significato della mia esistenza è quello di viverla, così come mi è consentito, punto e basta. Nella mia avventura radicale, la cosa più importante, che penso di essere riuscito a realizzare, è quella di aver fatto di una malattia una occasione di rinascita, e di lotta politica. Di avere avuto la forza e il coraggio, di trasformare il mio privato in pubblico. Di avere ribadito che la persona malata è, innanzitutto, persona e, come tale, ha diritto a vivere una esistenza piena, e libera, contro il senso comune e le ipocrisie quotidiane, che vorrebbero, invece, relegarci in una terra di nessuno.

En premier lieu, le sens de mon existence est de la vivre, comme il m'est permis de le faire, point-barre. Dans mon aventure radicale, la chose la plus importante, que je pense avoir réussi à réaliser, est celle d'avoir fait d'une maladie une occasion de renaissance et de lutte politique. D'avoir eu la force et le courage de transformer ma vie privée en vie publique. D'avoir dit et redit que le malade est avant tout une personne et, en tant que telle, a le droit de vivre une existence pleine et libre, contre le bon sens et les hypocrisies quotidiennes qui voudraient, au contraire, nous reléguer à un no man's land.

Même Michele Gesualdi, ancien président de la province de Florence pendant deux législatures, et que la même maladie a contraint à se retirer de la vie politique, a contribué à la lutte pour l'approbation de cette loi. Avant que la loi ne soit approuvée, il a écrit une lettre ouverte aux présidents des deux branches du parlement italien, leur implorant d'accélérer le processus législatif :

[…] sono a pregarvi di calarvi in simili drammi e contribuire ad alleviarli con l’accelerazione della legge sul testamento biologico. Non si tratta di favorire l’eutanasia, ma solo di lasciare libero l’interessato, lucido cosciente e consapevole, di essere giunto alla tappa finale, di scegliere di non essere inutilmente torturato e di levare dall’angoscia i suoi familiari, che non desiderano sia tradita la volontà del loro caro. […]

[…] je vous supplie de descendre dans de tels drames et d'aider à les soulager avec l'accélération de la loi sur le testament biologique. Il ne s'agit pas de favoriser l'euthanasie, mais seulement de laisser la personne intéressée, lucide, informée et consciente, libre d'avoir atteint l'étape finale, de choisir de ne pas être inutilement torturée et de soulager les membres de sa famille de l'angoisse, qui ne souhaitent pas que la volonté de l'être aimé soit trahie.

Infographie sur le projet de loi relatif au testament biologique créée par l'Association Luca Coscioni – Photo de la page Facebook de l'Association Luca Coscioni.

Au fil des ans, d'autres personnalités comme Eluana Englaro [fr], Piergiorgio Welby [fr], Max Fanelli et récemment DJ Fabo sont devenus des promoteurs de la cause dans les médias nationaux.

La réaction des catholiques et les paroles du Pape

Les milieux catholiques italiens, y compris les institutions et le personnel médical, ont immédiatement levé des barrières. Dans un article sur ilsussidiario.net, Niccolò Magnani a présenté les différentes positions et protestations des religieux et commenté une lettre-appel que le monde catholique a envoyé au président de la République Mattarella en l'invitant à ne pas signer la loi :

La posizione importante del Vaticano sul tema della Legge molto contestata dagli ambienti cattolici – ecco qui qualche spunto utile sul nostro quotidiano, ndr – segue di qualche ora la lettera-appello che il mondo cattolico ha inviato al Presidente della Repubblica Mattarella perché rinvii alle Camere la legge sulle DAT e il Biotestamento per “incostituzionalità”.

La position importante du Vatican sur le sujet de la Loi largement contestée par les cercles catholiques – voici quelques informations utiles sur notre quotidien, ndlr – suit de quelques heures la lettre-appel que le monde catholique a adressée au Président de la République Mattarella afin qu'il renvoie aux Chambres la loi sur les DAT et le Bio-testament pour “inconstitutionnalité”.

Pourtant, le pape François avait dénoncé l'obstination thérapeutique quelques jours avant l'approbation de la loi, comme le rappelle formiche.net :

“Le domande che riguardano la fine della vita terrena hanno sempre interpellato l’umanità, ma oggi assumono forme nuove per l’evoluzione delle conoscenze e degli strumenti tecnici resi disponibili dall’ingegno umano”, ha detto il Papa. In quanto “oggi è anche possibile protrarre la vita in condizioni che in passato non si potevano neanche immaginare”, e quindi “occorre un supplemento di saggezza, perché oggi è più insidiosa la tentazione di insistere con trattamenti che producono potenti effetti sul corpo, ma talora non giovano al bene integrale della persona”.

« Les questions concernant la fin de la vie terrestre ont toujours interrogé l'humanité, mais aujourd'hui elles prennent de nouvelles formes par l'évolution des connaissances et des outils techniques mis à disposition par l'ingéniosité humaine », a déclaré le Pape. Il est « aussi possible aujourd'hui de prolonger la vie dans des conditions qui auparavant ne pouvaient même pas être imaginées », et donc « un supplément de sagesse est nécessaire, car aujourd'hui la tentation d'insister avec des traitements qui produisent des effets puissants sur le corps est insidieuse, mais parfois non bénéfique au bien-être intégral de la personne ».

L'urgence d'une loi concernant la disposition anticipée de la fin de vie se faisait ressentir depuis un certain temps. L'opinion publique l'a fait savoir, malgré les divisions politiques qui ont bloqué cette loi. Giovanna Greco rappelle :

L'urgenza di una legge in materia viene testimoniata da più fonti. I dati dell'Eurispes contenuti nel Rapporto Italia 2016 mostrano come il 60% degli italiani (+4,8% rispetto al 2015) sia favorevole a una legislazione sull'eutanasia. Quanto ai medici, quelli favorevoli (42%) alla ‘dolce morte’ superano i contrari (34%), secondo il Medscape Ethics Report 2014.

L'urgence d'une loi en la matière est attestée par plusieurs sources. Les chiffres d'Eurispes figurant dans le Rapport Italien 2016 montrent que 60 % des Italiens (+ 4,8 % par rapport à 2015) sont favorables à la législation sur l'euthanasie. Quant aux médecins, ceux favorables (42 %) à la « mort douce » l'emportent sur ceux qui y sont opposés (34 %), selon le Medscape Ethics Report 2014.

Sur controlacrisi.org, le Dr Ignazio Marino, chirurgien spécialisé en transplantations d’organe et ex-maire de Rome de 2013 à 2015, rappelle l'article 32 de la Constitution italienne :

Non è stata approvata una legge che consente l’eutanasia: è stata approvata una legge che consente di scegliere le terapie. È quello che, nel 1948, è stato scritto nell’articolo 32 della nostra Costituzione che recita: «Nessuno può essere obbligato a un determinato trattamento sanitario se non per disposizione di legge. La legge non può in nessun caso violare i limiti imposti dal rispetto della persona umana». Per questo è una vittoria di tutti gli italiani che credono nella Costituzione e nella libertà di scelta.

Aucune loi permettant l'euthanasie n'a été approuvée : une loi a été votée qui permet de choisir les thérapies. C'est ce qui, en 1948, a été écrit dans l'article 32 de notre Constitution qui stipule : « Personne ne peut se voir imposer un traitement médical spécifique, sauf par la loi. La loi ne peut, en aucun cas, violer les limites imposées par le respect de la personne humaine ». C'est pourquoi c'est une victoire pour tous les Italiens qui croient en la Constitution et en la liberté de choix.

Malheureusement, lors des prochaines élections, il y a un risque que les forces politiques conservatrices gagnent et remettent en cause cette grande conquête civique.