PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Quatre pays d’Afrique australe pétitionnent pour une levée de l'interdiction internationale du commerce de l'ivoire

mercredi 13 février 2019 à 14:10

Photo d'un éléphant d'Afrique. Creative Commons/Pixabay.

Alors que le monde s'apprête pour la 18ème Convention annuelle sur le commerce international des espèces en danger de la faune et la flore sauvages (CITES) et sa Conférence des parties (CoP18), quatre pays d'Afrique australe : le Zimbabwe, le Botswana, la Namibie et l'Afrique du Sud, ont adressé une pétition et proposition visant le retrait des limitations et l'autorisation du commerce international de l'ivoire brut enregistré de leurs éléphants.

La CITES, c'est l’ “accord international entre les États pour garantir que le commerce international des spécimens d'animaux et plantes sauvages ne menace pas leur survie”. La convention se tiendra à Colombo, au Sri Lanka, du 23 mai au 3 juin 2019.

La proposition de 12 pages veut amender l'annotation à l'inventaire des populations d'éléphants du Botswana, de Namibie, d'Afrique du Sud et du Zimbabwe dans l’Annexe II. Il y est dit que les quatre pays d'Afrique australe ensemble détiennent la plus grande population mondiale d'éléphants avec un nombre estimé à 256.000. C'est l'équivalent de 61 pour cent de tous les éléphants d'Afrique.

La CITES a rejeté les propositions passées du Zimbabwe et de la Namibie d'autoriser le commerce de l'ivoire avec des contrôles allégés, et la CoP18 de cette année promet la continuation d'une bataille qui dure depuis déjà trente ans, depuis la prohibition internationale du commerce de l'ivoire en 1989.

Cela changera-t-il cette fois ? L'interdiction internationale a été imposée en raison de la baisse de la population d'éléphants due aux excès du braconnage. Selon l'African Wildlife Foundation, 35.000 éléphants sont tués chaque année pour leurs défenses. La proposition a déclenché un affrontement entre les défenseurs des éléphants et ceux qui prônent le commerce de l'ivoire pour des motifs économiques.

ceci va signer l'arrêt de mort des éléphants.

Allons donc… Ceci ne signifie pas nécessairement que les éléphants doivent être tués. Ces pays peuvent avoir de grands dépôts secrets d'ivoire. Le commerce permettrait de faire plus pour la faune sauvage dans ces pays.

Avant l'interdiction, le commerce de l'ivoire en Afrique prospérait sous des réglementations laxistes. Le braconnage aussi. Humane Society International rapportait qu'entre 1979 et 1989, le nombre d'éléphants d'Afrique a chuté de moitié, passant d'environ 1,2 million à approximativement 600.000. C'est ce qui a conduit à l'interdiction de 1989 par la CITES du trafic commercial de l'ivoire, en plaçant les éléphants sur une liste d’espèces menacées d'extinction.

Lever l'interdiction du commerce de l'ivoire

Une des demandes principales des quatre pays est l'aurorisation du commerce de l'ivoire brut enregistré — c'est-à-dire qu'ils veulent être autorisés à vendre l'ivoire brut des éléphants morts de façon naturelle. Cet ivoire brut serait obtenu de stocks appartenant à l’État et excluant l'ivoire saisi et l'ivoire de provenance inconnue.

En outre, les ventes se feraient exclusivement à des partenaires vérifiés par le Secrétariat de la CITES. Les demandeurs avancent ce type de mesures de sécurité pour garantir la conformité et éliminer la possibilité de vendre de l'ivoire de sources illégales.

Les opposants au commerce de parties d'animaux sauvages tirent leurs arguments de ce qui s'est passé quand la CITES a approuvé une vente légale exceptionnelle d'ivoire à la Chine et au Japon en 2008. La raison de cette vente exceptionnelle était d'inonder le marché, de faire s'effondrer le cours de l'ivoire et de retirer définitivement tout intérêt économique au braconnage. Quinze millions de dollars furent produits par la vente de 102 tonnes de stocks étatiques des quatre pays d'Afrique australe.

A l'inverse des attentes, cela a causé un spectaculaire accroissement du braconnage d'éléphants. Les opposants à la levée de l'interdiction se réfèrent à cet épisode pour démontrer que le commerce de l'ivoire fait plus de mal que de bien aux éléphants d'Afrique — même avec les mesures de sécurité proposées.

Les éléphants sont ciblés pour leur ivoire, hautement prisé dans des pays comme la Chine et Hong Kong. Selon la BBC :

Ivory is seen as a precious material and is used in ornaments and jewelry. It's also sometimes used in traditional Chinese medicine. Some rich Chinese people think that owning ivory makes them look more successful. Others think that ivory will bring them good luck.

L'ivoire est considéré comme une matière précieuse et est utilisé en décoration et bijouterie. On l'utilise aussi parfois dans la médecine chinoise traditionnelle. Certains riches Chinois pensent que posséder de l'ivoire rend leur réussite plus visible. D'autres pensent que l'ivoire leur portera bonheur.

Le débat sur le commerce de l'ivoire a déjà créé des fractures sur le continent africain entre les pays qui le soutiennent et ceux qui rétorquent que la vente d'un peu d'ivoire contribuerait en réalité aux dépenses contre le braconnage.

Le Kenya devrait s'opposer fermement à cette proposition, en sa qualité de membre de l’African Elephant Coalition, un consortium de 29 pays africains membres opposés à toute forme de commerce de l'ivoire et attachés à promouvoir l'utilisation non destructive des éléphants. Le collectif défend des activités comme la photographie de la faune et l'observation en général de la vie sauvage en les opposant à la chasse.

La bataille pour sauver les éléphants

Au cœur du débat sur l'interdiction du commerce de l'ivoire, il y a le fait que les éléphants d'Afrique connaissent des menaces majeures et persistantes à leur survie, par la perte d'habitat et le braconnage.

Les pétitions pour lever l'interdiction se heurtent aux rejets en partie parce que les pays africains n'ont pas réussi à démontrer de succès concret dans la réduction de la contrebande d'ivoire. Selon le rapport mondial en 2016 de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime sur le crime contre les espèces sauvages :

Every year law enforcement authorities in Africa and Asia make large ivory seizures, many measuring over 500 [kilograms]. Between 2009 and 2014 CITES Elephant Trade Information System (ETIS) recorded 91 seized shipments, totalling 159 metric tons of ivory. This represents ivory from at least 15,900 elephants.

Chaque année les autorités policières d'Afrique et d'Asie font de grosses saisies d'ivoires, souvent de plus de 500 kilos. Entre 2009 et 2014 le Système d'information du commerce d'éléphants de la CITES a enregistré 91 saisies de cargaisons totalisant 159 tonnes métriques d'ivoire. Ce qui représente l'ivoire d'au moins 15.900 éléphants.

Pourtant, certains pays africains comme le Zimbabwe arguent que leur population d'éléphants se portent bien, et sont donc en faveur de la pétition pour revoir l'interdiction du commerce de l'ivoire. Le porte-parole de Zimparks au Zimbabwe a déclaré que les éléphants excèdent réellement les capacités du pays :

Nos éléphants ne sont pas menacés. Nos Jumbos ont dépassé la capacité porteuse

Les autorités déclarent que la population actuelle d'éléphants au Zimbabwe s'élève à 84.000 alors que leur nombre réel avoisine les 50.000.

La plupart des agences étatiques responsables de l'environnement dans ces quatre pays africains peinent à financer la protection et la gestion des éléphants. Et plaident que les recettes générées par le commerce de l'ivoire pourraient être utilisées au bénéfice des actions de protection. L'argent pourrait aussi servir à renforcer les agents qui luttent contre les braconniers, les revendeurs, les contrebandiers et à augmenter le nombre de gardes sur le terrain.

Des arguments qui peuvent inciter d'autres pays à sortir de l'accord international de la CITES. Ainsi, vers la fin de 2018, le Japon a décidé de se retirer de la Commission baleinière internationale, après le rejet de sa proposition de reprendre la chasse commerciale à la baleine en date du 14 septembre 2018.

D'aucuns disent que l'objet de la CITES s'est déplacé de l'utilisation destructive à la conservation de la faune, ce à quoi s'opposent les quatre pays d'Afrique australe. Quelques critiques sont allés jusqu'à suggérer que l’Afrique devrait se retirer complètement de la CITES, disant que sa politique lèse les économies émergentes.

Si leur proposition est rejetée par la CITES, ces quatre pays d'Afrique australe pourraient suivre l'exemple japonais et partir.

En Bulgarie, le Parlement et un établissement de formation pédagogique lauréats des “Prix Big Brother”

mardi 12 février 2019 à 17:59

Alexander Kashumov, Directeur de l'équipe juridique de l'ONG Programme d'Accès à l'information lors de son allocution à la remise des Prix Big Brother bulgares à Sofia, le 3 février 2019. Photo: Irina Aleksova / Internet Society – Bulgaria, CC-BY.

Après une interruption de six ans, les principales organisations bulgares de droits numériques ont ranimé leur version des Prix Big Brother, une cérémonie d'”anti-récompenses” conçue pour faire honte aux violateurs des droits à la vie privée et de la protection des données.

Imaginés par l'organisation internationale de droits humains Privacy International en 1998, les Prix Brother ont été adoptés par de multiples organisations de la société civile en Europe et au-delà. L'événement vise à mieux sensibiliser aux graves problèmes liés au mauvais usage des données personnelles et aux dommages qu'il peut causer aux individus, et au sociétés en général.

Lors d'une cérémonie du 3 février 2019 à Sofia, les lauréats 2018 ont été proclamés : le parlement bulgare,et le Centre de formation et de qualification de pédagogues spécialisés Sàrl, un institut pédagogique connu, ont été couronnés.

Internet Society-Bulgarie et Access to Information Program en Bulgarie avaient lancé un appel à sélection d'instances publiques, de sociétés privées ou d'individus ayant violé la vie privée des citoyens et usé abusivement de leurs données. Les particuliers ont pu envoyer leurs propositions jusqu'au 24 janvier dernier délai.

“Notre but est de montrer à l'opinion les problèmes, et d'en accroître la prise de conscience”, a déclaré un représentant de l'Internet Society de Bulgarie.

Avec la collecte, le stockage et le traitement par les entreprises et les institutions privées d'énormes quantités de données personnelles (souvent dans l'illégalité), à la poursuite d'un marketing plus efficace et d'un plus grand contrôle social, le comité organisateur a reçu de nombreuses propositions. ISOC-Bulgaria sollicitait les suggestions du public, invitant quiconque à envoyer des propositions via des commentaires de blogs (qui pouvaient être envoyés anonymement) ou via Facebook. Leur évaluation a été faite par un jury de personnalités publiques bénévoles, composé d'avocats, d'universitaires, de consultants, de journalistes et de militants des droits civiques.

Le jury a ensuite décerné deux prix : un pour l'institution d’État et l'autre pour l'organisme privé qui ont excellé dans la violation de la vie privée des citoyens.

Le siège de l'Assemblée nationale (parlement) de Bulgarie. Photo dans le domaine public via Wikipédia.

La concurrence était vive entre les institutions étatiques proposées : l'Agence de sécurité nationale, le Ministère public et la Commission anti-corruption, mais au final c'est à l'Assemblée nationale de Bulgarie qu'est allé le Prix Big Brother 2018, saluant son adoption d'une loi sur les données personnelles.

Outre l'établissement de nouvelles normes censées protéger les données des citoyens du mésusage par les entreprises et institutions, la loi fixe des règles spécifiques pour les journalistes et leur activité, quand elle touche aux vies et activités des individus. La loi instaure des restrictions autour des effets qu'aura la divulgation des données sur la vie personnelle du sujet, des circonstances dans lesquelles les données personnes sont connues d'un journaliste, et de l'incidence des données personnelles ou de leur divulgation pour l'intérêt public.

La totalité de ces dispositions, lorsqu'elles sont sujettes à l'interprétation tant des organes de médias que des tribunaux, pourrait se traduire par une menace à la liberté de la presse, en particulier quand il s'agit de rapporter les activités des agents publics.

Le membre du jury et spécialiste des médias Georgi Lozanov a expliqué plus en détail :

Самите критерии са добри. Те наистина помагат на защитата и са по посока на тази чувствителност, която нараства. Въпросът е, че те могат да имат страничен ефект, да нарушат едно друго право – правото на свободно изразяване и на свобода на словото. Могат да се превърнат в предписания за действия при упражняване на журналистическата професия, а такъв тип предписания са фактически цензура. Така че наградата не е толкова за самите критерии, които са в защита на личните данни, колкото за това, че не е предвиден риск те да се превърнат в заплаха за свободата на словото.

Pris seuls, les critères ont du bon. Ils aident en effet  à la protection, et vont dans le sens d'une plus grande sensibilisation. Le problème qu'ils nous posent, c'est qu'ils peuvent avoir des effets indésirables, et ont un effet adverse sur un autre droit humain — le droit à la liberté d'expression et à la liberté de la presse. Ils peuvent être utilisés comme règles de déontologie du journalisme, ce qui dans la pratique peut se traduire par une censure de fait. Le prix ne s'attache donc pas tant aux critères qu'à la prise en compte du risque de les transformer en menace à la liberté de la presse.

Dimitar Ganchev, qui est membre du conseil de direction de l'ISOC-Bulgarie, a ajouté qu'une autre raison pour laquelle le parlement l'a emporté était que le vote sur la loi de protection des données a eu lieu sans réel débat et avec une très faible présence de ministres.

Il a souligné que les critères énumérés dans la loi sont si extensifs — et les amendes si élevées — que le résultat pourrait être l'auto-censure :

Рискът е изключително сериозен. Точките, по които могат да бъдат атакувани, не са малко – те са цели десет.

Le risque est extrêmement sérieux. Ces lois fournissent dix points pouvant être utilisés pour monter des procédures contre les journalistes.

L'organisme du secteur privé qui a remporté le Prix Big Brother est le Centre de formation et de qualification de pédagogues spécialisés Sàrl, grâce à une fuite massive de données personnelles qui a affecté plus de 9.000 étudiants et plus de 2.000 parents. Des listes de leurs données personnelles ont été exposées au public à travers divers mécanismes, parmi lesquels la mise en ligne de coordonnées sur un important réseau social.

La cérémonie des Prix Big Brother – Bulgarie a eu lieu au Club des écrivains “Peroto” [“La Plume”] à Sofia, la capitale bulgare, le 3 février 2019. Photo: Irina Aleksova / Internet Society – Bulgarie, CC-BY.

Les autres concurrents dans la catégorie des entités privées étaient l'exploitation forestière municipale d'Elin Pelin, l'université St. Kliment Ohridski de Sofia, et Trimoncium, un centre médical à Plovdiv.

Bien qu'aucun des lauréats n'ait répondu à l'invitation à la cérémonie, les organisateurs ont dit leur satisfaction que l'événement ait eu une bonne couverture de la presse, contrairement aux autres années, quand les médias en avaient à peine parlé.

Créés par Privacy International, ces Prix s'inspirent du personnage de Big Brother du roman de George Orwell “1984”, qui symbolise la dérive de l’État vers une surveillance absolue, et l'assurance des besoins élémentaires de ses sujets au prix d'une totale annihilation des libertés humaines. Le logo de l'anti-prix est un brodequin militaire écrasant une tête humaine, autre référence à une scène de ce livre culte.

La première cérémonie des Prix Big Brother a eu lieu au Royaume-Uni. Depuis, un nombre croissant de mouvements de droits humains affiliés décernent les prix dans une vingtaine de pays. A part la Bulgarie, la version européenne de la récompense existe aussi aux Pays-Bas et en Allemagne.

Un projet de loi russe « anti fake news» est adopté en première lecture malgré une vive opposition

lundi 11 février 2019 à 13:35

Malgré des débats houleux, deux projets de loi controversés qui favorisent la censure ont été approuvés par le parlement russe // duma.gov.ru под CC4.0

La Douma d’État est en train d'examiner plusieurs projets qui menacent de réduire la liberté de parole et l'espace internet russe, déjà limités.

L'un vise l'«irrespect délibéré» à l’égard du gouvernement. L'autre combat la désinformation. Tous deux reflètent l'inquiétude croissante qui agite, dans un monde globalisé, les gouvernements sur les implications politiques de la désinformation — et d'une critique débridée — sur internet. Et tous deux ont essuyé de vives critiques de la part de la société civile russe, des experts, des internautes, et même de certains ministres du gouvernement. Pour autant, ces projets de loi qui pourraient contribuer à réduire la liberté d'expression suivent tranquillement leur chemin dans le système législatif.

Le premier projet de loi, l'initiative «internet souverain» [en], qui doit encore passer par la chambre basse de la Douma, veut créer des points d'échange internet réglementés par le gouvernement, qui permettraient d'accentuer la surveillance et le contrôle du trafic intérieur et extérieur.

L'un de ces deux projets de loi qui ont pour coauteur le sénateur Andreï Klichas (personnage ambigu qui a quitté l'audience de la commission de sa propre initiative et a refusé de le présenter lui-même à la Douma) propose d'instaurer de nouvelles limitations à la «diffusion délibérée de fausses informations d'intérêt public».

Selon cette loi, les personnes privées ou officielles et les organisations accusées de diffuser de fausses informations «ayant l'apparence d'informations authentiques», qui favorisent des désordres publics et autres troubles graves pourront être frappés d'une amende allant jusqu’à un million de roubles (env. 13.500 euros) s'ils ne suppriment pas le contenu problématique le jour même. Le projet de loi prévoit aussi des mesures [ru] pour que le Roskomnadzor [le service russe de surveillance des médias] puisse plus facilement ordonner aux fournisseurs d'accès de bloquer les sites web qui hébergent le contenu délictueux.

Le projet de loi a fait un triomphe en première lecture [ru] fin janvier, avec 336 voix et seulement 44 contre, grâce à la victoire de Russie unie aux élections législatives de 2016, qui garantit au parti au pouvoir la majorité absolue en nombre de voix.

Le projet de loi «anti fake news» va revenir à la Douma en février, sous réserve d'une révision de certains de ses points les plus litigieux. Ce projet mis en avant par «le parti de Poutine» s'est heurté à des critiques exceptionnellement vives, et ce même au sein de branches habituellement dociles d'un pouvoir russe particulièrement centralisé et axé sur l’exécutif. Le parquet général, en particulier, a critiqué des points plutôt flous du projet, les jugeant de nature à nuire aux droits civils.

Le second projet de loi [ru] a été présenté en même temps que la proposition de loi anti fake news. Il est considéré comme encore plus discutable. Les auteurs proposent de sanctionner «l'expression en langage grossier d'un irrespect délibéré» pour «le gouvernement, les symboles et organes publics officiels qui exercent le pouvoir étatique» par une amende allant jusqu'à 5.000 roubles (env. 67,50 euros) et une privation de liberté allant jusqu'à 15 jours. Le projet de loi a passé le cap de la première lecture le jour même, malgré une forte opposition au sein même du gouvernement (le vice-ministre de la Communication Alexeï Voline a déclaré que les représentants du gouvernement devaient «entendre ces critiques», ajoutant qu'ils n'étaient «pas en sucre»), tout autant que les partis d'opposition.

Sur les réseaux sociaux circule une vidéo tournée dans la salle de réunion de la Douma. On y entend un membre du Parti libéral-démocrate de Russie [le parti d'extrême droite de Vladimir Jirinovski] insulter ses collègues pour leur sensibilité excessive :

Puissant discours à la Douma sur l'irrespect envers les autorités: „Ce n'est pas parce qu'on n'appelle pas imbécile un imbécile qu'il arrête d'être un imbécile“

De nombreux journalistes russes se sentent directement visés par ce projet de loi. Sergueï Smirnov, rédacteur en chef de «Mediazone», une publication internet indépendante, financée par crowdfunding et dédiée aux abus du système judiciaire russe, écrit ceci [ru] sur sa chaîne Telegram:

Один из авторов законопроекта (https://zona.media/news/2019/01/21/gd-agree) Дмитрий Вяткин заверил, что ответственность за неуважение к власти не будет наступать в случаях, если речь идет о критике какого-то конкретного лица. Ответственность за распространение фейковых новостей, по его словам, будет применима лишь в случаях, когда информация направлена на то, чтобы причинить вред здоровью и жизни людей, либо заставить их выйти на улицу. Вяткин также сообщил, что статья не будет касаться журналистских расследований и материалов.

Конечно это будет касаться журналистских расследований и материалов, в этом нет никаких сомнений. Для этого они закон и принимают. Мало того, если фейковые новости будут в Комсомольской правде и Лайфньюс, а после них будут убивать людей – ответственности никакой никто не понесет. А вот когда надо будет опять надавить на Би-би-си они найдут 10 абсурдных поводов.

L'un des auteurs du projet, Dmitri Viatkine, affirme que l'inculpation pour irrespect envers les autorités ne s’appliquera pas dans les cas où c'est un individu précis qui serait critiqué. L'inculpation pour diffusion de fake news, selon ses termes, sera retenue dans les seuls cas où l'information serait destinée à attenter à l'intégrité physique et à la vie de personnes, ou bien à les faire descendre en masse dans la rue. Viatkine ajoute que cet article de loi ne concernera pas les investigations et documents journalistiques.

Bien sûr que si, il concernera les investigations et documents journalistiques, ça ne fait aucun doute. C'est bien pour ça qu'ils adoptent cette loi. En plus, si des gens viennent à être tués à cause de fake news dans la “Komsomolskaïa Pravda” ou sur Life News [quotidien et chaîne proches du pouvoir], personne ne sera inculpé. Mais quand il s'agit de tomber une fois de plus sur la BBC, ils vont trouver 10 prétextes absurdes.

La BBC fait actuellement l'objet d'une enquête du Roskomnadzor pour violation présumée des lois russes sur les médias. Une décision ouvertement qualifiée de représailles [ru] à une investigation analogue sur les activités de la chaîne pro-Kremlin RT menée par les autorités britanniques.

Dans la citation de Smirnov, il est aussi question d'une affaire tristement célèbre: des membres d'un groupuscule néonazi ultra-violent avaient utilisé des informations déformées ou faussées parues dans de grands médias pour commettre des agressions et meurtres de représentants de minorités ethniques, de défenseurs des droits de l'homme et de journalistes.

Ces deux projets de loi retiennent l'attention dans le contexte international, d'autant que leurs auteurs se réfèrent directement à des lois et propositions pour contrer les «fake news» émises dans les pays occidentaux. Andreï Klichas, le sénateur qui a coécrit les deux projets de loi, cite l'Allemagne comme exemple dans les deux cas, et plus précisément la «Loi sur la défense des droits et de la Toile» allemande, ou NetzDG. Ciblant les propos haineux exprimés sur internet, elle s'est attiré des critiques de la part des associations de défense des droits de l'homme pour son approche répressive et ses définitions floues.

Ironie du sort, de nombreux récents projets de loi et initiatives qui s'en prennent aux «fake news» en Europe ont été inspirés par la crainte d'une désinformation venue de Russie. Ces dernières années, les gouvernements répressifs de par le monde, y compris la Russie, le Myanmar et l'Egypte, ont utilisé les «fake news» comme prétexte pour restreindre la liberté d'expression.

@ActLenguas : Kimeltuwe œuvre pour des réseaux sociaux en mapudungun, du 11 au 17 février 2019

lundi 11 février 2019 à 11:30

En 2019, nous avons décidé d'inviter différents hôtes à piloter le compte Twitter @ActLenguas et à partager leur expérience sur la revitalisation et la promotion de leur langue natale. Cette semaine, c'est au tour de l'équipe de Kimeltuwe de prendre les commandes au nom du mapudungun [fr].

Rising Voices (RV): Pouvez-vous nous parler de vous ?

Somos Kimeltuwe de Wallmapu, territorio Mapuche (Lado chileno). Nos dedicamos a la difusión del idioma y cultura Mapuche en las redes sociales, mediante imágenes, vídeos, gifs y artículos, usando todas las plataformas de redes sociales como Facebook, Twitter, Instagram, Youtube y blog.

Nous sommes Kimeltuwe, de Wallmapu en territoire mapuche chilien. Nous sommes impliqués dans la diffusion de la langue et de la culture mapuches sur les réseaux sociaux à travers des images, des vidéos, des gifs et des articles. Nous utilisons tous les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, Instagram, YouTube et des blogs.

RV : Quel est l'état actuel de votre langue sur et en dehors d'Internet ?

La presencia del Mapuzungun, idioma Mapuche en internet es aún muy escasa. Si bien existe presencia en distintos sitios, siempre es al alero del español, pues no existe monolinguismo. En cambio fuera de internet existe más presencia en taller de idioma en distintas ciudades ya se de Chile como de Argentina.

La présence du mapudungun, la langue mapuche, sur Internet, est encore très rare. Bien qu'elle y soit présente à différents endroits, c'est toujours à l'ombre de l'espagnol parce que le monolinguisme n'existe pas. Dun autre côté, la présence physique est plus développée dans des ateliers linguistiques dans différentes villes, que ce soit au Chili ou en Argentine.

RV : Sur quels sujets allez-vous communiquer sur @ActLenguas ?

Mostraremos cómo es el idioma mapuche (gramática, etc), también subiremos memes y emoticones.

Nous allons montrer comment fonctionne le mapuche (comme sa grammaire par exemple), et nous partagerons des mèmes et des émoticones.

RV : Qu'est-ce qui motive votre militantisme linguistique pour le mapudungun ?

Mostrar la vigencia, versatilidad y adaptación de nuestro idioma, darle presencia en mundo virtual invadido por idioma dominante. En un futuro no muy lejano tener la posibilidad de que las redes sociales tuviesen la opción de que estén en nuestro idioma.

Montrer la validité, la versatilité et l'adaptation de notre langue, lui donner une présence dans un monde virtuel envahi par une langue dominante. Dans un futur pas trop lointain, nous voulons avoir la possiblité que les réseaux sociaux aient l'option d'être dans notre langue.

Pour la première fois, des candidates transgenres se présenteront pour siéger au Parlement national du Bangladesh

dimanche 10 février 2019 à 21:38

Un groupe de « Hijras » au Bangladesh. Photo via Wikimedia Commons d'USAID Bangladesh

Pour la première fois dans l'histoire du Bangladesh, des candidats transgenres qui s'identifient comme femmes peuvent rivaliser pour les 50 sièges réservés aux femmes lors de la prochaine élection au Jatiya Sansad ou Parlement national.

Il est prévu que le calendrier de l'élection soit annoncé le 17 février. Et jusqu'à maintenant, huit membres de la communauté transgenre ont été confirmées comme candidates sur la liste du parti de la ligue Awami, premier et unique parti politique dans la nation à permettre cela.

Sur un total de 350 sièges, le Parlement national du Bangladesh dispose de 50 sièges réservés exclusivement aux femmes, conformément à l'article 65  de la constitution nationale. Au Bangladesh, les personnes transgenres sont désignées comme « Hijra » (un terme faisant référence à un membre du troisième sexe) sur leur carte nationale d'identité. Pourtant, il n'y a pas de disposition spécifique dans la constitution qui empêche les membres de la communauté hijra de postuler aux 50 sièges réservés. Selon le secrétaire de la commission électorale, Helaluddin Ahmed, toute femme éligible, y compris les hijras qui s'identifient à des femmes, peuvent bénéficier des sièges réservés.

Pour Falguni, une des huit candidates transgenres, présenter sa candidature signifie représenter l'ensemble de la communauté transgenre :

We are citizens of Bangladesh but we have no representation in the parliament. There is no one from our community who can understand and raise our concerns. That is why we are running for the seats.

Nous sommes des citoyennes du Bangladesh mais nous ne sommes pas représentées au parlement. Il n'y a personne de notre communauté pour comprendre et exprimer nos préoccupations. C'est pourquoi nous nous présentons pour siéger.

Sur les 164 millions d'habitants du Bangladesh, il y a entre 10 000 et un demi-million de personnes appartenant à la communauté transgenre. Bien que la communauté transgenre soit reconnue juridiquement par le gouvernement bangladais, les personnes transgenres sont confrontées à des discriminations et à une quantité considérable de rejets, souvent victimes de crimes haineux et de violence. Par le passé, l'emploi leur était refusé et beaucoup d'entre elles essayaient de gagner de l'argent en mendiant ou en chantant lors des mariages et des naissances.

Pinky Shikder, directrice de Badhan Hijra Sangha, a raconté :

When my parents came to know about my sexual orientation they beat me every now and then and forced me to give up my feminine qualities.

They said I was bringing shame to the family. Finally, I decided to leave my house and live with other transgender people.

Quand mes parents ont découvert mon identité sexuelle, ils me battaient de temps à autres  et m'ont forcée à abandonner mes qualités féminines. Ils ont dit que je faisais honte à la famille. Finalement, j'ai décidé de quitter ma maison et de vivre avec d'autres personnes transgenres.

Rupa (ce n'est pas son vrai nom), une des nombreuses victimes de maltraitance lorsqu'elle était enfant, a raconté à un reporter du Dhaka Tribune :

My father used to tell me that I am abnormal. He used to say abnormal people do not need any treatment; he said it would be better if I died.

Mon père me disait que j'étais anormale. Il disait que les personnes anormales n'avaient besoin d'aucun soin, et que ce serait mieux si je mourais.

Le NHRCB défend les droits des enfants, les droits des minorités et des autres groupes vulnérables. Le Bangladesh est un pays multi-ethnique et multi-culturel. La communauté Hijra est encore souvent persécutée en raison d'une absence de lignes directrices claires d'identification de cette communauté.

Le 11 novembre 2013, la communauté hijra a été officiellement reconnue comme un genre distinct par le gouvernement de la nation. Cette étape avait principalement pour but de supprimer les obstacles socio-économiques à la communauté et mettre fin à leur discrimination en matière d'éducation, de santé et de logement.

Un an plus tard, le 11 novembre 2014, des milliers de transgenres bangladaises portant des saris colorés ont marché à la toute première parade de la fierté dans le pays pour célébrer le premier anniversaire de cette reconnaissance officielle comme troisième sexe. Les rues de Dacca étaient pleine de couleurs et de cris de joie alors qu'elles tenaient un énorme drapeau bangladais et des banderoles. Sur l'une d'entre elles on pouvait lire : « Les jours de stigmatisation, de discrimination et de peur sont révolus ».

Celebrating ' Third gender (Hijra) Pride 2014' in Bangladesh. Image by Sk. Hasan Ali. Copyright Demotix (10/11/2014)

La fête de la ‘fierté du troisième sexe (Hijra) 2014′ au Bangladesh. Photo de Sk. Hasan Ali. Copyright Demotix (10/11/2014)

Depuis lors, la communauté transgenre a fait des progrès concernant la création d'espaces pour elles-mêmes dans la société bangladaise. En décembre 2014, le Ministère des affaires sociales a invité la communauté à postuler pour des emplois publics.

En juillet 2015, après que Labannya Hijra a témoigné du meurtre du blogueur laïque, Washikur Rahman par des islamistes radicaux en pleine rue à Dacca, et aidé avec succès à l'arrestation des coupables, le gouvernement du Bangladesh a annoncé des projets pour recruter et engager des hijras comme agents de police de la circulation.

Le 1er juillet 2018, Tanisha Yeasmin Chaity devient la première responsable transgenre d'un organisme public de surveillance des droits de l'homme du Bangladesh – la Commission nationale des droits de l'homme (National Human Rights Commission, NHRC).

Tous ces événements ont largement réjoui non seulement les Bangladais, mais aussi des gens du monde entier. Ci-dessous les utilisateurs de Twitter expriment leur soutien à la communauté transgenre bangladaise :

Bonnes nouvelles. Continuez à avancer, Bangladesh !

WOOHOO! Le Bangladesh obtient son premier défilé de fierté transgenre

Ahmed Imtiaz Samad a écrit sur Facebook :

Kudos!
wind of change, may PM select atleast 1 from 8 nomination of transgender applicant for 50 reserve seat at National Parliament.

Bravo!
voici le vent du changement, le Premier ministre peut sélectionner au moins 1 des 8 candidates transgenres pour postuler à un des 50 sièges réservés au Parlement national.

Hasanul Mokaddes a écrit sur Facebook :

I don’t know if it’s true I don’t know if this will happen but all I know is it’s about time that we move forward together as humans. The thought of equality for all irrespective of their gender, cast, race, ethnicity or orientation makes me proud to be a citizen of Bangladesh #eqaulityinBD

Je ne sais pas si c'est vrai, je ne sais pas si cela se produira, mais tout ce que je sais c'est qu'il est temps que nous avancions ensemble en tant qu'humains. L'idée d'égalité pour tous, indépendamment de son sexe, de sa caste, de sa race, de son appartenance ethnique ou de son orientation me rend fière d'être citoyenne du Bangladesh

Mais Ishti Sajid a mis en doute leur compétence :

Nice initiative but would have been much better I think if they were groomed first rather than as just positioning as a puppet on the parliament!

Belle initiative, mais ç'aurait été beaucoup mieux je pense, si elles s'étaient d'abord préparées, plutôt que de se positionner uniquement comme une marionnette au parlement !

L'alliance de 14 partis menée par la Ligue Awami a remporté une victoire écrasante aux élections nationales du 30 décembre 2018. Sur les 50 sièges réservés aux femmes, elle en a obtenu 43. Il reste à voir ce qu'obtiendront le parti, et les candidats transgenres se présentant sur sa liste, dans les élections au programme cette année.