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Images de la frontière entre Birmanie et Bangladesh, où les réfugiés Rohingya cherchent à fuir les violences

vendredi 8 septembre 2017 à 20:28

Arrêt sur image d'une vidéo sur Facebook de Saiful Huq Omi.

Alors que le Myanmar (la Birmanie) réprime brutalement les musulmans Rohingya, forçant un grand nombre à fuir au Bangladesh voisin, des militants, journalistes et travailleurs humanitaires étaient sur les lieux pour documenter leur difficile exode.

Les Rohingya sont un groupe ethnique concentré dans l’État Rakhine, qui fait partie du Myanmar (Birmanie) majoritairement bouddhiste. La citoyenneté et les autres droits élémentaires leurs sont refusés par le gouvernement birman, qui persiste à les considérer comme des immigrants illégaux venant du Bangladesh, en dépit du fait que les racines des Rohingyas en Birmanie sont séculaires.

Quand un mouvement armé a attaqué des postes de police dans l’État Rakhine, les forces de sécurité birmanes ont riposté. Des témoins oculaires ont décrit des militaires faisant feu sur des civils et des maisons incendiées.

Selon des sources de l'ONU, ce sont plus de 123.000 Rohingyas qui sont entrés au Bangladesh rien que la semaine dernière. Le Bangladesh accueille déjà dans diverses installations 400.000 Rohingyas arrivés ces dernières dizaines d'années. Alors que le gouvernement bangladais traîne les pieds pour accepter davantage de réfugiés du Myanmar pendant la crise actuelle, la population du Bangladesh compatit largement à la détresse des Rohingyas.

Shafiur Rahman est l'un de ceux qui partagent sur ses comptes Twitter et Instagram des informations sur le flot de Rohingyas arrivant à la frontière. Cinéaste bangladeshi-britannique, il travaille à un documentaire sur les femmes Rohingya réfugiées.

Le 26 août 2017, il rapportait que les gardes-frontière bangladeshis n'autorisaient pas les réfugiés à traverser :

Les malheureuses femmes Rohingya et leurs enfants sont attrapés par les garde-frontière du Bangladesh et refoulés au Myanmar

Le 29 août 2017, cependant, la Première Ministre bangladaise Sheikh Hasina a ordonné aux forces de sécurité de traiter les réfugiés avec humanité car ils fuient pour sauver leur vie. Par conséquent, les gardes-frontière ont commencé à laisser passer les réfugiés en grand nombre.

Rahman a aussi raconté comment l'armée birmane ciblait des civils innocents dans leur fuite. Son information est corroborée par d'autres sources affirmant la même chose. Des hélicoptères birmans poursuivant des supposés insurgés Rohingya ont violé à multiples reprises l'espace aérien du Bangladesh près d'Ukhia à Cox’s Bazar :

Des tirs vers le no man's land de Gundam à la frontière avec le Myanmar il y a 30 minutes. Des réfugiés courent. L'armée birmane continue à tirer, dans l'impunité

Cette jeune femme rohingya a été abattue aujourd'hui, avec son mari, par l'armée birmane à quelques mètres de la sécurité. Leur enfant a survécu.

Des femmes et enfants Rohingya de Min Gri où on rapporte des tueries avec fusils, lance-grenades et incendie d'habitations

Un bébé confié à une femme. Ses parents Rohingyas ont été tués par l'armée au Myanmar.

Les hélicoptères militaires birmans pénètrent à trois reprises l'espace aérien du Bangladesh. Les garde-frontières tirent des salves vers le Bangladesh où j'ai vu deux morts le 2 septembre.

Le parcours vers la sécurité relative du Bangladesh est long et semé d'embûches, raconte Rahman :

Des enfants Rohingya exténués fuient le Myanmar. 12 jours de marche pour cette famille. #génocide #nettoyageethnique

Pieds nus, des kilomètres de boue glissante. Et une plaie profonde au genou. Ce que vivent les réfugiés rohingyas.

Bienvenue au Bangladesh ! Un Bangladais tend une main secourable à cette famille rohingya. Elle marchait depuis cinq jours.

Bienvenue au Bangladesh ! Des bénévoles bangladais donnent de l'eau et des biscuits aux réfugiés Rohingyas à leur arrivée.

Des milliers de réfugiés Rohingyas rassemblés au village tribal de Khangchur, près de la frontière du Bangladesh, en attente d'entrée.

Des cas de passeurs détournant des bateaux de pêche pour amener des Rohingyas en fuite. Celui-ci coule près de l'île de Shah Pir

Arrivé du côté Bangladesh, les réfugiés Rohingyas se font exploiter par des crapules profitant de l'insuffisance encore pour eux d'abris et d'aide formalisés :

Pourquoi les réfugiés Rohingyas doivent-ils acheter leur bâche plastique ? Pourquoi y a-t-il un marché florissant pour celles-ci ? Où sont les services publics ?

Le célèbre photo-journaliste Saiful Huq Omi était lui aussi à la frontière, et a posté images et vidéos sur sa page Facebook :

Dans un récent reportage vidéo, il a appelé à prendre position contre la persécution des Rohingyas :

Des milliers et des milliers et des milliers de gens arrivent. Regardez leurs visages. Voyez comme ils sont jeunes. Vous qui pensez que ce ne sont que des terroristes, j'espère que vous voyez cet enfant. Que vous voyez ce vieillard et vous vous demandez comment il peut exister sur terre une telle honte pour l'humanité. C'est cela qui se passe sur la frontière. Jeune enfant, bébés, vieil homme, vieille femme, jeunes hommes fuient leur pays natal en laissant derrière eux les cadavres des êtres chers de leurs familles. Sans même avoir le temps d'emballer leurs affaires […]

Ils vont prendre cette route jusqu'en bas des collines et tout du long avec au moins quelques heures de marche de plus avant de pouvoir s'asseoir, et peut-être un villageois compatissant viendra leur donner un peu de nourriture et d'eau.

Les ressources sont déjà surchargées, mais la bonne nouvelle est que le gouvernement du Bangladesh a décidé de créer un nouveau camp pour le plus récent afflux de réfugiés. Mais il faudra un peu de temps pour le construire.

Que réservent les jours à venir aux déplacés Rohingyas, dans leur propre pays le Myanmar ou dans des camps de réfugiés ailleurs ?

L'Italie a besoin de jeunes, mais démagogie et ignorance bloquent le ius soli/ius culturae 

vendredi 8 septembre 2017 à 15:11

Photo de groupe du flash mob #100palloncini organisé à Rome devant le Panthéon le 21 juin 2017. Photo de la page Facebook de Italiens sans citoyenneté.

Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en italien.

Depuis près d'un an, la loi sur l'acquisition de la citoyenneté italienne est bloquée au Sénat. Dans un commentaire bien documenté, ilpost.it explique les différentes formes d'acquisition de la citoyenneté italienne :

Ius soli – Droit du sol (mais tempéré)
Le texte de la nouvelle loi prévoit la reconnaissance de la citoyenneté par naissance à qui est né en Italie de parents étrangers, dont au moins l'un de ces derniers est en possession d'un permis de séjour UE pour résidents d'une période de 5 ans…

Ius culturae (mais avec succès)
Le nouveau texte prévoit que soit possible pour un mineur étranger d'obtenir la citoyenneté si, né en Italie ou arrivé en Italie avant son douzième anniversaire, il a fréquenté régulièrement un ou plusieurs cycles scolaires pendant au moins cinq ans sur le territoire national. L’amendement introduit en commission prévoit que le cycle des écoles primaires se conclut « de manière positive » : si le mineur redouble, il ne peut pas obtenir la citoyenneté (ou, en tous les cas, il devra attendre son passage au collège). En outre, pour faire une demande de citoyenneté, il sera également nécessaire de démontrer la résidence légale des parents.

Naturalisation
En plus des deux premières hypothèses, le texte introduit la naturalisation, catégorie qui concernera surtout les mineurs étrangers qui sont entrés sur le territoire italien entre l'âge de douze et dix-huit ans. Les conditions nécessaires pour obtenir la citoyenneté sont : l’arrivée en Italie avant d'atteindre la majorité, la résidence légale depuis au moins six ans, la fréquentation régulière et jusqu'à conclusion d'un cycle scolaire sur le territoire national.

Le retard dans l'approbation de cette loi met gravement en difficulté plus d'un million de jeunes gens nés et ayant grandi en Italie, qui se sentent italiens tant pour la culture que par les liens d'amitié qu'ils ont tissés avec leurs camarades de classe ou leurs collègues de travail. Souvent, ils ne connaissent même pas le pays d'origine de leurs parents.

La journaliste , examinant des donnés de la 26e édition du Rapport Immigration 2016 de Caritas Italie et de la Fondation Migrantes, révèle les injustices que cet état de précarité provoque :

Dans les universités italiennes (2015-2016), sur 271.000 étudiants, ceux de citoyenneté non italienne en représentent 5 % (ils étaient 3,7 % de 257.100 l’année précédente), surtout roumains (14,7 %), albanais (12,6 %) et chinois (9,2 %).  Le phénomène de la sur-qualification, c'est-à-dire l’excès de diplômés non absorbés par le marché du travail ou contraints à des positions qui requièrent des compétences inférieures aux leurs, est néanmoins typiquement italien. Il représente 19,9 % pour les Italiens mais grimpe à 65,9 % chez les étrangers. Ceux-ci sont employés comme ouvriers (39,2 %), domestiques (22,3 %) ; ce sont essentiellement des Philippins et des Ukrainiens…

Ils pâtissent cependant, au contraire des Italiens, d'une certaine “ségrégation occupationnelle”, en restant confinés dans quelques secteurs d'activité.

Italie et problèmes démographiques (présents et futurs)

Et pourtant l'Italie fait partie des lanternes rouges en matière de croissance démographique. Avec 1,35 enfants par femme, le pays se trouve derrière le Portugal, le pays européen le plus loin du seuil de 2,1 enfants par femme nécessaire pour pouvoir assurer sa stabilité démographique.

Sur Interessanti47, Michele Bocci tente de donner une idée de ce qui pourrait arriver en quelques années seulement si cette tendance était maintenue :

La réduction de la natalité allait déjà à un rythme rapide, désormais elle devient une course et les données publiées hier par l’Istat quant à la première partie de 2016 dessinent un futur vraiment sombre du point de vue démographique. Certes, il s'agit des six premiers mois, et théoriquement de juillet à décembre cela pourrait s'améliorer, mais il apparaît très difficile que les chiffres remontent, vu la tendance en vigueur désormais depuis de nombreuses années. Et d'ailleurs, le contraire pourrait encore survenir, c'est-à-dire connaître une réduction plus importante. Si on analyse ce qui s'est passé en 2015, par exemple, la diminution par rapport à 2014 après les premiers six mois était d'environ 2 % et à la fin de l’année elle est arrivé à 3 %, portant les chiffres absolus à 485.000 naissances : pour la première fois dans l'histoire de l’Italie sous le demi-million. Or, si on projette les chiffres disponibles pour 2016 sur toute l’année, ils se bloquent entre 450 et 460.000 nouveaux Italiens. Il s'agit seulement d'estimations, mais elles donnent l’idée de ce qui pourrait survenir en cinq ans si le phénomène continue ainsi.

Dans le même article, Bocci révèle, pour souligner la gravité de la situation, qu'à la rapide augmentation de la dénatalité correspond une augmentation tout autant préoccupante de la mortalité :

 2015 a aussi été l’année du boom de la mortalité, avec 49.000 décès en plus par rapport à 2014 (+ 8,2 %).

Dans un post cité par , Gian Carlo Blangiardo, professeur de démographie à l’Université Milano Bicocca, écrit sur Linkiesta :

La gravité de la situation est évidente : en continuant dans la même direction, fait ironique, en 2031 les naissances seront annulées par les décès.

Par ailleurs, la population italienne fait partie de celles dont la proportion de personnes âgées est la plus élevée au monde. De 2002 à 2016, l'âge médian est passé de 41,4 à 44,2 ans. Le nombre de personnes de plus de 65 ans est passé de 10. 654.649 à 13.369.754 pendant la même période.

Alessandro Rosina, démographe à l’Université Catholique de Milan, explique les conséquences immédiates et futures dans un entretien avec  sur Linkiesta :

Et l’image de l’Italie qui nous arrive du futur est celle d'un pays dominé par les cheveux gris. D'ici à 2030, il y aura une région en plus, grande comme la Toscane, composée uniquement de personnes de plus de 65 ans. Qui travailleront encore, alors que les quadragénaires enverront encore leur CV. « La population italienne vieillit. Et même l’immigration, qui jusqu'ici a en partie compensé le vieillissement, diminue petit à petit à cause de la crise économique…

Italiens émigrés à l'étranger et immigration : les données

La crise démographique du pays est compliquée par l'émigration des Italiens, surtout celles des jeunes diplômés ou possédant une qualification professionnelle. Mais l'exode concerne aussi les moins jeunes, révèle Patrizia Caiffa sur La Voce Tempo :

Les Italiens émigrés à l’étranger sont 107.529 en 2015 : la tendance à l'augmentation continue, avec 6.232 départs en plus. 69,2 % (presque 75.000 Italiens) se sont installés dans d'autres pays européens. Au total, au 1er janvier 2016, il y a 4.811.163 Italiens inscrits à l’AIRE (Anagraphe des Italiens résidents à l’étranger), soit 7,9 % de la population totale (60.665.551), avec une croissance de 3,7 % par rapport à l'année dernière…

Ce sont surtout les jeunes “millénaires” de 18 à 34 ans qui émigrent, fraîchement diplômés et très spécialisés, déçus par une Italie qui leur offre peu d'espoir d'emploi. Bien que concevant la mobilité comme un parcours non déterminé a priori, qui change selon les opportunités rencontrées à l’étranger, pour eux le choix n'est pas tant “faut-il partir” mais plutôt “faut-il rester”.

Dans la vidéo de Fanpage ci-dessous, l'écrivain Roberto Saviano dément les fausses idées sur les migrants et le ius soli et rapporte les données réelles et les modalités de gestion du gouvernement. L'heure est maintenant arrivée de s'occuper sérieusement de ces personnes et surtout de leurs enfants, italiens d'origines diverses qui se trouvent aujourd'hui tous sous le même drapeau tricolore.

Le discours du roi pour la Fête du Trône n'a pas beaucoup impressionné au Maroc

jeudi 7 septembre 2017 à 20:00

Photo largement diffusée d'une manifestation dans la région du Rif, au Maroc, le 14 août 2017. Source: Youssef Ouled sur Twitter.

Le 29 juillet 2017 marquait le 18ème anniversaire de l'accession au trône du roi du Maroc Mohammed VI après le décès de son père Hassan II. Ce jour est la “Fête du Trône” (عيد العرش) toujours accompagnée d'un discours.

Cette année toutefois, le discours est intervenu dans un contexte de tumulte. Il y a plusieurs mois que la région du Rif, au nord, connaît des manifestations depuis la mort de Mohcine Fikri, un pêcheur écrasé dans un camion benne après avoir voulu récupérer un espadon confisqué par un policier. Le mouvement de protestation qui a suivi a gagné de l'ampleur et fini par être connu sous le simple nom de “Hirak”, le mot arabe pour “mouvement”.

A côté des Marocains dans le pays, ceux de la diaspora à travers le monde ont manifesté contre la police et la répression étatique dans le Rif, appelant à la remise en liberté des prisonniers politiques.

D'où la curiosité des activistes et journalistes marocains sur ce que serait la réaction du roi à cette contestation lors de son discours de Fête du Trône. Quelques semaines avant, une centaine de manifestants réclamant des emplois et la fin de la corruption avaient été arrêtés par la police, y compris la figure de proue de la contestation Nasser Zefzafi.

Dans son discours, le roi a offert le pardon royal à quelques prisonniers politiques liés au Hirak. Tandis que les médias marocains en faisaient largement état, un activiste rifain suivant les événements de près, Btissam Akarkach, a déclaré à Global Voices qu'il est important de se rappeler que “onze individus seulement d'Al Hoceima [principale ville de la région du Rif] ont été libérés, un de Casablanca [plus grande ville du Maroc] et cinq de Nador [autre grande ville rifaine].”

Pendant que la presse marocaine rapportait que “HM le Roi gracie 1.178 condamnés pour la Fête du Trône”, une phrase reprise du site web même du gouvernement, le nombre réel, a relevé Reuters, est beaucoup plus petit.

‘Le monarque nie son rôle… de principal acteur politique’

Dans son discours, le roi a demandé “quel est le sens de la responsabilité si l'agent public compétent perd de vue l'une des exigences les plus fondamentales de cette responsabilité, celle d'écouter les préoccupations des citoyens ?”

Des propos qui ont rencontré une large indifférence.

Le roi est, après tout, l'homme le plus puissant du Maroc. Il est le chef de l'État et de l'armée. Tous les policiers, ministres et maires travaillent sous ses ordres, et la famille royale possède des grandes entreprises dans plusieurs secteurs d'activité au Maroc. Beaucoup estiment donc qu'il pourrait en faire plus pour s'attaquer à la corruption dans le pays.

Amina A, une étudiante en relations internationales à Casablanca, a dit à Global Voices que ce n'est pas par hasard :

Ça, c'est le discours officiel. Le monarque nie son rôle de chef de l'Etat et de principal acteur politique. Cela nous fait comprendre que l'Etat dit clairement que nous avons perdu le jeu, nous n'avons pas de solutions, et vous êtes coincés dedans.

De nombreux militants marocains ont commenté sur les médias sociaux qu'il s'agissait là d'une façon habile pour le roi de se distancer des problèmes du pays, à quoi acquiesce Amina :

Dans le fond, ce qu'il dit, c'est ‘Je ne suis pas responsable des difficultés du Maroc depuis des décennies. Je suis, comme vous, dépassé par la vitesse des événements. A vos côtés je regarde et je la condamne, la corruption est partout autour de nous.’

Parlant à Global Voices sous condition d'anonymat, un journaliste explique que ceci fait partie de l'image médiatique étroitement contrôlée du roi :

Le Roi est très soucieux de son image. Rien n'est laissé au hasard, tout est calculé. Les images dans les rues sont là pour montrer au peuple qu'il est un roi sympathique, pas un dictateur froid comme d'autres dirigeants, à la télévision il veut que les Marocains croient en son titre officieux de Roi des pauvres.

Quand il a succédé à son père hautement controversé, le Roi Mohammed VI souhaitait, dit-on, être un monarque très différent. A intervalles réguliers, ses selfies avec des gens dans la rue faisaient le tour des médias, et il apparaissait la plupart du temps à la télévision d'État faisant la charité en vêtement traditionnel marocain.

Lorsque le printemps arabe de 2011 a essaimé dans la plus grande partie du monde arabe, le roi Mohammed VI a répondu au Mouvement du 20 février dans son pays par l'annonce d'une commission (nommée par le roi) chargée d'élaborer une nouvelle constitution. Même largement considérée comme surtout cosmétique, elle lui a permis de se distinguer des dictateurs arabes plus brutaux comme l'Egyptien  Moubarak, le Lybien Kadhafi et le Syrien Assad.

Malgré cela, peu après sa remise en liberté, la populaire opposante Salima Ziani, connue sous le diminutif de “Silya”, qui avait passé près de deux mois dans la prison d'Oukacha à Casablanca, était hospitalisée pour malnutrition et stress psychologique extrême enduré pendant son incarcération.

Telle est la réalité pour les contestataires dans le Maroc d'aujourd'hui, comme le signale Btissam Akarkach. “De ces grâces royales, il n'y a eu à ce jour que onze remises en liberté. Les gens croient que des centaines ont été libérés mais c'est totalement faux.”

Une constatation qui a pris tout son sens quand, le 20 juillet, des milliers de personnes sont descendues dans les rues d'Al-Hoceima et qu'après une violente répression policière, un manifestant de 25 ans, Imad Attabi, a été grièvement atteint avant de de mourir de ses blessures deux semaines plus tard, peu après le discours royal.

Des citadins syriens assiégés apprennent à survivre en cultivant des champignons

jeudi 7 septembre 2017 à 14:49

Capture d'écran de la video de promotion. Source: CanDoAction

Depuis le début de la révolution syrienne en 2011 et de la guerre civile qui l'a suivie, beaucoup de villes à travers la Syrie ont connu le siège et un blocage sévères, principalement provoqués par les forces loyales au régime d'Assad.

Selon Siege Watch, une initiative conjointe entre l'organisation pacifiste PAX et l'institut de recherche The Syria Institute, on compte environ un million de Syriens actuellement en état de siège près de Damas, dans sa campagne, et dans les gouvernorats d'Idlib , Homs et Deir Ezzor.

Une zone sévèrement touchée en particulier est la Ghouta orientale, où une attaque à l'arme chimique du 21 août 2013 a fait des centaines de morts civils. Plusieurs gouvernements, des organisations internationales, et l'opposition syrienne ont conclu — sur la base d'enquêtes des Nations Unies et d'autres groupes de défense des droits humains — que le massacre avait été perpétré par le régime Assad.

Cette partie de la Syrie contrôlée par les rebelles juste en-dehors de Damas a été sous le siège depuis 2013, rendant les habitants dépendants de la nourriture produite localement ou passée en contrebande à travers les tunnels ou points de contrôle.

Des années d'embargo du régime ont rendu des denrées tradtionnelles comme la viande hors de la portée des citoyens ordinaires. En réaction, un groupe d'humanitaires et d'universitaires syriens sont en train d'apprendre aux habitants de la Ghouta orientale à cultiver leurs propres champignons pour les utiliser comme “nourriture de survie.”

Ils se font appeler Ghiras Al Nahda et le projet travaille en coordination avec une autre ONG locale dénommée la Fondation Adala.

Les champignons ne sont pas dans la tradition agricole en Syrie, et ils sont rarement utilisée dans la cuisine locale, mais leurs avantages relatifs en ont fait une source alimentaire intéressante pour beaucoup de gens assiégés dans le Ghouta oriental.

Le Directeur du projet, Abu Nabil, a dit à l'agence AFP :

Nous nous sommes mis à cultiver les champignons parce que c'est un aliment à valeur nutrionnelle élevée, équivalente à la viande, et elle peut se cultiver dans les maisons et les sous-sols.

Le Dr. Ahmed Leila, un des organisateurs s'adressant Global Voices, disait qu'ils avaient bataillé ferme pour faire connaître ce projet durant les trois dernières années et il exprimait leur soulagement “de voir enfin la lumière”.

Ils se sont servis de la plateforme de financement participatif CanDo, en coordination avec l'ONG Ghiras Al-Nahda, pour collecter des fonds pour leur initiative. Le Dr. Leila a dit à Global Voices que le projet envisageait de former 125 familles à la culture des champignons.

Au moment de la rédaction de cet article, ils avaient atteint plus de 100% de leur objectif approximatif de collecte avec 14.800 dollars américains, mais continueront de recevoir des dons sur CanDo jusqu'au lundi 4 septembre 2017.

Cette activité compte sur les groupes électrogènes pour maintenir les températures stables à 25 degrés et l'humidité de l'air à 80%. Ces groupes électrogènes sont alimentés avec un carburant produit localement et extrait du plastique, en raison de la diminution des réserves de carburant normal.

Le Dr. Leila a dit à Global Voices qu'ils ont commencé par”produire des semences à partir de champignons poussant naturellement dans la région” avant de les examiner et de s'assurer de leur qualité et aptitude à la consommation.

Ensuite ils ont établi une ferme microscopique de champignons dans un baquet, et lorsque cela a marché, ils l'ont déplacée sur un baquet plus grand, et ainsi de suite. Maintenant, ils ont “conçu une ferme d'apprentissage pour la région”.

Depuis le début de ce projet, et sur une période de trois mois, ils ont gratuitement distribué des champignons dans la région.

Le Dr. Leila a expliqué que cela faisait partie d'une action d'éducation de plus grande envergure. “Nous travaillons à former les gens à la culture des champignons pour plusieurs raisons” :

1- mettre fin au siège.
2- mettre sur le marché une nouvelle denrée alimentaire.
3- développer l'esprit d'auto-suffisance en tirant un avantage des restes dans les maisons (comme le papier, le thé, les graines de café, les cartons etc) transformés en nourriture.
4- mieux utiliser les forces de travail, surtout celles des femmes travaillant à domicile.
5- Employer ceux qui sont confinés chez eux avec des besoins spécifiques.

Il ajouta qu'ils espèrent que “cette idée se répande à travers le monde pour que leur réussite et leur combat contre la faim et le siège se sachent. Nous voulons que notre expérience puisse inspirer d'autres régions en difficultés et aider l'humanité.”

L'interview avec le Dr. Ahmed Leila a été faite par Joey Ayoub et traduite par Elias Abou Jaoude.

La Foire Internationale de Damas, espoir du régime syrien pour “embellir” les plaies de la guerre ?

mercredi 6 septembre 2017 à 23:08

Affiche officielle de la 59ième Foire Internationale de Damas

Normalement annuelle, la Foire Internationale de Damas est de retour pour sa 59ième édition et la première depuis le soulèvement syrien de 2011. Elle a ouvert ses portes le 17 août 2017 et a duré 10 jours, avec des participants des secteurs textile et agricole.

Selon le média syrien officiel ‘SANA’, les exposants étrangers venaient de 23 pays : ceux que le gouvernement du président Bachar al-Assad appelle “amis de la Syrie”, comme la Russie, l'Iran, le Venezuela et la Chine.

Étaient également présentes à la foire des sociétés privées de pays ayant coupé les relations avec le régime syrien, dont la France, l'Allemagne et la Grande Bretagne.

Le directeur général de la Foire, Fares al-Kartally, a déclaré à l'AFP que le retour de la Foire avait été rendu possible par celui du calme et de la stabilité dans la plupart des régions de la Syrie. Pourtant, à seulement 15 kilomètres du champ de foire, des combats se poursuivaient dans les zones tenues par les rebelles des faubourgs de Damas d’Al Hajar Al Aswad et Babbila.

La célèbre porte-parole du régime, Bouthaina Shaaban, a été citée par SANA disant : “Nous sommes au début de la route vers la reconstruction.”

Des visiteurs devant l'entrée au troisième jour de la Foire Internationale de Damas. Source: SANA News Agency, média officiel syrien.

Après les lourdes destructions subies pendant la guerre, de vastes opérations de reconstruction sont en cours dans tout Damas. Les zones qui avaient été assiégées, et donc privées des services de base comme l'eau et l'électricité, ont vu une amélioration dans les jours précédant l'exposition.

La route de l'aéroport international de Damas  a été refaite, avec plantation d'arbres, campagnes de nettoyage et installation d'éclairage avant l'ouverture de la foire. L'aéroport lui-même a aussi subi des réparations et une modernisation de ses installations et de sa sécurité, de sorte qu'il est désormais équipé de caméras de surveillance neuves et d'appareils d'inspection, écrans, tableaux électroniques d'informations sur les vols, et climatisation.

Le président de la Chambre de Commerce de Damas, Samer el-Debs, a déclaré à AP :

Ce retour est un signe que la guerre en Syrie touche à sa fin… après tout ce qui s'est passé, toutes les sanctions économiques contre la Syrie et les tentatives systématiques de détruire la Syrie, nous assistons à la réouverture de cette foire.

Dans les jours précédant l'ouverture, le cours de la livre syrienne est monté par rapport au dollar étatsunien, ce que le Centre damascène de recherche et d'études a attribué au retour de la Foire et à la réinsertion de la Syrie dans le marché économique et commercial.

Les ‘mesures cosmétiques’ du pouvoir

Les Syriens qui ne sont pas partisans du gouvernement Assad ont généralement vu dans la foire un cynique événement de relations publiques.

Pour l'économiste syrien Abdel Nasser AlJassem, le retour de la foire s'ajoute à la liste des “mesures cosmétiques” prises par le régime pour promouvoir une impression de stabilité et donner l'image d'une économie, et en particulier d'une industrie en bonne santé.

Mais la réalité est toute autre, écrit Al Jassem sur Al Araby. D'après le régime lui-même, 80 % des installations industrielles sont à l'arrêt, et la Syrie importe même la nourriture et les produits de consommation les plus élémentaires.

Photo prise le 6 juillet dans le nouvel ampithéâtre du Centre culturel Dummar faisant partie de l'Opéra de Damas. Source: page Facebook de l'Opéra de Damas.

Le régime a fait un grand pas cet été pour affirmer le retour de la stabilité et la défaite du “terrorisme” dans le pays, en vue de remettre la Syrie sur la carte économique. Le Ministère du Tourisme a lancé plusieurs campagnes pour promouvoir la fréquentation des villes balnéaires et d'Alep ravagé par la guerre, en sponsorisant des vidéos sur les clubs et fêtes dans la ville. Des campagnes qui dépeignent ces endroits comme séculiers’, ‘occidentalisés’, et glamour.

Un amphithéâtre en plein air tout neuf vient d'être construit par le Ministère de la Culture dans le complexe culturel de Dummar à Damas. Il a été conçu pour ressembler au célèbre amphithéâtre romain de Bosra et peut contenir 3.000 spectateurs. Il devrait accueillir plusieurs festivals, des représentations de théâtre et d'opéra, et des concerts. Les billets de tous les spectacles seront vendus à 1.000 livres syriennes (moins de 2 dollars US) pour attirer un public aussi large que possible.

Pendant la cérémonie d'inauguration de la foire, le premier ministre syrien Emad Khamis a prononcé une allocution de quinze minutes annonçant une “nouvelle saison de victoires”, expliquant que la réouverture de la foire était la preuve que ” la volonté de vivre des Syriens est et reste plus forte que le terrorisme… [que] c'est le drapeau victorieux de la vie sur le meurtre, de l'honnêteté sur le mensonge, du bien sur le mal et de la souveraineté sur la dépendance.”

‘Une reconstruction d'après-guerre qui omet les questions essentielles…ne pourra être stable.’

Les détracteurs voient dans les efforts de reconstruction moins un coup de pouce du gouvernement Assad à la guérison économique et sociale qu'une manière de reconsolider son emprise, remercier ses fidèles et punir l'opposition.

Assad l'a dit lui-même dans un discours du 21 août 2017 : la Syrie a “perdu le meilleur de sa jeunesse et de son infrastructure”, mais a “gagné une société plus saine et plus homogène”.

L'éminent intellectuel et politologue arabe Azmi Bishara a cinglé le propos d'Assad d'hitlérien, et tweeté :

Assad : “Nous avons perdu beaucoup de nos jeunes et de notre infrastructure mais gagné une société plus saine et plus homogène”. Une phrase explicitement hitlérienne prouvant que génocide et déplacement de populations sont les doctrines officielles du régime.

Pour l'auteur suisse d'origine syrienne Joseph Daher, voilà le résultat de la priorité donnée par la communauté internationale à la soi-disant guerre contre la terreur. Dans une analyse approfondie pour le site indépendant d'information Syria Untold, il écrit :

C'est l'apogée de l'accent mis par les principaux acteurs étatiques internationaux et régionaux sur la “guerre contre la terreur”, et du consensus autour du maintien au pouvoir de Bachar Al-Assad, qui ont autant l'un que l'autre renforcé l'assurance du dictateur et la classe dirigeante de Damas.

La militante syro-palestinienne Razan Ghazzawi commente ainsi la déclaration d'Assad :

La “société plus saine et plus homogène” d'Assad est bâtie sur les tueries systématiques, la démographie des évacuations et l'annihilation de quartiers entiers.

Voici l'avenir promis par Assad aux habitants de la Syrie : faire partie de la société homogène bâtie sur l'assassinat, le déplacement [de populations] et les pertes perpétuelles.

Nous qui voulons une autre société, un espace hétérogène, comment résister à la violente machine disciplinaire de l'État ?

L'observateur du Moyen-Orient Steven Heydemann à la Brookings Institution a écrit que le gouvernement Assad était incapable trouver de véritables solutions aux problèmes de l'après-guerre :

La réponse réside dans les principes et priorités qui guident un rétablissement précoce et la reconstruction après une guerre. Sans surprise, là où ces principes et priorités sont définis pour atténuer les griefs et les mauvaises gouvernances à l'origine des violences de masse, les perspectives de récurrence diminuent. Quand ils sont susceptibles d'amplifier les griefs et faillites d'avant-guerre, les perspectives de récurrence sont beaucoup plus élevées. Tout ce que nous connaissons de la méthode de reconstruction du régime Assad confirme qu'elle va aggraver les causes qui ont poussé des millions de Syriens dans les rues en 2011, puis dans un soulèvement armé. Une reconstruction post-conflit qui ne traite pas des questions centrales de légitimité et capacité institutionnelle, ou ne pourvoit pas à la sécurité citoyenne, à la justice et à l'inclusion politique, a peu de chances d'être stable.

Le site web d'opposition Enab Baladi avance le même argument, arguant que la Foire Internationale de Damas n'avait même pas réussi à donner une image sans défaut. Les journalistes n'y ont pas été admis, le discours du premier ministre “a provoqué un charivari médiatique à cause de ses fautes d'orthographe, de grammaire et de prononciation”, et un camion a dû reconduire des dizaines de visiteurs dont le bus n'est jamais arrivé.

Exposition Internationale… Optimisme damascène interrompu