PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Netizen Report : Coupures de réseaux sociaux au Sri Lanka après les violences confessionnelles

vendredi 16 mars 2018 à 12:01

Mosquée Jami Ul Alfar Jummah à Colombo, Sri Lanka. Photo de Aksam Zarook via Wikimedia Commons (CC BY-SA 3.0)

Le Netizen Report d’Advox offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde.

La Commission de régulation des télécommunications du Sri Lanka a ordonné aux opérateurs de bloquer Facebook, Viber et WhatsApp le 7 mars dernier, en réaction aux violences confessionnelles.

Ces derniers mois, les tensions ont augmenté entre les bouddhistes, qui constituent la majorité de la population, et les musulmans, qui n'en représentent que dix pour cent. Dimanche dernier, un homme de confession bouddhiste a trouvé la mort après une violente confrontation avec un groupe de musulmans en raison d’un conflit de circulation dans la région centrale de Kandy. Le jour suivant, des habitants ont rapporté qu’une foule d’au moins 200 personnes avait incendié une mosquée locale et les maisons d’au moins 15 musulmans. Selon un membre du conseil provincial, des dizaines d’autres maisons et entreprises ont été vandalisées.

Le 7 mars, les autorités ont déclaré un état d’urgence de dix jours pour la première fois depuis 2011, lorsque le Sri Lanka sortait tout juste de la guerre civile.

Les régulateurs indiquent que le blocage durera trois jours. Un fonctionnaire qui s’est entretenu avec l’AFP sous couvert d’anonymat a déclaré que la police avait identifié « des messages anti-musulmans partagés sur les réseaux sociaux, y compris une vidéo publiée par un moine bouddhiste extrémiste appelant à la violence contre les musulmans ».

Dans une analyse pour Groundviews, un média citoyen indépendant basé à Colombo, le journaliste Nalaka Gunawardene a réagi à la mesure qu’il considère futile et ayant des conséquences pour l’ensemble la population, puisqu’elle empêche les familles de communiquer entre elles, qui plus est en période d’incertitude et de montée de la violence dans les rues :

…this is more a case of public order than a matter of national security. Faced with a major breakdown in law and order, the government should have policed the streets properly, before trying to police the Internet.

C’est plus une affaire d’ordre public qu’une question de sécurité nationale. Face à une crise importante, le gouvernement aurait dû maintenir l'ordre efficacement dans les rues avant d’essayer de le faire sur Internet.

Prison pour un partisan d’une réforme politique en Arabie saoudite

Essa al-Nukhaifi, activiste saoudien des droits de l’homme qui milite pour une réforme politique, a été condamné à six ans de prison, principalement pour des tweets critiquant l’intervention militaire saoudienne au Yémen. Après sa sortie de prison, il devra faire face à une interdiction supplémentaire de six ans d’utiliser les réseaux sociaux et de voyager.

Dans une récente lettre rédigée depuis sa cellule du pénitencier général de La Mecque, où il est détenu depuis plus d’un an, il s’adresse au prince héritier Mohammed ben Salmane :

I have been delighted to hear your speeches and media interviews in which you call for freedom of expression and respect for human rights, which is what we are calling for and share your wish to achieve….I am writing to you about them from a place of detention, where I being detained because of calling for these things.

J’ai été ravi d’entendre vos discours et vos interviews dans les médias dans lesquels vous appelez à la liberté d’expression et au respect des droits de l'homme, ce que nous demandons et que nous espérons que vous atteindrez… Je vous écris à ce sujet depuis un lieu de détention, où je suis emprisonné pour les avoir réclamés.

L’activiste a appelé à de vastes réformes du système judiciaire du Royaume, de l’État de droit et des mécanismes de participation politique.

Journalistes nigérians accusés de cybercrimes

Le 1er mars, un tribunal fédéral d’Abuja a traduit en justice les frères Timothy et Daniel Elombah, journalistes pour le site d’information indépendant Elombah, pour des accusations de cybercriminalité et de terrorisme. Le site couvre les activités de Boko Haram et les allégations de corruption dans les échelons supérieurs du pouvoir.

Un internaute chinois accuse un employé du support technique d’Apple de vol de données

Le China Digital Times a publié des allégations d’un utilisateur de Weibo qui affirme que ses données ont été volées par un employé du support technique d’Apple. L'article est paru quelques jours après qu’Apple a confié l’exploitation de ses serveurs en Chine continentale à l'entreprise publique chinoise Guizhou Cloud Big Data.

Selon les allégations, l’employé a accédé à plusieurs comptes privés en ligne appartenant à l’utilisateur, qu’il a trafiqués. Par la suite, Apple a déclaré avoir renvoyé l’employé, mais ne pas pouvoir fournir de détails supplémentaires sur la sécurité des données de l’utilisateur ou de son compte iCloud, pour des raisons de confidentialité. Le China Digital Times n'a pas été en mesure de vérifier les déclarations de manière indépendante.

Sur Weibo, l’utilisateur a écrit : « Ils ont renvoyé l’employé très rapidement, mais ne savent même pas le volume d’informations et de données personnelles volées ou divulguées. Les utilisateurs d’Apple devraient tous se méfier ! »

Est-ce que l’Iran a ralenti Telegram ?

Au plus fort du mouvement iranien de protestation de cet hiver, l’application de messagerie Telegram a été temporairement interdite du 30 décembre 2017 au 13 janvier 2018. De nouvelles preuves techniques de l’Université de Téhéran et de l’Open Observatory of Network Interference suggèrent que les autorités ont continué à restreindre l’utilisation de l’application après la levée de l'interdiction.

Les utilisateurs bloqués par Trump sur Twitter le traînent en justice

Un groupe de citoyens américains qui ont été bloqués par Donald Trump sur Twitter a engagé des poursuites judiciaires contre le président pour violation de la liberté d’expression sur un forum public. Représentés par le Knight First Amendment Institute de l’Université de Columbia, les demandeurs soutiennent qu’en empêchant des centaines de citoyens de répondre publiquement à ses tweets, Donald Trump restreint effectivement leurs droits garantis par le premier amendement de la Constitution. L'affaire sera confrontée à des questions épineuses relatives au traitement des propos en ligne par les agents publicss et l’arbitrage de la liberté d’expression sur les plateformes web privées.

Nouvelles études

 

Abonnez-vous au Netizen Report par courrier électronique

 

Des graffiti à la politique, le discours antisémite et néo-nazi se cache de moins en moins en Europe de l'Est

jeudi 15 mars 2018 à 23:56

Graffiti néo-nazis sur le monument aux soldats soviétiques de Plovdiv, Bulgarie, 10 novembre 2017. Inscriptions : “Communisme = Judaïsme.” 88 est un code néo-nazi pour “Heil Hitler.” D'autres graffitis sur les lieux sont : “Mort aux Juifs” et “Nuit de Cristal.” Photo PodTepeto.com.

Les récents événements en Europe de l'Est dénotent une montée du discours antisémite dans des pays membres de l'Union Européenne comme la Bulgarie et dans des pays candidats à l'adhésion.

En novembre, les monuments à l'armée soviétique des villes de Plovdiv et Sofia en Bulgarie, pays qui a été un proche allié de l'URSS au long de son existence, ont été profanés avec des inscriptions antisémites. Un porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, au lieu de condamner l'étalage graphique d'antisémitisme, s'est appuyé sur le fait pour tenter de réécrire l'histoire du sauvetage des Juifs de Bulgarie pendant la deuxième guerre mondiale.

La Bulgarie est entrée en guerre aux côtés de l'Allemagne nazie, et à ce titre a participé à l’Holocauste des Juifs de Macédoine et de Grèce du Nord en 1943. Par contre, les autorités pro-fascistes se sont heurtées à des difficultés pour exterminer le restant de la population juive, essentiellement sauvée par les actions des forces pro-démocratiques locales et de l’Église orthodoxe bulgare. Le 9 septembre 1944, quand l'Armée rouge a occupé le pays, la Bulgarie a changé son gouvernement et a transféré son soutien aux Alliés.

Cette tentative d'exploiter les inscriptions antisémites à fins de propagande, et de présenter l'URSS comme le sauveur des Juifs bulgares, a été repoussée par le porte-parole du ministère bulgare des Affaires étrangères, le American Jewish Committee, et différents médias et blogueurs influents.

Sous-produit inquiétant de la discussion, le fait que les inscriptions soient apparues sur des monuments soviétiques a largement dédouané l'antisémitisme des partis d'extrême-droite en Bulgarie, au prétexte de la priorité à l’anti-communisme.

Série d'incidents récents

Ce n'est pas la première apparition d'inscriptions antisémites en Bulgarie. En 2016, la musicienne et auteure vivant au Royaume-Uni Rachel Susser, en résidence, notait :

J'ai commencé à compter les croix gammées à un moment donné en décembre. La plupart des jours j'en voyais au moins une, mais d'habitude il y en avait plus. Il y en avait deux entre mon appartement et ma boulangerie préférée, et quatre sur le chemin de mon cours de danse. Plus de cinq visibles par la vitre du bus sur le trajet entre Sofia et Plovdiv. Onze dans les deux premières heures du trajet vers le nord à travers le col de montagne vers Veliko Tarnovo. Et aussi d'autres symboles néo-nazis, suprématistes blancs, et ultra-nationalistes.

Adela Peeva a réalisé en 2017 un documentaire intitulé  “Long Live Bulgaria” sur la montée du nationalisme dans les petites villes du pays. Dans un entretien à la télévision publique bulgare, il a expliqué que ce qu'il a vu dans ces populations, ce sont des idées nationalistes ancrées, mêlées d'antisémitisme et de haine des Roms. On en voit un exemple évident dans les premières scènes du film, ainsi que dans la bande-annonce ci-dessous, avec un écolier qui déclare que “la fête nationale n'est pas pour les étrangers ou les tziganes.”

En octobre 2017, le critique littéraire bulgare Dimitar Kambourov a été accusé par un certain nombre de personnalités, et au moins une organisation juive, de propos antisémites dans son analyse du documentaire “Angel Wagenstein – l'art est une arme”, sur la vie du scénariste Angel Wagenstein, y compris sa période dans une brigade juive dans la Bulgarie en guerre. Après le tollé, l'article de Kambourov a été retiré du portail “Kultura” (culture), avec les excuses du rédacteur en chef. Un autre magazine, Liberal Review, a publié un article dont l'auteur expliquait que Kambourov avait écrit par le passé d’autres textes racistes.

Comme pour les inscriptions de novembre, pour lesquels l'anti-communisme servait de prétexte à l'antisémitisme, la controverse autour de la critique du film tournait aussi autour du fait qu'il était présenté à travers un point de vue anti-communiste.

En 1943, la déportation de 48.000 Juifs de Bulgarie fut stoppée, mais seulement après que 11.343 d'entre eux avaient déjà été raflés dans les territoires occupés de Grèce du Nord et de Macédoine. En février 2018, l'extrême-droite bulgare honorait toujours la mémoire d'un des inspirateurs de la Shoah (assassiné par des résistants anti-nazis en 1943), par une parade dans le centre de Sofia, la capitale.

Tendance régionale

Veni Markovski, un cyber-militant anti-fasciste en Bulgarie, a dit à Global Voices que :

Le résultat de tout ceci est un signe clair qu'il faut plus de travail pédagogique, et on peut espérer que la Bulgarie prenne la tête et s'attaque à l'antisémitisme.

Il n'est pas le seul à mettre en garde sur la nécessité d'agir contre l'antisémitisme. Les militants de la société civile d'Europe centrale et orientale tirent la sonnette d'alarme sur les discours de haine de plus en plus banalisés contre les Juifs et l'apologie des auteurs de l'Holocauste, ainsi que sur les dangers de leur laisser l’impunité.

Par exemple, lors d'un défilé de nationalistes d'extrême-droite le 13 novembre 2017 à Varsovie, pour l'anniversaire de l'indépendance de la Pologne, des slogans appelant à un pays libéré des Juifs se sont fait entendre, selon le Times of Israel.

En Macédoine, pays candidat à l'entrée dans l'UE, les utilisateurs de médias sociaux ont saisi l'occasion de la Journée de Souvenir de la Shoah, le 28 janvier, pour revisiter un scandale éphémère de 2011 impliquant le président actuel du pays, Gjorge Ivanov, élu en 2009 et 2014 avec le soutien du parti populiste de droite VMRO-DPMNE.

En 2011, un journal du nom de Shpic révéla qu'Ivanov, qui avait été professeur de science politique, avait participé à la rédaction d'un manuel universitaire qui définissait l'antisémitisme comme le fait de “haïr les Juifs plus que nécessaire.” Quelques mois plus tard, le journal était fermé par ordre du gouvernement. Le manuel est toujours en usage.

Tweet : Une des innombrables ‘perles de sagesse de #Jorge [sobriquet péjoratif de Gjorge Ivanov] :
“Un antisémite est un individu qui hait les Juifs plus que nécessaire”
Source : “Théories politiques – Antiquité”, auteurs Gjorge Ivanov, docteur de l'Université, et Svetomir Škarić, docteur de l'Université
Bonus : [lien vers un article du journaliste] Zvezdan Georgievski “L'antisémitisme à la cour présidentielle”
Photo: Extrait du livre avec citation soulignée, et les photos d'Ivanov et Škarić.

Moins courants qu'en Bulgarie, les graffiti de croix gammées polluent aussi les murs de Macédoine. Ces dernières années, quand il en apparaît, ou lors d'un épisode occasionnel de profanation du cimetière juif de Bitola, dans le sud du pays, les gens y restent indifférents, et les auteurs ne sont pas traduits en justice.

Dans une exception à la pratique établie d'ignorer les discours de haine néo-nazis et antisémites, la police macédonienne a récemment publié les résultats d'une enquête après que des croix gammées ont été peintes sur le musée mémorial du soulèvement contre le fascisme et sur quelques autres bâtiments de la ville de Prilep. Le 7 mars, un communiqué annonçait l’inculpation d'un suspect identifié comme K.D. (15) aux termes de l'article 264 du code pénal pour “détérioration ou destruction d'objets protégés, de patrimoine culturel ou d'objets rares”.

Symboles néo-nazis sur le mégaphone utilisé par le politicien macédonien d'extrême-droite Todor Petrov. Arrêt sur image d'un clip vidéo de A1on.

La compréhension générale des symboles néo-nazis codés comme ceux déployés sur le monument de Plovdiv en Bulgarie est faible. Lorsqu'en mars 2016 un politicien macédonien d'extrême-droite et ex-député, Todor Petrov, a utilisé un mégaphone marqué “SS 14 88″ (signifiant Schutzstaffel, Quatorze mots, Heil Hitler) à un rassemblement nationaliste, la seule réaction est venue du médiateur d'alors de l'Union européenne pour les négociations entre partis politiques, l'expert Belge Peter Vanhoutte.

Plusieurs médias citèrent son posts Facebook scandalisé, mais les acteurs ou institutions locales n'ont pratiquement rien fait de plus. Petrov, qui a des liens étroits avec le VMRO-DPMNE, l'ex-parti de gouvernement qui se présente comme de centre-droit et est comme tel membre du Parti populaire européen, s'est depuis abstenu d'utiliser ce mégaphone. Mais il continue à participer à de multiples événements publics pleins de haine organisés par leurs mouvements intermédiaires, et est engagé en ce moment dans des rassemblements et annonces de la diaspora contre les négociations sur la question du nom de la Macédoine.

Militants de la société civile et autres forces progressistes de la région mettent en garde depuis des années sur les effets corrosifs des discours de haine sur la cohésion sociale. Rien d'étonnant à ce que ces derniers mois, les institutions européennes et l'OTAN aient déclaré que confronter l'extrémisme dans la région était une de leurs principales priorités.

La sentence réduite du pasteur coupable ‘de relations sexuelles avec mineure’ jette une ombre sur la Journée internationale des droits de la femme en Jamaïque

mercredi 14 mars 2018 à 18:50

Manifestants de l'Armée de Tamourine défilant devant l’église morave durant la marche de protestation contre les violences sexuelles en mars 2017. Photo de Storm Saulter, utilisée avec autorisation.

[Tous les liens de ce billet renvoient vers des pages Web en anglais]

Les Jamaïcains ont célébré cette année la journée des droits de la femme avec panache à travers l'organisation de nombreux événements et l'envoi de messages chaleureux qui ont inondé les réseaux sociaux. Mais les célébrations ont fait une pause à la mi-journée lorsque la nouvelle est tombée : un ancien pasteur de l'église morave, [Église protestante qui rassemble les Frères Moraves de Jamaïque] Rupert Clarke, a été condamné à 8 années de prison pour deux chefs d'accusation de “relations sexuelles avec mineure”. En novembre 2017, Clarke a plaidé coupable d'avoir eu des relations sexuelles avec deux sœurs, toutes deux âgées de moins de seize ans lors de la commission des faits.

Les internautes ont exprimé leur désapprobation face à ce qu'ils considèrent comme une sanction bien légère, très largement inférieure au maximum de 15 ans prévu dans des cas similaires. La sanction réduite dont bénéficie Rupert Clarke a été attribuée à la récente décision du ministre de la Justice, qui, afin d’accélérer les procédures devant les tribunaux, offre des condamnations plus courtes à ceux qui plaident coupable.

Le procureur principal adjoint (DPP), Adley Duncan, a déclaré qu'un rabais de 50 % a contribué à la sentence réduite de Rupert Clarke. Clarke, un ancien pasteur morave, a plaidé coupable d'avoir eu des relations sexuelles avec deux mineures et a été condamné à seulement 8 ans de prison.

La stratégie de réduction des peines continue à alimenter la controverse et susciter des inquiétudes, tout particulièrement après une affaire de meurtre très médiatisée qui a abouti à une peine de prison de 15 ans en décembre 2017 :

La réduction de peine afin d’accélérer les procédures…est en test.

Le problème récurrent des responsables ecclésiastiques abusant sexuellement des jeunes filles a donné naissance à un mouvement féministe radical appelé “L'armée de Tambourine” (nommée ainsi en référence à un activiste qui a asséné un coup de tambourin sur la tête de celui qui était alors le Chef de l'Église morave, le Dr. Paul Gardner, durant une manifestation de protestation menée à l'encontre du comportement de Rupert Clarke).

L'affaire de ce pasteur a provoqué une crise au sein de L’Église morave, à la fois en Jamaïque et dans les îles Caïmans. L'église est dorénavant dirigée par une femme, le Révérend Phyllis Smith Seymour, qui a été nommée en janvier 2017 après que son président, le révérend Dr. Paul Gardner, et son vice-président, le révérend Jermaine Gibson, eurent démissionné à la suite de leurs condamnations pour abus sexuels et attentats à la pudeur.

Comparativement à l'intense couverture médiatique qui a eu lieu lors de la condamnation de Rupert Clarke, les médias traditionnels se sont montrés jusqu'à présent beaucoup plus discrets.

Un Jamaïcain résume ainsi le sentiment de beaucoup :

Le pasteur morave déshonoré Rupert Clarke, a reçu une simple tape sur la main avec sa condamnation à seulement 8 ans de prison. Il a rompu de façon flagrante la confiance et l'estime des gens qui se tournaient vers lui en tant qu'homme d'église en quête de soutien et conseils moraux.

Un autre a écrit sur Facebook [Lien non accessible] :

Only eight years? Very sad reality on a day like International Women's Day!! This is not progress!!

Seulement 8 ans de prison ? Triste réalité pour la Journée internationale de la femme !! Ce n'est pas ça le progrès !!

Le nom du pasteur a été ajouté au Registre des délinquants sexuels du pays, qui a été mis en place en 2014. Cependant, le registre n'est pas accessible au public. Au lieu de cela, celui-ci est conservé dans un bureau du département des services pénitentiaires, qui ont déclaré surveiller les délinquants à travers leurs antennes régionales. Sans surprise, le mouvement ne semble pas avoir eu beaucoup d'impact : un récent article de 2017 soulignait qu'aucune institution ou individu n'a jusqu'alors comparé de noms avec ceux inscrits dans le registre.

La banalisation des viols et agressions sexuelles reste une situation troublante pour les femmes Jamaïcaines. Un utilisateur de Twitter commente :

Je me souviens qu'une dame de mes amies m'a raconté avoir subie une agression sexuelle. Pour résumer, cela s'est terminé par la police locale se moquant d'elle. La police s'en fout est ce qu'elle a compris.

Une autre internaute a partagé ses préoccupations sur les droits humains de façon plus générale :

Prenez le temps de vous offusquer à propos de ce verdict, mais rappelez vous que les personnes pauvres sont celles qui sont les plus susceptibles de subir des abus en Jamaïque, tout particulièrement les femmes et jeunes filles défavorisées. Voici le constat. Utilisons notre tristesse et travaillons à réellement les protéger.

Elle a ajouté :

Une femme démunie est plus susceptible de subir des abus de la part de ses compagnons. Ses enfants, et tout particulièrement ses filles, sont vues comme des proies faciles pour les pédophiles qui savent que le sentiment de désespoir va leur permettre d'avoir accès à ces jeunes filles. Vous êtes en colère à propos des 8 ans de prison ? Alors faisons quelque chose par rapport à cela.

Dans une lettre au courrier des lecteurs, l'organisation de défense des droits de l'homme Jamaica AIDS Support for Life a écrit que beaucoup restait à faire pour protéger les femmes :

If we, as a country, fail to address poverty, particularly among women and children, we only perpetuate the cycle of poverty, inequality, sexual abuse and domestic violence…

The authorities must act now and send a strong message to those who continue to harm our women and girls that it will not be business as usual. We call for the urgent revision and passing of the Sexual Offences Act and other related Acts; namely, the Domestic Violence Act, Offences Against the Person Act, and the Child Care and Protection Act. We call for an urgent revision of the Employment (Equal Pay for Men and Women) Act, which in its current state is ineffective in addressing wage disparity. We also call for the urgent passing of the Sexual Harassment Bill to not only address workplace sexual discrimination, but also to shun normalising the sexualising of our women and girls.

This International Women's Day, we press for laws that allow for social inclusion and punish those who continue to harm our women. We press for progress for opportunities that create independence for our women – disabled or otherwise. We press for progress to end all forms of violence against our women if we seriously intend to put a dent in the nearly 30,000 cases of HIV/AIDS on the island.

Si nous, en tant que pays, échouons à traiter la pauvreté, particulièrement parmi les femmes et enfants, nous allons tout simplement perpétuer le cycle de pauvreté, inégalités, abus sexuels et violences domestiques…

Les autorités doivent agir maintenant et envoyer un message fort à ceux qui continuent de porter atteinte à nos femmes et filles, que le statu quo c'est fini. Nous demandons la révision urgente et l'adoption de la loi sur les délits sexuels et autres lois connexes : à savoir, les lois sur la violence domestique, sur les délits contre les personnes, et sur la protection de l'enfance. Nous appelons à une révision urgente de la loi sur l'emploi (salaire égal pour les hommes et les femmes) qui en l'état, est inefficace pour remédier à la disparité salariale. Nous sollicitons également l'adoption urgente du projet de loi sur le harcèlement sexuel, non seulement pour lutter contre la discrimination sexuelle sur le lieu de travail, mais aussi pour éviter de normaliser la sexualisation de nos femmes et de nos filles.

En cette journée Internationale de la Femme, nous demandons des lois d'inclusion sociale et qui punissent ceux qui continuent à porter atteinte à nos femmes. Nous réclamons plus d'opportunités assurant l'indépendance à nos femmes, qu'elles soient en situation de handicap ou non. Nous demandons des progrès afin que cessent toutes les formes de violences contre nos femmes si nous voulons sérieusement réduire les quelque 30.000 cas de VIH / SIDA de l'île.

Tandis que la journée Internationale de la Femme touche à sa fin, il est clair, en Jamaïque tout du moins, que beaucoup de travail reste à faire pour aider les femmes et jeunes filles vulnérables.

Entretien avec une jeune femme Iranienne sur les droits de la femme et la sexualité dans son pays

mercredi 14 mars 2018 à 18:37

Femme iranienne en plein coeur de la Jameh Mosque d'Isfahan. Crédits Joel Tasche – Photo libre de droit

Nuit du samedi 10 au dimanche 11 mars – Le voyage en bus de la veille m’a cassé, je viens de réaliser que la Journée Internationale de la Femme est passée et tout ce que j’ai ce sont ces quelques questions enregistrées dans un brouillon sur mon téléphone. Pas le choix pourtant, ce soir nous allons devoir gérer cet entretien en suivant les règles locales : rien n'a été préparé à l'avance, le plan a changé à plusieurs reprises, mais une chose doit toujours être gardée en tête, le peuple iranien ne manque jamais de trouver une solution. « Alien » est une amie (le nom a été changé pour la protéger), c’est une belle jeune femme de moins de 30 ans, éduquée, ouverte d'esprit et ouvertement bisexuelle. Pour Global Voices elle a accepté de répondre à mes questions en dévorant le macadam à 120 km/h. Une interview aux teintes iraniennes.

Global Voices : Ce Jeudi (8 Mars),  c'était la Journée Internationale de la Femme et comme tu le sais le hashtag #MeToo était au cœur des discussions cette année. J'aimerais beaucoup entendre tes sentiments sur la Journée Internationale de la Femme ici en Iran ? Te sens-tu concernée ?

Tu sais en Iran, la JIF tombe le même jour que l'anniversaire de la fille de Mohammad, Fatima. Ici, c'est considéré comme le jour de la fête des mères et non celui des femmes. Il ne se passe rien de spécial, c'est juste les membres de la famille qui se réunissent pour acheter des cadeaux à leurs mères et grands-mères, rien d'autre.

GV : Le hashtag #MeToo est-il arrivé jusqu’en Iran ?

J'ai vu quelque chose sur Instagram mais ce n'était pas vraiment sérieux. Le message demande un arrêt des violences faites aux femmes mais ça a duré seulement pendant un ou deux mois. Tu sais, nous n'avons aucun institut pour soutenir ou protéger les femmes. Nous n'avons rien. Concernant la sexualité, nous avons beaucoup de règles compliquées ici, comme par exemple : si un homme viole une fille, l'homme doit épouser la fille et devra s’acquitter du prix d'une main et d'une jambe d'homme pour divorcer (en Iran chaque partie du corps à un prix, le montant varie si vous êtes un homme ou une femme). Si une fille est violée ici et qu’en se défendant elle tue son agresseur, le gouvernement tuera la fille. Certaines règles pour les femmes ne sont pas équitables.


« En Iran, la plupart des hommes ont du mal à comprendre que les gens peuvent être amis sans relations sexuelles. Ils n’arrivent pas à le comprendre »

 

GV : Nous t’avons vu être arrêté deux fois la semaine dernière. Que se passe-t-il quand vous allez en prison ?

Pour le hijab ou si les vêtements ne sont pas bons et qu'ils nous capturent dans les rues, nous allons au poste de police (prison) ou à la voiture (the van). Il y a 8 ou 9 ans, je suis allé en prison et j'ai attendu que ma mère m'apporte le hijab et après j’ai juste signé un formulaire indiquant que je ne le ferai plus.
Mais là-bas, il y avait une fille, une très belle fille, elle devait avoir 14 ou 15 ans mais ils ne lui ont pas donné la permission d'appeler ses parents et ils lui ont dit qu’elle devrait rester pour la nuit (Alien a vraiment peur de ce que la police peut faire aux femmes depuis qu'elle s'est retrouvée à l'hôpital avec une commotion cérébrale et des fractures faciales au cours d'une de ses arrestations).
Vous savez, si la police vous arrête une fois, vous devez juste aller au van et signer un document. La deuxième fois, vous devez rendre visite à une sorte de médecin psychologue. La troisième fois, vous devez passer devant un juge et payer de l'argent, sinon c’est la prison. La sentence se base sur la gravité du crime.

GV : Lorsque tu as été arrêté, deux hommes nous on dit nous a dit qu'en Iran, la femme possédait seulement trois statuts : époux, sœur ou mère. Dans les lieux publics, vous ne pouvez pas avoir de relation d'amitié avec le sexe opposé.

Ce n'est pas vrai, j'ai beaucoup d'amis masculins. Mais les hommes vont regarder les femmes qui sont bonnes pour les relations ou pas, c'est pareil partout dans le monde. Seulement en Iran, la plupart des hommes ont du mal à comprendre que les gens peuvent être amis sans relations sexuelles. Ils n’arrivent pas à le comprendre.

GV : Tu nous as dit à plusieurs reprises que tu n'aimais pas le hijab (le foulard qui cache les cheveux, les oreilles et le cou), mais pouvez-vous comprendre les femmes qui choisissent de le porter comme un choix personnel ?

Bien sûr que oui ! C'est un choix personnel, c'est la même chose que de se dire « quel genre de vêtements que tu veux porter ». C'est simplement qu'elles, elles ont la foi. Moi je ne l’ai pas donc je ne veux pas le porter. Chez les chrétiens et les juifs, l’idée du voile existe aussi, mais le porter ou non n'est pas une règle. Vous ne pouvez pas punir pour le port du hijab, ce n'est pas juste.

GV : Comment définirais-tu le statut actuel de la femme en Iran ?

Prenons l’exemple du mariage par exemple, c'est juste délirant ! Imaginez que l'homme doit faire un cadeau à la femme (1991 pièces d’or généralement), mais c'est comme un achat au final. Les règles pour le mariage sont folles ici. Si la femme veut divorcer après avoir eu des enfants et si ces enfants ont 7 ans et plus alors le gouvernement donnera la garde à l'homme. La femme n'a pas le choix du divorce, seul l'homme peut le suggérer. Il existe une règle qui demande à l’homme de payer une somme d'argent à la femme tous les mois, mais ça reste extrêmement bas. Il s'agit d'environ 4 millions de rials par mois (87 euros) et cela comprend tout : viande, fruits, vêtements, etc. Pour chaque enfant c'est environ 2,5 millions de rials supplémentaires (54 euros). Je considère la femme comme la propriété de l'homme ici.

Le mois dernier beaucoup de femmes sont descendues pour manifester et demander l'égalité des droits au travail. Au final la police a arrêté beaucoup d'entre elles. En Iran le salaire n'est déjà pas égal mais les femmes n’ont en plus pas accès aux emplois qu’elles désirent, beaucoup sont réservés aux hommes comme l'armée, la police ou les pilotes d’avion par exemple. Si les femmes veulent travailler au gouvernement, le hijab n’est plus suffisant, elles doivent porter le chador voir le niqab.

L'endroit où elles travaillent n'est pas toujours sûr pour elles puisque les hommes en profitent pour leur créer des ennuis. J'ai souvent eu ce problème, je ne peux travailler qu'avec des femmes car j'ai eu beaucoup de suggestions au travail qui m'ont beaucoup dérangée.

Pour finir, les sports dans les espaces publics comme le basket-ball et le volley-ball sont interdits pour les femmes…

GV : Parce que les hommes peuvent être excités ? (Les femmes iraniennes se voient expliquées par la police qu'un mauvais comportement de leur part pourrait détourner les hommes de leur travail)

(Rires) Oui ! Même si de nos jours la situation est meilleure, les femmes ont eu de nombreux problèmes avec la police par le passé à cause de ça.

GV : Est-ce que ça a toujours été ainsi en Iran ?

Aujourd'hui ça va un peu mieux mais comme je l’ai dit, à cause de ces règles, le taux de divorce est vraiment élevé maintenant. C'est délirant, l'homme peut tromper comme il le souhaite quand les femmes doivent accepter de partager leurs hommes avec d’autres.

GV : Comment comparerais-tu la situation par rapport aux pays voisins ? L’Arabie Saoudite, le Koweït ou les Emirats Arabes Unis par exemple ?

L’Arabie Saoudite… non la femme en Arabie Saoudite n'est rien. Vraiment, elle n'est rien. Mais dans d'autres pays je pense que c'est mieux. En Afghanistan, c'est compliqué à cause des talibans, des musulmans dogmatiques, mais la situation au Koweït et à Dubaï sont plutôt bonnes. Il existe le problème du mari qui peut avoir plus d'une femme mais la plupart du temps la situation est meilleure qu'ici (à Dubaï, on peut observer des femmes portant des burqas à côté de filles en bikini sur la plage). A Dubaï, il y a beaucoup de prostituées iraniennes, elles y gagnent beaucoup d'argent. Elles y vont pendant 4 ou 6 mois et quand elles reviennent elles ont une belle voiture, une bonne maison, etc. (L’application de rencontre Tinder y sert de principale plateforme de rencontre pour les escort-girls étrangères).

 

« Beaucoup de femmes ici ne savent pas ce qu'est l'orgasme, ou alors elles n'ont pas assez de plaisir »

Dans le Coran, la femme est considérée comme la conseillère de l'homme et la gardienne du foyer. Elle reste cependant contrainte à l'obéissance et aux règles patriarcales. Photo d'Emilio Jaman. Libre de droits.

GV : Penses-tu que la société iranienne est prête au changement, avec un corps de femmes qui possède plus de responsabilités ?

A Téhéran oui ! Dans d'autres villes c'est plus compliqué, pour eux les femmes doivent travailler à la maison comme femme au foyer, c'est plus en accord avec les traditions. Ils préfèrent garder leurs femmes à la maison.

Seulement, les hommes n'ont pas non d'éducation sexuelle. Ils viennent juste introduire cette partie du corps qui est faite pour donner naissance (rires).
Ils apprennent tout des films pornographiques, ou peut-être quelqu'un a cherché un article mais la plupart d'entre eux s’instruisent par ce qu’ils voient dans un porno.

GV : Considèrerais-tu les hommes comme sexuellement égoïstes ?

Beaucoup de femmes ici ne savent pas ce qu'est l'orgasme, ou alors elles n'ont pas assez de plaisir. D’une certaine façon, je trouve les hommes très égoïstes oui. Vous savez qu'il existe une règle dans le Coran qui dit que si les femmes évitent à leur mari de faire l'amour trop longtemps, l'homme peut les battre ? (Officiellement pour empêcher les hommes de s'égarer).

Après le sexe, les hommes iraniens vont remettre leurs vêtements, ils vont aux toilettes et puis retournent dormir. Pas de bisous, pas de câlins. C'est comme s'ils étaient juste là pour répondre à leurs besoins. C'est aussi pourquoi je préfère la masturbation (rires).

GV : Tu nous as dit à plusieurs reprises que tu souhaiterais quitter l'Iran. Pourquoi et qu'attends-tu du monde occidental ?

Je veux juste aller quelque part où le gouvernement ne me dit pas ce que je dois faire dans ma vie personnelle. Ce pays me stresse, je veux juste partir dans un pays où cette pression n’existe plus. J'ai vraiment besoin de ce genre de vie.
Et pour ce qui concerne mon avenir, en Iran nous avons beaucoup de doctorats, de masters et de bacheliers, mais il n'y a pas assez d'emplois. Par conséquent, je pense que pour mon futur, il vaut mieux que je sois dans un autre pays.

GV : Et concernant votre vision des femmes dans ces pays ?

Les femmes sont plus indépendantes et j'aime ce genre de vie. Si elles désirent vraiment quelque chose et qu'elles travaillent pour cela, alors elles peuvent l’atteindre ! Ici, vous avez besoin d'influence pour avoir un bon travail et puis le mariage est si important pour les filles…La société vous juge si vous ne vous mariez pas à un jeune âge.

GV : Tu veux dire à notre âge (rires) ?

(Rires) Yup !

« Vous devez comprendre que l'homosexualité est interdite ici. Le crime est si grave qu’ils les tuent »

En Iran, les homosexuels encourent toujours la peine capitale. Photo de Yanis Papanastasopoulos. Libre de droit.

GV : Nous avons discuté il y a quelques jours sur ta bisexualité, comment la vis-tu en Iran ?

J'ai beaucoup de copines mais vous devez comprendre que l'homosexualité est interdite ici. Le crime est si grave qu’ils les tuent (les homosexuels). Il y a beaucoup d'homosexuels en Iran cependant, le risque est très sérieux pour les garçons et la plupart des lesbiennes doivent être bisexuelles.

GV : Comment arrives-tu à trouver des copines ?

À cause de mon comportement de garçon (Rires) ! Beaucoup de filles m'ont fait des avances et une fille en particulier me l’a suggéré il y a 3 ans. À ce moment-là, j'avais un petit ami mais quand je me suis séparée, je ne pouvais plus être avec des hommes (Alien souffrait d'abus physiques et psychologiques importants de la part de son ancien petit ami) et puis je suis revenue vers elle mais elle s’était déjà fiancée. Je ne voulais pas détruire sa famille et je l'évite depuis.
Je ne peux plus faire confiance aux garçons. Et si je veux être lesbienne, ça devient vraiment difficile à vivre ici. Les hommes iraniens veulent du sexe, seulement du sexe.

GV : Penses-tu que partir à l'étranger pourrait être une solution pour vivre plus librement ta sexualité ?

Oui, je pense que la vie sexuelle est plus saine à l'étranger.

GV : Est-ce qu’il y a quelque chose que tu souhaiterais ajouter ?

Nous avons eu de grandes manifestations en Iran et l'armée a capturé beaucoup de gens et tiré sur beaucoup de monde. Concernant les personnes que la police a arrêtées, ils ont dit qu'elles s’étaient suicidées en prison mais c'est un mensonge, personne n’y croit. Toutes les problèmes dans ce pays sont le fruit du gouvernement et des groupes religieux radicaux, pas du peuple iranien.

Des millions de personnes dans les rues en Espagne pour soutenir la cause féministe

mercredi 14 mars 2018 à 13:04

Manifestations du 8 mars à Madrid, Barcelone, Séville et Vigo. Photos du site web eldiario.es, sous licence CC-BY-SA.

Plus de cinq millions de personnes (peut-être même six) étaient en grève en Espagne le 8 mars pour montrer leur soutien à la lutte féministe, dans un immense mouvement considéré par beaucoup comme un moment historique dans la lutte pour l'égalité de genre.

Le succès a été tel que l'initiative a reçu une couverture médiatique internationale. Les femmes ont accroché leurs tabliers aux balcons en un acte raffiné de solidarité avec celles qui ne pouvaient pas prendre part à la grève à cause de leurs obligations familiales ou de travail.

A l'origine de la grève, il y a surtout les effets économiques de la crise, qui frappent plus durement les femmes que les hommes. Le chômage des femmes est supérieur de 3,4 points à celui des hommes, et leur précarité au travail trois fois supérieure. L'écart des salaires, selon le dernier rapport d”Eurostat, s'établit à 14,9 %, ce qui se traduit aussi par des retraites moindres et une plus grande proportion de femmes en détresse.

En outre, les médias généraux et sociaux ont contribué à l'ampleur de la grève. Ces derniers jours, la presse a largement couvert les opinions des personnalités politiques les plus influentes sur cette grève féministe. Les commentaires s'étageaient du soutien inconditionnel des dirigeants de l'alliance Unidos Podemos (‘Unis nous pouvons’), à la réaction tiède du PSOE favorable aux revendications des femmes mais pas à la grève, jusqu'au rejet pur et simple du Parti populaire qui gouverne le pays.

Le demi-tour pris par le Parti populaire vaut d'être mentionné. Au début de la semaine, ses membres ont débattu et accusé la grève d'instiguer “la confrontation entre hommes et femmes” et de vouloir “briser [notre] modèle de société occidentale”, la disant “irresponsable, élitiste et non solidaire”. Le jour de la grève, le président du gouvernement Mariano Rajoy a surpris tout le monde en soutenant les actions féministes et en désavouant les positions de plusieurs ténors de son parti, dont certains sont allés jusqu'à accuser les femmes d'être des privilégiées, et à demander qui allait s'occuper des vieux et des jeunes :

¿No pueden esas mujeres ir a la huelga? ¿No pueden las autónomas ir a la huelga? Esa huelga es para las élites feministas y no para las mujeres reales que tienen obligaciones.

Ces femmes ne peuvent pas faire la grève ? Les travailleuses indépendantes ne peuvent pas faire la grève ? Cette grève est pour les élites féministes et non pour les vraies femmes qui ont des obligations.

Divergences d'opinions : la discussion sur le racisme à l'intérieur du mouvement féministe espagnol

Le groupe Afroféminas a indiqué qu'il ne se joindrait pas à la grève qu'il considère comme étant le produit d'un “féminisme mainstream, expressément blanc” :

No hay representación, ni visibilización de nuestras posturas, y nuestra principal reivindicación como mujeres racializadas [es que] el racismo se obvia, ya que en realidad, no se le da ninguna importancia. La brecha más grande es entre blancxs y racializadxs.

Il n'y a ni représentation ni visibilité de nos positions, et notre principale revendication de femmes racialisées [est que] si le racisme est une évidence, dans la réalité, on ne lui accorde aucune importance. Le fossé le plus grand est entre blanc.he.s et racialisé.es.

Une position qui a exaspéré certaines féministes, telle “qwerty”, qui a commenté sur leur site web :

Vamos, el problema es que no os victimizan lo suficiente. En lugar de pelear por salir adelante, a llorar para dar pena. Claro que sí, guapis.

Allons, le problème c'est qu'on ne vous victimise pas assez. Au lieu de vous démener pour aller de l'avant, vous pleurez pour faire pitié. Bien sûr que oui, les filles.

Mais la plupart ont compris les raisons du collectif, comme Carolina, une participante à la discussion sur le site :

Gracias por vuestro testimonio, de este nos queda reflexionar y trabajar todo lo posible para incluir a todas. No hay excusas que valgan, hay que trabajar esto ya. Gracias.

Merci pour votre témoignage, nous devons réfléchir à ceci et faire tout notre possible pour inclure toutes. Il n'y a pas d'excuse qui tienne, il faut travailler là-dessus maintenant. Merci.

Position de l’Église et réactions sur les médias sociaux

L’Église catholique s'est aussi exprimée sur le mouvement féministe, bien qu'avec des opinions contradictoires. D'un côté, l'archevêque de Madrid Carlos Osoro a dit comprendre les femmes qui soutiennent la grève car elles doivent “défendre leurs droits”, concluant : “Je le ferais aussi, en fait, la Très Sainte Vierge Marie le fait aussi”. L'évêque de Saint Sébastien, Ignacio Munilla, connu pour ses idées ultra-conservatrices polémiques, a pour sa part déclaré dans un entretien à Radio Maria :

Es curioso cómo el demonio puede meter un gol desde las propias filas. El feminismo, al haber asumido la ideología de género, se ha hecho una especie de ‘hara kiri’

C'est curieux comme le démon peut marquer un but contre ses propres rangs. Le féminisme, en assumant l'idéologie du genre, s'est comme fait ‘hara-kiri’

Ce qui lui a attiré la riposte sur Twitter d'une utilisatrice nommée Filosofía Perdida :

#EsMachismoCuando (#C'estDuMachismeQuand) tu vois le diable dans le féminisme et l'égalité mais que tu ne le vois pas dans la pédérastie ni la pédophilie.

Le mot-dièse #EsMachismoCuando (#C'estDuMachismeQuand) a été tête de tendance sur les médias sociaux, où les débats ont été enflammés :

#EsMachismoCuando (#C'estDuMachismeQuand) une femme qui avorte est une meurtrière, alors qu'un homme qui tue sa femme est un meurtrier présumé.

#EsMachismoCuando (#C'estDuMachismeQuand) les hommes tolérons et même rions des blagues machistes des autres et n'avons pas le courage de les réprimander.

#EsMachismoCuando (#C'estDuMachismeQuand)

- C'est comme ça que tu t'habilles ? Tu vas en classe où à une fête ?
– Assieds-toi comme une dame
– Cherche-toi un mec avec du fric
– C'est différent pour ton frère, tu es une fille
– Qui voudra se marier avec toi si tu ne sais même pas cuire un œuf ?

D'autres ont utilisé le mot-dièse pour exprimer des opinions totalement inverses :

#EsMachismoCuando (#C'estDuMachismeQuand) celles qui se font appeler féministes m'obligent à détester tous les hommes avec le mot d'ordre ‘les machos à la machette’.

#EsMachismoCuando (#C'estDuMachismeQuand) la femme est intéressée. Aucune ne naît avec un contrat sous le bras l'obligeant à se marier, avoir des enfants, etc. C'est optionnel. C'est bien de jouer la victime pour tout, à toute heure. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Vous (certaines) voulez tout.

#EsMachismoCuando (#C'estDuMachismeQuand) quand un couple se sépare et que l'homme reste sans la maison et verse une pension aux enfants chaque quinzaine ; aussi, quand une femme dénonce un homme et on l'arrête sans rien lui demander ; quand tu vois seulement ce que tu veux.

Divergences d'opinions et débats enflammés ou pas, une chose est sûre, le 8 mars 2018 restera une journée historique pour les revendications féministes en Espagne.