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Au Tadjikistan, le parlement veut contrôler les citoyens visitant des sites internet ‘indésirables’

mercredi 2 août 2017 à 12:47

Monument de l'Indépendence à Douchanbé, Tadjikistan. Photo de Roberts Wilson via Flickr (CC BY-ND 2.0)

Les services de sécurité au Tadjikistan vont bientôt avoir le droit de suivre les activités en ligne des citoyens, en tenant un registre détaillé des SMS et messages des téléphones cellulaires, des commentaires sur les réseaux sociaux, et de quiconque visite “des sites internet indésirables”.

Cette semaine, les parlementaires ont voté une loi qui donne aux services de sécurité du pays le droit de suivre et de contrôler les activités en ligne des citoyens, dans le cadre de l'ensemble d'une série d'amendements à la loi pénale actuelle.

Ceux-ci n'ont pas encore été rendus public mais le site internet d'informations locales Asia Plus a obtenu des spécialistes et des parlementaires quelques détails. Selon le site, deux unités spécialisées en cybersécurité au Ministère de l'Intérieur seront chargées de suivre en ligne les Tadjiks.

Le député local Saidjafar Ismonov a dit à Asia Plus à propos du “commentaire inapproprié,” qu'un commentaire pourra être sanctionné par une amende.  Des commentaires jugés portant atteinte à l'honneur d'une personne ou à la sécurité nationale peuvent être sanctionnés d'une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus. La nature exacte  “du site indésirable” ou du “commentaire inapproprié” n'est pas précisée.

Une fervente partisane de la loi est Ozoda Rahmon, qui en plus d'être la fille du Président et son directeur de cabinet, siège en sénatrice au Majlisi Milli, la Chambre Haute de l'Assemblée nationale du pays.

Le député tadjik Jurakhon Mahmadzoda a été l'initiateur des amendements et les justifie par le fait, sans en apporter la preuve, que plus de 80 % des Tadjiks ayant accès à internet se rendent sur “des sites indésirables appartenant à des extrémistes et à des organisations terroristes.”

L'expert en technologie internet Muhammadi Ibodullev a dit au service tadjik de RFERL que l'affirmation de Mahmazoda pourrait s'expliquer par une simple erreur de compréhension. Au cours d'une conférence tenue récemment dans la capitale Douchanbé, un intervenant a dit que “80 % des membres tadjiks de l'EI [le groupe de militants fondamentalistes qui contrôlent des poches des territoires d'Irak, de Syrie et d’ Afghanistan] avaient été recrutés par d'autres, y compris par le biais d'internet.”

Ce sont deux statistiques très différentes, mais le député Mahmadzoda était pressé de trouver une solution à ce qu'il perçoit comme une perte de contrôle d'internet.

Réagissant aux nouvelles, les utilisateurs de Facebook ont fait part de leurs inquiétudes quant à la manière de déterminer le caractère “indésirable d'un site”:

Без опубликованного списка могут интерпретировать что угодно. Зайдешь на сайт, выйдешь. А кто-то после тебя там напишет что-то новое а ты там был…

En l'absence de liste publiée [de sites internet] ils peuvent l'interpréter comme bon leur semble. Tu vas sur un site et tu le quitte. Mais après ta visite le site peut publier quelque chose de nouveau et tu y as été…

La loi illustre aussi un changement de stratégie du gouvernement tadjik, qui dans le passé avait choisi de censurer les sites internet et services controversés. Maintenant, plutôt que d'empêcher les citoyens d'accéder à du contenu en ligne, ils vont utiliser ces sites comme des moyens de suivre les activités des citoyens.

En fait, durant plusieurs années, le Tadjikistan a périodiquement bloqué l'accès aux réseaux sociaux populaires, tels que ceux des russes Odnoklassniki et VKontakte, Facebook, YouTube, et les sites internet d'informations locales. Ces sites étaient en général bloqués durant les périodes de vives tensions politiques ou de troubles de l'ordre public, comme les affrontements armés dans certaines parties du pays. YouTube a été bloqué pendant une semaine en 2013 après qu'une vidéo du Président Emomali Rahmon dansant au mariage de son fils fut devenue virale.

Après quelques semaines ou mois, l'accès a été entièrement rétabli sous la pression internationale. Mais durant ces dernières années, la totalité de ces sites internet ont été bloqués, sans la moindre explication particulière.

Le gouvernement admet rarement qu'il ordonne le blocage d'internet, mais les fournisseurs d'accès à internet ont confirmé à plusieurs reprises avoir reçu de fréquentes injonctions verbales des autorités.

Le manque chronique d’accès aux réseaux et plateformes d'informations ont provoqué l'utilisation généralisée des Réseaux privés virtuels qui sont devenus pour les citoyens tadjiks le principal moyen d'accès aux sites bloqués et surtout aux réseaux sociaux.

Mais cela pourrait changer avec la nouvelle législation. Il semble que les autorités aient choisi de bientôt rendre accessibles les réseaux sociaux pour les utiliser comme moyens de surveillance des citoyens, plutôt que de contrôler le public en mettant ces sites internet hors de sa portée.

Au Salvador, le «  passage piéton arc-en-ciel  » protège les piétons et les droits LGBTQ

mercredi 2 août 2017 à 11:23

Image d'un reportage vidéo réalisé par El Faro TV. Publié sous licence Creative Commons.

Au Salvador, plus de vingt artistes et défenseurs des droits LGBTQ ont peint des passages piétons aux couleurs du drapeau arc-en-ciel LGBTQ dans le centre ville de la capitale San Salvador, entre le boulevard des Héros et l'avenue des Andes. C'est la première fois qu'un pays d'Amérique centrale autorise un tel soutien à la communauté LGBTQ.

La communauté LGBTQ salvadorienne a accompli une avancée importante dans sa visibilité et sa normalisation en société en obtenant une œuvre d'art permanente au coeur de la capitale. Cette réalisation a une portée plus significative que le mois de la Gay Pride, organisée en juin.

Le reportage vidéo ci-dessous (en espagnol), réalisé par El Faro TV, montre les différents manières dont les artistes se sont réunis et ont préparé leur intervention. Pour Nicolás Rodríguez, défenseur des droits LGBTQ et principal organisateur de l'initiative, le passage piéton peut être vu comme un symbole du respect pour les piétons, mais aussi pour la diversité sexuelle :

Les artistes ont marqué l'occasion dans la joie avec des pétards car leur création, « le Grand spectacle dans le ciel  », aura un impact durable sur la société salvadorienne. En plus de représenter la diversité sexuelle qui inclut tous les citoyens salvadoriens, le projet espère protéger les piétons.

“Todos somos iguales como personas; la convivencia en paz y armonía contribuye a reducir la violencia, y esta iniciativa contribuye a que el peatón, en especial los de la comunidad LGTBI, no sufran violencia de parte de los conductores”, comentó Nicolás Rodríguez, uno de los organizadores.

« Nous sommes tous égaux, tous des personnes. Cohabiter en paix et en harmonie contribue à réduire la violence, et cette initiative va aider à ce que les piétons, particulièrement ceux de la communauté LGBTQ, ne souffrent pas de la violence causée par les conducteurs, » a commenté Nicolás Rodríguez.

Les membres de la communauté LGBTQ du Salvador, en particulier les transgenres et transsexuels, ont subi une augmentation de la violence. Malgré certaines initiatives du gouvernement pour protéger les droits de la communauté LGBTQ, le nombre d'attaques n'a pas diminué, en partie à cause des problèmes associés à la violence des gangs et la violence policière qui ont eu pour conséquence le meurtre de plus de 600 homosexuels, transsexuels, ou transgenres depuis les années 1990. Ces actes de violence ont également lieu aujourd'hui, pas seulement en termes de violence physique, mais aussi de menaces, d'extorsion et d'expulsions (de leurs maisons ou de leurs pays).

Dans ce contexte, cette œuvre d'art publique est un pas en avant pour les droits de la communauté LGBTQ au Salvador.

Facebook peut-il tenir sa promesse de connecter un milliard de terriens?

mardi 1 août 2017 à 23:47
Annonces publicitaires de Free Basics de 2015. Des images largement partagées sur les médias sociaux.

Annonces publicitaires de Free Basics de 2015. Images largement partagées sur les médias sociaux.

En 2015, Facebook a lancé un projet visant à combler le fossé numérique dans les pays en développement avec une application mobile appelée “Free Basics”.

Le programme Free Basics crée pour cela une “rampe d'accès” à Internet grâce à une plate-forme mobile fermée qui permet aux utilisateurs d'accéder gratuitement à quelques services en ligne, tels que Accu Weather, BBC News et Wikipédia.

Actuellement disponible dans 63 pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine, l'application Free Basics est devenue une partie de l'ambition de Facebook de devenir la plate-forme sociale la plus populaire et la plus puissante sur Terre. Treize ans après sa naissance, Facebook a maintenant deux milliards d'utilisateurs actifs mensuels, plus de personnes que la population totale de la Chine. Et la société a particulièrement travaillé au cours des deux dernières années pour rendre ses produits populaires et faciles à utiliser dans les pays en développement (carte ci-dessous). Free Basics est une partie importante de cette stratégie.

Sur le site Web promotionnel [fr] pour l'application, Facebook explique que “[fr] introduisant les gens aux bénéfices d'Internet”, l'application aidera à justifier le coût des données mobiles et, par conséquent, “amener davantage de personnes en ligne et contribuer à améliorer leur vie”.

Alors, quelle est la performance de l'application pour les intérêts et les besoins locaux?

Au printemps 2017, un groupe d'experts des technologies et des droits numériques de Global Voices en Colombie, au Ghana, au Kenya, au Mexique, au Pakistan et aux Philippines s'est proposé de répondre à cette question. Nous avons mené une série d'études de cas dans ces pays où nous avons utilisé l'application et l'avons testée en fonction de la convivialité et des références Internet ouvertes que nous avons développées en consultation avec des experts mondiaux des politiques des TIC et d'Internet. Lisez ici le rapport complet.

Par cette recherche, nous visons à accroître la sensibilisation du public, ainsi que ses connaissances sur les droits numériques et le secteur des technologies de la communication et de l'information sur l'utilité de Free Basics dans les pays où l'application a été déployée.

Nos principales conclusions:

À propos de la recherche

Nous avons évalué Free Basics en fonction de critères développés collectivement de qualité de connexion, de langue et d'accessibilité, du contenu ainsi que des politiques de confidentialité / données. Chaque chercheur a utilisé et évalué l'application dans son pays d'origine et a écrit une brève étude de cas résumant ses résultats.

Notre rapport de recherche complet reflète nos conclusions et nos analyses collectives. Les annexes au rapport comprennent notre méthodologie, une liste sélective des services tiers fournis par Free Basics et une collection de captures d'écran de chaque version de l'application. Nous encourageons les lecteurs et les chercheurs curieux à explorer tous ces matériaux et à envisager de les utiliser pour mener leurs propres recherches ou analyses.

Rapport de recherche complet [PDF]

Étude de cas en Colombie [PDF]

Étude de cas au Ghana [PDF]

Étude de cas au Kenya [PDF]

Étude de cas au Mexique [PDF]

Étude de cas au Pakistan [PDF]

Étude de cas aux Philippines [PDF]

Annexe 1: Methodologie [PDF]

Annexe 2 : Sélection de services de Free Basics [Google drive]

Annexe : Captures d'écran [Google drive]

 

L'équipe de recherche

  • Kofi Yeboah est un blogueur ghanéen qui s'intéresse à la liberté d'Internet. Contributeur actif à Global Voices, il a servi de coordinateur de recherche pour le projet Free Basics in Real Life. Il travaille actuellement avec Population Services International, au Ghana, comme responsable des communications.
  • Monica Paola Bonilla >est une linguiste qui collabore à Global Voices depuis 2015. Elle a travaillé sur des projets de documentation linguistique et de localisation de logiciels vers des langues autochtones parlées en Colombie, au Mexique, en Equateur et au Pérou. Ses domaines d'intérêt sont la linguistique appliquée, l'alphabétisation numérique, l'inclusion numérique, les logiciels libres, l'informatique et les langues autochtones. Elle est la représentante de Mozilla pour la Colombie ; elle dirige le Club Mozilla Nativo et travaille pour un site Web ouvert et accessible pour tous.


  • Mahnoor Jalil est stagiaire chez Mindmap Communications. Elle travaille avec Karachi Youth Productions et a participé à plus de douze conférences modèles des Nations Unies. Elle attend avec impatience de commencer sa licence en médias plus tard cette année.

  • Faisal Kapadia est écrivain, blogueur et cofondateur de Mindmap Communications, une agence de médias numériques au Pakistan et aux Émirats arabes unis. Il est auteur pour Global Voices depuis 2007. Il a co-produit un podcast que Google Pakistan a nommé le meilleur du Pakistan en 2010. Il écrit actuellement une chronique hebdomadaire dans le Daily Times. Faisal possède une licence en systèmes d'informatique de gestion et il est un formateur expérimenté dans les médias et les contenus numériques.

  • Mong Palatino est l'éditeur pour l'Asie du Sud-Est de Global Voices. Il est également un militant basé à Manille, aux Philippines.
  • Giovanna Salazar est une chercheuse sur Internet qui se concentre sur le contrôle de l'information et l'activisme numérique en Amérique latine. Elle est titulaire d'une maîtrise en études médiatiques de l'Université d'Amsterdam et agit à titre d'agent de plaidoyer et de communication à SonTusDatos.org, une ONG mexicaine axée sur la protection de la vie privée et des données en ligne. Elle participe régulièrement aux équipes Advox et Amérique latine de Global Voices.

  • Le travail de Njeri Wangari Wanjohi réside à l'intersection des arts, de la technologie et des médias. Pionnière du blogging au Kenya, elle dirige kenyanpoet.com depuis plus de dix ans et est l'une des fondatrices de l'Association des bloggers du Kenya (BAKE). Elle est également poète et auteur de Mines & Mind Fields: My Spoken Words. Avec sa formation dans les TIC spécialisée dans le soutien des systèmes, elle a fondé en 2014 AfroMum, une publication en ligne de premier plan pour les femmes en Afrique, qui se concentre sur la famille, la technologie et d'autres questions touchant les femmes. Elle contribue à Global Voices, Mail & Guardian Africa, Kenya Monitor et The Nairobi Garage Newsletter. Njeri est actuellement responsable du marketing à GeoPoll, une plate-forme d'enquête mobile.

Ghana : l'offre Free Basics de Facebook a-t-elle réellement amené plus d'Africains en ligne?

mardi 1 août 2017 à 12:57
Vous pouvez rechercher Bing sur Free Basics au Ghana, mais vous ne pouvez accéder à aucun des sites Web dans les résultats de la recherche, sauf s'ils font partie du package Free Basics. Capture d'écran de Kofi Yeboah.

On peut effectuer des recherches sur Bing avec Free Basics au Ghana, mais sans pouvoir accéder à aucun des sites web des résultats de la recherche, sauf s'ils font partie du package Free Basics. Capture d'écran de Kofi Yeboah.

Dans le monde entier, les efforts visant à accroître l'accès à Internet sont vastes : il y a de tout, du développement d'infrastructures publiques-privées, aux réseaux de maillage communautaires [fr] d'Oaxaca au Cap-Vert, aux ballons connectant au WiFi de Google.

Autre action, le projet Internet.org [fr] de Facebook, décrit [fr] par la société de Silicon Valley comme une initiative visant à offrir l'accès à Internet et les avantages de la connectivité à la partie du monde qui ne les possède pas. Le produit-phare d'Internet.org est une application mobile appelée Free Basics, qui permet aux utilisateurs d'accéder gratuitement à Facebook et à quelques autres services en ligne tels que Accu Weather, BBC News et Wikipedia.

Facebook explique sur le site Internet.org [fr] que l'application est destinée à aider les gens à justifier le coût des données mobiles:

“En leur présentant les avantages d’Internet par l’intermédiaire de ces sites web, nous espérons connecter plus de personnes et améliorer leur vie.”

Afin de mieux comprendre l'impact de l'application Free Basics, et son rôle dans le plus vaste éventail d'initiatives mondiales de développement de l'accès à Internet, un groupe de contributeurs à Global Voices a testé l'application Free Basics dans six pays à travers le monde au printemps 2017. Nous avons mené des études de cas en Colombie, au Ghana, au Kenya, au Mexique, au Pakistan et aux Philippines, ainsi qu'un examen de la recherche, de la critique et de la documentation publique sur l'utilisation et l'utilité de l'application. [En savoir plus sur notre recherche]

Free Basics est disponible dans 63 pays, dont 26 en Afrique. Facebook a établi des partenariats avec les opérateurs de télécommunications mobiles qui fournissent ces données supplémentaires permettant à leurs abonnés d'accéder à l'application Free Basics.

Lorsqu’on utilise Free Basics via Tigo au Ghana, l'écran principal de l'application ressemble à ceci :

Écran principal de Free Basics au Ghana, via Tigo. Capture d'écran par Kofi Yeboah

Écran principal de Free Basics au Ghana, via Tigo. Capture d'écran par Kofi Yeboah.

L'application offre les sites suivants:

La plupart des sites offerts sont basés aux États-Unis ou en Europe. Les seuls sites locaux ou versions locales des services présentées sur l'écran principal incluent le site de commerce électronique Tonaton Ghana, le site de recherche d'emploi Jobberman Ghana, Super Sports et les sites d'informations Ghana Web et Ghana News, qui ont tous deux tendance à présenter des articles inspirés d'autres ou qui ont déjà été publiés ailleurs.

Le moteur de recherche Bing est également disponible au Ghana, et sur la plupart des autres versions que nous avons testées. Bien sûr, il a une utilité limitée, étant donné que presque tous les liens qui apparaissent dans les résultats de recherche sont inaccessibles. Lorsqu'un utilisateur essaie de sélectionner un lien à partir des résultats de recherche sur Bing, il reçoit une notification indiquant que “des frais de données s'appliquent”. Si l'utilisateur n'a pas d'abonnement incluant les données, il lui est impossible d'accéder au site en question.

Un ensemble plus vaste d'applications, allant des applications de formation aux sites de sport et de divertissement, se trouve sur une page distincte à quelques clics de l'écran principal. Presque tous ces sites sont basés en dehors du Ghana et beaucoup d'entre eux hors d'Afrique.

Lorsque les abonnés utilisent les sites Web disponibles sur l'application Free Basics, ils n'accèdent pas à la version complète de ces sites. Par exemple, si un utilisateur veut accéder à l'application Facebook dans Free Basics, il ne pourra pas consulter des images ou regarder des vidéos sur l'application.

Les sites Web d'actualités suppriment des vidéos, y compris celles du Daily Nation au Kenya, représentées ici. Capture d'écran de Njeri Wangari.

Les sites Web d'actualités suppriment des vidéos, y compris celles du Daily Nation au Kenya, représentées ici. Capture d'écran de Njeri Wangari.

Si un utilisateur arrive à une vidéo ou à une image sur un site d'information, celles-ci également sont supprimées de l'écran, comme on peut le voir dans l'image ci-dessus. Les utilisateurs sont informés par l'application qu'ils doivent payer des frais de données s'ils veulent voir une image ou regarder une vidéo sur l'application Free Basics.

Free Basics n'offre à ses utilisateurs qu'un accès limité aux sites Web et à d'autres applications importantes. Il n'offre pas l'accès à des sites gouvernementaux ou publics, ni aux sites des principaux concurrents de Facebook. Par exemple, Free Basics n'a aucune application Twitter. Il n'inclut pas non plus d’application de messagerie.

Annonce Facebook gratuit, par Airtel.

Publicité pour Facebook gratuit, par Airtel.

Depuis sa création, Free Basics a soulevé beaucoup de préoccupations au sujet de la neutralité d'Internet, une formulation du secteur des nouvelles technologies utilisée pour indiquer que n'importe qui, de n'importe où dans le monde, devrait être en mesure d'accéder à des services et du contenu sur Internet ou d’en fournir. En d'autres termes, cela signifie que dans un Internet vraiment ouvert, tous les contenus sont traités de manière égale.

Les intérêts en jeu des entreprises faisant partie du programme Free Basics sont difficiles à ignorer. Outre les intérêts de Facebook et de la poignée de sites ou de services offerts sur l'application, les opérateurs de télécommunications locaux tirent également profit de Free Basics.

Les articles précédents de BuzzFeed News ont prouvé comment les opérateurs de télécommunications – pas Facebook – couvrent le coût réel de la fourniture aux utilisateurs des données mobiles de l'application Free Basics. Les campagnes publicitaires locales et même les commentaires des employés des entreprises de télécommunications indiquent que Free Basics a servi de moyen d'acquérir de nouveaux abonnés en les attirant par la promesse de l'accès gratuit à Facebook.

John-Paul Iwuoha, un auteur et influent analyste social, a conseillé les gouvernements africains dans un article publié sur le Huffington Post intitulé “Dear Mr. Zuckerberg: Thanks for ‘Free Basics’ in Africa, But We’re Not Totally Convinced.” (Cher M. Zuckerberg : Merci pour “Free Basics en Afrique, mais nous ne sommes pas totalement convaincus.) Iwuoha l'écrit :

While Mr. Zuckerberg firmly believes that restrictive editions of the internet like Free Basics and the principles of net neutrality can co-exist, I have banged my head against the wall several times to imagine how that would happen.

Africa’s history is littered with governments and “gatekeepers” who seek to censor and control access to information, monopolize public conversations, and regulate communication and expression. The open internet is helping to break that stranglehold, and the outcomes could change everything (or most things) for the continent. Therefore, it’s in Africa’s best interests to hold on to the principles of net neutrality to avoid a return to the “dark days.”

Facebook says it doesn’t handpick the services on Free Basics anymore, and now admits any service or website that meets its “criteria.” This sounds comforting, but we must not lose our guard as long as Facebook — a profit-driven, U.S.-based company — retains gate-keeper powers over millions of Africans who will likely come online as a result of Free Basics.

[…]

Facebook’s actions and strategic business investments in Africa need to reflect its vision of bringing internet access to all Africans. Not just a slice of the internet, but all of it.

Alors que M. Zuckerberg croit fermement que des versions réduites d'Internet comme Free Basics et les principes de neutralité du net peuvent coexister, je me suis creusé les méninges pour imaginer comment cela se produirait.

L'histoire de l'Afrique regorge de gouvernements et de “gardiens” qui cherchent à censurer et contrôler l'accès à l'information, à monopoliser les débats publics ainsi qu'à réglementer la communication et l'expression. L'Internet ouvert contribue à briser cette domination, et les résultats pourraient tout (ou beaucoup) changer pour le continent. Par conséquent, il est dans l'intérêt de l'Afrique de s'accrocher aux principes de la neutralité du réseau pour éviter un retour aux “jours sombres”.

Facebook dit proposer plus de services sur Free Basics, et maintenant admet tout service ou un site Web qui répond à ses “critères”. Cela semble réconfortant, mais nous ne devons pas perdre notre vigilance aussi longtemps que Facebook – une entreprise américaine motivée par le profit – conserve le pouvoir de censurer des millions d'Africains qui seront probablement en ligne grâce à Free Basics.

[…]

Les actions de Facebook et les investissements commerciaux stratégiques en Afrique doivent refléter leur vision d'apporter l'accès à Internet à tous les Africains. Pas seulement à une partie d'Internet, mais tout I'Internet.

Si, en fait, les responsables de Facebook voulaient améliorer le savoir des gens à travers le monde, en particulier dans les pays en développement, ils ouvriraient leur plate-forme pour inclure plus de langues, donner accès à des fonctionnalités clés comme les images et les vidéos – un moyen formidable et dynamique pour partager et améliorer les connaissances – et permettre aux utilisateurs d'accéder à plus d'informations sur le Web.

Pourquoi les Russes restent indifférents à la guerre en Syrie

mardi 1 août 2017 à 11:59

Peinture de rue lors de l'Assemblée Générale de l'ONU en septembre 2013, montrant des réfugiés syriens qui observent les présidents Poutine et Obama penchés sur une carte de la Syrie. Oeuvre d'Eduardo Relero, photo : Oxfam. CC BY-NC-ND 2.0

Sergueï Davidis est un opposant politique et défenseur des droits russe. Il est membre du conseil du Centre Mémorial pour les droits humains, ainsi que du Conseil fédéral de coordination du Parti du 5 décembre. 

SyriaUntold l'a questionné pour comprendre le positionnement de la société civile russe sur le conflit syrien, un dialogue qui est le produit d'un partenariat entre SyriaUntold et openDemocracy Russia (oDR), et est republié ici dans le cadre du partenariat de Global Voices avec SyriaUntold.

SyriaUntold : Les civils syriens sont soumis depuis plus de six ans à une violence sans précédent. Pourquoi la société civile russe reste-t-elle silencieuse sur le sujet ? Existe-t-il des initiatives de solidarité méconnues ?

Davidis : Je ne crois pas qu'il y ait la moindre initiative solidaire significative dont le monde n'aurait pas connaissance. On trouve de temps en temps des piquets de solidarité, ou des slogans solidaires dans les manifestations générales de l'opposition, notamment celles concernant l'Ukraine.

Quand le Kremlin décida de déployer des troupes en Syrie [en 2015], il y a eu une manifestation contre [à Moscou], avec trois mille personnes. Il y a eu une tentative de tenir une manifestation de solidarité au paroxysme de l'assaut contre Alep en novembre 2016 — ç'avait eu une certaine résonance dans la société, mais les autorités municipales lui ont refusé leur autorisation. A l'époque, il y a eu quelques actions de protestation dans un petit nombre de villes russes, mais avec des effectifs réduits. Il existe une solidarité avec les Syriens sur les réseaux sociaux russes, mais elle reste très discrète.

Les raisons du silence de la société russe sur la question sont complexes, et probablement impossibles à expliquer totalement. Je soupçonne que les facteurs suivants jouent :

– la couverture de la situation en Syrie par les médias sous contrôle de l’État. Si cette couverture mentionne la violence contre les civils, il s'agira des actes de violence commis par l'EI [aussi appelé État islamique, ou Daech] ou la coalition internationale [menée par les États-Unis]. La Russie est présentée comme le défenseur des populations civiles ;

– le conflit en Syrie ne rentre pas dans la dichotomie de la bataille entre la démocrate occidentale et l'autocratie poutinienne ;

– l'insuffisance générale de l'information sur la situation en Syrie, et la complexité de cette situation pour les Russes — comprendre ce qui se passe, surtout sur la base d'une information fragmentaire et déséquilibrée, et donc savoir qui soutenir et pourquoi, est très malaisé ;

– le contexte syrien lui-même est culturellement étranger et incompréhensible pour les Russes (contrairement à l'Ukraine), et le niveau d'empathie pour le peuple syrien est bas ;

– la menace du terrorisme islamiste, et en premier lieu, de l’État islamique, est ressentie comme une réalité, et l'opinion russe a du mal à faire la distinction entre le combat contre l'EI et les autres conflits armés en Syrie.

Sergueï Davidis. Source photo : Parti du 5 décembre.

SyriaUntold: Qu'en est-il de l’opposition russe au gouvernement actuel ? Quelle est sa position sur le conflit syrien ?

Davidis: La véritable opposition au pouvoir russe — l'opposition hors-système — a une vision négative de la guerre de Poutine en Syrie. C'est aussi le cas de l'opposition qui se dit “libérale”, tout comme d'une portion considérable de l'opposition nationaliste russe et de la gauche russe. Mais les arguments principaux des groupes d'opposition russes sont plus pragmatiques qu'humanistes — la Russie dépense pour une guerre lointaine et inutile, des fonds qui devraient servir à résoudre les innombrables problèmes intérieurs chez elle.

Néanmoins, l'idée que le gouvernement Poutine guerroie en Syrie pour soutenir Bachar Al-Assad, contrer l'Occident et satisfaire ses propres ambitions géopolitiques, plutôt que de réellement s'attaquer à l'EI et aux autres mouvements terroristes, est vu par l'opposition à des degrés divers comme une évidence.

SyriaUntold: L'indifférence envers la Syrie a t-elle un rapport avec l'état déplorable des libertés publiques dans la Russie d'aujourd'hui ?

Davidis: Il est difficile de juger exactement la relation entre les deux. Mais il en existe certainement une. Au minimum, les multiples problèmes des droits et libertés en Russie absorbent beaucoup de temps du secteur de la société russe qui est, théoriquement, disposée à exprimer ses inquiétudes sur ces questions intérieures, ce qui ne laisse pas d'énergie disponible pour les problèmes existant loin de la Russie. De plus, les restrictions continuelles à la liberté de réunion et d'expression rendent d'autant plus difficile la transmission de notre message au reste de la société.

SyriaUntold: Pour quelles parts l'apathie pour la cause syrienne peut-elle être attribuée à l'indifférence générale pour les guerres lointaines, ou marque-t-elle un soutien général à la politique syrienne du gouvernement russe ?

Davidis: Les deux aspects sont présents ici, mais pour comprendre leur part respective, la comparaison avec l'annexion de la Crimée et l'agression contre l'Ukraine est révélatrice. D'après les sondages, ces actions du pouvoir russe ont reçu un soutien beaucoup plus grand de la société. Néanmoins, la contestation de l'agression d’État et la solidarité avec les Ukrainiens a été significativement plus visible dans la société russe. Ainsi, concernant la Syrie, l'approbation des actions du pouvoir russe est extrêmement passive. Certes, c'est précisément l’indifférence à une guerre lointaine, étrangère et incroyablement complexe qui est ici la clé.

SyriaUntold: Dans quelle mesure le pays dispose-t-il de sources d'information en russe fiables et diversifiées ? Quelle est la perception générale de la couverture médiatique russe sur la Syrie ? Et l'avis prédominant sur la façon dont les médias occidentaux couvrent le conflit ?

Davidis: Quelles sources d'information sur les événements en Syrie sont absolument fiables, c'est difficile à dire, du moins en Russie. Mais il est évidemment impossible de parler de diversification des moyens d'information en Russie. Dans les médias officiels, qui sont plus ou moins la source principale d'information pour la majorité des Russes, la couverture est pure propagande et complètement biaisée. Sur les rares médias d'opposition et l'internet, la diversification se résume à réfuter l'information officielle, à relever les pertes russes, les dépenses pour la guerre et les erreurs militaires et géopolitiques de Poutine et Assad, plutôt que d'essayer de dresser un tableau réel, holistique de ce qui se passe en Syrie.

Le tableau du conflit syrien, tel qu'il ressort des grands médias occidentaux, est pratiquement inaccessible au spectateur russe — un type de paradigme informationnel (pas uniquement par rapport à la Syrie, mais aussi en termes d'attention portée) qui n'existe pas en russe, même dans les médias d'opposition. Le tableau que l'on voit dans les médias russes officiels et pro-gouvernementaux est essentiellement différent, à l'opposé, de son homologue occidental. Même chose dans la presse alternative.

SyriaUntold: Existe-t-il un Syrien acteur de la société civile, intellectuel, ou artiste qui a réussi à toucher le public russe ? Du fait des relations historiques entre le régime Assad et l'URSS-Russie, un nombre non négligeable de Syriens vivent toujours en Russie, et certains d'entre eux parlent couramment le russe. Quel est le rôle de cette communauté syrienne russophone en Russie et au-dehors ? A-t-elle une influence sur la formulation du récit sur la Syrie en Russie ?

Davidis: Je ne trouve aucun exemple réussi de Syriens qui auraient réussi à séduire l'opinion russe, ni de rôle joué par des Syriens russophones. Le seul cas qui me vient à l'esprit, c'est peut-être les déclarations de Muhammed Fares, le premier cosmonaute syrien. Fares, qui a conduit une mission dans la station spatiale Mir en 1987, a rejoint l'opposition en 2012 et fini par fuir en Turquie. En novembre 2015, Fares a appelé les Russes à soutenir la lutte contre Assad, ce qui a eu une certaine résonance dans la société.

SyriaUntold: Certains ont prétendu que l'islamophobie a joué un rôle dans la baisse de l'empathie pour la cause syrienne (notamment comparée avec la cause ukrainienne). Si c'est le cas, les Russes ont-ils le même regard sur la Syrie que sur la Tchétchénie, donc avec les mêmes préjugés sur une cause supposée islamiste ? Qu'en est-il des musulmans russes ? Est-ce qu'ils se font entendre sur la Syrie, ou bien la mobilisation est-elle cantonnée aux islamistes radicaux ?

Davidis: Je ne crois pas que l'islamophobie soit une clé de compréhension de l'indifférence des Russes pour la Syrie. Elle a un certain rôle. La société refuse de comprendre les confrontations internes, ou de gaspiller son énergie à distinguer les terroristes de l'EI des autres groupes qui se battent en Syrie, avec le risque de s'y tromper.

Mais une comparaison avec la Tchétchénie montre que l'islamophobie n'est pas au centre. Le niveau d'empathie pour les Tchétchènes pendant la première et même la deuxième guerres de Tchétchénie était bien plus élevé, en raison probablement de la proximité géographique, culturelle et historique de la Tchétchénie (et les victimes, les attentats, l'engagement de masse de toutes les parties de la Russie dans les opérations militaires, et la guerre physiquement proche).

Je n'ai pas de bonnes informations sur le sentiment des musulmans russes sur la question, mais ce que je sais me dit que leurs positions sont définies par leur relation aux autorités russes. Les partisans du régime tendent à en soutenir le positionnement, Syrie y compris, tandis que les opposants sympathiseront davantage avec l'EI. Mais autant que je sache, rien n'a été entrepris en solidarité avec les civils syriens, contre Assad ou le rôle de la Russie dans la guerre, par les musulmans russes.

SyriaUntold: En Europe, se ranger du côté du régime syrien est devenu une tendance répandue dans de larges segments de la gauche traditionnelle (sous couvert d’ “anti-impérialisme”) et de l'extrême-droite (pour des motifs islamophobes et dans l'espoir de freiner l'afflux de réfugiés par des dictatures “laïques” stables). Un nombre croissant de décisionnaires réhabilitent aussi le régime Assad au prétexte qu'à leurs yeux, il est le moindre de deux maux (l'autre étant le djihadisme sunnite) et que collaborer avec lui aidera à restabiliser la sécurité mondiale. Y a-t-il des similitudes avec le paysage politique russe, et si non, en quoi ce dernier diffère-t-il de l'européen concernant la Syrie ?

Davidis: Les autorités russes, et les “experts” et médias de leur bord, utilisent ce genre d'éléments de langage. Mais en l'absence de vie politique et de débat public au sens occidental, ces arguments restent des instruments pour construire le soutien aux actions du pouvoir, plutôt qu'un sujet de débat politique et civique substantiel.

Le soutien au régime Assad et l'intervention militaire en Syrie reposent sur la position publique du pouvoir russe, qui est passivement partagée par une portion significative de la société russe. On peut définir cette position comme suit :

– Ce soutien est le moyen le plus naturel et efficace de combattre l'EI et les groupes terroristes comme lui, et une opportunité de les stopper loin des frontières de la Russie ;

– Le régime Assad, qui est légalement et démocratiquement élu et exerce la souveraineté de la Syrie, la défend contre l'agression extérieure, le terrorisme international et les révolutions de couleur hors du pays, est juridiquement et moralement justifié ;

– La participation à l'opération militaire en Syrie, le soutien et l'entretien d'un régime ami au Moyen-Orient, permettent à la Russie de contrer son ennemi géopolitique : l'Occident, et plus particulièrement, les Etats-Unis, tout en montrant la puissance et l'importance de la Russie, en testant de nouveaux matériels militaires, et en offrant une expérience de terrain à l'armée russe.